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Le conflit de 2012 et la détonation malienne. Les ressorts de la crise.

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par Myriam ARFAOUI
Université Lyon 3 Jean Moulin - Master 2 Sciences Politiques : Relations Internationales et Diplomatie. 2015
  

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2. L'affiliation top-down de la conflictualité : d'Al-Qaïda à AQMI, une stratégie de l'ubiquité.

Al-Qaïda s'est transformée en label fédératif qui aspire et modifie la géopolitique des conflits qu'il enveloppe. Cette organisation, nébuleuse, ou réseau, évoluant dans, avec, et contre le monde, se fonde sur une nouvelle forme d'islamisme : « contrairement aux mouvements de l'islamisme politique classique à ancrage national, ces Afghans sans attache sociale, élaborent une variante transnationale de l'idéologie néo fondamentaliste axée sur la violence armée, couplée à un rigorisme religieux »475. Elle revisite, après la Guerre Froide, la division géopolitique du monde émise par les califats musulmans : un dar al islam à défendre, et un dar el harb à attaquer.

La stratégie d'Al-Qaïda se base sur deux principaux éléments : la médiatisation indispensable à son évasion du réel et sa survie à long terme (A), et la territorialisation de l'action (B) .

« Al-Qaïda reconnait depuis longtemps qu'il doit attaquer l'ennemi sur plusieurs fronts à la fois et que sa stratégie médiatique est un aspect à la fois essentiel et complémentaire des opérations qu'il mène en vue d'atteindre ses objectifs stratégiques. « Les deux tiers du combat se passent dans les médias » (Ayman al-Zawahiri) »476.

475LAMCHICHI, Abderrahim, « Al-Qaïda », Confluence Méditerranée, op. cit., pp.41-56

476GENDRON, Angela, « La stratégie médiatique et de propagande d'al-Qaïda », CIEM, [En Ligne], 2007/2, p.3 URL : http://www.itac.gc.ca/pblctns/pdf/2007-2-fra.pdf

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A. La stratégie médiatique d'Al-Qaïda : Iconographie d'une religion aniconique.

Relayée par les médias, la propagande d'Al-Qaïda, son idéologie, s'inscrivent dans un contexte international et transnational qui lui assure une certaine forme de pérennité : pour l'anéantir il ne suffit plus seulement de détruire ses bases, de traquer ses dirigeants, mais surtout de tuer son nom, de l'effacer en tant que symbole. La médiatisation est « un complément crucial à la campagne opérationnelle d'Al-Qaïda »477, qui l'utilise à des fins de communication, d'existence, et de survie - le virtuel est une autre dimension de « la base ». Ainsi, la stratégie de fond d'Al-Qaïda semble être celle de l'ubiquité, qui répond à l'impératif d'attaquer l'ennemi « sur plusieurs fronts à la fois »478. Cette faculté lui permet d'être localement représentée par des groupes visibles et identifiables, acteurs de conflits classiques ; et d'être omniprésente et insaisissable dans le monde. Plus que de mettre l'accent sur le djihad global en lui-même, Al-Qaïda vente le rôle du djihad, et se fait à la fois message et messager ; ses « objectifs stratégiques à long terme [...] forment l'essentiel de sa propagande, laquelle met davantage l'accent sur sa vision des évènements internationaux et sur le rôle du jihad militant comme agent de changement que sur sa vision eschatologique de l'avenir »479.

La stratégie médiatique d'Al-Qaïda a deux objectifs, « faire le plus de tort physique et psychologique possible à l'ennemi [...] et acquérir de la notoriété auprès des musulmans pour gagner leur soutien »480. Dans cette perspective, l'importance de l'image est cruciale - « un des enjeux principaux des luttes politiques à l'échelle globale est la capacité d'imposer des principes de vision du monde »481.

Al-Qaïda puise ses référents identitaires dans la modernisation de la mythologie de l'islam. Elle adapte l'histoire de la religion à sa grammaire482, et élabore un panel de symboles utilisés à des fins de reconnaissance : par les groupes qui lui sont affiliés identifiés à un ensemble, et comme élément d'authentification auprès de « l'ennemi ». Dans le premier cas, l'iconographie affranchie des limites spatiales grâce à Internet, contribue à matérialiser l'Umma - elle permet de créer, indépendamment des frontières, une unité autour de référents

477GENDRON, Angela, « La stratégie médiatique et de propagande d'al-Qaïda », op. cit., p.2

478Ibid., p.3

479Ibid., p.2

480Ibid., p.3

481BOURDIEU, Pierre (cité dans), EL DIFRAOUI, Abdelasiem, Al-Qaïda par l'image, la prophétie du martyre,

op. cit., p.21

482Ibid.

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d'identification communs, propagés par des vidéos, des chants, des images, des textes, ou des déclamations des personnalités fortes. Et par la même, cette diffusion implante l'idéologie de cette iconographie aux quatre coins du monde.

Les mythes classiques de l'islam sont repris, réinterprétés, et servent à légitimer l'action d'Al-Qaïda : le recrutement se base sur l'adhésion aux principes et à l'idéologie du réseau - dès lors, plus qu'une campagne de propagande, c'est une campagne de légitimation que doit mener Al-Qaïda auprès des musulmans susceptibles de rejoindre ses rangs. Et, le facteur de légitimation proéminent est l'histoire non seulement de l'islam, mais également du prophète et des symboles qui l'entourent. Seules les images fortes susceptibles d'avoir un impact dans la modernité sont choisies - un premier tri est fait, avant d'alimenter la dimension symbolique des choix restants. Certains symboles sont repris tel quel, parce qu'ils suffisent en eux-mêmes à transmettre le message (le drapeau par exemple) ; certains autres sont complètement transformés et adaptés au contexte moderne (l'épée par exemple) ; enfin, quelques uns sont empruntés aux autres branches de l'islam, aux dissidences, et intégrés à la grammaire sunnite d'Al-Qaïda (le martyr par exemple).

Le drapeau est le symbole le plus significatif de la stratégie médiatique d'Al-Qaïda : il permet de se faire reconnaitre par l'ennemi, et de fondre l'Umma sous le même étendard ; « l'étendard désigne une enseigne de guerre : c'est à la fois le signe de commandement, celui de ralliement et l'emblème du chef lui-même »483. Trois couleurs reviennent dans le djihad global - elles sont également les trois couleurs de l'islam. Le vert, peu utilisé par Al-Qaïda, est la couleur de l'islam par excellence, et représente le paradis de Dieu. Le blanc et le noir ont trait non pas à une symbolique théologique à proprement parlé, mais à des références historiques aux premiers musulmans. Le blanc représente le commandement de l'armée musulmane et est le signe du premier Etat musulman ; « Les Taliban avaient fait de ce symbole le drapeau officiel de leur Etat au cours de sa brève existence car cette couleur renvoie à la création d'un Etat islamique »484. Le noir est la couleur du drapeau porté par le prophète lors d'une des plus importantes batailles de l'histoire des musulmans : la guerre contre les Koraïchites, la reprise de la Mecque, et la victoire contre les infidèles d'Arabie ; « L'étendard du Prophète Muhammad sur le champ de bataille lors de la confrontation avec les Quraych, et surtout l'étendard porté par Muhammad à son retour vainqueur de la Mecque »485.

483EL DIFRAOUI, Abdelasiem, Al-Qaïda par l'image, la prophétie du martyre, op. cit., p.78 484Ibid., p.79

485Ibid.

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L'épée est une image clef de l'islam - elle est la représentation de la guerre sainte et de la conquête des califats musulmans. Aujourd'hui, sur certains drapeaux, images, ou vidéos, les épées croisées au-dessus d'un Coran ouvert ont été remplacées par des kalachnikovs ; « La raison en est peut-être que tous ces mouvements [communiste, puisque la kalachnikov est le symbole de l'URSS] sont anti-américains et anti-impérialistes »486.

Le martyr fait originairement partie de l'imagerie chiite - Al-Qaïda sunnite, qui considère les chiites comme des takfirs, leur emprunte ce symbole fort. Le martyr devient le héros de l'islam, il combat la vie par la négation de la vie elle-même, donnant à ce nihilisme profond une puissante force de frappe : le martyr n'a pas peur de mourir. Son « sacrifice » pour avoir un sens doit être relayé par des vidéos : ainsi, cette vidéo redonne un sens à une action qui n'a pas de sens en soi ; « Un martyre doit être filmé pour créer un véritable martyre »487.

Le djihad global combine donc, l'absence de fin pacificatrice à l'absence de peur de mourir - il rompt définitivement avec le sens normal et moral du combat, et s'insère dans une dialectique de la transgression constante.

Al-Qaïda est une réalité transgressive : elle tente de faire le pont entre l'histoire classique et la modernité, alimentant de multiples paradoxes. L'un des plus significatifs a attrait à la médiatisation et l'imagerie : alors même que l'islam est une religion aniconique, Al-Qaïda qui vente la religion, fonde une grande partie de sa stratégie sur les images et symboles. Elle adapte, par des justifications théologiques, les lois de l'islam à ses perspectives. De la même manière que la vente de drogue est autorisée dans le but d'aider l'islam à se propager, les images et les symboles sont intégrés à la progression de l'islam. Or, une difficulté se dresse dans le cas présent : en tant que religion aniconique, l'islam n'a pas de représentation visuelle ou sonore d'elle-même. Dès lors, quand Al-Qaïda fait d'une image un symbole, en la répétant, en l'assimilant à une idée intégrée, elle ne se contente pas de moderniser une réalité préexistante pour l'adapter à la réalité, mais, elle crée une réalité pour laquelle il n'existe en fait, aucun précédent visuel.

« Dans ce contexte, réaliser des films de propagande représente bien la moindre des dérogations que l'on peut se permettre dans le cadre du jihad, même si elle est loin d'être mineure ou anodine. Contrairement à toute l'histoire de l'islam sunnite, Al-Qaida et ses affiliés ne produisent pas uniquement des films, ils sont également en train de fabriquer un langage visuel étranger au modèle non figuratif de l'islam sunnite classique. Il s'agit d'un langage qui crée ses propres symboles, son vocabulaire, sa

486EL DIFRAOUI, Abdelasiem, Al-Qaïda par l'image, la prophétie du martyre, op. cit., p.83 487Ibid., p.22

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grammaire et sa syntaxe. Ce langage visuel ne crée pas seulement une image spécifique du jihad et des jihadistes, il risque, plus encore, de transformer l'image et l'imagerie de l'islam dans son intégralité. »488

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984