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Le conflit de 2012 et la détonation malienne. Les ressorts de la crise.

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par Myriam ARFAOUI
Université Lyon 3 Jean Moulin - Master 2 Sciences Politiques : Relations Internationales et Diplomatie. 2015
  

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B. La stratégie territoriale d'Al-Qaïda : l'affiliation par contagion.

« Le succès apparent remporté par un petit groupe de moudjahidin (combattants islamistes) qui ont expulsé les forces armées soviétiques de l'Afghanistan »489, motive Al-Qaïda à élaborer sa tactique locale, qui consiste à repousser l'ennemi là où il se trouve. Pour ce faire, Al-Qaïda se greffe sur les conflits locaux, soit en les fédérant sous sa bannière, soit via l'appel aux combattants ; « Le recrutement à l'échelle planétaire a permis à Al-Qaïda d'être présente dans le monde entier, et la liste des pays dans lesquels des activités de l'organisation [...] ont été identifiées [...] illustre les multiples ramifications d'une nébuleuse transnationale » 490.

Al-Qaïda fonctionne comme un réseau en trois dimensions : une dimension territoriale, une dimension médiatique, une dimension symbolique. Ces trois catégories spatiales correspondent à trois représentations temporelles : à court terme, à moyen terme, et à long terme. Al-Qaïda agit sur ces trois plateaux en même temps - ils évoluent conjointement, mais le maillage qui les lie et les noeuds qui les structurent ne sont pas dépendants les uns des autres. Concernant la dimension territoriale par exemple, Al-Qaïda dispose de plusieurs représentants locaux (AQPA, AQMI, entre autre), chacun ayant suffisamment d'autonomie pour que sa disparition n'entraine pas l'effondrement de la structure entière491

Al-Qaïda a créé une imagerie dont les groupes locaux se prévalent pour accroître leur puissance symbolique, et contribuer parallèlement à son ancrage territorial. L'effet de contagion est favorisé par la stratégie médiatique : un évènement violent entraîne une vague d'actions violentes. Cette chute en domino donne de l'importance à l'action du groupe local, et à son enveloppe symbolique, Al-Qaïda - ils se construisent et se renforcent mutuellement.

488EL DIFRAOUI, Abdelasiem, Al-Qaïda par l'image, la prophétie du martyre, op. cit., p.67

489 GENDRON, Angela, « La stratégie médiatique et de propagande d'al-Qaïda », op. cit., p.5

490 COURMONT, Barthélémy, L'après Ben Laden, l'ennemi sans visage, Paris, François Bourrin Editeur, 2001, p.90

491THERON, Julien, « Funeste rivalité entre Al-Qaïda et l'Organisation de l'Etat islamique », Le Monde Diplomatique, [En Ligne], Février 2015

URL : http://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/THERON/52632

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Les groupes armés locaux intègrent le mouvement par accord idéologique, ou par choix stratégique. La bannière Al-Qaïda entraîne le focus sur une zone de conflit plutôt qu'une autre. Elle permet au groupe local qui s'en prévaut de gagner en poids stratégique, de modifier la polarité à son avantage, d'augmenter sa profondeur géographique, et de transformer la lecture du conflit. Les camps initiaux se généralisent : de dichotomie ethnique par exemple, le conflit passe à un paradigme « al-quaïdiste » de répartition, entre musulman type / infidèle et takfir. C'est à la fois une manière de dénaturer les enjeux réels en les assimilant à une velléité globale, mais également de « moraliser » la lutte, de diaboliser l'ennemi, et de légitimer par là même toute action à son encontre, puisqu'il s'agit désormais du Bien contre le Mal. Au-delà de ça, « ces réseaux transnationaux ne constituent pas en soi une nouvelle menace stratégique car ils s'articulent toujours sur des dimensions locales »492. Le spectre de la mouvance doit être dissipé pour comprendre les enjeux locaux réels qui existent indépendamment de lui.

Al-Qaïda est un produit de la mondialisation dont elle « s'est habilement servi [...] pour s'infiltrer dans le monde entier, diversifier ses sources de financement, et gagner en invisibilité » 493. Elle fonctionne sur le mode de la guérilla, « un recrutement en fonction des convictions politiques »494, et s'installe où l'information la porte. Alors que dans ses premières guerres, en Afghanistan et en Irak, son action était localisée et identifiable495, aujourd'hui elle se diffuse et créé des relais de combat rompant avec sa signification première « la base ». Al-Qaïda n'importe pas les combattants là où elle se trouve, elle s'exporte désormais là où ils se trouvent496.

« Si l'objectif ultime d'Al-Qaïda consistait à combattre cette présence étrangère, le réseau a apporté aussi son soutien logistique et financier à des groupes poursuivant d'autres buts. Il s'est associé à l'organisation égyptienne al-Jihad en 1998 pour entamer, avec d'autres groupes, « la lutte contre les juifs et les croisés », et frapper les intérêts des Etats-Unis partout dans le monde. Un autre groupe que l'organisation a soutenu est le Hezbollah, fer de lance de la résistance contre Israël lors de l'occupation du Liban Sud qui s'est achevée en mai 2000. Ben Laden a également apporté son

492ZAHAB, Mariam Abou, ROY, Olivier, Réseaux islamiques, la connexion afghano-pakistanaise, Paris,

Autrement, 2002, p.63

493COURMONT, Barthélémy, L'après Ben Laden, l'ennemi sans visage, op. cit., p.87

494Ibid., p.89

495Ibid.

496« Les réseaux internationalistes fonctionnent selon une double logique, locale et globale. La ressemblance des discours (l'appel au jihad et à l'oumma) ne doit pas occulter les logiques locales, essentiellement ethniques. », ZAHAB, Mariam Abou, ROY, Olivier, Réseaux islamiques, la connexion afghano-pakistanaise, op. cit., p.63

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soutien aux radicaux algériens. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) d'Hassan Hattab a été créé en 1998 avec l'aval de Ben Laden qui l'aurait financé et l'aurait aidé à installer des réseaux à l'étranger. Considéré comme le principal rival des GIA d'Antar Zouabri, il est hostile à la concorde civile lancée par le président algérien Abdelaziz Bouteflika. Le GSPC a maintes fois affirmé sa détermination « à poursuivre son combat pour l'instauration d'un Etat islamique en Algérie », et menacé de s'en prendre aux intérêts américains et européens en Algérie ou à l'étranger. Ces intérêts résident essentiellement dans les secteurs pétrolier et gazier, principales ressources d'exportation de l'Algérie. C'est pourquoi ces zones pétrolières sont classées depuis 1994 par les autorités algériennes « zones d'exclusion » surveillées par l'armée. »497

Al-Qaïda vise la déstabilisation des territoires498. Pour ce faire, elle découpe le monde en zones d'action avec un commandement attitré pour chacune d'entre elles. Cette manière de fonctionner n'est pas seulement une subdivision qui impliquerait une hiérarchie formelle - il ne s'agit pas uniquement d'avoir un relai local - au-delà, il s'agit d'exister localement. Dans sa logique, Al-Qaïda n'adoube pas seulement des dissidences régionales, elle existe territorialement dans une sorte de logique d'ubiquité, répondant au principe d'unicité de l'islam qu'elle prône, et à celui d'Umma qu'elle défend. L'ubiquité ne se fait pas seulement entre la dimension médiatique et la dimension territoriale - elle est dans la dimension territoriale elle-même : Al-Qaïda se veut partout et n'importe où. Le concept qui semble le mieux expliquer cette double logique locale et globale est celui de glocalisation499 ; « penser global, agir local »500.

« Ainsi, la « glocalisation » est probablement le concept qui explique le mieux la dynamique recherchée par Al-Qaïda au Maghreb Islamique, reflétant l'imbrication de deux logiques concurrentes, la « globalisation » d'une part et la « localisation » d'autre part qui se répercutent à tous les échelons de la société maghrébines : politique, social, économique, et culturel. »501

497LAMCHICHI, Abderrahim, « Al-Qaïda », Confluence Méditerranée, op. cit., pp.41-56

498THERON, Julien, « Funeste rivalité entre Al-Qaïda et l'Organisation de l'Etat islamique », op. cit.

499« La glocalisation (c'est-à-dire pour reprendre ce terme à l'économie, l'interconnexion du mondial et du local)

est à l'oeuvre dans la durée. », DAGUZAN, Jean-François, « D'Al-Qaïda à AQMI, de la menace globale aux

menaces locales », Diploweb, [En Ligne], décembre 2011

URL : http://www.diploweb.com/D-Al-Qaida-a-AQMI-de-la-menace.html

500« Glocalisation », Lexique du Commerce International, Paris, Ellipses, 2013

501DURAND, Gwendal, L'organisation d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique, Paris, L'Harmattan, 2011, p.12

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Les failles ouvertes par les conflits permettent à Al-Qaïda de s'implanter et de renforcer sa position spatiale sans trop de résistance502. Les branches locales se multiplient : Al-Qaïda en Irak, Al-Qaïda dans la Péninsule Arabique, Al Shabab en Somalie, et Al-Qaïda au Maghreb Islamique503. Les Algériens du GSPC en portant allégeance à Oussama Ben Laden, donnent une profondeur stratégique à leur action qui se transforme d'une perspective nationale, en dynamique transfrontalière, incluant le désert jusqu'à ses marges. AQMI profite d'un espace perturbé, et dans une sorte de logique en poupée russe : Al-Qaïda s'incère dans la faille algérienne du GSPC pour créer AQMI ; AQMI s'insère à son tour dans les failles sahélo-sahariennes pour proliférer. La logique de transgression d'Al-Qaïda se multiplie et s'approfondit ; « Al-Qaïda au Maghreb Islamique est devenu une excroissance du terrorisme post-11 septembre, terrorisme groupusculaire suicidaire qui doit être envisagé dans un cadre transfrontalier, multidimensionnel et médiatique. »504.

502« A partir des années 2003, on a donc assisté à une fragmentation du réseau qui cherche à consolider des positions locales. Les erreurs stratégiques américaines et les zones grises ouvertes par la faillite de certains Etats leur en donnent l'opportunité. », DAGUZAN, Jean-François, « D'Al-Qaïda à AQMI, de la menace globale aux menaces locales », op. cit.

503THERON, Julien, « Funeste rivalité entre Al-Qaïda et l'Organisation de l'Etat islamique », op. cit. 504DURAND, Gwendal, L'organisation d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique, op. cit., p.13

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld