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Le conflit de 2012 et la détonation malienne. Les ressorts de la crise.

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par Myriam ARFAOUI
Université Lyon 3 Jean Moulin - Master 2 Sciences Politiques : Relations Internationales et Diplomatie. 2015
  

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CONCLUSION PARTIELLE

Le conflit malien est la résultante d'une combinaison momentanée de plusieurs variables, à différentes échelles. L'instabilité politique de l'Etat malien est à l'origine de la rupture. Issu de la vague d'indépendances de 1960, il peine à imposer des valeurs communes qui transcenderaient les différentes revendications ethniques. Les Touareg s'inscrivent dans une dynamique sinusoïdale de la rébellion identitaire, avec des pics de violence marqués. Le régime libyen de Mouammar Kadhafi et sa chute ont contribué à réactiver ce conflit latent, en armant les groupes contestataires. Dès lors, la problématique Touareg semble être le fil d'Ariane d'une déstabilisation politique à long terme de l'Etat malien - que le faible développement économique, et l'instabilité politique exulte. La rencontre entre ces deux variables forme une impasse et un impact à l'interstice desquels viennent se loger les flux de conflictualité à la recherche d'une terre d'expression.

AQMI est une représentation locale d'Al-Qaïda - la glocalisation n'est pas absolue, les résistances particulières se maintiennent, et s'il y a similarité, les deux groupes ne semblent pas répondre d'une identité commune. Les enjeux territoriaux et économiques de fond créent des dissidences qui, tout en poursuivant leur projet, criminel notamment, restent attachés à cette bannière par nécessité. L'enveloppe « al-qaïdiste » du conflit malien doit être disséquée et transcendée ; en fond de lecture, les enjeux de pouvoir sur les territoires ne semblent pas dépassés par une lutte effrénée au salafisme et à l'anti-occidentalisme, et c'est encore dans leur appréciation qu'il est possible de comprendre les dynamiques actuelles de la conflictualité. Si AQMI ne réussit pas à fédérer et institutionnaliser la galaxie rebelle sahélo-saharienne, elle sert néanmoins de point de jonction opérationnel en rendant possible la concentration de la conflictualité en un même lieu.

Le conflit malien est une sorte d'archétype du conflit moderne multiple : l'hologramme du djihad global n'a pas confondu les velléités classiques poursuivies : conflit identitaire pour l'indépendance d'un territoire ; insurrection armée au sein de l'Etat ; course au contrôle des routes du trafic et de la criminalité transsaharienne. En ce sens, il reste un objet d'étude de la géopolitique - à savoir, l'étude des enjeux de pouvoir sur les territoires.

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CONCLUSION GENERALE

Le Mali est un territoire vaste et enclavé ; au coeur du Sahel-Sahara, il « occupe une situation de carrefour qui fit autrefois sa fortune »608. Aujourd'hui, alors que la majorité des échanges se font par les eaux, le Mali reste coincé au bord d'une « mer de sable » qui nécessite la mise en place d'infrastructures onéreuses pour le sortir de son handicap609. Il peine alors à assurer un développement et une intégration homogène sur l'ensemble de son territoire, catalysant la mutation de l'espace en zone de transit de la criminalité internationale. La mobilité du Sahel-Sahara est actualisée - les trafics profitent de frontières poreuses pour proliférer. Les savoirs nomades sont intégrés à cet antimonde parallèle qui offre aux individus une alternative d'ascension sociale et d'enrichissement personnel. L'instabilité politique est le fait d'une latence crisogène induite par l'adaptation manquée des institutions politiques modernes aux identités fortes en présence. Pluriethnique et communautariste, la population modifie le principe démocratique en faisant prévaloir sur l'allégeance citoyenne des allégeances historiques sub étatiques qui continuent d'exprimer et d'alimenter les tensions ethniques. Chacun des clans, tribus, ou ethnies, possède ses codes, ses chefs, son histoire, son territoire, ses ancêtres et sa mémoire. Ces structures sociales ne se sont pas complètement fondues dans l'Etat, ni confondues dans la mondialisation. Leur portée symbolique est encore effective, s'exprimant dans, avec, par, et parfois contre, les institutions politiques. Le territoire est riche du souvenir des Empires sahélo-sahariens qui s'y sont croisés. Le poids historique de cette mémoire est une variable fondamentale de la conflictualité moderne.

La rencontre entre les deux mondes arabo-berbère et « noir » africain, constitue non pas une fracture civilisationnelle, mais une opposition entre deux histoires, deux identités affirmées. Ainsi, les Touareg ne veulent pas être intégrés à un Etat dominé par des peuples qu'ils tenaient en infériorité. De la même manière, les populations soudaniennes rejettent la domination d'anciens esclavagistes. Dans les paradigmes modernes, le Touareg abandonne une part de sa représentation nomade de l'espace pour répondre à la modernité avec ses propres codes : la revendication territoriale. La chute du régime libyen offre à ces mouvements autonomistes et irrédentistes une nouvelle opportunité de soulèvement. Or, d'une part, la diversité des groupes politico-militaire touareg empêche une lecture simplifiée de leur projet : « Les revendications de ces derniers oscillent entre l'indépendance et une

608GOURDIN, Patrice, « Géopolitique du Mali : un Etat failli ? », op. cit.

609ZAJEC, Olivier, Introduction à la Géopolitique, Histoire, Outils, Méthodes, op. cit., p.63

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autonomie substantielle. Encore faudrait-il que les Kel Tamasheq soient eux-mêmes capables de s'unir autour d'un projet à la fois commun et raisonnable »610. D'autre part, l'hologramme djihadiste est venu en l'espèce perturber la lisibilité du conflit initial, modifiant sa perception, et l'intégrant à un cadre confus de définition : « Au Mali, l'inusable refrain de la guerre au terrorisme »611.

Le conflit de l'Azawad est un conflit complexe, en ce sens qu'il concentre une diversité de facteurs antagonistes : une concurrence spatiale, notamment pour l'établissement d'un Etat touareg ; une concurrence temporelle, entre des identités historiques et l'Etat moderne qui peine à les transcender. Ces variables se manifestent contextuellement, par la mise à disposition de facilités d'expression : la chute du régime libyen, et la rupture politique de l'Etat malien, en l'espèce. En ce sens, l'affirmation selon laquelle le conflit de l'Azawad serait un conflit mobile, peut être confirmée. Historiquement, aux croisements des routes sahariennes se constituent des oasis, des points d'ancrage, des zones de repères. Ces routes, sont aujourd'hui réinvesties par la criminalité ; au croisement de leurs sillages, s'établissent des concentrations de trafics, des points de ravitaillement, des espaces stratégiques pour le banditisme. De la même manière, la conflictualité sahélo-saharienne est diffuse : elle est un flux, une atmosphère. Aux croisements de ses dynamiques, elle se matérialise en un conflit immédiat qui concentre toutes ses variables en un même lieu, toutes ses variables. Dès lors, il serait possible d'exprimer l'hypothèse, dans une analyse plus large, selon laquelle les conflits sahélo-sahariens sont des conflits mobiles : un cas similaire à celui de l'Azawad aurait-il pu être observé au Niger par exemple ?

Le MNLA est évincé de l'Azawad par les groupes armés salafistes à la fin du mois de juin 2012. La résolution 2056 du 5 juin 2012 fait cas d'une « situation au Mali [qui] menace la paix et la sécurité internationale »612 - le Conseil de sécurité de l'ONU envisage la mise en place d'une réponse coercitive dans le cadre du chapitre VII de la Charte613. La CEDEAO, avec l'aval de l'ONU, monte une Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), qui tarde à se déployer614. Les groupes djihadistes poursuivent leurs avancées vers le sud du pays,

610GOURDIN, Patrice, « Géopolitique du Mali : un Etat failli ? », op. cit.

611ZAJEC, Olivier, « Au Mali, l'inusable refrain de la guerre au terrorisme », Le Monde Diplomatique, [En

Ligne], Février 2013

URL : http://www.monde-diplomatique.fr/2013/02/ZAJEC/48725

612GOURDIN, Patrice, « L'UE et le conflit malien », Diploweb, [En Ligne], juin 2013

URL : http://www.diploweb.com/L-UE-et-le-conflit-malien.html 613Ibid.

614GOURDIN, Patrice, « L'UE et le conflit malien », op. cit.

poussant le président malien par intérim à demander l'aide de la France615 : le 11 janvier 2013 l'opération Serval est lancée.

La profusion de groupes islamistes radicaux dans l'Azawad a augmenté l'inquiétude sécuritaire régionale, et motivé l'intervention française. « Toutes les autres solutions avaient échoué : l'Union européenne refusait de s'engager directement, l'ONU n'était pas prête à envoyer des troupes au Mali, et les dirigeants africains, pris dans leurs palabres, tardaient à envoyer des troupes »616. Ainsi, « le Vendredi 11 janvier 2013, cinq heures après la réunion du Conseil de défense, il [François Hollande] donne l'ordre aux forces spéciales d'entrer en action et de reprendre la ville de Konna, située à 65 kilomètres de Bamako »617. L'opération Serval est une offensive éclair ; « Suite à l'expérience de la guerre asymétrique d'Afghanistan, l'état-major comprend qu'il ne faut pas s'enterrer ou se fortifier dans des bases opérationnelles mais s'adapter au rythme de la guérilla djihadiste »618. Elle se solde par un succès, et se transforme en janvier 2014, en mission de contre-terrorisme619.

Cette intervention immédiate répond à des impératifs fulgurants. Néanmoins, sur le long terme, la sécurité de la région doit être envisagée à différentes échelles, en plusieurs modes d'action. Le conflit qui éclate en 2012 dans la région de l'Azawad est la combinaison instantanée de différentes variables, qui nécessitent somme toute, d'être mesurées et appréhendées en profondeur. Le conflit est mobile, en ce sens qu'il explose dans les lieux de rencontre entre des groupes armés non étatiques contestataires, et la rupture momentanée de la stabilité politique de l'Etat. Ainsi, les solutions de long terme semblent au moins aussi importantes que l'intervention instantanée. Elles permettent de gérer, non seulement une situation sécuritaire pressante, mais surtout un climat d'insécurité omniprésent.

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615GOURDIN, Patrice, « L'UE et le conflit malien », op. cit.

616MATHIAS, Gregor, Les guerres africaines de François Hollande, op. cit., p.33

617Ibid., p.34

618Ibid., p.72

619Ibid., p.80

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