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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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2. La contestation des internes de la tutelle pénitentiaire, effet de la politisation des étudiants de médecine après Mai 68

S. Troisier, Médecin-inspecteur de l'A.P : « Il faut bien vous dire que nous avons fait à l'Administration pénitentiaire des progrès considérables. Il y a maintenant dans les services, que ce soit à Fleury-Mérogis ou dans les hôpitaux de Fresnes ou des Baumettes, des services de pointe. Il y a maintenant que ce soit pour la drogue ou que ce soit dans les services médico-psychologiques, dans les prisons, des façons de soigner admirablement nos détenus. Je tiens à défendre mes médecins !»

J. Chancel : « Il y en a certains qui accusent aussi de vos médecins... »

S. Troisier : « Oui... mais... ce ne sont pas mes médecins qui accusent. C'est à dire que ce sont de jeunes internes, parfois, qui parlent à tort et à travers de choses qu'ils ne connaissent pas... »390(*).

Faute de personnel médical temps-plein, l'Administration pénitentiaire favorise le recrutement d' « internes », notamment dans les plus grandes Maisons d'arrêt391(*). Faiblement rémunérés392(*), ces internes, dont l'expérience n'est pas reconnue pas le système hospitalier, ont d'importantes responsabilités. Si cette situation ne diffère pas de leurs confrères hospitaliers, elle implique cependant une charge de travail considérable eu égard aux spécificités du milieu pénitentiaire, notamment à l'occasion des gardes de nuit au cours desquelles les agressions, les ingestions de corps étrangers ou les suicides sont nombreux. Bien que légèrement plus tardive, l'expérience de cet interne qui exerçait à Fleury-Mérogis témoigne de la tension psychologique qui régnait alors durant les nuits de garde :

« C'était assez angoissant d'être réveillé en pleine nuit. La grosse angoisse au début, c'est quand même... En journée vous avez les infirmières, et Fleury-Mérogis c'est quand même une prison assez moderne et structurée. Vous n'êtes pas seul quoi ! Et quand, j'allais dire la nuit tombe, à dix huit heures, et que vous avez la responsabilité quand même de l'ensemble des 4.500 personnes [...] C'était quand même une grosse responsabilité, d'autant plus que quand ça allait mal... Ben il faut faire vite et vous avez une grosse responsabilité [...] Les pendus, c'était pas marrant marrant. Moi, ça m'angoissait à l'idée de me dire on va m'appeler à une heure ou deux pour aller voir un gars pendu »393(*).

Les internes exerçant en milieu carcéral sont ainsi confrontés à des responsabilités disproportionnées au regard de leur faible reconnaissance. Une fois de plus, le paradigme utilitariste ne suffit pas à rendre compte de la forte mobilisation des internes. Les perspectives de carrière sont en effet trop incertaines pour qu'ils aient une motivation suffisante à l'action. La défection semble dans cette configuration le comportement le plus probable. C'est pourquoi, on ne peut comprendre la mobilisation des internes sans faire référence à leur culture professionnelle, fortement imprégnée des récentes révoltes étudiantes. Par la remise en cause des hiérarchies hospitalo-universitaires, Mai 68 a été à l'origine de nombreuses transformations au sein du secteur médical français, particulièrement visibles chez les jeunes praticiens394(*). Les événements de Mai ont exercé une influence sur la trajectoire des médecins ayant exercé en prison de deux façons. Ils semblent, tout d'abord, avoir accéléré l'engagement d'individus qui y ont pris directement part, tel Antoine Lazarus, et ils ont, en second lieu, constitué une référence importante pour des médecins plus jeunes ayant réalisé leurs études dans un nouveau contexte.

Antoine Lazarus correspond à l'idéal-type de l'étudiant-activiste pour qui Mai 68 a été un moment charnière de sa carrière médicale. Dès le début de ses études de médecine en 1960, alors qu'il a 18 ans, il participe au comité de rédaction de l'AGEMP encore tenue par les « minos ». Son premier article où il explique « qu'à salaire égal, les enfants d'instituteurs et d'enfants d'ouvriers n'avaient pas la même probabilité de faire des études » déplait au comité de rédaction : « Mais moi je n'étais pas dans la ligne ! Donc j'ai démissionné ! »395(*). Il ne se situe pas sur une ligne politique bien définie. Il approuve ainsi en 1958 la nouvelle constitution gaulliste « avec un système qui fonctionne mieux et qui soit plus dirigiste, ce qui ne me déplaisait absolument pas ». Bien que sans appartenance politique ou syndicale, il est immédiatement enthousiaste au vu des grandes manifestations qui ont lieu en Mai sous ses fenêtres dans le quartier Montparnasse : « Moi, je fais passer cela en priorité par rapport aux examens. J'avais escaladé la statue de Balzac et je regardais la foule passer. C'étaient des grandes manifs sans banderoles. La police charge à Saint Germain. Il commence à y avoir des grands mouvements de panique ». A la Faculté de médecine, « la plupart des étudiants étaient en préparation de leurs examens et donc ils étaient sans radio, sans télé... Ils n'étaient au courant de rien ! ». Antoine Lazarus est de ceux qui font voter la grève dès le 14 mai. Il est alors élu délégué afin de représenter son année au sein du C.A où il s'initie rapidement aux règles régissant les assemblées générales :

« A cette époque, je n'étais membre d'aucun syndicat. J'ai été élu délégué de l'année pour représenter mon année au comité d'action médecine [...] Je suis resté des heures et des heures à écouter sans rien dire. Je savais pas ce que c'était... Et puis à force d'écouter, j'ai commencé à proposer des choses et à la fin, la séance a duré vingt heures je crois, je me suis trouvé à organiser tout le dispositif [...] C'était un immense dispositif car au bout de quelques jours le comité d'action médecine dirigeait trente mille personne. C'était une immense ruche très bien organisée et extrêmement efficace »

Antoine Lazarus voit alors dans ces événements « un moment exceptionnel » afin de « réformer médecine » : « On pensait que les patrons hospitaliers faisaient mal leur boulot [...] Et puis il y avait un système de pouvoir complètement passéiste, très centralisé autour de la faculté de médecine. Donc il s'agissait de casser tout cela [...] Il s'agissait de mettre en place le plus rapidement possible des choses irréversibles ». A travers de multiples contacts avec le cabinet d'Edgar Faure, il fait partie de ceux qui participent à la réforme des études médicales396(*). Même s'il se distingue de ceux qui y ont « fait une carrière politique », les événements de Mai ont largement influé sur la trajectoire du Dr Lazarus. Ayant accédé soudainement à une certaine notoriété au sein du secteur ou de la presse médicales, il devient moniteur à la Faculté et exerce à Necker : « Les leaders étudiants après 68 ont été très en vedette. C'est comme ça qu'on m'a proposé trois matières différentes ». Il poursuit parallèlement un engament atypique en participant à la création en 1970, aux côtés de Jean-Edern Hallier, du journal pamphlétaire l'Idiot international par le biais duquel il fait connaissance avec Michel Foucault. Il est également, au cours d'une altercation fortuite, confronté pour la première fois de façon directe à la violence policière et se trouve inculpé pour troubles sur la voie publique avant d'être finalement relaxé : « C'est une histoire où j'ai quand même eu ma gueule en première page de L'Aurore avec : "Un médecin essaye d'assassiner un agent de la force publique" ».

Ce premier contact avec la Justice n'est peut-être pas sans lien avec la demande qu'il effectue en 1971 afin de travailler en tant qu'interne à la M.A de Fleury-Mérogis près de laquelle il habite. Cherchant à se spécialiser en psychiatrie et ayant une bonne expérience en réanimation, il est directement confronté au mal-être des détenus : « Jamais on avait vu autant de tentatives de suicides, de bras coupés [...] Moi, j'avais à affaire à des gens qui étaient intubés pour lesquels si je ne prenais pas une décision dans la nuit, ils allaient mourir. J'ai passé des heures à recoudre ». Dès les premières grandes révoltes de détenus, fin 1971, il s'interroge sur l'attitude à adopter face à des pratiques qu'il réprouve : faut-il démissionner ou est-il préférable de demeurer au sein de l'Administration pénitentiaire pour mieux la critiquer ?397(*) C'est cette seconde possibilité qu'il choisit:

« Si certains pensent qu'il ne faut pas faire d'entrisme dans l'institution pénitentiaire, nous, nous avons choisi d'être dedans. Nous y sommes sans cautionner pour autant, ce qui, dans l'institution, est contraire à la loi [...] Si la hiérarchie étouffe l'information et laisse la situation se pérenniser, l'obligation de discrétion tombe »398(*).

C'est à partir de cette position éthique qu'Antoine Lazarus participe au GIP à l'occasion de la rédaction de la brochure portant sur Fleury-Mérogis. Il fonde en 1973 le Groupe multiprofessionnel des prisons (GMP) afin de rompre l'isolement et le silence imposé par la hiérarchie pénitentiaire399(*). L'« affaire Mirval » atteste de la conception militante qu'Antoine Lazarus a de son travail400(*). Le milieu carcéral n'est pour lui qu'un champ de bataille se situant dans la continuité de la mobilisation de Mai :

« Les analyses politiques qui nous avaient permis d'agir sur le monde étudiant ou sur le contexte politique étaient encore des outils disponibles pour analyser la prison, qui était une sorte de caricature, de concentré du monde extérieur mais plus facile à saisir et à faire bouger par la contestation »401(*).

Les événements de Mai 68 ont exercé, on en fait l'hypothèse, une certaine influence dans l'attitude des internes pénitentiaires, que ce soit de façon directement biographique comme pour Antoine Lazarus ou de manière indirecte sous la forme d'un repère ou d'un symbole402(*). On peut effectivement observer que certains étudiants en médecine exerçant en milieu carcéral sont davantage enclins à exprimer leur mécontentement, d'abord sous la forme de protestations individuelles puis, dans un deuxième temps, de façon collective. Ainsi, à l'occasion des révoltes de détenus, un ancien interne prend pour la première fois la parole au sein de l'espace public. Charles Dayant, ayant travaillé quatorze mois à la M.A de La Santé adresse, suite à la suppression des colis de Noël en novembre 1971403(*), une lettre au garde des Sceaux pour lui demander de revenir sur sa décision :

« Les arguments humanitaires ne manqueraient pas, mais c'est un langage d'ancien médecin à La Santé que nous tiendrons. Il y a à La Santé deux tentatives de suicide par nuit, en moyenne [...] Morts terribles, qui n'auraient d'ailleurs pas lieu si votre administration avait ouvert à temps le dossier des psychiatres [...] Nous réservons notre pronostic, mais on peut craindre que, en cette nuit de Noël 1971, le nombre des tentatives de suicides n'augmente [...] Combien de prisonniers, à l'heure du champagne, avaleront des couteaux ou des clous, combien se perforeront les poumons avec des fils de fer, se perceront la tempe ou se tailleront les poignets ? Toutes ces pratiques, nous les avons vus à La Santé, tous les jours, et bien davantage à Noël » 404(*).

Plusieurs éléments d'une première prise de parole effectuée par un médecin au nom de sa profession figurent dans cette lettre. L'auteur ne s'exprime pas en tant qu'humaniste, comme l'ont fait au même moment certaines personnalités politiques ou littéraires, mais en tant que professionnel de santé. La mise en évidence des conséquences pouvant découler de l'interdiction (« pronostic »), l'utilisation de la première personne du pluriel traduisent ainsi l'appartenance de l'auteur au corps médical. Mais surtout cette prise de parole s'appuie, outre des convictions personnelles, sur un vécu professionnel qui donne à voir le quotidien d'une prison (« Toutes ces pratiques, nous les avons vus à La Santé »). Il s'agit bien en ce sens d'un témoignage, certes personnel mais effectué au nom de l'éthique médicale.

A plusieurs reprises, le Dr Dayant condamne dans la presse les carences de la médecine pénitentiaire ainsi que sa subordination hiérarchique au ministère de la Justice. Cette sollicitation médiatique s'explique par l'ouvrage qu'il vient alors de publier et dans lequel il relate son expérience à La Santé405(*). Peu de temps auparavant, un autre interne pénitentiaire publiait un livre relatant également le quotidien d'un praticien en prison406(*). Plus sensationnaliste, Le Petit Paradis, en référence à l'Hôpital de Fresnes où exerçait Marcel Diennet, connaît une plus grande diffusion notamment par le biais de la publication de ses « meilleures pages », particulièrement sur l'usage de la contention, dans L'Express407(*). « Marcel Diennet, vos révélations font un bruit certain. Elles résonnent dans les antichambres des ministères. Vous avez frappé fort. Vous avez frappé très fort », remarque Jacques Chancel dans une émission radio consacrée à ce livre408(*).

Au-delà de leurs différences de style, ces deux ouvrages ont pour point commun de dénoncer la logique de l'institution pénitentiaire. Les retards liés aux fouilles et aux procédures réglementaires sont présentés comme autant d'« absurdités » face à l'urgence médicale. Les deux internes dénoncent également le rôle non-médical qu'ils sont contraints d'assumer en raison des pouvoirs qui leur sont attribués, notamment par le biais des certificats médicaux. Charles Dayant reproche ainsi à l'Administration d'avoir conféré au praticien la capacité de permettre aux détenus de pouvoir s'allonger dans leur cellule par le biais des « bons de repos »409(*) : « Combien viennent pour me demander ces précieux bons de repos qui donnent le droit d'être allongé en dehors des heures réglementaires, et de rompre ainsi les interminables journées assis, à n'attendre rien que la soupe, que l'heure du parloir, étriqués dans leur vie végétative »410(*). Le meilleur symbole du rôle « pacificateur » attribué au médecin selon ces deux internes serait la pratique de la contention qu'ils déclarent refuser de prescrire :

« Moyen médical, la contention se trouvait naturellement dévoyée par le désir du personnel d'en faire un instrument punitif, ou dissuasif, en l'évoquant comme une menace à n'importe quel rouspéteur poussé à bout ». (« J'étais médecin à La Santé », p.67)

« Comment ! Je ferme des cellules pleines d'hommes, j'attache des gens ! Mais je suis pire qu'un geôlier qui, lui, au moins, a l'excuse d'obéir à des ordres. C'est ça, être médecin à Fresnes ? » (« Le Petit Paradis », p.28)

Les auteurs portent également un regard critique sur la collusion entre certains professionnels de santé et l'Administration pénitentiaire. Marcel Diennet évoque ainsi une infirmière fière de recenser sur un cahier toutes les économies qu'elle réalise en diminuant par deux les prescriptions médicales, au motif que l'« Administration est pauvre » (p.202). Charles Dayant souligne la caution apportée par le médecin-chef au fonctionnement médical de M.A de La Santé dont il ignore presque tout : « Le docteur Julin passait chaque jour une dizaine de minutes à la prison. C'est dire que son rôle était symbolique et que, nécessairement, il ignorait beaucoup de choses de ce service médical qu'il coiffait de son autorité » (p.178). Enfin, les deux ouvrages soulignent longuement les nombreuses carences de la prise en charge sanitaire des détenus (soins dentaires quasi-inexistants, faible présence médicale, pharmacopée et matériel d'auscultation limités). Au cours d'une émission sur France-Culture, le Dr Diennet affirme qu'« aucun hôpital public ou privé ne serait autorisé à fonctionner dans les conditions de celui de Fresnes » 411(*).

Même s'il est bien sûr impossible de déterminer l'impact précis de ces ouvrages ou de ces déclarations auprès des militants de la cause carcérale412(*), auprès des médecins intervenant en prison413(*) ou plus largement au sein du débat public414(*), il est probable qu'ils aient participé à une prise en compte de la qualité des soins en prison. L'avocat Jean-Marc Varaut, proche de Valéry Giscard d'Estaing, écrit d'ailleurs à la même époque que « le droit à la santé subirait dans les prisons selon deux ouvrages récents Le Petit Paradis du docteur Diennet, et J'étais médecin à La Santé du docteur Charles Dayant de sévères restrictions »415(*).

Mais au-delà de leurs effets, la publication de ces deux témoignages traduit surtout un refus croissant de la part du personnel sanitaire de « cautionner » la médecine pénitentiaire et plus largement l'institution carcérale. Le Petit Paradis et J'étais médecin à La Santé décrivent la révolte de deux internes face à l'univers pénitentiaire. Exposant tout le long du livre sa colère, voire sa révolte, Marcel Diennet développe ainsi progressivement une aversion pour la prison qui l'amène à regretter qu'un détenu ait échoué dans sa tentative d'évasion avant de défendre en conclusion un point de vue abolitionniste : « Ce n'est pas d'une réforme qui rafistolerait ce qui existe déjà, dont nous avons besoin. Il faudrait remettre en question LA DETENTION, afin d'aboutir à la suppression des prisons de 1971 » (p.305). Bien sûr cette remise en cause n'est le fait que d'une minorité de praticiens. En atteste le démenti apporté par les « médecins, chirurgiens et infirmières de l'hôpital central des prisons de Fresnes », parmi lesquels Georges Fully, lors de la parution du Petit Paradis décrit comme un « récit tendancieux et inexact mettant en cause leur fonction et leur conscience professionnelle »416(*).

Bien qu'on ne dispose presque d'aucun élément biographique sur eux, il est possible que la prise de parole de ces deux internes soit liée en partie à une politisation des étudiants de médecine apparue durant les « années 68 ». On en tient pour preuve les spécificités de leur trajectoire. Avant son expérience en prison, Charles Dayant avait consacré son sujet de thèse à la mise en oeuvre de la loi Neuwirth sur la contraception qui était alors un sujet délicat417(*). Mais surtout, il publie deux ans après son premier ouvrage un Plaidoyer Pour Une Antimédecine418(*). Il y défend l'idée que la hausse de l'espérance de vie n'est pas tant le fait des progrès médicaux que de l'élévation du niveau de vie419(*). Il défend l'idée d'une médecine sociale, ayant une approche globale de la personne, à l'encontre d'une vision trop biomédicale. Marcel Diennet, pour sa part, exerça au Biafra en 1968 dans le cadre de la Croix Rouge, « une autre sorte de Biafra » observe-t-il. Après la soutenance de sa thèse consacrée aux plans de lutte contre la poliomyélite en pays intertropicaux, et pendant laquelle il exerce à Fresnes, il part à Saigon en 1971 tant que médecin coopérant où il crée une fondation-hôpital pour le traitement de la poliomyélite qu'il raconte dans un livre420(*).

En dehors de ces deux praticiens, la contestation de l'organisation des soins en prison par les professionnels de santé est au début des années soixante-dix le fait de jeunes internes exerçant dans les grands établissements d'Ile-de-France désireux de faire connaître leurs conditions de travail421(*). Ils à l'origine de plusieurs publications critiques dans des revues médicales. Un interne de La Santé décrit ainsi le déroulement de la consultation : « L'après midi a lieu la consultation de médecine générale ; 40 détenus environ de 16h à 18h. Il faut aller très vite : déshabillage, rhabillage, distribution de médicaments se font dans la même pièce »422(*). Derrière les multiples contraintes qui leur sont imposées, ces jeunes médecins dénoncent la tutelle exercée par l'autorité judiciaire. En attestent les propos de cet autre interne de La Santé :

« L'interrogatoire [...] réduit la pratique à celle d'un vétérinaire [...] L'examen proprement dit est réduit au minimum, car le temps manque [...] Alors on va plus vite, toujours plus vite. [...] Ce qui se dégage de toute cette pratique, c'est que la médecine n'est pas exercée par les médecins, mais dictée par l'administration pénitentiaire : comme le montre la description de cette consultation, chaque pas de la démarche médicale est limité, contrôlé, déterminé par l'administration pénitentiaire »423(*).

Sans pour autant toujours se désolidariser de leur autorité de tutelle, plusieurs internes regrettent le rôle qui leur est imparti en milieu carcéral. Un interne de Fleury-Mérogis remarque ainsi que « l'administration et le personnel de surveillance reportent sur eux de nombreuses responsabilités, les médecins étant bien souvent vécus par l'administration comme des "arrangeurs" »424(*). De façon similaire, un interne de la M.A de La Santé regrette la fonction d'alibi que remplit la présence médicale en milieu carcéral : « L'administration [...] se paie de quoi constituer une couverture d'humanitarisme aux yeux du public. Les médecins en prison ne peuvent garantir la santé des prisonniers, mais permettent à l'administration de maintenir le silence sur la question sanitaire »425(*). Ainsi, au-delà de leurs conditions de travail, la prise de parole (voice) des internes semble reposer sur un refus de l'institution carcérale, en tant que milieu « pathogène » jugé incompatible avec leur vocation soignante. En témoignent les propos de cet interne publiés dans Le Monde :

« Mieux je fais mon métier et plus mal je le fais. Si je fais en sorte qu'il y ait moins de dépressions nerveuses, si par des soins appropriés je limite le nombre de suicides, si je m'évertue à trouver des places en milieu hospitalier pour qu'y soient accueillis des détenus qui, chaque jour, (ou chaque nuit) font des perforations intestinales après avoir absorbé, qui un couteau, qui des morceaux de verre, j'assure la fonction de médecin qui est la mienne. Mais, ce faisant, mon action retarde le pourrissement, donc l'effondrement d'une institution qui, précisément, sécrète ce que je suis appelé à soigner »426(*).

A une protestation individuelle s'ajoute une contestation de nature collective. En novembre 1972, trois internes de La Santé démissionnent427(*). En février 1973, vingt-cinq internes de tous les établissements franciliens initient une grève pour protester contre leurs conditions de travail428(*). A chaque reprise, ces jeunes médecins incriminent le manque de considération dont ils souffrent dans leur pratique quotidienne : « Le médecin-chef n'a pas pensé à les déléguer à la Commission d'application des peines où il n'a pas le temps de se rendre ; les experts médecins ne les consultent jamais ; le courrier que leur adressent les détenus est ouvert : l'infirmière chef change parfois leurs prescriptions ; ils n'ont plus accès à la pharmacie centrale ; ils n'obtiennent jamais un achat matériel lorsqu'ils le demandent... » (Le Figaro). La « sous-médecine » que dénoncent de même les internes grévistes est également critiquée du point de vue de l'éthique : « On a essayé de nous faire croire qu'il existe une déontologie pour les prisonniers différente de la déontologie à l'égard des hommes libres. Cela nous ne pouvons pas l'accepter » (Le Monde). Les grévistes refusent ainsi que leur pratique médicale soit entravée par de « multiples règlements » de nature pénitentiaire. C'est enfin la question de la finalité de l'exercice médical en institution carcérale que soulèvent les protestataires. Relevant les limites de leur action, ils refusent que leur présence puisse servir de caution afin de légitimer le principe de l'incarcération (« Nous avons l'impression d'être là pour que les gens du dehors aient bonne conscience, pour qu'ils puissent se dire que les prisonniers sont bien soignés » relèvent les démissionnaires) voire même les abus de l'Administration. Les internes démissionnaires protestent ainsi contre le statut d'« auxiliaire de justice » qui fait d'eux les « complices » d'une institution répressive : « Nous sommes des portes-seringues, des laquais médicaux. On nous rend complice d'un système. On demande seulement au médecin de venir avec son arsenal de produits pharmaceutiques. Bien sûr, ce sont d'abord les tranquillisants de toutes sortes. Pas de vagues, il faut calmer les choses. Nous servons de parapluie à l'administration » (Le Figaro).

L'émergence d'un segment d'internes protestataires au début des années soixante-dix s'explique en partie par les contraintes structurelles qui pèsent alors au sein du ministère de la Justice. Toute contestation interne est quasi-impossible comme en attestent les congrès de médecine pénitentiaire (Cf. Encadré). Au-delà de cette absence d'opportunité de pouvoir contester l'institution en son sein, l'apparition de ce segment spécifique des internes pénitentiaires est à mettre en lien avec les transformations qui affectent le groupe professionnel des médecins pénitentiaires.

L'exercice médical en prison fut longtemps le seul fait de médecins libéraux plutôt âgés. Les internes apparaissent en milieu carcéral dans les années soixante à la demande de Georges Fully. Leur rôle est défini par un règlement le 17 juillet 1962. La difficulté à recruter des généralistes libéraux contribue progressivement à faire des internes la cheville ouvrière des principales prisons, notamment en Ile-de-France. Ce dispositif aurait même connu un succès croissant au sein des facultés, la demande étant supérieure au nombre de postes disponibles, du fait que le recrutement des internes pénitentiaires ne s'effectue pas, contrairement au milieu hospitalier, sur concours mais sur titres429(*). Affectés pour une durée de quatre ans, les internes sont chargés de substituer le plus souvent le médecin-chef rarement présent. Si la journée ils peuvent s'appuyer sur le personnel paramédical, ils doivent en revanche faire face la nuit à de nombreuses urgences sans pouvoir faire appel à un médecin de garde : « Dès 7 heures du soir et jusqu'à 7 heures du matin, l'interne est seul pour une population importante et le nombre des appels est considérable. On peut être dérangé 20 à 25 fois. Que faisons-nous ? Si un détenu est énervé, avec plus de temps nous lui parlerions et nous arriverions à le calmer, mais comme ce n'est pas le cas, nous lui donnons du Valium ou du Tranxène. Et nous piquons et nous cousons », déclare un interne dans le cadre du cours de médecine pénitentiaire430(*).

UNE PRISE DE PAROLE INTERNE DIFFICILE : L'EXEMPLE DU CONGRÈS DE MEDECINE PENITENTIAIRE DE STRASBOURG DE 1972

A mesure que les prisons deviennent un sujet d'actualité, les rencontres entre praticiens pénitentiaires sont l'objet d'une forte médiatisation qui amène l'Administration à effectuer un contrôle minutieux sur leur déroulement. Toute contestation interne apparaît de plus en plus difficile. En attestent les Quatrième journées de médecine pénitentiaire qui ont lieu à Strasbourg en décembre 1972. Par le biais de plusieurs dispositifs (présidence tenue par le Directeur de l'Administration pénitentiaire lui-même, huis-clos imposé par le ministère, non-présence d'un secrétariat de séance), le ministère de la Justice veille à ce que rien du congrès ne puisse filtrer vers l'extérieur : « Concertation, confrontation, oui. Mais à portes fermées, loin du public : on avait "oublié" d'apporter un magnétophone et aucune sténo n'avait été recrutée pour prendre en note les débats ! Les journalistes, confinés dans la salle de presse, en étaient réduits au système du micro clandestin. De cette façon, rien ne pouvait être rapporté sans qu'il soit possible d'en contester la véracité » (L'Express, 11-17/12/1972). En dépit de « la clandestinité dans laquelle le ministère de la Justice a tenté de confiner ces débats » (LF, 4/12/1972), certains praticiens tentent d'exprimer leur mécontentement comme en attestent les propos d'internes (« Nous ne voulons pas être des médecins-alibi ») ou encore le mot du Dr Petit, chirurgien-chef à l'Hôpital de Fresnes, reproduit dans plusieurs journaux : « Ce que nous faisons c'est adapter les prisonniers au système carcéral, au lieu de tenter de réadapter les délinquants à la société » (LM, 5/12/1972).

« A Strasbourg, les médecins ont tous fait tour à tour leur constat d'impuissance », note Le Figaro. Les problèmes les plus délicats sont cependant évités comme par exemple la distribution des médicaments par les surveillants qui, selon un interne, « fut très vite "escamoté" par les "éminentes personnalités" en place » (Libération, 6/02/1974). A la velléité des jeunes internes s'oppose la prudence des médecins les plus expérimentés. Un interne de La Santé, Christophe Dejours431(*), dénonçant l'obligation des médecins pénitentiaires à assister aux exécutions capitales s'est ainsi vu rappelé à l'ordre par l'un de ses « aînés » : « Le "Vous n'auriez pas du dire cela" d'un de ses confrères exprime bien la maladie du système pénitentiaire », observe un journaliste (L'Express, 11-17/12/1972). Un groupe d'internes, poussés par Georges Fully en sous-main, arrive néanmoins à faire adopter une motion réaffirmant, outre le manque de moyens, l'autorité du médecin pénitentiaire : « Les médecins présents déclarent que la personnalité et la santé d'un détenu ne sont pas seulement du ressort de l'Administration pénitentiaire mais de celui du corps médical et du ministère de La Santé et, en dernier recours, d'une responsabilité collective [...] Ils réaffirment leur indépendance professionnelle et leur choix délibéré d'assister leurs malades dans le respect de la déontologie médicale traditionnelle »432(*). Tandis que la volonté du ministère de la Justice d'imposer un huis-clos semble paradoxalement favoriser la médiatisation du congrès, l'Administration instaure dans les prochains congrès un contrôle plus discret rendant impossible l'émergence de toute contestation interne et d'autant plus probable la défection ou la prise de parole externe.

Les médecins titulaires étant également confrontés à de nombreuses contraintes, les conditions de travail des internes ne suffisent cependant pas à rendre compte de leur mobilisation. En dehors de la dimension générationnelle, trois autres raisons peuvent être invoquées. Contrairement aux médecins pénitentiaires, toujours isolés, les internes disposent tout d'abord de l'opportunité de confronter leurs expériences et d'établir des actions communes, le réfectoire semblant à cet égard disposer d'une importance stratégique433(*). La plupart de ces internes ont en outre, deuxième raison, exercé leurs fonctions alors même que la prison fut l'objet d'une importante contestation sociale, se sentant ainsi peut-être plus directement remis en cause. Les internes pénitentiaires sont, troisième raison, d'autant plus enclins à dénoncer les conditions d'exercice en milieu carcéral qu'ils souffrent d'un statut hybride et d'une faible perspective de carrière. Le manque de formation dont ils disposent, mais surtout l'absence de reconnaissance de leur expérience par les hôpitaux publics, rend difficile leur carrière, même à l'hôpital des prisons de Fresnes : « Les chefs de service étant vacataires, il n'y pratiquement pas d'enseignement (ni théorique, ni pratique). Un interne nommé sur concours ne viendra jamais dans un hôpital où il n'y a ni assistant chef de clinique, ni chef de service temps plein ou mi-temps, donc aucune formation à espérer »434(*). Les internes souffrent, enfin, d'une faible rémunération au regard de leur responsabilité435(*) ce que confirme la principale revendication défendue par les internes dans leur lettre de préavis de grève adressée au ministère de la Justice :

« Il y a une grande ambiguïté dans le statut qui nous régit, c'est ainsi qu'il y a une dissociation assez choquante entre le travail que nous fournissons et nos émoluments [...] C'est pourquoi nous demandons une revalorisation de notre fonction d'internes pénitentiaires, détachée de toute corrélation financière avec les grades d'internes des hôpitaux dépendant du Ministère de La Santé. Il nous semble qu'un traitement mensuel de 1 800,00 francs serait une base raisonnable de discussion, sachant qu'un surveillant stagiaire de vingt ans ou qu'une femme de ménage de l'Administration pénitentiaire débutent à 1 200,00 francs »436(*).

Le mouvement de contestation des internes peut ainsi être interprété comme l'apparition d'un segment protestataire interne à la profession de médecin pénitentiaire. Ils défendent une représentation distincte de l'exercice médical en institution carcérale davantage autonome de l'Administration. La création en janvier 1975 d'un syndicat d'internes de médecine des prisons, que le Syndicat des médecins de prison n'aurait pas voulu accueillir en son sein, confirme l'institutionnalisation de ce segment437(*). Ce syndicat défend trois objectifs : « la défense de la profession des internes des prisons », « l'amélioration des conditions de travail médical en milieu pénal » et « l'étude des problèmes généraux de la santé en prison et de la condition pénitentiaire ». Le Dr Gonin voit aujourd'hui dans la création de ce syndicat et la contestation de ces internes un renouvellement salutaire des praticiens, beaucoup ayant perdu leur attitude contestataire face à l'inertie qui caractérise l'Administration pénitentiaire :

« Certains [internes] étaient très virulents. Ce qui était intéressant c'est que ça renouvelait la sève des contestataires. On s'affadit forcément dans une lutte qu'on pense sans grands espoirs. Parce que le changement en prison a tellement été lent, qu'on ne l'a jamais bien vu. Alors que les internes qui découvraient l'univers carcéral, ça faisait un choc. La plupart du temps, ils ont été plutôt revendicateurs et nous trouvant insuffisamment protestataires » 438(*).

La mobilisation des internes semble bénéficier d'un certain succès puisque, d'une part, certains journalistes prennent acte de l'autonomisation croissante des internes à l'égard de l'Administration439(*) et puisque, d'autre part, une revalorisation de leur statut est adoptée : l'arrêté du 1er février 1974 aligne la rémunération des internes sur celle des centres hospitaliers régionaux minorée de 20%440(*), le nombre d'internes passant de vingt-six en 1973 à trente-quatre en 1976441(*). Mais cette apparente consécration des internes ne doit pas masquer les pressions qui s'exercent à leur encontre. Leur nomination qui était jusque-là sine die devient par exemple à partir de 1974 renouvelable chaque année. C'est pour échapper à tout contrôle qu'au-delà de leur revalorisation, les internes exerçant en prison revendiquent une nouvelle considération de leur pratique médicale. En atteste cette thèse de médecine : « Pourquoi l'interne doit-il rendre compte de mesures médicales au directeur de l'établissement alors que l'article 3 [du règlement du 17/07/1962] précise que la subordination de l'interne au directeur est administrative [...] Dans l'esprit du règlement, l'organisation du service médical et les décisions de tous ordres appartiennent à l'administration et les médecins sont là pour obéir... »442(*). Parce qu'elle se situe au croisement de revendications matérielles et d'un mouvement identitaire, la contestation des internes traduit l'émergence d'un segment davantage contestataire au sein des médecins pénitentiaires.

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Si elle résulte probablement en partie d'une prise de conscience individuelle consécutive au débat public engagé sur les conditions de détention, la dénonciation que font certains praticiens de leurs conditions de travail est également la conséquence de la mise en cause dont la médecine pénitentiaire fait l'objet dans la presse. L'ouverture d'une fenêtre médiatique permet aux professionnels désireux de s'exprimer de publier leur témoignage. Certains dénoncent publiquement des pratiques connues des professionnels depuis longtemps mais jugées pour la première fois « intolérables ». Les enjeux de pouvoir de ce qui était considéré jusqu'à présent comme un dispositif purement médical sont désormais saillants, conformément à l'ambition du GIP. Cette politisation de la médecine pénitentiaire est manifeste à travers l'exemple de l'usage de la ceinture de contention, dont le Médecin-inspecteur relevait déjà les risques en 1967 : « L'usage des moyens de contention destinés aux agités ne devait être employé que dans des cas exceptionnels et avec la plus grande circonspection [...] Une contention excessive ou trop longtemps maintenue peut aller jusqu'à entraîner la mort chez des sujets en état de grande excitation »443(*). Inconnue du grand public, la pratique de la contention n'est dénoncée par des médecins pénitentiaires qu'après le témoignage du Dr Rose, notamment avec les ouvrages de Charles Dayant et de Marcel Diennet.

Preuve du lien entre mouvement de remise en cause et prise de parole, cette dénonciation est le fait d'autres professionnels de la prison ou de la Justice. « Heureusement, beaucoup de gens sont aujourd'hui décidés à témoigner, malgré les sanctions qu'ils encourent : médecins, visiteuses, assistantes sociales, éducateurs, aumôniers, salutistes, détenus et même surveillants, avocats, juges et policiers », remarque le CERFI444(*). Témoins de la dégradation des conditions de détention, tous ceux qui interviennent au contact des détenus sont en fait confrontés à la question que formule ici le secrétaire national du Syndicat national des éducateurs pénitentiaires (SNEPAP) au président de l'association des JAP :

« Si les éducateurs du milieu fermé ne se sentent pas, à juste titre, responsables de cette évolution qu'ils déplorent, ils se sentent par contre concernés lorsqu'ils assistent, comme c'est le cas depuis la tragédie de Clairvaux, à un durcissement du régime pénitentiaire qui s'apparente plus à une répression brutale et aveugle qu'à une stricte application des consignes de sécurité. Nos collègues se trouvent alors devant un cas de conscience. Doivent-ils informer les autorités judiciaires des abus caractérisés dont ils sont parfois les témoins au risque de mettre en cause leurs responsables hiérarchiques ? Doivent-ils au contraire se taire et se rendre ainsi tacitement complices des faits qui en d'autres circonstances seraient réprimés par la loi ? »445(*).

Bien sûr, toutes les catégories professionnelles réagissent de façon distincte. Les surveillants sont les plus réticents à mettre en cause l'état des prisons, notamment du fait de la hiérarchie et du corporatisme qui s'exerce au sein de l'Administration pénitentiaire. En octobre 1971, un surveillant-chef de Fleury-Mérogis témoigne cependant des conditions d'incarcération (La Marseillaise de l'Essonne, 7/10/1971). En janvier 1972, un surveillant de Toul accepte de dénoncer l'usage de la ceinture de contention : « J'ai vu des types ainsi ligotés pendant plus de huit jours. On ne les détachait même pas pour manger, ni pour le reste. Quand on allait les nourrir, à la cuillère, on n'était pas très fiers »446(*). Les éducateurs sont, à l'inverse, les premiers et les plus virulents dans la contestation du « régime pénitentiaire ». D'une façon similaire aux internes, certains éducateurs décident de démissionner afin de mieux pouvoir dénoncer leurs conditions de travail, jugées contraire à leur mission. C'est par exemple le cas de cette éducatrice : « Accepter de servir un système dont on ne peut ignorer les carences et les abus, c'est apporter sa caution individuelle à une immense hypocrisie [...] Tout membre du personnel de la Pénitentiaire ne peut se maintenir en poste qu'à la stricte condition de cautionner par sa soumission et sa passivité la seule politique qui soit réellement appliquée dans le contexte social actuel : celle de l'intimidation, puis de la répression » (Journal des prisonniers, n°13, 01/1974, p.3). Mais surtout, et ce contrairement aux médecins, les éducateurs développent très rapidement une réflexion, voire une protestation collective quant à leurs conditions de travail, notamment sous la houlette de leur syndicat national, le SNEPAP447(*). Cette virulence contraste avec la modération alors adoptée par les hautes instances de la médecine pénitentiaire : le Syndicat des médecins de prison n'adopte aucune position officielle tandis que les praticiens les plus reconnus demeurent relativement discrets, quand ils ne prennent pas ouvertement la défense de l'Administration pénitentiaire. Les psychiatres apparaissent en revanche davantage enclins à remettre en cause leur autorité de tutelle. Mais c'est surtout de la part des internes qu'émerge le mouvement de protestation le plus virulent parmi les professionnels de santé, allant notamment jusqu'à la grève et la démission.

Ainsi, bien que confrontés à des difficultés semblables (faible rémunération, manque d'effectifs, contraintes sécuritaires), les professionnels intervenant en détention adoptent des démarches plus ou moins revendicatives à l'égard de l'Administration pénitentiaire dont on peut rendre compte selon les normes et la structuration de leur secteur professionnel d'origine. La prise de parole relativement précoce des psychiatres pénitentiaires s'explique, par exemple, par le développement depuis la fin des années soixante d'une réflexion critique sur le rôle des professionnels de la santé mentale, notamment au sein des institutions fermées. De même, la contestation engagée par les internes pénitentiaires peut être comprise au regard de la politisation du secteur médical survenue suite à Mai 68. Enfin, on peut rendre compte de la virulente réaction des éducateurs par la politisation qui se développe dans le secteur professionnel du travail social alors en voie de constitution448(*). De nouveaux travailleurs sociaux, issus en grande partie de la génération de Mai 68, remettent alors en cause la fonction de cette catégorie professionnelle en voie de constitution notamment au sein du Groupe d'information des travailleurs sociaux (GITS). Leur revue, Champ social, accorde d'ailleurs une large place au rôle des éducateurs en prison, notamment après l'« affaire Escrivan »449(*) ou l'« affaire de Besançon »450(*) toutes deux survenues fin 1971. C'est, par conséquent, dans le cadre d'une forte politisation que certains travailleurs sociaux remettent en cause l'institution carcérale. En atteste le témoignage de cette éducatrice : « Si nous pensons que notre travail est à faire, dans une perspective de lutte des classes, qu'il n'y a pas d'autre solution, puisque même le replâtrage des injustices est inutile, nous en arrivons à soutenir sans réserve la révolte des prisonniers [...] C'est tout le système carcéral qui doit être aboli »451(*).

Sans ignorer les spécificités du milieu carcéral, la réaction des professionnels exerçant en détention face au « scandale des prisons » doit ainsi être restituée dans le cadre de la culture spécifique à chaque secteur professionnel qui conditionne en partie la propension à se désolidariser de son autorité de tutelle. Le témoignage des praticiens n'est ainsi probablement pas sans lien avec les transformations qui ont lieu au sein du secteur médical. A mesure que s'érigent les instances de régulation de la médecine libérale, la médecine salariée est confrontée à des interrogations de plus en plus fortes sur sa déontologie et quant à la nature de la relation hiérarchique qui s'établit avec son employeur. La multiplication de témoignages de praticiens salariés, notamment en matière de médecine du travail, peut-être interprétée comme un mouvement croissant d'autonomisation de cette forme d'exercice de la médecine assez peu valorisée au sein du secteur médical452(*). Le cas des praticiens de prison est un exemple de cette professionnalisation de la médecine salariée.

L

ongtemps demeurées silencieuses ou inaudibles, les prisons françaises font irruption au début des années soixante-dix au coeur de l'actualité médiatique sous le coup de la mobilisation de détenus gauchistes mais surtout d'associations, dont GIP, ayant pour but de rendre intolérables les conditions de détention. Relayés par la presse, les militants de la cause carcérale rendent public les injustices dont souffrent au quotidien les détenus, notamment en matière de prise en charge médicale. Le manque de moyens ou le rôle ambigu des praticiens à l'égard de l'Administration pénitentiaire sont pour la première fois condamnés. Mais cette critique n'est plus seulement le fait de personnes politisées mais de professionnels de la prison ou du monde judiciaire souhaitant dénoncer le « scandale des prisons ».

Jusque-là absents de la représentation de l'institution carcérale, les personnels de santé intervenant en milieu carcéral accèdent alors à un début de reconnaissance au sein de l'espace public. Ils sont désormais parfois cités comme des professionnels à part entière de la question pénitentiaire : « Avec le médecin, l'infirmière, l'assistante sociale, l'aumônier, le visiteur, le surveillant travaillent à remettre sur pied l'homme qui paie sa dette à la société, quand celui-ci veut se relever » (La Croix, 26/09/1971). A travers la presse s'affirme peu à peu la spécificité du regard médical en détention453(*). Mais outre le rôle social des praticiens en prison, les journaux font surtout état du délabrement du dispositif sanitaire carcéral. Il est ainsi fréquemment fait mention du manque de personnel sanitaire, de la faiblesse des rémunérations ou plus largement du peu de moyen dont disposent les médecins exerçant en institution pénitentiaire. En attestent ces quelques extraits de presse :

« Mal payés - de 12 à 40 francs l'heure - ils sont [...] assistés de soixante-dix infirmières plus ou moins fictives. A Fresnes, l'infirmière de nuit a la responsabilité de 130 "bonshommes". Et il y a, dans les divisions de la prison, au moins 150 malades graves - diabétiques, cardiaques, toxicomanes, laissés "aux seuls soins des matons" » (L'Express, 24/01/1972).

« Pour les deux mille détenus de la Maison d'arrêt parisienne [La Santé], le service de médecine générale se limite à trois internes "chapeautés" par un médecin-chef qui possède un cabinet à l'extérieur et vient à la prison une à deux heures par jour [...] Les instruments de travail du médecin sont simples : une clef, un crayon, un cahier [...] De trente à quarante personnes attendent ainsi chaque après-midi à la porte du "cabinet médical" : une pièce de quatre mètres sur quatre, meublée d'une table, de deux chaises, d'un lit bas et d'un évier, plus deux armoires à médicaments. Le matériel : un appareil à tension et un stéthoscope ; le marteau à réflexes a disparu depuis six mois...» (Le Figaro, 30/11/1972).

« Impossibilité de constituer des dossiers médicaux suivis pour les détenus, impossibilité d'assurer un dépistage sérieux des maladies contagieuses, infirmeries manquant de personnels qualifiés : tels sont les signes généraux de la pénurie des prisons en équipement médical » (LM, 5/12/1972).

« Les médecins de prison, qui auraient un rôle important à jouer, sont en bien trop petit nombre pour pouvoir essayer de faire réellement leur travail [...] Pour une population pénitentiaire de 33.000 détenus, il n'y a que 250 médecins pour des salaires dérisoires. Obligés de voir soixante consultants en deux heures, soit exactement cent vingt secondes par malade, les médecins de prison se bornent à distribuer les somnifères qui selon la formule d'un interne de la prison de la Santé "calment en même temps que le détenu, la conscience de tout le monde" » (Témoignage Chrétien, 22/02/1973).

La citation des propos de cet interne de La Santé rappelle que la description des carences de l'organisation des soins n'est pas seulement le fait de la presse mais également d'internes protestataires ou de rares médecins pénitentiaires. C'est d'ailleurs de « médecins de l'impossible » que l'organisateur des Journées de 1972, Robert Durand de Bousingen, qualifie en introduction du congrès les praticiens travaillant en milieu carcéral454(*). Le responsable de l'organisation sanitaire des prisons de Lyon, Marcel Colin, reprendra cette appellation pour ajouter que les médecins, en tant que « témoins impuissants de cette absurdité, peuvent être qualifiés de "médecins de l'absurde" »455(*). « On a vraiment l'impression de faire de la médecine à Fresnes comme on fait du vélo avec des roues carrées », déclare Marcel Diennet au micro de Jacques Chancel456(*). « Le médecin pénitentiaire est coincé entre le plan légal, le code de déontologie et l'administration pénitentiaire », souligne plus sobrement Georges Fully lors du congrès de 1972457(*). La position délicate du Médecin-inspecteur mérite d'être soulignée.

Georges Fully a oeuvré dès le début des années soixante pour une meilleure reconnaissance des praticiens exerçant en milieu carcéral. Il a pour cela tenté organiser quelques congrès et créé un premier enseignement de médecine pénitentiaire. Il milite, d'autre part, en faveur de la rédaction d'un statut pour ces praticiens afin que les conditions dans lesquelles leur responsabilité puisse être mise en cause soient clairement définies. En faisant valoir les contestations dont les praticiens sont l'objet, le Médecin-inspecteur obtient qu'un statut soit adopté en juillet 1972 mais celui-ci sera sans effets réels (Cf. Encadré). Il s'appuie sur le segment d'internes protestataires pour faire adopter lors du congrès de décembre 1972 une motion dans laquelle les praticiens « réaffirment leur indépendance professionnelle et leur choix délibéré d'assister leurs malades dans le respect de la déontologie médicale traditionnelle »458(*). Georges Fully tente enfin à quelques reprises de se démarquer de l'Administration pénitentiaire par des déclarations qui lui sont reprochées459(*). Du fait de son passé, le Médecin-inspecteur bénéficiait au sein de la Pénitentiaire d'une certaine aura, relève le Dr Gonin membre de l'équipe lyonnaise dont Georges Fully était proche :

« Il était souvent en porte à faux... mais il avait une représentativité quoi ! Il avait ce statut du déporté ! Il avait cette honorabilité là et on n'était encore pas très loin des témoins de la guerre. Ça a beaucoup joué. C'était quelqu'un qui était écouté et je crois que sa position était plus nuancée que j'aurais voulu... Je crois que c'était très difficile quand même pour lui. Si on m'avait proposé son poste, je ne l'aurai jamais accepté. Je crois qu'il voulait être utile »460(*).

Le regard que porte Daniel Gonin sur l'action de Georges Fully traduit l'ambiguïté du de ce dernier. S'il tente d'assurer en interne l'autonomie des praticiens qu'il défend, le Médecin-inspecteur incarne au sein de l'espace public une certaine compromission du fait de son appartenance à la DAP. Le constat que dresse le Dr Fully lors de la mutinerie de Toul est ainsi interprété par un journaliste comme un aveu d'impuissance :

« "Il a fallu Toul, dit le Dr Fully, pour que je découvre qu'un médecin pouvait signer des bons de contention de quatre jours, après coup, sans penser que l'Administration pénitentiaire lui faisait commettre ainsi une faute inadmissible" [...] Le Médecin-inspecteur, pour sa part, reconnaît que lui-même n'inspectait pas souvent : faute de temps et de moyen. Au surplus, il n'aurait pas eu la possibilité d'intervenir sans être alerté par les médecins eux-mêmes. Attendre que l'illégalité soit dénoncée par ceux-là qui la commettent... On ne peut guère imaginer de cercle plus vicieux » (L'Express, 17/01/1972).

UN STATUT DES MÉDECINS COMME RÉPONSE À LEUR RESPONSABILITÉ

L'intervention des médecins en milieu carcéral est longtemps demeurée en dehors de tout cadre réglementaire. Privés, d'une partie de leur autonomie, ils n'en sont pourtant pas moins responsables pénalement de leurs décisions, pouvant ainsi être mis en cause devant les tribunaux en cas de problème (complications non traitées, suicides par ingestion de médicaments). C'est ainsi qu'un médecin de M.A fut condamné en 1969 pour défaut de soin dans la mort d'un détenu par le tribunal administratif de Besançon, considérant que le praticien « ne pouvait ignorer, en raison des symptômes évidents, la gravité de l'état de santé » du détenu et qu'il avait commis une faute « en s'abstenant de procéder à un examen attentif du malade et de consulter des spécialistes, et en n'ordonnant pas le transfert à l'infirmerie ou à l'hôpital, où le détenu aurait pu recevoir des soins appropriés »461(*). C'est pour répondre aux préoccupations suscitées par ce jugement chez plusieurs praticiens que ce thème fut mis à l'ordre du jour du congrès de 1970 au cours duquel Georges Fully présenta le « grave dilemme » auquel les médecins pénitentiaires doivent répondre : « Ou bien s'entourer de toutes les garanties nécessaires avant d'établir un diagnostic et un traitement, ou bien se contenter des moyens du bord souvent insuffisants au risque de contrevenir aux obligations qui lui sont imposées légalement et par le Code de la déontologie »462(*). Pour limiter les risques de poursuites, constate Paul Hivert, Président du Syndicat des médecins pénitentiaires, dans un article consacré à la responsabilité pénale du médecin, « il est absolument impérieux que l'indépendance professionnelle du praticien soit garantie, c'est-à-dire que le médecin dispose d'un libre exercice de sa discipline dans chaque acte médical »463(*). Il demande pour cela « que les modalités selon lesquelles le médecin exerce soient clairement délimitées soit dans un contrat individuel ou collectif, soit dans un statut ou règlement de l'autorité administrative ».

Un projet de règlement des médecins pénitentiaires est soumis lors du congrès de 1970 par le ministère de la Justice464(*) qui prévoit en huit articles les conditions de nomination des médecins ainsi que leurs principales prérogatives. L'une des nouveautés de ce statut est de formaliser le mécanisme permettant de sanctionner administrativement le praticien, auparavant laissé à la libre appréciation du directeur d'établissement, « en cas de faute grave intéressant le fonctionnement administratif du service médical pénitentiaire »465(*). Il est ainsi prévu que les médecins puissent être licenciés sans préavis après avis du Médecin-inspecteur et de la Commission paritaire composée de deux médecins élus et de trois représentants de l'Administration pénitentiaire dont son directeur. La majorité accordée aux instances pénitentiaires ainsi que le flou des raisons pouvant être invoquées afin de licencier un praticien inquiètent cependant un médecin rendant compte du congrès : « Encore faudrait-il définir ce qui est entendu par "faute intéressant le fonctionnement administratif du service médical"... On peut y voir les absences notoires, la divulgation de secrets aux détenus, des mesures perturbant la discipline, la sécurité de l'établissement »466(*). Cette Commission consultative doit également être consultée « sur tous les problèmes généraux que posent l'organisation et le fonctionnement des services médiaux »467(*).

Le projet de règlement fait l'objet de discussions entre le Syndicat des médecins pénitentiaires et le ministère de la Justice avant d'aboutir à un accord le 3 juillet 1972. Le texte final diffère peu du texte initial468(*). Quelques modifications sont cependant adoptées à la demande du Syndicat des médecins. Tandis que le document de travail indiquait que « les médecins exerçant auprès des établissements pénitentiaires sont tenus au secret à l'égard de l'administration », le règlement ajoute ajoute que « le personnel placé sous l'autorité des médecins, doit respecter les mêmes obligations »469(*). Outre l'octroi de certains droits (congés payés, régime général de la Sécurité sociale, retraite complémentaire), le texte précise les conditions de rémunération des médecins. Comme l'indique une note adressée par le directeur de l'Administration pénitentiaire aux chefs d'établissement, le règlement prévoit notamment que les examens des candidats à un emploi dans l'Administration pénitentiaire fassent l'objet d'une rémunération supplémentaire : « Ces examens sont particulièrement nombreux à l'heure actuelle en raison de l'intensification des recrutements. Jusqu'à maintenant les examens en question ont été effectués dans le cadre de vacations ; ils ne donnent donc lieu à aucune rémunération particulière. Il est indispensable de mettre fin à ces errements »470(*).

Si elles marquent une première étape dans la revalorisation de la présence médicale en milieu carcéral, les Clauses et conditions générales relatives à l'exercice des fonctions de médecin pénitentiaire demeurent fragiles afin d'assurer l'autonomie professionnelle des praticiens. Il semble même que ces Clauses n'ait pas connues de réelle application. Un praticien licencié par la DAP en 1979 conteste les conditions de cette procédure et notamment l'absence d'indemnité de licenciement ou de réunion de la Commission consultative paritaire. Il se voit répondre par l'Administration centrale que celle-ci « n'a pas été instituée par un texte réglementaire et qu'elle n'avait, par conséquence, qu'un caractère officieux »471(*). Aucune autre trace des conditions d'application de ce texte n'a été trouvée. Il semblerait par conséquent que les praticiens pénitentiaires soient demeurés sans réel statut, les plaçant ainsi dans une forte dépendance à l'égard du ministère de la Justice qui les emploie.

En dépit de certaines déclarations critiques, le Médecin-inspecteur occupe au sein du débat public un rôle de caution, parfois involontaire, de l'Administration pénitentiaire. Cela est manifeste au cours d'un débat télévisé consacré à la commission d'enquête sur les événements de Toul dont il était membre. Le président de la commission, Robert Schmelck, interrogé avec insistance par Jean-Marie Domenach, membre du GIP, sur l'état des prisons françaises prend alors à partie Georges Fully : « Toul, dans notre esprit à tous, à tous les membres de la commission, est absolument une bavure. Nous avons perçu à travers Toul tout ce qui ne pouvait pas aller dans une prison. Mais il n'était dans l'esprit d'aucun de nous, et le Dr Fully ne me démentira pas, de dire que ça se passe partout comme cela. Ce n'est absolument pas vrai ! »472(*). Un peu plus tard, attaqué par d'autres journalistes quant à l'existence de violences à l'égard des détenus, Robert Schmelck déclare au sujet des auditions de détenus par la commission : « Et bien alors que pourtant c'était l'occasion ou jamais, qu'ils se plaignent bien souvent des sévices [...] Et bien tous ces détenus, et le Dr Fully est là pour me conforter dans ce que je dis, nous ont dit, et bien non, qu'il n'y avait pas de brutalités systématiques...»473(*). La délicate position du Médecin-inspecteur à l'égard de sa hiérarchie est manifeste au sujet de l'usage de la contention. Au cours du débat, le Georges Fully précise qu'il a « quelques scrupules à considérer cet instrument comme un instrument médical » après que le représentant de FO pénitentiaire, Hubert Bonaldi, ait justifié le recours à la contention du fait de la prescription médicale. On voit alors à l'écran ce dernier froncer les sourcils. Le Dr Fully nuance son propos tout en demeurant critique :

« Cependant, il faut dire, à l'appui de ce qu'il vient de dire [Bonaldi], que dans les prisons il n'y pas une permanence médicale. Il n'y pas toujours un médecin de garde. Et dans les cas d'urgence, le texte dit de "fureur grave", d'agitation, il importe qu'un sujet puisse être maintenu, puisse être contenu, pendant un temps limité. Mais les textes prévoient que le médecin doit intervenir très rapidement [...] Mais je voudrais bien préciser qu'il y a une faute, et c'est ce que nous avons relevé à Toul, dans la mesure où cette ceinture de contention ne doit pas être maintenue au-delà d'un temps strictement nécessaire à l'arrivée du médecin et seulement lorsque tout autre moyen thérapeutique s'est avéré inefficace ».

En dépit de ses tentatives d'améliorer la qualité des soins et d'assurer le respect de la déontologie médicale, le Médecin-inspecteur symbolise ainsi l'échec des praticiens pénitentiaires à faire entendre leur voix au sein du milieu carcéral. Dans une lettre adressée à René Pleven, l'ADDD (Association de défense des droits des détenus) demande la démission du Dr Fully :

« Comme responsable de la médecine pénitentiaire, le Docteur Fully a, depuis des années, laissé se développer la misère sanitaire des prisons. On voit mal comment celui qui n'a su ni apporter aux détenus des soins médicaux décents, ni éviter la multiplication des suicides et des tentatives de suicides pourrait avoir désormais la charge de doter les prisons d'un équipement médical convenable, en personnel et en équipement »474(*).

Les efforts du Médecin-inspecteur afin d'autonomiser l'action des praticiens placés sous sa responsabilité sont interrompus par son assassinat, le 20 juin 1973, par un colis piégé reçu à son domicile475(*). Le commentaire que fit alors le Comité d'action des prisonniers traduit l'ambiguïté dont souffre la représentation du médecin pénitentiaire, considéré tantôt comme un complice de l'Administration, tantôt comme un allié des détenus: « Le docteur Fully était un allié des prisonniers pour une médecine humaine, un allié inefficace il est vrai, mais un allié quand même » (LM, 24-25/06/1973).

La mort de Georges Fully clôt une première page de l'histoire de la médecine pénitentiaire. Celle qui lui succède, Solange Troisier, poursuit certes la stratégie engagée par ce dernier, afin de faire de la médecine pénitentiaire une spécialité médicale à part entière. Elle ne perçoit cependant pas tant cette spécialisation comme un moyen d'accorder plus d'autonomie aux praticiens que comme une façon de diffuser une certaine représentation de l'exercice médical en détention. Pour elle, la médecine est pénitentiaire au sens où elle doit répondre à certaines exigences carcérales. C'est ainsi qu'elle sera amenée à justifier l'intervention du praticien en cas de grève de la faim, le non-respect du secret médical à des fins judiciaires ou encore le licenciement de certains praticiens jugés trop contestataires. Le praticien est pour elle avant tout un « auxiliaire de Justice » dont l'action est subordonnée au respect de la réglementation pénitentiaire. La spécialisation de la médecine pénitentiaire, comme affirmation d'une spécialité médicale, est pour Solange Troisier le moyen de réhabiliter un secteur d'action publique désormais largement discrédité. C'est à partir de ce schéma de spécialisation où la médecine pénitentiaire est décrite comme quelque chose de spécifique que le nouveau Médecin-inspecteur s'oppose au « décloisonnement » imaginé dans la seconde moitié des années soixante-dix. C'est parce que la médecine pénitentiaire est quelque chose de spécifique (« C'est toute la médecine avec quelque chose en plus »), qu'elle ne peut être transférée au ministère de la Santé et doit rester sous la tutelle de la DAP. Le nouvel idéal carcéral et le discours d'humanisation des prisons qui apparaissent après les révoltes de détenus produisent ainsi peu d'effets directs sur la prise en charge médicale des détenus.

* 390 « Solange Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57min, Archives INA.

* 391 On compte vingt-neuf internes en 1975 répartis sur les établissements de Fresnes (13), La Santé (5), Fleury-Mérogis (6), Marseille (3), Nice (1) et Poissy (1) (GOLPAYEGANI Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté, op.cit, p.245).

* 392 Les internes temps plein étaient alors rémunérés 900 francs environ par mois soit environ l'équivalent de 900 euros actuellement.

* 393 Yvan, interne à Fleury-Mérogis de 1979 à 1981. Entretien réalisé le 14/02/2008, 1H30.

* 394 Annexe 11 : « Les effets de Mai 68 sur les étudiants de médecine français ».

* 395 Antoine Lazarus, interne puis médecin vacataire à Fleury-Mérogis de 1970 à 1976, fondateur du GMP. Entretiens réalisés les 10/2007 ; 11/06/2008. Durées : 2H00 et 2H00.

* 396 Après les événements de Mai 68, on confia à Edgar Faure le poste délicat de ministre de l'Education nationale au mois de juillet 1968. La consultation de plusieurs milliers de personnes durant l'été déboucha en novembre 1968 sur une loi réformant l'enseignement supérieur. Elle intègre certaines revendications de Mai comme l'interdisciplinarité ou la participation de tous les acteurs à la gestion des établissements. En matière d'études médicales, la réforme supprime l'externat qui réservait auparavant l'expérience de la clinique au lit du malade à une minorité d'étudiants.

* 397 COLCOMBET François, LAZARUS Antoine, APPERT Louis (alias de Michel Foucault), « Luttes autour des prisons », art.cit., p.104.

* 398 LAZARUS Antoine, « Quand la prison devient refuge », Sociétés & représentations, n°3, CREDHESS, novembre 1996, p.317.

* 399 Cf. Chapitre 2 - section 1.2 : « De la revendication du droit à la mobilisation des professionnels de la prison : l'émergence d'un nouveau militantisme carcéral ».

* 400 Cf. Annexe 14 : « L'?affaire Mirval? ou la contestation d'un interne pénitentiaire militant ».

* 401 COLCOMBET François, LAZARUS Antoine, APPERT Louis (alias de Michel Foucault), « Luttes autour des prisons », art.cit., p.104.

* 402 Cf. Annexe 15 : « L'influence indirecte de Mai 68 sur deux internes pénitentiaires ».

* 403 Cette décision survenue après les événements de Clairvaux aurait été adoptée afin de satisfaire les deux principaux représentants des syndicats pénitentiaires, Aimé Pastre de la CGT et Hubert Bonaldi de FO.

* 404 DAYANT Charles, « Lettre ouverte à René Pleven », Le Nouvel observateur, 6/12/1971.

* 405 DAYANT Charles (avec Arnaud Still), J'étais médecin à La Santé, Paris, Presses de la Cité, 1972, 246p.

* 406 DIENNET Marcel (avec Ariane Randal), Le Petit Paradis, Paris, Editions Robert Laffont, 1972, 309p.

* 407 « Comment on vit, comment on meurt en prison », L'Express, 10/04/1972.

* 408 « Marcel Diennet, ancien médecin à Fresnes », France Inter, 17H, 27/04/1972, 58min, Archives INA.

* 409 Jusqu'à la réforme de 1975, les détenus n'étaient censés pouvoir se coucher dans leur cellule que durant certains horaires à moins de disposer d'un « bon de repos » d'un médecin ou d'une prescription médicale ce qui favorisait ainsi la demande de médicaments (HIVERT Paul, « Trente ans de prison », art.cit, p.226).

* 410 DAYANT Charles (avec Arnaud Still), J'étais médecin à La Santé, op.cit., p73.

* 411 « Marcel Diennet, ancien médecin à Fresnes », France Inter, 17H, 27/04/1972, 58min, Archives INA.

* 412 La quatrième de couverture du livre de Charles Dayant précise que ce dernier est « entré en contact avec le Groupe d'information des prisons à la demande du Professeur Foucault ». On trouve d'ailleurs un exemplaire du livre dédicacé par Charles Dayant à Michel Foucault dans les archives du G.I.P [G.73/GIP2. Dh3.]. Il est possible que certains écrits cités par le GIP proviennent du Dr Dayant.

* 413 Le Dr Fully se déclara « disposé » suite à ces ouvrages à « participer à un vaste échange d'idées avec M. Lecorno [DAP] afin d'étudier le problème des détenus sous son jour véritable, c'est-à-dire clinique et humain » (Le Monde, 27/10/1971).

* 414 Le fait que l'ouvrage du Dr Charles Dayant fut traduit en Italie souligne son probable succès : Queste carceri- Diario di un medico, Roma, Coines, 1973.

* 415 Avocat au barreau de Paris, Jean-Marc Varaut (1933-2005) est un monarchiste membre des clubs Perspectives et Réalités partisans de Valéry Giscard d'Estaing. Partisan de l'Algérie française, il contribua à dénoncer les internements de dissidents en URSS et dénonça la peine de mort en France ou encore les conditions de détention (VARAUT Jean-Marc, La prison pour quoi faire, Paris, La Table Ronde, 1972, p.200).

* 416 « Protestations contre "Le petit paradis" », Le Monde, 9/05/1972.

* 417 DAYANT Charles, Contraception en pratique hospitalière, thèse de médecine, Paris, 1969.

* 418 DAYANT Charles, Plaidoyer Pour Une Antimédecine. L'art Et La Manière D'être Malade, Paris, Presses De La Cité, 1974.

* 419 BENSAID Norbert, « Des médecins contre les médecins », Le Nouvel Observateur, 14/10/1974.

* 420 DIENNET Marcel, Les enfants de Phu-My, Paris, A. Laffont, 1975.

* 421 Outre le fait que les prisons d'Ile-de-France disposent d'une large partie des postes d'internes, cette concentration géographique des internes les plus contestataires est peut-être à mettre en lien avec l'importance que les événements de Mai 68 ont eue à la Faculté de médecine de Paris.

* 422 MACHLINE Gérard, « Un médecin en prison », Perspectives psychiatriques, n°42, 1973, p.25.

* 423 DEJOURS Christophe, « Réflexions sur les rôles respectifs de l'administration et de la médecine dans l'institution pénitentiaire », Perspectives psychiatriques, n°42, 1973, p.18.

* 424 DESLAURIERS, « Fleury-Mérogis. Un nouvel univers carcéral ? », Psychiatrie aujourd'hui, 01-02/1972, p.42.

* 425 DEJOURS Christophe, « Réflexions sur les rôles ... », art.cit., p.18.

* 426 Cité dans ALBERT WEIL Jean, J'ai été 16 ans médecin à Fresnes, Paris, Fayard, 1974, p.205.

* 427 « Démissionnaires, trois médecins de la prison de La Santé s'expliquent », Le Figaro, 30/11/1972.

* 428 « Dans l'Administration pénitentiaire. Les internes en médecine sont en grève », Le Monde, 28/02/1973.

* 429 SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale, thèse de médecine, Paris Créteil, 1978, p.112.

* 430 PETITJEAN, Cours de droit médical et déontologie, 1974. Cité dans GOLPAYEGANI Behrouz, op.cit., p.246.

* 431 Christophe Dejours est un psychiatre et psychanalyste connu depuis les années quatre-vingt-dix pour sa dénonciation de la souffrance au travail.

* 432 Bulletin du GMP, n°1-2, 03-04/1975, p.6.

* 433 Marcel Diennet raconte ainsi comment les internes de Fresnes décidèrent lors d'un repas de faire parvenir un cahier de doléances au directeur de l'établissement (DIENNET Marcel, Le Petit Paradis, op.cit., p.235.)

* 434 SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.113.

* 435 Le traitement de base mensuel d'un interne est ainsi de moins de 900 francs soit environ 900 euros actuels, sans congés, pour environ 40 heures de travail hebdomadaire.

* 436 Lettre du 5 février 1973. Je remercie Antoine Lazarus de m'avoir confié un exemplaire de ce document.

* 437 Bulletin du GMP, n°0, 02/1975, p.21.

* 438 Daniel Gonin, psychiatre puis généraliste à la M.A de Lyon de 1967 à 1989. Entretiens réalisés les 25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.

* 439 Un article critique quant à la participation de la médecine dans le maintien du calme en détention remarque ainsi que « les internes protestent contre ces nouvelles fonctions et refusent de participer à cette politique de l'autruche, chargés de masquer les carences de l'administration pénitentiaire » (Libération, 25/06/1973). Jacques Chancel évoque les critiques formulées par ces internes dans une émission radio (« Solange Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57 minutes).

* 440 La rémunération des internes passe alors de 900 à 1960 Frs par mois (SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.122).

* 441 Bureau des méthodes et de la réglementation, « Note sur la situation sanitaire dans les établissements pénitentiaires », mai 1976 (CAC. 19960136, art. 112 (E4580)).

* 442 SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit. p.265.

* 443 DAP, « Rapport d'activité », RPDP, 10-12/1967, p.900.

* 444 ARMAZET André, Les prisons, op.cit., p.6.

* 445 Lettre de M. Bauchaud, secrétaire national du SNEPAP au président de l'association des JAP datée du 21/10/1971 (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV-27 : Le Groupe d'Information sur les Prisons).

* 446 « Un gardien de Toul parle », L'Aurore, 11/01/1972.

* 447 Lors de la grève de la faim des détenus gauchistes, le secrétaire adjoint du SNEPAP déclare à L'Express : « Quand quelqu'un entre en prison, c'est forcément un inadapté, quand il en sort, c'est souvent un irrécupérable ». En juin 1971, le congrès des éducateurs exprime son malaise et déclare : « Les tracts du GIP décrivent une réalité à peine déformée » (ARMAZET André, Les prisons, op.cit., p.111). En 1974, ils considèrent dans une motion déposée lors du 8ème congrès que leur action est « faussée », déclarent ne pas vouloir « être des agents récupérateurs des malades du corps social » et exigent de « quitter la tutelle de l'administration pénitentiaire » (Justice, n°32, 1974).

* 448 BLUM François, « Regard sur les mutations du travail social au XXème siècle », Le Mouvement Social, n°199, février 2002, pp.83-94 ; VERDES-LEROUX Jeannine, Le Travail social, Paris, Editions de Minuit, 1978, 245p.

* 449 Cf. Chapitre 1 - Section 3-1 : « De la psychiatrie asilaire à la psychiatre pénitentiaire : l'émergence... ».

* 450 Deux éducateurs du milieu ouvert avaient été poursuivis pour avoir refusé de donner au juge d'instruction le nom d'un jeune garçon en ayant blessé un autre au cours d'un bal public (Champ social, n°1, 07-08/1973).

* 451 « Le point de vue d'une éducatrice en prévention », Le Monde, 8/08/1974.

* 452 En décembre 1970, suite à la mort de seize mineurs dans les Houillères du Nord, un « tribunal populaire » avait été mis sur pied par Serge July devant lequel des médecins des mines avaient témoigné pour dénoncer les conditions intolérables de travail (ARTIERES Philippe, « 1972 : naissance de l'intellectuel spécifique », art.cit).

* 453 Cette visibilité médiatique des médecins pénitentiaires doit cependant être relativisée. La publication de grandes enquêtes sur la prison laissent encore souvent dans l'ombre le rôle des personnels de santé. En témoigne une enquête de La Croix qui évoque successivement le rôle des assistantes sociales (9/12/1971), de l'enseignement par correspondance (10/12/1971), des surveillants (15/12/1971) et des JAP (16/12/1971).

* 454 SPES, Bulletin d'information et de liaison, n°5, février 1973, p.11.

* 455 COLIN Marcel, « Le clinicien dans le système pénitentiaire », art.cit., p.5.

* 456 « Marcel Diennet, ancien médecin à Fresnes », France Inter, 17H, 27/04/1972, 58 min, Archives INA.

* 457 Propos cités dans La revue pénitentiaire et de droit pénal (09/1974). Un auteur lui prête une déclaration plus engagée mais jamais lue ailleurs : « Le médecin des prisons n'est qu'un alibi pour l'Administration pénitentiaire » (ZIWE William Francis, Droits du détenu et droits de la défense, Paris, Maspero, 1979, p.417).

* 458 Bulletin du GMP, n°1-2, 03-04/1975, p.6.

* 459 Pour ses déclarations quant au « Nuremberg des prisons », le DAP, Henri Le Corno, aurait d'ailleurs demandé à ce moment la démission de Georges Fully (Le Monde, 22/06/1973).

* 460 Daniel Gonin, psychiatre puis généraliste à la M.A de Lyon de 1967 à 1989. Entretiens réalisés les 25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.

* 461 « La veuve d'un détenu mort en prison obtient des dommage et intérêts », Le Monde, 16-17/03/1969.

* 462 DAP, Journées nationales de médecine pénitentiaire, imprimerie administrative de Melun, 1971, p.16.

* 463 HIVERT Paul, « La responsabilité pénale du médecin des prisons », RPDP, 01-03/1971, pp.37-41.

* 464 DAP, Journées nationales de médecine pénitentiaire, op.cit., p.34.

* 465 Article VII du projet de réglemente fixant les conditions dans lesquelles les médecins exercent leurs fonctions auprès des établissements pénitentiaires. Ibidem, p.40.

* 466 « Journées de médecine pénitentiaire de Marseille », Instantanés criminologiques, n°12, 1971, p.42.

* 467 DAP, « Note sur les médecins », 1975, 21 pages. Archives internes DAP.

* 468 DAP, Clauses et conditions générales relatives à l'exercice des fonctions de médecin pénitentiaire. Document ronéotypé de 6 pages non daté. Archives internes DAP.

* 469 Plus qu'au personnel infirmier, cette mention fait probablement référence aux surveillants et détenus amenés à travailler dans les infirmeries pénitentiaires.

* 470 DAP, « Service médical des établissements pénitentiaires », note de service adressée aux chefs d'établissements, 7/08/1972. Document ronéotypé, 4 pages (CAC. 19960136. Art.113. Dossier M111 : Médecins (1960-1979)).

* 471 Lettre de la DAP à un médecin psychiatre de la M.A de Fresnes datée du 27/11/1979.

* 472 « Actualité en question », 1ère chaîne, 13/01/1972, archives de l'INA.

* 473 Ibidem.

* 474 Lettre de revendication de l'ADDD au ministre de la Justice datée du 18/05/1973, 4 pages (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV-26 : Cahiers de revendication).

* 475 « Le docteur Georges Fully a été victime d'un attentat », Le Monde, 22/06/1973.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984