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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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CHAPITRE 2. UN NOUVEL IDEAL CARCERAL ET L'EMERGENCE DE L'IDEE DE « DECLOISONNEMENT »

Compte rendu d'une journée d'étude ayant lieu à l'ENAP en 1975 et « composée en majorité de juges de l'application des peines et de directeurs d'établissements » : « Le Directeur de l'administration pénitentiaire [M. Mégret] a demandé aux participants à la journée d'étude leur sentiment sur la réforme [pénitentiaire] en général. A l'exception d'un seul qui a exprimé son opposition, le silence a régné dans l'assemblée. La discussion n'a pu avoir lieu faute de combattants »476(*).

L'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République est tenue dans l'histoire des prisons comme l'avènement d'une nouvelle politique pénitentiaire qualifiée de « libéralisation » ou d'« humanisation ». Si cette orientation n'est pas, comme on le soulignera, imputable au seul volontarisme du président, elle n'en marque pas moins une profonde rupture avec les politiques pénitentiaires précédentes, toutes fondées sur la séparation entre le délinquant et la société. La philosophie du système pénitentiaire français, et notamment le « sens de la peine », a en effet longtemps reposé sur le modèle du « tout-carcéral » développé dans le cadre de la réforme dite « Amor » adoptée lors de la Libération477(*). Ce modèle du traitement moral, supposant l'isolement des détenus, fut cependant rapidement entravé par de fortes restrictions budgétaires, le régime progressif demeurant limité à une minorité de détenus478(*).

Le degré de fermeture de l'institution carcérale s'accentua à partir de 1957 du fait de la guerre d'Algérie qui se traduisit par une augmentation du nombre de détenus, qui progresse alors de 22% chaque année479(*). Les agressions à l'encontre du personnel480(*), ainsi que les conflits entre les deux principales organisations algériennes accentuèrent les tensions. Les détenus de catégorie « A » cédèrent la place en 1961 aux partisans de l'Algérie française très revendicatifs. Les évasions de quelques détenus OAS conduisirent à un repli de l'Administration pénitentiaire sur sa mission de garde, incarnée par une discipline rigoureuse ou la construction d'établissements haute sécurité tel Fleury-Mérogis. « L'évasion est la plus grave faute du service pénitentiaire. [...] Tous les agents de cette administration doivent être dans une véritable angoisse de l'évasion », annonce en septembre 1964 le garde des Sceaux Jean Foyer aux directeurs régionaux481(*). Attestent de cette politique sécuritaire le doublement des sanctions disciplinaires entre 1962 et 1963 ou la création des « Détenus particulièrement signalés » en 1967482(*).

Tout en conservant officiellement l'idée d'amendement des détenus, la politique pénitentiaire adopte ainsi au cours des années soixante une tonalité plus répressive. Le ministre de la Justice, Jean Foyer, qui regretta « la considération abusive de la personne du délinquant », défend alors la fermeture des chantiers extérieurs, le maintien de la peine de mort, l'exécution intégrale des condamnations et un moindre usage de la libération conditionnelle et de la semi-liberté483(*). Cette conception proche de la « défense sociale » préconisée par la doctrine positiviste, consistant à protéger la société contre l'individu présumé dangereux, est contestée au cours des années soixante-dix par les « sciences pénitentiaires » 484(*) qui y voient l'origine des émeutes de détenus. En témoigne cette thèse de science pénitentiaire soutenue en 1975 : « Au terme et à l'accomplissement de cette doctrine pour laquelle il est abusif de considérer la personne du délinquant, il y a les drames de Nîmes, Lyon, Aix-en-Provence, Clairvaux, Toul [...] Il semble que la dureté du châtiment a peu d'effet intimidant sur le délinquant lui-même et sur les autres, car ceux qui sont sur le point de commettre un crime ne se préoccupent jamais de la peine qu'ils encourent »485(*).

A l'encontre de l'idée que la peine serait un élément bénéfique, la politique d'« humanisation » qu'inaugure Valéry Giscard d'Estaing part du constat, formulé aussi bien par les militants de la cause carcérale que les experts des questions pénitentiaires, que la prison est une institution « criminogène » ne remplissant pas sa fonction de réinsertion. Le secrétaire général de la Société internationale de criminologie, Jacques Vérin, constate ainsi que « s'il est une conclusion qui ressort clairement des recherches menées à ce jour par les criminologues du monde entier, c'est bien que la prison, comme mode de traitement appliqué à la généralité des délinquants, est une institution du passé »486(*). L'utilité sociale de l'institution carcérale apparaissant négative, certains spécialistes vont jusqu'à remettre en cause son existence : « La prison est une institution du passé, et elle a trop duré. Ses structures sont archaïques, et son anachronisme a été souvent dénoncé. Il est probable que, dans quelques générations, nos descendants auront pour leurs prisons de leurs aïeux la même considération que celle que nous éprouvons actuellement pour les galères et les bagnes »487(*). Pourtant à moyen terme, bien que nocive, la détention apparaît aux yeux des spécialistes comme un mode de sanction devant être maintenu. Pour répondre aux partisans de l'abolition des prisons, les sciences pénitentiaires proposent de pallier les effets délétères de l'incarcération en rendant les conditions de détention les plus humaines possibles. C'est ce que suggère cette thèse consacrée à l'humanisation des prisons :

« Malgré ces constations qui mettent en cause l'efficacité absolue de la peine de prison, il faut admettre que l'emprisonnement paraît le seul moyen inéluctable de notre époque [...] Il est probable qu'un choc psychologique de brève durée est nécessaire à condition qu'il soit intégré dans un ensemble de mesures rééducatives [...] Comment peut-on concilier l'exigence du recours à la prison en tant que l'institution du traitement d'une certaine catégorie des délinquants appelée "école de la vie" avec celle de "la prison criminogène"? Est-il possible d'éviter, sinon de réduire, les effets négatifs de l'emprisonnement et diminuer par-là le taux de récidive ? Justement, nous voilà en présence des questions dont la réponse constitue le thème essentiel de notre thèse. Au cas où l'on recourt à la peine de prison, afin d'éviter ses conséquences fâcheuses, il faut qu'elle soit humainement appliquée »488(*).

La politique de libéralisation ou d'humanisation des prisons apparaît ainsi comme le moyen de relégitimer une institution en crise en la dotant de nouveaux principes. « Remotivée » dans sa fonction de mise à l'écart des détenus, l'institution carcérale bénéficierait dès lors d'une légitimité accrue au point d'apparaître comme nouvelle489(*). Même si sa traduction concrète apparaît modeste, le programme dessiné par Valéry Giscard d'Estaing en matière pénitentiaire ouvre la voie à un nouvel « idéal » carcéral dont s'inspirent encore aujourd'hui les réformateurs dans leur transformation de la prison.

Comme on l'a montré ailleurs au sujet de la réforme du 18 janvier 1994, analyser une réforme pénitentiaire uniquement à travers le prisme foucaldien de la permanence de l'institution empêche cependant d'en percevoir toutes les conséquences490(*). Si elle légitime le recours à l'incarcération, la politique d'humanisation des prisons a également contribué à transformer la représentation de la détention et de l'institution carcérale elle-même. S'impose tout d'abord une nouvelle considération des détenus auxquels est reconnu, malgré la privation de liberté, l'exercice de certains droits, et notamment d'un droit à la santé à partir duquel est légitimée une réforme de la protection sociale des détenus (Section 1). L'institution pénitentiaire apparaît, d'autre part, de moins en moins extérieure à la société comme en atteste l'émergence de la notion de « décloisonnement » à partir de laquelle est envisagée l'intégration de certains secteurs d'activité, et notamment les services de médecine et de psychiatrie, dans le système de droit commun. OEuvrant pour la reconnaissance d'une médecine pénitentiaire spécifique, Solange Troisier s'oppose cependant à tout « décloisonnement » du service de santé aux détenus et ainsi à son transfert auprès du service public hospitalier (Section 2).

Section 1 - Vers une nouvelle considération de la détention : la progressive reconnaissance du détenu comme sujet de droit

Louis Joinet, juge d'application des peines : « Il faut savoir que dans la prison il y a un tribunal qu'on appelle le prétoire, il y a une prison dans la prison qui s'appelle le mitard mais il n'y pas de règles de droit qui permettent de voir comment cela fonctionne ou comment on doit le contrôler. Un juge, c'est d'abord celui qui est chargé de faire respecter les libertés fondamentales, les droits fondamentaux. Un détenu, c'est une évidence, il lui reste un certain nombre de droits. Il suffit de voir les cahiers de revendications actuellement. Qu'est-ce qu'ils demandent ? Un ensemble de choses extrêmement banales... On se demande pourquoi ils se révoltent... Ils demandent tout simplement à être respectés dans leur dignité ! Ils ont droit au travail, à la santé... »491(*).

En dépit des mutineries et du mouvement d'opinion en faveur des prisons apparu au début des années soixante-dix, les conditions de détention évoluent dans un premier temps très peu. René Pleven défend encore une conception de l'incarcération selon laquelle le détenu devrait être coupé du reste de la société. En atteste son discours à l'Assemblée nationale lors du vote de la loi créant notamment les réductions de peine pour bonne conduite492(*) : « Ces mesures ne suppriment pas les caractéristiques inhérentes à la vie carcérale, qui sont la privation de liberté, l'agglomération des condamnés, les nécessités de la discipline et la coupure avec le monde extérieur »493(*).

Une nouvelle représentation de la détention est néanmoins adoptée par ses successeurs. Déjà, la fin de la présidence de Georges Pompidou est marquée par une relative libéralisation de la politique à l'égard des prisons. Suite aux élections législatives de mars 1973 qui reconduisent la majorité UDR, René Pleven est remplacé par Jean Taittinger. Réputé pour son libéralisme, le nouveau garde des Sceaux procède à un changement d'équipe, en nommant Georges Beljean directeur de l'Administration pénitentiaire, en remplacement d'Henri Le Corno dont le nom était associé aux mutineries494(*). Le retour d'un magistrat à la tête de l'Administration pénitentiaire, ce qui n'était plus le cas depuis 1964, est perçu comme un signe de libéralisme (LM, 8/06/1973). Enfin, le nouveau ministre de la Justice s'adjoint Pierre Arpaillange comme directeur de cabinet, auteur d'un rapport critique sur la Justice pénale. Le 15 juin 1973, le ministère de la Justice publie une note annonçant, entre autres, une amélioration des conditions de détention, notamment en matière médicale495(*). Très vite des mesures sont adoptées (installation du chauffage dans les prisons qui n'en disposaient pas, autorisation des détenus à conserver leur montre) mais elles demeurent incapables de répondre au mécontentement des détenus. Plusieurs révoltes éclatent à la Centrale de Melun, considérée comme une prison modèle, dont les détenus réclament une amélioration de leur vie quotidienne et notamment des soins496(*). La politique de Taittinger s'accompagne de l'hostilité des surveillants, qui se sentant déconsidérés, vont jusqu'à réclamer un « droit à l'insurrection » pour les personnels pénitentiaires, ce dernier étant reconnu de fait, selon eux, aux détenus497(*).

L'élection en mai 1974 de Valéry Giscard d'Estaing confirme cette réorientation de la politique pénitentiaire. A l'image du rapprochement entre les structures sociales et politiques opéré dans le cadre d'une politique de libéralisation de la société française498(*), le président de la République inaugure un nouvel idéal d'humanisation des prisons visant à réduire l'écart entre le milieu carcéral et le reste de la société. L'amélioration des conditions de détention apparaît dès lors inextricablement liée à la reconnaissance de droits en faveur des détenus (1). Cette montée en puissance du droit au sein du débat carcéral s'explique en partie par les transformations du militantisme pénitentiaire, progressivement moins politisé, dans lequel s'engagent de plus en plus les professionnels travaillant en détention (2). C'est à partir de l'affirmation d'un « droit à la santé » que l'organisation des soins en prison est l'objet de critiques récurrentes mais surtout que s'impose l'idée d'une affiliation des détenus à la Sécurité sociale (3).

1. La « petite phrase de Giscard » et l'idée de « droits » des détenus

« La philosophie de la réforme pourrait se résumer en une phrase : "votre liberté vous est confisquée, le reste vous est laissé" [...] La pratique du sport devrait être plus largement encouragée ; les lectures devraient être autorisées de façon plus libérale [...] Les possibilités éducatives devraient être réelles et non théoriques [...] Les deux tiers de la population pénale de la Maison d'arrêt de Rennes n'ont donc pas d'emploi et passent vingt-trois heures sur vingt-quatre dans leur cellule, complètement oisifs [...] Ne devrait-on pas commencer par supprimer l'hygiaphone ou les grilles du parloir très difficiles à supporter psychologiquement ? [...] On pourrait peut-être ouvrir les portes de la prison pour les détenus qui le souhaitent aux ministres du culte, aux médecins de famille, aux psychiatres appartenant au secteur du domicile du détenu... »499(*).

Dès le début de son septennat, Valéry Giscard d'Estaing témoigne d'une approche plus libérale de la question carcérale en choisissant Jean Lecanuet comme garde des Sceaux qui nomme directeur de cabinet Robert Schmelck, ancien DAP et président de la commission sur les émeutes de Toul. Figure, d'autre part, dans le second gouvernement Chirac un secrétariat d'Etat à la condition pénitentiaire confié à Hélène Dorlhac de Borne500(*), qui marque, outre la recherche d'un effet de nouveauté (on voit également apparaître un ministère des Réformes ou encore un secrétariat d'Etat pour les Travailleurs immigrés ou pour la Condition féminine), la volonté du nouveau président de la République de conduire, comme il le déclare lors de la composition du gouvernement, « l'indispensable réforme des prisons »501(*). La suppression de l'Education surveillée et de l'Administration pénitentiaire, qui « fait trop parler d'elle et de ses détenus », est envisagée, ainsi que la mise à l'écart de Pierre Arpaillange et de Georges Beljean, avant d'être finalement écartée alors que le nouveau gouvernement est confronté à la question carcérale (LM, 6/07/1974). Mutineries et émeutes se multiplient en effet au cours de l'été 1974 dans plusieurs établissements en réaction aux conditions de détention mais aussi au peu d'effet de la loi d'amnistie502(*). Valery Giscard d'Estaing entreprend alors une politique de détente en déclarant que « la peine, c'est la détention... ce n'est pas plus que la détention. Autrement dit, la pratique interne à la vie pénitentiaire ne doit pas ajouter d'autres sanctions à la détention »503(*).

Qualifiée par certains journalistes de « révolutionnaire », cette phrase est aussitôt interprétée comme le signe d'une nouvelle politique pénitentiaire : « Cette constatation [...] n'aurait rien, en elle-même, d'extraordinaire si elle ne remettait en question toute la politique suivie chez nous depuis la fin de l'ancien régime »504(*). « Si la remarque vaut, comme il faut le penser, promesse d'agir, la liste va être longue des énormes différences qui séparent les conditions de détenus et d'hommes libres et qu'il va falloir supprimer », écrit Philippe Boucher dans Le Monde (27/07/1974). Cette « petite phrase » devient très vite le symbole d'une politique de « libéralisation » des conditions de détention, à l'image de la réforme de la société française. Le président poursuit cet engagement au cours d'une visite aux prisons de Lyon où il annonce que « la réforme pénitentiaire sera menée à son terme » (LM, 13/08/1974) mais où, surtout, il se mêle aux détenus afin de leur serrer la main. Même s'il tentera de lui attribuer a posteriori une moindre signification505(*), ce geste fut interprété, de même que les nombreuses visites de Mme Dorlhac en détention, comme le signe, outre la recherche d'un style d'exercice du pouvoir506(*), d'une nouvelle action pénitentiaire. Confronté à de nombreuses révoltes, le nouveau président de la République place la question carcérale au coeur des premiers mois de son mandat. « La crise pénitentiaire est devenue la principale préoccupation du gouvernement », titre Le Monde le premier août 1974.

Le garde des Sceaux adopte dès fin juillet certaines mesures afin de concrétiser la volonté réformatrice présidentielle. Il instaure notamment des « missions d'urgence » destinées à « éviter l'extension ou la contagion des désordres », prévoyant notamment une amélioration de l'alimentation et des conditions d'hygiène (LM, 31/07/1974). Jean Lecanuet présente, d'autre part, une réforme proposant de « désenclaver » la prison qui est, malgré une méfiance initiale, largement saluée par la presse507(*) à l'exception néanmoins de Libération508(*). Face à l'aggravation des mouvements de révolte et aux nombreux dégâts qui en découlent509(*), le plan Lecanuet est cependant ajourné notamment du fait du ministre de l'Intérieur, Michel Poniatowski, qui déclare que « la réforme des prisons est actuellement empêchée par les prisonniers eux-mêmes » (LM, 2/08/1974). Une opération « portes ouvertes » est lancée le 5 août à la prison de Loos-lès-Lille, ravagée quelques jours auparavant, afin de souligner le coût des dégâts engendrés (LM, 7/08/1974). Pourtant en entérinant le projet de réforme, Valéry Giscard d'Estaing désavoue le garde des Sceaux décrit comme le « vassal de M. Poniatowski » (LM, 2/08/1974). Le principal axe de la réforme réside dans l'amélioration et la libéralisation des conditions de détention menée sous la houlette du nouveau directeur de l'Administration pénitentiaire, Jacques Mégret, nommé suite à la démission de M. Beljean en août 1974 (LM, 30/08/1974). Maître des requêtes au Conseil d'Etat, Jacques Mégret se caractérise par son humanisme, si l'on en croit Yvan Zakine, alors détaché dans cette direction ministérielle :

« Mégret était un homme remarquable. C'était un humaniste jusqu'à la moelle des os. Ce fut d'ailleurs le créateur de l'ouverture du recrutement, ce qui n'était pas neutre, pour le personnel de direction. Car avant ils étaient issus des rangs. C'était encore fermé, comme la prison si j'ose dire ! Ils avaient tous été soit surveillants, soit économes, soit éducateurs. Mais ils étaient issus du concours basique. L'idée de Mégret était de dire, et c'était là aussi cette ouverture de la prison vers la Cité : "C'est inconcevable. La prison doit être comme tous les autres services publics, c'est-à-dire avoir un concours interne et un concours externe". Et on a vu affluer des anciens étudiants de droit ou de sciences humaines » 510(*).

La promesse présidentielle se concrétise dans la circulaire du 23 août 1974 portant application de la réforme pénitentiaire. Celle-ci met fin aux limitations de correspondance, autorise l'utilisation des transistors, marque l'abandon du port du costume pénal (le « droguet »), assouplit les conditions d'obtention des parloirs, autorise les détenus à se marier et à laisser pousser leur barbe, cheveux et moustache. Cet assouplissement de la détention trouve sa meilleure expression dans la création d'une nouvelle catégorie d'établissement pénitentiaire au fonctionnement moins strict, les Centres de détention, réservés aux détenus considérés comme les moins dangereux et les plus réinsérables. A la libéralisation des conditions de vie, s'ajoute une politique pénale plus souple notamment par loi du 11 juillet 1975 qui créé les peines de substitution, accroît les libérations conditionnelles et étend le secteur d'application du sursis avec mise à l'épreuve511(*). L'assouplissement de la vie carcérale et la diminution du nombre de détenus, qui passe de 31.600 en 1972 à 26.000 en 1975, rend possible un maintien du calme relatif dans les établissements pénitentiaires (on compte trente-six incidents en 1975 contre cent cinquante-deux en 1974)512(*) bien que le mécontentement demeure important : « Le climat des prisons n'est pas bon ; leur calme apparent, périodiquement troublé, est probablement illusoire et fragile. Les surveillants estiment que peu est fait pour eux [...] Les prisonniers pensent au contraire que, malgré les promesses faites en Août, après les révoltes, "rien ne vient" [...] Quant à Mme Dorlhac, jugée peu crédible par les syndicats ou les organisations du ministère de la Justice, on la dit sur le départ » (LM, 30/04/1975). Certains, tel le Juge d'application des peines (JAP) Etienne Bloch, regrettent que cette libéralisation en trompe l'oeil vienne justifier la création, par le décret du 23 mai 1975, d'un régime de détention plus strict, les Quartiers à sécurité renforcée (QSR) communément appelés Quartiers de haute sécurité (QHS) :

« Les améliorations apportées au régime de détention ne concernent que les détenus des centres de détention, soit en gros 3.000 condamnés. La population pénale se compose d'environ 28.000 détenus [...] Sous prétexte d'instituer une homogénéité de la population pénale, en fait on imagine un nouveau critère de dangerosité dont seule l'administration centrale sera juge »513(*).

A l'encontre des impératifs sécuritaires qui avaient jusque-là prévalus514(*), le nouveau président de la République propose durant les premières années de son mandat une politique pénitentiaire d'« humanisation », pouvant être définie comme l'effort visant à rapprocher le milieu carcéral de la vie en liberté de façon à ce que l'incarcération n'ait pas d'effets nuisibles515(*). Cette politique s'accompagne de la reconnaissance de droits aux détenus venant justifier les transformations des conditions de détention. En vertu du principe posé par Valéry Giscard d'Estaing, le détenu est en effet progressivement reconnu comme un individu pouvant disposer des droits reconnus à quiconque. En témoigne le compte-rendu d'un colloque organisé par l'Administration pénitentiaire en 1975 :

« La peine privative de liberté ne devrait en principe consister que dans la seule privation de liberté. Il serait souhaitable d'assurer la participation du détenu au fonctionnement, à l'aménagement de la communauté carcérale, avec des choix laissés, si possible, à ce détenu, et quelque fois une part de responsabilité [...] L'idée a même été présentée de l'organisation d'un recours du détenu contre les décisions dont il souffre »516(*).

La circulaire du 23/08/1974 fait mention d'un « statut du détenu ». Plusieurs droits sont successivement évoqués sans être l'objet d'une reconnaissance juridique en tant que telle. Le droit de vote, déjà évoqué à l'occasion de l'élection présidentielle de mai 1974517(*), est attribué par la loi du 31 décembre 1975 à toutes les personnes placées en détention provisoire ainsi qu'à tous les détenus purgeant une peine n'entraînant pas une incapacité électorale (LM, 13-14/03/1977). C'est au nom du « droit à l'enseignement » qu'est créé en mars 1975 le Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI) sur l'initiative d'Hélène Dorlhac et avec le soutien de Valéry Giscard d'Estaing (LM, 1/03/1975), ainsi qu'une Section d'enseignement aux étudiants incarcérés à l'université de Paris VII (LM, 5/07/1978). Enfin, c'est au nom du « droit la culture » et du « droit à l'information » que des détenus ou des personnalités exigent que l'Administration autorise la lecture d'ouvrages ou de revues jusque-là censurés518(*).

Si l'idée de « droit des détenus » marque le fondement des réformes des conditions de détention adoptées au milieu des années soixante-dix, cette notion n'est pas pour autant nouvelle. Déjà à la Libération des magistrats s'interrogeaient sur la possibilité de concilier le droit de punir qu'exige la société et les droits dont dispose chaque individu, la peine devant réaliser l'équilibre entre la légitime défense sociale et l'amendement des détenus : « Les châtiments physiques sont encore nécessaires mais ils doivent être humains. Le critérium pourrait être le suivant : la souffrance ne doit pas dépasser ce qui est légitime d'un point de vue utilitaire. Autrement dit, il faut essayer de créer une détention humaine compatible avec la sauvegarde de certains droits de l'individu »519(*).

L'idée de « droits des détenus », jusque-là théorique, se concrétise à partir des années cinquante sous le poids d'une codification internationale (Cf. Encadré). Le Code de procédure pénale stipule en 1959 que « lors de son entrée dans un établissement pénitentiaire, chaque détenu doit être informé sur les points qu'il lui est nécessaire de connaître concernant ses droits et ses obligations » (D.257 CPP). La reconnaissance de droits aux détenus demeure cependant au cours des années soixante avant tout incantatoire en l'absence d'autorité assurant leur effectivité : « Il ne s'agit que de certaines concessions octroyées aux détenus par l'Administration en application des principes généraux des méthodes pénitentiaires actuelles [...] Le détenu qui s'estime injustement privé de tel ou tel avantage n'a d'autre recours que de solliciter l'application à son cas particulier, des mesures ou faveurs qu'il croit avoir méritées »520(*).

L'AMORCE D'UNE CODIFICATION INTERNATIONALE DES « DROITS DES DÉTENUS »

Déjà en 1933, la Société des Nations adopte un « Ensemble de règles minima pour le traitement des prisonniers » qui est, du fait de la guerre, sans grand retentissement au sein de chaque Administration pénitentiaire521(*). En 1955, la Commission Pénale et Pénitentiaire des Nations Unies révise cet ensemble de règles, portées à quatre-vingt-quinze, afin de les adapter aux « exigences de la politique pénale moderne »522(*). Principalement fondées sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, ces recommandations font de la réinsertion l'objectif premier de la peine, comme le rappelle le Directeur de l'Administration pénitentiaire belge : « Le traitement pénitentiaire ne doit pas mettre l'accent sur l'exclusion des détenus de la société mais, au contraire, sur le fait qu'ils continuent à en faire partie. La privation de liberté constitue un châtiment socialement nécessaire mais suffisant par lui-même : il ne faut donc pas l'aggraver par des souffrances accessoires »523(*).

En 1973, le Conseil de l'Europe adapte ces règles à un cadre européen soulignant que « même si un requérant se trouve détenu en exécution d'une condamnation, cette circonstance ne le prive pas cependant de la garantie des droits et des libertés définis dans la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales »524(*).

Au fur et à mesure de ce travail de codification, les « droits » reconnus aux détenus s'étendent considérablement. Tandis que la résolution du 30/09/1933 se restreint à certaines fonctions vitales (alimentation, exercice physique), les règles adoptées le 2/09/1955 s'étendent au travail pénal (droit à une rémunération, indemnisation des accidents du travail) et accordent un droit à l'information.

Confinée jusque-là au domaine des sciences pénitentiaires, l'idée de « droits des détenus » se diffuse au début des années soixante-dix durant les mouvements de révolte. Ce terme apparaît certes rarement dans les tracts et les argumentaires des premières mutineries où il est davantage question de « scandale des prisons »525(*), à l'exception cependant des détenus « politiques » réclamant pour eux-mêmes l'attribution de certains droits (à la circulation, à la culture, à l'information, aux communications)526(*). Une transformation semble cependant progressivement s'opérer. Tandis que les détenus de Melun revendiquent initialement un « droit au travail pour tout libérable » (L'Express, 17/01/1972), ils demandent dans leurs révoltes successives « le respect des droits de l'homme enfermé » (Journal des prisonniers, 01/1974), comme si la notion de droit avait acquis une légitimité nouvelle dans l'esprit des détenus. On peut voir dans cette transformation une conséquence de la mobilisation des militants de la cause carcérale, pour lesquels la dénonciation des conditions de détention, jugées « intolérables », avait pour corollaire l'idée implicite que chaque prisonnier dispose de droits qui seraient bafoués en prison. C'est ainsi que deux des principaux animateurs du GIP rendent compte de leur action.

Au sujet des enquêtes menées sur les conditions d'incarcération, Daniel Defert précise que « ces questions parlent moins de l'expérience des détenus, ou de leur misère que de leurs droits. Droit à pouvoir se défendre contre les tribunaux. Droit à l'information, aux visites, au courrier. Droit à l'hygiène et à la nourriture [...] Le questionnaire est une manière de déclarer ces droits et d'affirmer qu'on veut les faire valoir »527(*). Le but du GIP aurait ainsi été, selon Jean-Marie Domenach, de « rendre aux familles des détenus et aux détenus eux-mêmes conscience de leur dignité : qu'ils cessent d'être une foule d'isolés exposés à l'injustice et qu'ils aient conscience des droits minimaux dus à la personne »528(*). Cette conception plus légaliste de la lutte en faveur des détenus semble surtout avoir été présente parmi les intellectuels comme Jean-Marie Domenach ou Gilles Deleuze qui lors d'un procès affirma que le problème des prisons est « avant tout un problème de droit » : « Le tribunal, disent les prisonniers, les condamne à une peine privative de liberté. Or, dès qu'ils passent la porte, ils s'aperçoivent qu'ils sont condamnés à toute autre chose [...] Ils n'ont pourtant jamais été condamnés à ne plus jouir d'aucun droit »529(*). Ainsi, bien que les revendications faites lors des révoltes aient rarement recours à une légitimité juridique, elles n'en reposent pas moins, comme le souligne Jean-Jacques de Felice, sur « le droit à l'insurrection des détenus pour les droits élémentaires » (LM, 21/01/1972). L'idée que les détenus ne cesseraient pas, du fait de leur incarcération, de bénéficier des droits dus à chaque homme heurte pourtant la conception doctrinale alors dominante, selon laquelle les droits seraient « suspendus » par l'incarcération. Le développement au même moment d'un mouvement de politisation du droit, et plus généralement l'implication du secteur judiciaire au sein des mouvements sociaux530(*), expliquent que cette revendication militante ait pu se traduire par une nouvelle représentation juridique de la peine :

« La conception moderne enseigne que le détenu conserve l'exercice de ces mêmes droits, dans la mesure où il n'en est pas expressément privé par la loi ou par un jugement. On doit à cette conception, qui prend conscience de la non-exclusion des détenus de la communauté, le gros des réformes tendant à améliorer le sort des prisonniers »531(*).

Après avoir été l'objet des militants de la cause carcérale puis des sciences pénitentiaires, la notion de « droit des détenus » est dans un dernier temps consacrée au sein des textes officiels532(*). Déjà en 1972, René Pleven institue une commission de réflexion sur « les droits et les obligations des détenus » qui conclut que « la politique générale de l'institution pénitentiaire a pour but d'assurer [aux détenus] d'exercer leurs droits au sein de la société » (LM, 3/03/1972). L'Administration met en place la même année une « notice d'information à l'usage du détenu », sorte de vade-mecum remis à chaque nouvel arrivant lui permettant de connaître ses « droits et devoirs »533(*). Les « règles minima » adoptées par le Conseil de l'Europe en 1973 offrent, d'autre part, aux détenus un droit de recours individuel auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme. Mais c'est surtout à partir de la politique d'humanisation dont se revendique le nouveau président de la République que l'idée de droit des détenus s'ancre plus explicitement dans la politique pénitentiaire : « Pour que la prison puisse restituer un homme à la Cité, il faut, à côté des contraintes inéluctables liées à la privation de liberté, reconnaître des droits au détenu », déclare la secrétaire d'Etat à la condition pénitentiaire534(*).

C'est sous l'effet conjugué de ces différentes transformations (codification internationale, contestation des militants de la cause carcérale ainsi qu'au sein du secteur juridique, nouvel idéal pénitentiaire) que l'idée de droit des détenus se diffuse dans la presse qui évoque le droit au travail (Libération, 15/06/1974), « le droit de vote des prisonniers » (LM, 13-14/03/1977) ou encore le droit à faire du sport (LM, 22/02/1977).

La reconnaissance de droits aux détenus doit cependant être relativisée. Ces droits sont tout d'abord le plus souvent imprécis, le mot « droit » ne figure d'ailleurs que très rarement dans les textes officiels, l'Administration lui préférant l'expression « les détenus peuvent.... »535(*). Ces droits ne revêtent, en outre, jamais l'aspect d'un texte de loi voté au parlement puisqu'ils sont adoptés sous la forme de décrets ou de circulaires et sont ainsi privés de toute valeur législative. Faute de recours contentieux en cas de violation de ces droits, le Pr Alain Sériaux y voit, lors d'un débat à la Société générale des prisons, des « facultés octroyées aux détenus en vue de leur réadaptation sociale » et Jean Dupreel, ancien DAP des prisons belges, des « concessions octroyées aux détenus par l'administration en application des principes généraux des méthodes pénitentiaires actuelles »536(*).

En dépit de ces limites, émerge un discours politique souhaitant limiter la peine à la seule détention et reconnaissant le détenu comme un sujet de droit. L'absence de jugement de valeur ou le fait qu'il ne soit désormais plus question de rendre « meilleur » le « détenu » (qui se substitue au « prisonnier ») traduisent peut-être une nouvelle théorie de la peine. La peine a désormais explicitement comme but la neutralisation des individus du corps social et perd sa prétention à « corriger » les individus comme le proposait le modèle du « tout-carcéral »537(*). C'est peut-être pourquoi, Claude Faugeron estime que désormais la politique pénitentiaire se réduit à une approche managériale du problème carcéral, consistant à concilier les intérêts divergents des détenus, des syndicats et des contraintes budgétaires et électorales538(*). La politique pénitentiaire giscardienne est pourtant fondée sur une théorie de la peine où les droits de la personne humaine s'autonomisent progressivement de l'idée de sanction : « Désormais, deux niveaux sont donc distingués : celui de la personne privée et celui de l'être social »539(*). Si elle s'inscrit dans le cadre d'un projet de libéralisation de la société, cette nouvelle considération des détenus est également le fruit de la mobilisation de professionnels de la prison qui inaugure un militantisme moins politisé et plus légaliste où la défense des détenus passe par la revendication et la mise en oeuvre de certains droits.

* 476 « Journée d'études à l'école d'administration pénitentiaire », 4 pages (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV 29- Politique pénitentiaire).

* 477 Cf. Annexe 12 : « La réforme Amor de 1945 et le modèle du "tout-carcéral" ».

* 478 Au 1er janvier 1952, seulement 1.255 détenus sur 15.920 bénéficiaient de la réforme Amor. En 1959, 1.977 condamnés sur les 5.633 placés en M.C sont soumis au régime progressif (VIMONT Jean-Claude, La prison : à l'ombre des hauts murs, op.cit., p.76).

* 479 FAUGERON Claude, « De la Libération à la guerre d'Algérie : l'espoir d'une réforme pénitentiaire » dans PETIT J.G et alii, Histoire des galères, op.cit., p.315.

* 480 En 1961, neuf surveillants sont tués et soixante-sept autres sont agressés (LETENEUR Henri, art.cit., p.191).

* 481 Cité dans FAVARD Jean, Des prisons, op.cit., p.19.

* 482 Initialement pensé pour des détenus présentant un risque d'évasion important (grand banditisme), le statut de DPS, encore en vigueur aujourd'hui, a été étendu aux détenus devant être suivis pour les risques qu'ils encourent : personnalités, anciens fonctionnaires de la Justice ou de la police par exemple.

* 483 FOYER Jean, « La doctrine de la Cinquième République en matière de répression », RPDP, 1963, pp.281-287.

* 484 Les « sciences pénitentiaires » sont une branche du droit, proche de la criminologie, spécialisée dans l'étude des questions carcérales (conditions de détention, philosophie pénale, récidive, etc.) qui s'est notamment développée au cours des années soixante-dix. Bien que faisant l'objet d'enseignements ponctuels, cette discipline ne semble pas pleinement reconnue aujourd'hui dans le milieu universitaire puisqu'elle ne fait l'objet d'aucun diplôme per se.

* 485 GOLPAYEGANI Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté, op.cit, pp.105-106.

* 486 VERIN Jacques, « Esquisse d'un programme de recherches liées à une réforme pénitentiaire », RSCDPC, 1972, p.155.

* 487 MEZGHANI Ridha, La condition juridique du détenu, thèse de science pénitentiaire, Paris 2, 1975, p.319.

* 488 GOLPAYEGANI Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté, op.cit., pp.10-12.

* 489 Empruntant cette notion à l'analyse que fait François Héran de la linguistique de Saussure (« L'institution remotivée. De Fustel de Coulange à Durkheim et au-delà », Revue française de sociologie, n°1, 01-03/1987, pp.67-97), Antoine Vauchez décrit un processus de « remotivation » de la magistrature italienne qui, accusée d'être trop politisée par la droite berlusconienne, a réussit à imposer un nouveau modèle d'excellence professionnelle et se doter d'un rôle nouveau de transformation de l'ordre social (VAUCHEZ Antoine, L'institution judiciaire remotivée. Le processus d'institutionnalisation d'une « nouvelle justice » en Italie (1960-2000), Paris, LGDJ, Collection « Recherches et travaux du Réseau Européen Droit et Société », 2004).

* 490 FARGES Eric, « Penser la réforme pénitentiaire avec Michel Foucault. Apports et limites à une sociologie politique de la loi du 18 janvier 1994 », Raisons politiques, n°25, 02/2007, pp.101-125.

* 491 « Actualité en question », 1ère chaîne, 13/01/1972, archives de l'INA.

* 492 Loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 simplifiant et complétant certaines dispositions relatives à la procédure pénale, aux peines et à leur exécution.

* 493 « Trente ans de politique pénitentiaire », Justice, n°33, 1974, p.3-8.

* 494 Georges Beljean (1927-1993) est un magistrat ayant mené une carrière de parquetier. Membre du syndicat de la magistrature et critique à l'égard du projet de loi « Sécurité et liberté » d'Alain Peyrefitte, il deviendra en 1981 directeur de cabinet de Robert Badinter, ministre de la Justice.

* 495 DARMON Marco, « L'exclusion pénitentiaire », Droit social, n°11, 11/1974, p.138.

* 496 « Melun : Révolte. Les détenus criaient : aidez nous ! », Libération, 27-28/10/1973 ; « Melun : nouvelle révolte de détenus », Libération, 9/01/1974.

* 497 FAUGERON Claude, « Les prisons de la Ve République », art.cit., p.332.

* 498 Durant les premiers mois de son septennat, Valéry Giscard d'Estaing multiplie les réformes visant à adapter la loi à l'évolution des moeurs : éclatement de l'ORTF, abaissement de la majorité civile, loi sur le divorce par consentement mutuel, loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse.

* 499 AQUIZERATE-FONTAINE Joëlle, Contribution à l'étude des conduites suicidaires en milieu carcéral. A propos de 23 cas étudiés à la maison d'arrêt de Rennes, thèse de médecine, dirigée par le Pr Sabouraud, Rennes, 1977, pp.63-64.

* 500 Au-delà de la symbolique, le secrétariat d'Etat jouera cependant un moindre rôle dans la détermination de la politique pénitentiaire en raison des relations difficiles entre Hélène Dorlhac et son ministre de tutelle, Jean Lecanuet. Créatrice d'un club « Perspectives et réalités » à Nîmes, la secrétaire d'Etat est en effet une proche du président de la République qui sera perçue par le garde des Sceaux, centre démocrate, comme l'« oeil de l'Elysée » à la Justice (CAUVIN Claire, PONCET Dominique, Les femmes de Giscard, Paris, 1975).

* 501 Cité dans DORLHAC DE BORNE Hélène, Changer la prison, Paris, Plon, 1984, p.19.

* 502 « Mutinerie à la centrale de Nîmes » Le Monde, 6/07/1974 ; « Mutinerie à la maison d'arrêt de Valence » Le Monde, 14-15/07/1974 ; « Mutinerie à la centrale de Clairvaux» Le Monde, 21-22/07/1974 ; « Mouvement important à la Maison centrale de Caen le 24 juillet » Le Monde, 26/07/1974 ; « Emeute le 25 Juillet. La centrale de Loos-les Lille est totalement dévastée », Le Monde, 27/07/1974.

* 503 « Justice : la peine, c'est la détention », Le Monde, 27/07/1974.

* 504 « La petite phrase de Giscard », L'Aurore, 27/07/1974.

* 505 Valéry Giscard d'Estaing relativisera ce geste, qui lui fut beaucoup reproché par son électorat, au cours de la campagne électorale de 1981 : « On m'a dit "Pourquoi leur avez-vous serré la main ?". C'est à cause d'un principe de droit. Ce principe de droit que je respecte, c'est que lorsque quelqu'un n'est pas jugé, je ne sais pas s'il est coupable. Or les détenus qui étaient là étaient en détention provisoire » (Le Monde, 27/03/1981). Le président a pourtant ce jour là serré la main de tous les détenus sans distinction entre condamnés et prévenus (FAVARD Jean, Des prisons, op.cit., pp.22-23).

* 506 Héritier d'une longue famille politique, polytechnicien et énarque, Valéry Giscard d'Estaing est issu d'un milieu élitiste dont il va tenter de se démarquer au cours de sa présidence en inaugurant « une nouvelle ère de la politique française » comme il l'affirme lors de son discours d'installation le 27 mai 1974. Le plus jeune président de la Ve République, il a alors 48 ans, va développer une politique de communication moderne tournée vers les classes sociales les plus modestes en accumulant les coups d'éclats : petit-déjeuner à l'Elysée avec des éboueurs, rencontre de travailleurs immigrés dans la banlieue Nord de Marseille, repas au domicile de simples citoyens, etc. (CHEVALLIER Jean-Jacques, CARCASSONNE Guy, DUHAMEL Olivier, La Ve République. Histoire des institutions et des régimes politiques de la France, Paris, Armand Colin, 2001, pp.226-227).

* 507 « Prisons : le gouvernement passe enfin à l'action », Le Quotidien de Paris, 31/07/1974 ; « Après l'adoption de la réforme pénale et pénitentiaire. Plus que des promesses, des engagements », Le Monde, 9/08/1974.

* 508 « Giscard a choisi une réforme sans changement », Libération, 17-18/08/1974.

* 509 On enregistre entre le 19 juillet et le 5 août 1974 quatre-vingt-neuf mouvements de révolte collective, dont neuf mutineries au cours desquelles sept détenus trouvèrent la mort, tandis que onze établissements étaient totalement ou partiellement dévastés (DORLHAC DE BORNE Hélène, Changer la prison, op.cit., p.46).

* 510 Yvan Zakine, magistrat directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le 20/03/2008. Durée : 3H00.

* 511 SALLE Grégory, Emprisonnement et Etat de droit, op.cit., p.133.

* 512 FAVARD Jean, Le labyrinthe pénitentiaire, op.cit., p.178.

* 513 BLOCH Etienne, « La réforme pénitentiaire », mai 1975, 7 ff. dact. (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV-23 : La réforme de 1975).

* 514 En mai 1975, le directeur de l'Administration pénitentiaire déclare ainsi que « la crainte de l'évasion ne saurait constituer pour les chefs d'établissement et leur personnel leur unique et obsessionnelle préoccupation » (DELBAERE Loïc, Le système pénitentiaire à travers les luttes des détenus de 1970 à 1987, op.cit., p.67).

* 515 Dans le bilan qu'il dresse des deux premières années de son septennat, Valéry Giscard d'Estaing fait par exemple figurer « la condition pénitentiaire humanisée » (Démocratie française, Paris, Fayard, 1976, p.16).

* 516 « L'exécution de la peine privative de liberté et les droits de l'individu », RSCDPC, 1975, n°3, pp.741-751.

* 517 « Depuis 1945 dans les prisons on ne vote pas », Libération, 16/05/1974 ; « Dimanche, le sort de la France aurait pu dépendre de 20.000 détenus », Libération, 19/09/1974.

* 518 « Grève de la faim à la Santé : « Le droit de lire les livres qu'ils veulent » » ; Libération, 12/06/1974 ; « Le droit de lire, d'écouter la radio... », Libération, 20/06/1974 ; « Déclaration commune de 18 écrivains et avocats, le 19 juin, protestant contre la censure politique de l'administration » Le Monde, 23-24/06/1974 ; « Ayant cessé de s'alimenter depuis le 4 juin, P. Noulet a été transporté à l'hôpital des prisons car il veut obtenir la complète liberté de lecture », Le Monde, 30/06-1/07/1974 ; « Peut-on lire "Actes" à Fleury-Mérogis ? », Le Monde, 28/06/1977 ; « Libération censuré dans certaines prisons », Le Monde, 7/10/1977 ; « C.A.P interdit dans les prisons par décret du 5 novembre », Le Monde, 30/11/1977.

* 519 MAUREL Edouard, « Une déclaration universelle des droits du détenu sera-t-elle un jour rédigée ? », RPDP, 10-12/1949, pp.374-380.

* 520 DUPREEL Jean, « Une notion nouvelle : les droits des détenus », RDPC, 1957-1958, p.175.

* 521 MEZGHANI Ridha, La condition juridique du détenu, op.cit., p.71.

* 522 Ibidem, p.74

* 523 DUPREEL Jean, « Une notion nouvelle : les droits des détenus », RDPC, 1957-1958, p.169.

* 524 MEZGHANI Ridha, La condition juridique du détenu, op.cit., p.250.

* 525 Les Cahiers de revendications sortis des prisons lors des récentes révoltes font cependant mention d'un « droit d'avoir des transistors », d'un « droit de cantiner des livres de poche », d'un « droit au colis de Noël » ou d'un « droit au libre parloir » (Cf. ARTIERES Philippe, alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.).

* 526 Cf. Lettre d'un détenu « politique », Esprit, 12/1970, p.973.

* 527 DEFERT Daniel, « Quand l'information est une lutte », La Cause du peuple-J'accuse, 25/05/1971.

* 528 DOMENACH Jean-Marie, « Rendre aux détenus et à leur famille conscience de leur dignité », La Croix, 24/02/1972.

* 529 DELEUZE Gilles, « Le problème de la détention... », 27/04/1972. Cité dans ARTIERES Philippe, alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.

* 530 Cf. Annexe 13 : « Le mouvement de contestation du droit des « années 68 » face aux prisons et la judiciarisation de la détention ».

* 531 MEZGHANI Ridha, La condition juridique du détenu, op.cit., p.263.

* 532 Cette judiciarisation de la peine et de la détention semble aurait eu lieu aux Etats-Unis en dehors de toute politisation, les tribunaux ayant directement reconnu des droits aux détenus (RICHERT J.P., « Le développement des droits des condamnés américains », Justice, n°32, 1974, pp.2-4.)

* 533 Circulaire A.P 72-5 du 3/11/1972.

* 534 DORLHAC DE BORNE Hélène, Changer la prison, op.cit., pp.168-171.

* 535 À l'exception du « droit à l'information » explicitement reconnu dans la circulaire du 26/08/1974.

* 536 SERIAUX Alain, « Des intérêts légitimes sans protection juridique : les droits des détenus », RPDP, n°3, 1979, p.467.

* 537 Cf. Annexe 12 : « La réforme Amor de 1945 et le modèle du "tout-carcéral" ».

* 538 FAUGERON Claude, « Avant-propos », Problèmes politiques et sociaux, Paris, La documentation française, n° 755-756, 1992, p.5.

* 539 SEYLIER Monique, « La banalisation pénitentiaire ou le voeu d'une réforme impossible », Déviance et société, vol.4., n°2, 1980, p.139.

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