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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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2. La défense d'une médecine pénitentiaire spécifique et l'échec du projet de « décloisonnement total » de l'organisation des soins

« Cette médecine s'adresse à une population pénale nombreuse qui tôt ou tard réintégrera la société. Elle ne doit donc pas être spécifique mais au contraire s'intégrer autant que possible dans l'ensemble du dispositif médico-social de la communauté nationale ou, à tout le moins, être aussi proche que possible de celle dont bénéficie l'ensemble du corps social. Dans cette optique le ministère de la Justice en liaison avec le Ministère de la Santé a mis à l'étude une formule de décloisonnement de la médecine pénitentiaire qui consisterait à intégrer celle-ci dans les structures hospitalières générales ou hospitalo-universitaires afin de parvenir à une meilleure distribution des soins médicaux »665(*).

Tandis que le terme de « décloisonnement » n'est pas utilisé par le ministère de la Justice et par les différents commentateurs pour décrire la politique carcérale, il s'impose progressivement en matière d'action sanitaire. Lors de l'annonce, durant l'été 1974, de la réforme pénitentiaire, le ministère annonce « un décloisonnement de la médecine préventive en prison par convention ou intégration avec la santé publique » (LM, 09/08/1974). La même expression figure d'ailleurs dans la circulaire d'application de la loi : « Il s'agit d'insérer la médecine de la prison dans l'ensemble des structures médicales de la Cité. Tel est le sens de l'opération de "décloisonnement" actuellement projetée »666(*). Enfin, le rapport d'activité de l'Administration pénitentiaire de 1977 remarque qu'« il importe que la médecine pénitentiaire ne soit pas cloisonnée et qu'elle s'insère autant que possible dans le dispositif public de santé »667(*). La répétition de cette formule contraste alors avec l'absence de précisions apportées quant au contenu de cette réforme.

Le projet d'une réforme visant à « décloisonner » la médecine pénitentiaire semble avoir été défendu par la secrétaire d'Etat à la condition pénitentiaire668(*). Elle-même médecin du travail, Hélène Dorlhac de Borne semble soucieuse de l'autonomie des soignants travaillant en prison. Ses propos lors du congrès de 1975 en attestent : « Gardez-vous, mes chers confrères, de perdre votre indépendance, gardez-vous des pressions, n'oubliez pas que vous êtes médecins et que vous ne devez de compte qu'à votre seule conscience [...] Vous devez pouvoir exercer votre profession dans des conditions matérielles dignes de la médecine. La médecine pénitentiaire ne doit pas souffrir dans sa qualité des murs, des grilles, des clefs »669(*). Dans le projet de cette revalorisation de l'exercice médical en prison, elle évoque le « décloisonnement » : « Dans le but d'améliorer les soins donnés en milieu carcéral, et dans le cadre du "décloisonnement" de la médecine pénitentiaire, il va être proposé de placer l'ensemble des médecins [...] sous des statuts étroitement inspirés de ceux qui régissent le personnel hospitalier en général »670(*).

S'il est régulièrement cité dès le milieu des années soixante-dix, le décloisonnement de la médecine pénitentiaire demeure cependant une notion floue. Initialement présenté comme une revendication des praticiens exerçant en prison, il ne se traduit que difficilement dans une réforme administrative. Un document datant de 1975 établit cependant un projet de révision du statut des praticiens pénitentiaires adopté en 1972671(*). Après avoir rappelé qu'« il est incontestable que ce document a apporté une amélioration sensible à la situation de ces médecins », la note précise que ce texte « n'a aucune valeur légale, réglementaire ou contractuelle, qu'il n'est qu'un "modus vivendi" établi entre les deux parties en présence et qu'il représente bien des inconvénients »672(*). Outre le fait que le recrutement des médecins soit laissé au « libre choix de l'administration », le texte met en avant l'absence de « base médicale valable » au mode de calcul de la rémunération des médecins permettant par exemple d'accorder à un praticien pénitentiaire cinq cents cinquante vacations de trois heures par an contre trois cent douze pour un médecin hospitalier intervenant tous les jours.

Au-delà des règles officielles673(*), il semblerait alors que la détermination du nombre de vacations soit des plus fantaisistes et réponde davantage au besoin de satisfaire la demande de tel ou tel praticien. En atteste une note interne à la DAP demandant au sujet d'un généraliste de Fleury d'« ajuster le nombre de vacations du docteur de manière à lui consentir une indemnité annuelle de 6.000 francs »674(*). Mais outre le principe même de la vacation675(*), certains médecins contesteraient le taux de ces vacations, alignées sur la rémunération des services de prévention médico-sociale ne tenant ainsi pas compte de « l'état sanitaire de la population pénale et la fréquence de la surveillance médicale à laquelle cette population doit être soumise ». La non-reconnaissance d'une médecine de soins explique que « ces praticiens ont l'impression d'être considérés comme "des parents pauvres" de l'Administration pénitentiaire ». C'est pour répondre à ces griefs que la note propose à terme le « rattachement de la médecine pénitentiaire à la médecine hospitalière ».

Une réflexion interne à l'Administration pénitentiaire s'élabore à la fin de l'année 1974 comme le révèle une note portant sur « la réforme du statut de la médecine pénitentiaire »676(*). Intitulé « le décloisonnement de la médecine pénitentiaire », ce document souligne le caractère indéterminé de la politique sanitaire en prison qui fait alors consensus : « Le gouvernement a retenu parmi les éléments de la réforme pénitentiaire, le "décloisonnement de la médecine pénitentiaire". Le sens de l'opération est clair sans que pour autant son contenu ait été précisé : il s'agit de mettre fin à la spécificité de la médecine pénitentiaire dont la qualité ne s'est pas affirmée ». S'il est alors question de l'échec de la définition de la médecine pénitentiaire en tant que nouvelle spécialité, c'est probablement en raison des critiques qui lui sont adressées depuis quelques années.

Au-delà de l'idée que l'organisation des soins aux détenus doit désormais s'ouvrir au système public de santé, le statut des médecins intervenant en prison fait débat. La note prévoit, par exemple, que les hôpitaux pénitentiaires, comme Fresnes ou les Baumettes, ainsi que les « centres de soin » de capacité plus réduite soient intégrés au système hospitalier. A l'occasion d'une séance de la Société générale des prisons (SGP) consacrée au « décloisonnement médico-hospitalier du service de santé pénitentiaire », le Dr Petit présente la réforme de l'Hôpital de Fresnes et des Baumettes comme une nécessité :

« Il y a fort longtemps que l'on parle, mais avec timidité, du décloisonnement médico-hospitalier du service de santé pénitentiaire. Pour ma part, j'en ai lancé l'idée voici cinq à six ans [...] Au moment où l'administration parle de milieu ouvert, elle se doit de favoriser cette "ouverture médicale" qui devient une nécessité évidente. L'heure de l'isolationnisme a vécu [...] L'hôpital central des prisons de Fresnes sera "catégorisé" comme n'importe quel autre hôpital et rattaché à un C.H.U [...] En conclusion, j'estime nécessaire le décloisonnement du système sanitaire pénitentiaire actuel et son ouverture aux structures hospitalières et universitaires, dans le sens d'une intégration réciproque (applaudissements) »677(*).

Les petites infirmeries, « du type de celle que comporte tout établissement », conserveraient en revanche un statut pénitentiaire. Le document envisage cependant qu'en cas d'affiliation des détenus à la Sécurité sociale, le système des médecins vacataires soit abandonné au profit du « droit commun de la médecine en milieu ouvert ». Lors de la réunion du 28 novembre 1974 qui rassemble le directeur de l'Administration pénitentiaire, Jacques Mégret, le Médecin-inspecteur Solange Troisier ainsi que sept magistrats détachés à la DAP678(*), l'orientation de cette note est cependant remise en cause, et ce, pour des raisons de sécurité, si l'on en croit le compte-rendu :

« La discussion s'engage ensuite sur la question principale des rapports qui pourront s'instaurer dans le système proposé, entre les autorités médicales et le personnel de l'Administration pénitentiaire chargé notamment de la sécurité. Il paraît finalement difficile de concilier les deux impératifs dans le cadre du décloisonnement total qui a été envisagé, car si tous les personnels sont soumis au statut des hôpitaux publics, il est à craindre qu'il ne se développe en leur sein une autonomie qui risque de les faire échapper complètement au contrôle de l'Administration pénitentiaire »679(*).

Afin de conserver une autorité sur les personnels au sein des hôpitaux pénitentiaires, au « décloisonnement total » de ces établissements, c'est-à-dire leur intégration au système hospitalier, est préféré « le principe du décloisonnement limité au personnel médical au sens strict, ce qui signifie que seuls les médecins et les internes seraient recrutés et auraient le statut des médecins des hôpitaux publics ». A l'inverse, tandis que la note envisageait de maintenir le système de vacations pour les petits établissements, majoritaires, il est décidé que toutes les infirmeries soient rattachées sous la forme de conventions à l'hôpital public le plus proche. Il reviendrait alors « aux responsables hospitaliers de prendre en charge les soins et la médecine de dispensaire notamment en déléguant périodiquement un interne chargé d'effectuer les visites de routine et de requérir un médecin si le besoin s'en fait sentir ». Le décloisonnement de la médecine pénitentiaire, et sa disparition, évoqués dans la note sont ainsi écartés au profit d'un système mixte où le contrôle des hôpitaux pénitentiaires apparaît alors plus important que le reste des établissements. Tout transfert de tutelle au profit du ministère de la Santé est écarté. Pourtant, certains magistrats de la Chancellerie semblent y être favorables, tel que M. Philippe Daeschler, chef de bureau des affaires financières de la DAP :

« On a commis une grave erreur en faisant de l'Administration pénitentiaire une institution à part ayant ses règles spécifiques. Il faut aujourd'hui la réintégrer, ainsi que les détenus, dans la nation. De même que l'on fait déjà appel dans les prisons à des instituteurs de l'Education nationale et à des moniteurs d'éducation physique de la Jeunesse et des Sports, on devra, tôt ou tard, abolir la médecine pénitentiaire et insérer les détenus dans le régime général de la Sécurité sociale » (RPDP, 07-09/1974).

« Abolir la médecine pénitentiaire », tel semble être ce à quoi s'oppose alors le Médecin-inspecteur. Désireuse d'être à la tête d'une nouvelle spécialité médicale, Solange Troisier voit probablement dans le projet de décloisonnement en voie de discussion un obstacle à ses ambitions680(*). Elle propose ainsi lors du congrès de 1975 de « revaloriser la médecine pénitentiaire, non pas en la décloisonnant vers la Santé publique, car nous serions totalement absorbés par celle-ci et nous perdrions notre caractère spécifiquement pénitentiaire, mais en l'ouvrant vers les normes des hôpitaux de deuxième catégorie »681(*). Ainsi, plutôt que de faire disparaître la médecine pénitentiaire en lui ôtant son caractère spécifique, le Médecin-inspecteur propose d'en faire un service de pointe en le calquant sur les normes hospitalières alors en voie de définition. Elle tente pour cela d'entrer en contact avec le ministère de la Santé et notamment avec Myriam Ezratty682(*), conseillère technique de Simone Veil elle-même sensibilisée à la question des prisons683(*), à qui est confié le dossier de la médecine pénitentiaire. Désireuse d'entreprendre des réformes, cette dernière se heurte rapidement aux projets de Solange Troisier, dont elle désapprouve aussi bien les idées que la méthode :

« Le premier dossier que m'avait donné son directeur de cabinet, Dominique Le Vert, était sur la médecine pénitentiaire. Premier essai, je n'ai pas réussi réellement à quoi que ce soit parce que le ministère de la Justice ne s'intéressait pas du tout à cet aspect à cette époque. Et régnait sur la prise en charge médicale des détenus l'inspectrice générale Solange Troisier. Son principal souci à l'époque dans ses relations avec le ministère de la Santé, je me rappelle, était de créer près de Marseille un lieu pour y coller les jeunes drogués. Moyennant quoi on n'a pas, pour un tas de raisons, et des raisons éthiques, prêter la main en quoi que ce soit, et moi notamment, pour aider à ce projet qui me paraissait ni réaliste, ni déontologiquement [...] Solange Troisier était un personnage... très complexe ! Mais en même temps, par certains côtés, je ne dis pas insupportable. Mais elle vivait autour d'elle-même, elle tenait énormément à son emprise. Elle était très soutenue en plus, elle, politiquement et je faisais très attention à ne pas trop la mêler »684(*).

Outre son projet de centre pour toxicomanes incarcérés, jamais mis à l'étude, le Médecin-inspecteur a pour ambition de moderniser les hôpitaux de Fresnes et des Baumettes. Consciente en effet du problème que les hospitalisations représentent pour le ministère de la Justice685(*), Solange Troisier propose d'établir une « concertation tripartite entre les ministères de la Justice, de la santé et de l'intérieur » (QDM, 15/12/1975) ou encore de « jeter un pont entre les ministères de la Justice et de la Santé en créant un hôpital réservé aux prisonniers mais dépendant entièrement de la Santé publique » (Le Point, 15/12/1975). Le placement des détenus dans des services sécurisés, surveillés par des membres de l'Administration pénitentiaire, présente l'avantage de ne pas recourir aux forces de police dont le coût est en grande partie responsable de l'augmentation considérable des dépenses de santé qui progressent de 300% entre 1973 et 1979, passant de dix-neuf à soixante-trois millions de francs686(*).

Si Solange Troisier n'abandonne pas la perspective de faire des praticiens exerçant en milieu carcéral des médecins des hôpitaux publics, comme elle l'affirme lors du congrès de médecine pénitentiaire de 1978 (QDM, 24/11/1978), ce n'est pas en transférant la compétence sanitaire au ministère de la Santé mais en faisant d'eux l'égal des praticiens hospitaliers. Conçue comme une nouvelle spécialisation médicale, la médecine pénitentiaire, reconnue au niveau universitaire permettrait à ceux qui l'exercent de bénéficier d'un statut hospitalier. Une note de 1975 détaille les modalités de ce projet687(*). Une fois reconnue la qualité de « service de santé » à la DAP, en référence à la loi du 31 décembre 1970 créant le service public hospitalier688(*), les infirmeries pénitentiaires seraient gérées par des attachés, tandis que les hôpitaux de Fresnes et de Marseille deviendraient des hôpitaux publics de 2ème catégorie où officieraient des praticiens hospitaliers à temps partiel recrutés par voie de concours. Faute de chefs de service que doivent seconder normalement les attachés, la note propose que le Médecin-inspecteur soit « considéré comme le chef de service médical de tous ces services extérieurs sous l'autorité duquel exerceraient les attachés qui restent néanmoins responsables dans leur secteur d'activité »689(*). Solange Troisier proposerait ainsi la nomination des attachés, l'administration conservant « la possibilité de ne pas renouveler annuellement l'agrément des attachés effectuant moins de trois vacations hebdomadaires » ou de les mettre à pied en cas de faute grave. La note évalue le coût de cette opération à 520.000 francs pour les infirmeries pénitentiaires (soit un surcoût de 20%) et de 1,8 millions de francs pour l'hôpital de Fresnes (au lieu des 230.000 dépensés) et de 1,4 pour Marseille (au lieu des 55.000 francs). Ce surcoût considérable au regard de l'existant apparaît cependant justifié par plusieurs raisons :

« En conclusion, il n'en demeure pas moins que la mise en place de ces structures médicales nouvelles, que ce soit pour les hôpitaux pénitentiaires ou pour les services d'infirmerie, devrait permettre à l'administration pénitentiaire de réaliser ses objectifs et de poursuivre la politique qu'elle entend mener dans le domaine sanitaire pour faire face à la mission qui lui est confiée. Elle va nécessiter un accroissement sensible des dépenses du moins dans le domaine de l'hospitalisation. Aussi est-il indispensable que des moyens importants lui soient consentis. Cette réforme devrait entraîner l'adhésion du personnel médical, lequel souhaite que sa présence dans les établissements pénitentiaires pour dispenser des soins soit effectivement reconnue et se concrétise par l'octroi d'un statut et d'une rémunération plus importante et suivant l'évolution des traitements de la fonction publique [...] Si dans l'immédiat, la réalisation de cette vaste réforme peut s'avérer onéreuse, elle devrait par contre, permettre à plus long terme des économies substantielles, ne serait-ce que dans le domaine des admissions dans les hôpitaux publics, lesquelles nécessitent en outre, la mise en place de chambres de sûreté et un système de garde dont les contraintes sont de plus en plus lourdes pour la police »690(*).

Le projet de « décloisonnement total » initialement envisagé se heurte par conséquent à la volonté de Solange Troisier de spécialiser la médecine carcérale, en affirmant son caractère spécifique. Aux termes de ce projet, probablement imaginé par elle, le Médecin-inspecteur serait à la tête d'un service de médecine carcérale ayant un statut hospitalier bien que rattaché à l'Administration pénitentiaire. Son ambition coïncide avec les craintes de la DAP de voir le personnel sanitaire s'autonomiser de la tutelle pénitentiaire. Comme le souligne un cours dispensé par un magistrat à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), l'« étendue et la diversité des attributions conférées aux médecins des établissements pénitentiaires impliquent que l'Administration pénitentiaire ait la maîtrise de leur recrutement »691(*).

L'absence de transfert en faveur du ministère de la Santé s'explique également par la position du ministère de la Santé en la matière. Sollicité au même moment par le garde des Sceaux, la ministre de la Santé, Simone Veil, pose en effet certaines limites à la collaboration de ses services : « Je suis favorable au principe du "décloisonnement" des services de médecine pénitentiaire, mais sa mise en oeuvre pour l'ensemble des activités médicales pose un certain nombre de problèmes [...] Cependant, ce principe du "décloisonnement" me parait d'ores et déjà devoir trouver sa première application dans le domaine des soins aux détenus atteints de troubles mentaux »692(*). Le rattachement des infirmeries aux hôpitaux évoqué au cours de la réunion du 28 novembre 1974 est alors repoussé pour des raisons propres au système hospitalier, comme le remarque une note faisant le point de cette réforme :

« Pour les infirmeries des établissements pénitentiaires [...] il ne semble pas que la formule du décloisonnement de la médecine pénitentiaire puisse en l'état être retenue. En effet, la mise à disposition de l'administration pénitentiaire ou le détachement de personnel de l'hôpital civil le plus proche ne semble pas réalisable en raison de la pénurie actuelle du personnel médical dans les hôpitaux publics et de l'interdiction faite à ce personnel d'intervenir à l'extérieur de l'établissement de soins. La réalisation de cet objectif passe donc nécessairement par la revalorisation de la rémunération des médecins, et la mise à l'étude d'un véritable statut de la médecine pénitentiaire »693(*).

Les contraintes du système hospitalier, les craintes de la DAP de perdre le contrôle des personnels intervenant dans ses murs rendent nécessaire la spécialisation de l'exercice médical en prison afin d'en faire, et ce conformément aux vues du Médecin-inspecteur, une spécialité médicale reconnue. En revanche, comme le rappelle le courrier de Simone Veil, c'est là où la tutelle pénitentiaire apparaît la plus contestée, en matière de santé mentale, qu'a lieu le « décloisonnement total » initialement imaginé pour la médecine somatique.

* 665 Bureau des méthodes et de la réglementation, « Note sur la situation sanitaire dans les établissements pénitentiaires », mai 1976, 17 pages (CAC. 19960136. Art.112. M0. Généralités).

* 666 Circulaire de la DAP en date du 23/08/1974, RPDP, 01-03/1975, p.118.

* 667 « Conseil supérieur de l'Administration pénitentiaire », RSCDPC, 1978, n°4, p.902.

* 668 Aucun carton d'archive n'a été trouvé sur ce projet de réforme. Celui-ci est, par conséquent, présenté à l'aide de sources éparses et lacunaires.

* 669 DAP, Deuxièmes journées européennes de médecine pénitentiaire, Imprimerie Administrative de Melun, « Etudes et documentation », 1976, p.17.

* 670 « Colloque du centenaire de la société générale des prisons », RPDP, 1976, n°4, p.660.

* 671 Cf. Encadré : « Un statut des médecins comme réponse à leur responsabilité médicale ».

* 672 DAP, « Note sur les médecins », 1975. Document dactylographié, 21 pages. Archives internes DAP.

* 673 Le nombre de vacations accordé à chaque médecin est censé être calculé selon les normes suivantes : Nombre de détenus dans l'établissement * 9 (nombre moyen de consultations par an et par détenu), le tout divisé par 4 (nombre de détenus examinés par vacation horaire).

* 674 Note de M. Daeschler à M. Bonney datée du 14/06/1968 (CAC.199405111. Art.90).

* 675 Le nouveau statut des médecins pénitentiaires impose le paiement à la vacation pour tous les praticiens, certains disposant d'un régime antérieur plus avantageux refusant ainsi de le signer (CAC. 199405111. Art.90).

* 676 DAP, « Le décloisonnement de la médecine pénitentiaire. Orientations », 1974. Document dactylographié, 3 pages (CAC. 19960136. Art. 112. (E4580). M1 : Organisation sanitaire)

* 677 « Le décloisonnement médico-hospitalier du service de santé pénitentiaire ; Séance de section du 27 avril 1974 », RPDP, 7/09/1974, pp.363-369.

* 678 Sont présents M.M. Daeschler, Dinthillac, Erbès, Favard, Massy, Nicot, Portheault.

* 679 DAP, « Mémorandum de la réunion du 28 novembre 1974 au sujet de la réforme du statut de la médecine pénitentiaire ». Document dactylographié, trois pages (CAC. 19960136. Art. 112. (E4580). M1).

* 680 Cf. Chapitre 3: « Tentatives et limites de spécialisation d'une activité médicale controversée ».

* 681 DAP, Deuxièmes journées européennes de médecine pénitentiaire, op.cit., p.22.

* 682 Magistrat, Myriam Ezratty a occupé différentes fonctions à la Chancellerie, où elle est rentrée en 1959, notamment à la direction de l'Education surveillée et la direction des Affaires civiles. Elle fut Conseiller technique de 1974 à 1978 au cabinet de Simone Veil, ministre de la Santé, l'une de ses amies d'enfance, avant d'être nommée en juin 1978 à la Cour d'appel de Paris. En 1981 elle devient directrice de l'Education surveillée avant d'être nommée en 1983 directrice de l'Administration pénitentiaire (Le Monde, 13/04/1983).

* 683 Née en 1927, Simone Veil entreprend, à son retour de Bergen-Belsen, des études de droit. Elle passe le concours de la magistrature et est affectée à l'Administration pénitentiaire en 1956 avant de passer en 1964 aux Affaires civiles où elle s'occupe d'adoption. En 1969, elle entre comme Conseiller technique au cabinet de René Pleven. Son fils, Nicolas Veil, fut par ailleurs interne à la prison de Fresnes dans les années soixante-dix. Dans son autobiographie elle décrit la manière dont elle fut scandalisée lors de sa prise de poste à la DAP par la dureté des conditions de détention avant de conclure : « Sans doute à cause de ce que j'avais subi en déportation, j'ai toujours développé une sensibilité extrême à tout ce qui, dans les rapports humains, génère humiliation et abaissement de l'autre. Détestant la promiscuité physique autant que l'aliénation mentale, je ne pouvais que me considérer que comme une sorte de militante des prisons » (VEIL Simone, Une vie, Paris, Stock, 2007, 398p.)

* 684 Myriam Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986. Entretien le 8/02/2008, 3H30.

* 685 Cf Annexe 17 : « Les hospitalisations civiles : cause et obstacle au "décloisonnement total" de la médecine pénitentiaire »

* 686 LALE, « Le personnel pénitentiaire », RPDP, 04-06/1981, p.179.

* 687 DAP, « Note sur les médecins », 1975. Document dactylographié, 21 pages. Archives internes DAP.

* 688 Toute cette note repose sur l'hypothèse que l'Administration pénitentiaire se voit reconnaître la qualité de « service de santé », tout comme la Préfecture de Paris lui a reconnu le statut de service social. C'est ce statut de service de santé qui fut attribué par la loi hospitalière du 31 décembre 1970 à la médecine militaire.

* 689 Ibid., p.8.

* 690 Ibid., pp.20-21.

* 691 « La médecine en milieu pénitentiaire », cours de l'ENAP, 22/11/1978, p.9. Archives internes DAP.

* 692 Lettre du ministre de la Santé au garde des Sceaux du 29/04/1975, 4 pages. Archives internes DAP.

* 693 Bureau des méthodes et de la réglementation, « Note sur la situation sanitaire dans les établissements pénitentiaires », mai 1976, 17 pages (CAC. 19960136. Art.112. M0. Généralités).

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