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Multi ethnicité et refondation des nations démocratiques en Afrique noire. Perspective d'un humanisme de la diversité.

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par Essodina BAMAZE Nà¢â‚¬â„¢GANI
Université de Lomé - Master II en Philosophie politique et du droit 2015
  

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CHAPITRE IV : HUMANISME DE LA DIVERSITÉ ET RECONSTRUCTION DES NATIONS DÉMOCRATIQUES EN AFRIQUE NOIRE

Introduction

Le constat de la problématique induite par le vivre-ensemble à l'échelle nationale permet d'envisager la nécessité d'une refondation des liens sociaux en faisant de la diversité des appartenances ethniques une source favorable au vivre-ensemble harmonieux. Mais, ce constat soulève une question délicate qui est le ressort de toutes les polémiques qu'elles déchaînent : pourquoi cette « mutation planétaire » et quelles en sont les conséquences en Afrique noire ? Akindès, Bayart, Tshiyembe et bien d'autres encore se sont attachés à formuler, dans cette perspective, ce qu'ils ont appelé la « crise du lien social ». Pour en clarifier les enjeux, ils ont tout d'abord révélé la spécificité de cette crise en Afrique noire en posant comme hypothèse de base, dans le contexte africain soumis à cette crise, « l'incapacité des puissances, structures et institutions publiques, à redéfinir une philosophie des liens sociaux qui se projetterait dans le fonctionnement des services publics199 ». Ensuite, ont-ils souligné, à l'instar de Mbonda, que « La recomposition du lien social dans un contexte pluriethnique ne consiste donc pas à prêcher l'unité nationale ad nauseam, mais à mettre en place des mécanismes de péréquation entre les revendications concurrentes exprimées par les différents groupes ethniques200 ».

Animées par le projet d'explorer l'espace de leurs pistes de réflexions, les réflexions proposées dans ce chapitre auront pour point de départ et pour point d'ancrage principal, l'humanisme de la diversité, qui a été théorisé ces dernières années dans les travaux de Renaut et qui a pris la forme d'une nouvelle discussion sur le pluralisme. Derrière cette vision d'approfondir les idées de Renaut, se nourrit l'ambition pour nous de refonder la démocratie dans le contexte purement africain.

199 F. Akindès, «Le lien social en question dans une Afrique en mutation», in J. Boulad-Ayoub et L. Bonneville (dir.), Souverainetés en crise, Québec, L'Harmattan et Les Presses de l'Université Laval, 2003, p. 5.

200 E.-M. Mbonda, «Crises politiques et refondation du lien social : quelques pistes philosophiques», op. cit., p. 18.

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Dans ce registre, il sera question, en partant de la difficulté pour les États africains à créer de nouveaux liens sociaux, de poser, sous la houlette du nouvel humanisme, les conditions d'émergence de nouveaux liens sociaux au sein de ces États. Et pour finir ce chapitre, nous n'esquiverons pas la relation entre paix, démocratie et différences identitaires. Dans la logique d'une telle relation, nous prendrons un tant soit peu du recul vis-à-vis de la perspective renautienne en mettant en exergue la nécessité d'une responsabilité communautaire dans la gestion de la diversité.

4.1 Éthique et refondation de la démocratie en Afrique noire

Si l'on considère, en suivant Renaut, l'espace dans lequel se déploie la pensée éthique, on se rend compte qu'il n'existe pas une différence entre éthique et morale. Disons tout de suite, pour illustrer cette idée, que du point de vue étymologique, « éthique » et « morale » se réfèrent à un seul et même objet : la sphère des moeurs et des façons de vivre. Ainsi, tout comme « Éthique » (à partir de son origine grecque « ethos ») fait référence aux moeurs, « Morale » renvoie à cette même sphère en partant de son origine latine « mos ». Comme tel, il n'existe pas du point de vue étymologique une distinction tranchée entre ces deux notions. En se fondant sur cette clarification étymologique, l'auteur de Kant aujourd'hui adopte un usage identique des termes « Éthique » et « Morale ». C'est pourquoi, conclut-il, « Ils désigneront ici, de manière globale, la sphère des valeurs et du discours sur les valeurs201 ».

Considérant l'éthique de ce point de vue, sa nécessité dans la reconstruction de la démocratie en Afrique relève d'une inquiétude philosophique au sens renautien du terme :

Pas une journée sans que désormais le vécu démocratique ne suscite, à tous ses niveaux, des interrogations sur le rapport entretenu par les acteurs de nos sociétés aux valeurs que nous sommes supposés partager. Au point que c'est aujourd'hui le plus souvent sur le mode de l'indignation morale que la conscience du citoyen trouve, entre les périodes électorales, à exprimer sa voix202.

Dans la logique de ce constat, lorsqu'on se place dans le modèle analytique renautien et on observe la dynamique sociale au sein des États africains, il apparaît

201 A. Renaut, Quelle éthique pour nos démocraties ?, op. cit., p. 27.

202 Ibid., p. 7.

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clairement que cette dynamique est de faible consistance en matière d'adhésion commune à des valeurs référentielles. Cette faiblesse se lit à travers les difficultés rencontrées dans la gestion de l'ordre social postcolonial. En effet, construits indépendamment des populations hétérogènes, les État africains sont le lieu où les difficultés du vivre-ensemble trouvent leur plus claire expression. Dans le même esprit, et au nom de la démocratie, ces États se trouvent dans l'obligation de se donner de nouvelles valeurs sur la base d'une adhésion commune. Et ce, pour deux raisons permettant d'entrevoir quels avantages charrie avec elle, la mise en place d'une véritable politique de promotion des valeurs qui se réaliserait au-delà des différences identitaires :

D'une part, placés au défi de la reliance autour d'un projet national, les États africains doivent au préalable chercher à résoudre les contradictions internes des appartenances identitaires au plan national. Admettre cette nécessité revient à se forger des modalités susceptibles de créer le lien social qui se comprend « comme ce qui maintient, entretient une solidarité entre les membres d'une communauté, comme ce qui lutte en permanence contre les forces de dissolution toujours à l'oeuvre dans une communauté humaine203 ».

D'autre part, la réflexion sur la nécessité des valeurs préalables à toute unité politique en Afrique noire a comme effet positif de mettre fin à la « difficulté à s'auto-instituer » ; difficulté à laquelle se trouve confrontés les États d'Afrique noire depuis la fin des indépendances. C'est donc en termes de « capacité à s'auto-instituer », à se donner un sens à la fois dans le présent et dans l'avenir, qu'un échiquier de valeurs préalables à tout projet politique s'avère obligatoire. Ceci tout en demeurant convaincu que « l'état des valeurs et des institutions fondatrices des liens sociaux en un temps t renseigne sur la capacité d'une société à agir sur elle-même, dans le sens d'une organisation de sa survie dans l'histoire204 ».

Toutefois, la construction par le chercheur de ces valeurs devant agir en interface entre l'individu et l'État dans le contexte sociopolitique de l'Afrique noire exige que soit clairement appréhendé le concept de « valeur ». Valeur indiciaire,

203 Cette citation est de Farrugia, reprise par F. Akindès, «Le lien social en question dans une Afrique en mutation», op. cit., p. 8.

204 F. Akindès, Ibid., p. 9.

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valeur sociale, valeur économique, sont quelques-uns de ces domaines dans lesquels la notion de valeur se prête, d'ordinaire, à l'analyse. Mais prise en elle-même, la valeur peut se comprendre comme un idéal fondant l'adhésion des membres d'une même communauté (nationale, étatique, culturelle, par exemple) ; un idéal au nom duquel la réalité de ladite communauté serait autre chose que la barbarie. À cet égard, il devient aisé de souscrire à l'idée selon laquelle, la valeur s'identifie à l'importance qui lui est dévolue par les membres d'une communauté pour la survie205 de celle-ci. Inscrite dans ce contexte, toute notre compréhension de la valeur peut se résumer à quelque chose à quoi un individu ou une société accorde de l'importance. Qui plus est, la valeur relève aussi de l'imaginaire social et se trouve inscrite aussi bien dans la conscience individuelle que collective. Ainsi se laisse-t-elle appréhender comme fondatrice du lien social. En tant qu'elle relève de l'imaginaire social, la nécessité de recourir chaque fois à de nouvelles valeurs s'impose notamment dans les États confrontés à une difficulté de gestion d'un ordre social nouveau. Ainsi donc, comprise comme porteuse d'une bonne gestion de l'ordre social nouveau, surtout dans un contexte africain qui signe l'incapacité des valeurs anciennes et importées à répondre à cet impératif postcolonial, c'est la nécessité de recourir à l'éthique (en tant que discours sur les valeurs) qui s'impose pour la relance de la démocratie en Afrique noire.

De ce point de vue, la pertinence de l'apport renautien consiste à mettre l'accent sur la conscience individuelle : « il me semble que conscience soit prise par chacun206 ». Ce propos de Renaut paraît revêtir de toute nécessité, l'urgence d'un retour à l'humain dans le cadre de la démocratisation des États africains. Par conséquent, ce propos nous éclaire davantage sur ce que l'on doit entendre par le retour à l'humain. Ce retour à l'humain ou encore le surgissement éthique consiste à mettre la conscience humaine au centre même de tout projet de démocratisation. En effet, une opinion largement répandue est celle qui propose un modèle de consolidation de la démocratie en Afrique noire en procédant au renforcement des

205 Dans un registre qui n'est pas si différent, Taylor évoque la préservation de la langue et de la culture française comme une valeur pour le Québec. Notre point de vue en ce qui concerne la définition de la valeur retrouve sa consistance philosophique chez C. Taylor, «Le pluralisme et le dualisme», in A. Gagnon (dir.), Québec : Etat et société, T.1, Montréal, Les Editions Québec/Amérique, 1994, p. 8.

206 A. Renaut, Un humanisme de la diversité, op. cit., p. 440.

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mécanismes institutionnels. Ceci, sans toutefois accorder une place à la conscience humaine. Or, à l'analyse, l'évidence qui s'affiche est que dans beaucoup d'États du continent noir, les textes relatifs à la sphère politique ne souffrent d'aucune légitimité. Et pour autant, il est aisé de remarquer que la démocratie peine à s'y enraciner. Prenant conscience de ce constat, il y a plutôt nécessité d'envisager un retour à l'éthique qui est synonyme d'un retour à l'humain. C'est donc aux individus censés jouer la partition au sein de la démocratie moderne qu'il faut s'adresser avant tout. Puisque, les principes institutionnels de la démocratie seront d'un effet très limité tant que les individus eux-mêmes ne sentiront pas la nécessité d'intégrer, dans leur vécu quotidien, les valeurs démocratiques. À bon droit, les analyses de Pathé-Gueye méritent d'être évoquées.

Ce dernier souligne aussi le fait que les réflexions sur l'amélioration de la démocratie ont mis l'accent généralement sur la définition des mécanismes institutionnels d'un État de droit et sur les principes politiques, légaux et juridiques devant régir son fonctionnement normal et efficace. Ceci en reléguant au second plan la dimension éthique du problème. Or, de nos jours, l'évolution de la démocratie exige que l'on mette les valeurs au centre de toute pratique démocratique. En partant de ce qui s'exprime dans ses analyses, on peut donc conclure qu'il n'y a pas de démocratie sans valeurs. Ainsi, une fois cette conclusion admise, c'est l'éthique en tant que sphère des valeurs qui refait surface. Seule elle, peut donner véritablement sens à toute pratique démocratique parce que cette dernière « présuppose des valeurs et des normes qui la fondent, l'orientent et lui assignent un sens207 ».

Il devient dès à présent indispensable pour les États africains de souscrire à une politique éducative centrée sur l'éthique. C'est justement l'éthique, dans son entrecroisement avec les mécanismes institutionnels légaux et juridiques, qui peut se présenter comme un véritable remède au problème des replis ethniques en Afrique noire. Car, elle permettrait l'expression des différences ethniques tout en les transcendant dans l'optique de préserver un destin commun. L'éthique est donc à la fois ce qui permet à l'individu de s'épanouir dans la communauté de valeurs spécifiques à son groupe ainsi que dans celles fondant l'existence d'un monde

207 S. Pathé-Gueye, Du bon usage de la démocratie en Afrique. Contribution à une éthique et à une pédagogie du pluralisme, Dakar, NEA, 2003, p. 11.

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commun à plusieurs groupes. À partir de cette clarification, il y a lieu d'orienter l'éducation vers une éducation éthique, c'est-à-dire vers une éducation aux valeurs se trouvant au fondement de la nation. À ce sujet, une formule d'Abdallah-Pretceille nous illumine :

Toute éducation non reliée à une visée éthique n'est qu'une pragmatique éducative qui, pour réussir, demandera toujours plus de règlements, de contrats, de contraintes, de savoirs, d'exigences [...]. Si la société civile ne cherche pas à combler dans un projet de société le vide éthique, il est à craindre que ce que l'on appelle le retour (...) des replis identitaires, ne soit qu'un palliatif et donc un prélude à des conflits208.

Pour rendre effectif la consolidation de la démocratie dans les États africains, une mise au clair des responsabilités dévolues à toutes les composantes sociales nationales s'avère nécessaire.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein