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L'hôtellerie de luxe de demain, moins exubérance, plus d'éthique.

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par Cécile Brun
Sup de Pub - Master 1 marketing et communication du luxe 2015
  

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5.2 Hypothèse 2 : Un hôtel de luxe ne pourra passer véritablement au développement durable que lorsque ses membres dirigeants, opérationnels et ses clients prendront conscience de manière personnelle de ses enjeux.

5.2.1 Analyse des interviews et questionnaires

Cette hypothèse trouve ses réponses dans les rouages mêmes d'un hôtel de luxe. Dans toutes les interviews que j'ai pu faire, il en ressort toujours que la volonté de passer à un autre modèle passe bien sûr d'une part par la marque ou le groupe mais que le bon déroulement de ce changement passe par des personnes individuellement motivées pour ce changement et qui y croient.

L'interview de Sylvie Petrus40, directrice administrative et financière du Sofitel Paris La Défense est en ce sens très évocateur. Elle me parle d'une lutte contre le gaspillage. Si c'est une lutte, c'est que les gens n'ont pas encore pris en considération les impacts négatifs que

40 Voir Annexes, 1.4 Interview de Sylvie Petrus, page 15

44

nous pouvons avoir au quotidien sur l'environnement. Elle me dit ne pas avoir « attendu cette révolution du développement durable pour prendre conscience des dangers auxquels nous faisons face pour l'avenir ». La motivation viendrait du fait que l'on soit déjà ou non averti et conscient des bénéfices d'un développement durable de manière personnelle. Et c'est un peu un cercle vicieux car ce manque de motivation peut ensuite déteindre sur la clientèle, qui, ne voyant aucune motivation dans ce sens, se sentira complètement en dehors de ces questions liées au développement durable. Il n'est alors pas étonnant de voir que dans le questionnaire numéro 2 41sur le développement durable et l'hôtellerie de luxe, la majorité des répondants affirme que les principaux freins d'un hôtel de luxe à passer au durable viendrait de la clientèle et des fournisseurs, mais il s'agit aussi de mettre les hôteliers dans cette réponse.

Il n'y aura pas de développement durable sans acte humain. Et c'est en cela que c'est encore plus complexe car l'humain a besoin d'être motivé, d'être secoué pour avancer ce qui rend la tâche plus complexe et forcément plus longue.

Pour reprendre l'interview de Sylvie Petrus, il y a des leaders qui sont là dans chaque structure pour faire passer des messages. Elle se qualifie de « police » du gaspillage car c'est elle qui tape sur les doigts des gens lorsqu'ils consomment mal. Qualifier ses actes comme ceux d'un membre de la police est un peu dur, finalement c'est elle qui a le mauvais rôle dans l'histoire. Les gens soufflent, font mine de comprendre mais oublient aussitôt. Il y a déjà une dizaine d'année, Sylvie avait rédigé une lettre à l'attention des collaborateurs 42pour essayer de les sensibiliser au développement durable. Résultat des courses, 10 ans après, cette lettre serait toujours d'actualité et les termes n'auraient pas changés... Comme elle dit, les mentalités évoluent mais il faut être patient.

10 ans ne suffisent pas à changer des habitudes cependant c'est en prenant le taureau par les cornes que l'on peut avancer. Rien n'est pire que l'immobilisme en attendant de voir ce qui se passera. L'implication ne peut être effective que lorsque l'on en comprend les enjeux. Elle me parle à ce sujet justement des femmes de chambres qui sont touchées par l'action humanitaire du Sofitel Paris La Défense à SOS Sahel43, à qui l'hôtel donne tous les semestres la moitié des

41 Voir Annexes, 1.2 Questionnaire numéro deux, page 6

42 Voir Annexes, 1.5 Lettre de Sylvie Petrus, page 19

43 Voir Annexes 1.6 SOS Sahel, page 21

45

économies de blanchisserie faites grâce à l'opération 5 serviettes réutilisées= 1 arbre planté44. Beaucoup des femmes de chambre qui travaillent au Sofitel paris La Défense viennent de cette région du monde. Elles sont touchées que l'on veuille aider leur région natale dont elles connaissent les réalités de terrain. Cette action les motive au quotidien, elles comprennent ce pourquoi elles font certaines actions. Cela donne une notion plus concrète à certaines demandes qui peuvent paraitre floues dans les esprits45.

La question de la motivation est soulignée par toutes les personnes que j'ai pu interroger. Milan Spoljaric46 par exemple, Responsable technique du Sofitel Paris La Défense, semble attristé de certains comportements. Gérant au quotidien toutes les questions techniques et opérationnelles de l'hôtel il se rend compte avec une pointe d'amertume que le développement durable est chez la plupart des gens une réelle contrainte. Il dit également qu'il y a beaucoup de marge avant que les mentalités évoluent. Milan prend la question du développement durable comme une question importante depuis longtemps, pourtant il semblerait que sa motivation s'étiole au fur et à mesure qu'il voit ses collègues ne jamais prendre conscience du changement à faire. Il voit au quotidien que des choses aussi simple que ne pas débarrasser n'importe comment son plateau à la cantine ne sont pas faites. Il se demande comment les gens réagiraient si en plus on leur demandait de faire du tri. L'adaptation et la motivation seraient nécessaires mais il souligne que certaines personnes vont toujours aller dans un sens contraire juste pour ne pas suivre la mouvance. Ce manque de motivation vient d'un manque d'information pour la plupart, il faudrait des films chocs, peut-être même des amendes pour le non-respect de certaines règles. Car comme il le souligne à plusieurs reprises, le développement durable c'est un peu le bâton et la carotte. Tant qu'on ne se fait pas « épingler » pour nos mauvaises conduites on continue à aller dans le mauvais sens... en revanche si on doit un jour verser une amende à chaque fois que l'on trie mal son plateau, beaucoup de gens finiront par faire un tri parfait ! Pour lui, tout le monde devrait savoir et ceux qui ne savent pas ne veulent seulement pas savoir. La volonté personnelle de changer n'est pas là et c'est elle qui bloque majoritairement la situation.

44 Voir Annexes 1.7 Explication système des serviettes, page 22

45 Voir Annexes, 1.15 Affichage destiné aux femmes de chambre, page 37

46 Voir Annexes 1.8, Interview Milan Spoljaric, page 23

46

Ce qui est assez frappant dans le questionnaire 147 c'est qu'à la question « selon vous quels facteurs seraient susceptibles d'entrainer un changement de comportement ? », la majorité dit que ce serait possible par des économies ou des gains financiers et vient ensuite la réponse « par des obligations ou mesures publiques ». La sensibilisation vient après. Je pense que ces données peuvent aussi s'appliquer à l'hôtellerie de luxe et à n'importe quelle structure. Si les gens ne sont pas convaincus de la nécessité de passer au développement durable après y avoir été sensibilisés, ce sont des mesures plus drastiques qui viendront faire changer les actes. Le grand public est en majorité convaincu qu'il faudrait être soit dans le gain d'argent, soit dans la répression pour pouvoir enfin changer ses habitudes. Triste tableau, qui se révèle pourtant être vrai dans toit type de structure.

Monsieur Donzel, le directeur général du Sofitel48 Paris La Défense souligne également le fait que les choses n'avancent pas vite non pas par des problèmes financiers mais surtout pas un souci d'envie générale ! Il déplore le fait d'une mentalité française qui pense que c'est à l'Etat de tout faire sous prétexte que l'on paye des impôts. Tout citoyen du monde doit s'investir selon lui mais cette fois encore s'il s'implique dans le développement durable c'est que personnellement il y croit et que chez lui il agit dans ce sens. Il dit lui-même dans mon sens que : « Je pense que si personnellement on est impliqué et on en a conscience on sera plus à même de le faire. Si à la maison on ne le fait pas, on ne comprend forcément pas les enjeux. ». La solution serait pour lui, plus de sensibilisation et des leaders des questions du développement durable.

Anne de Reinach Hirtzbach49, consultante en hôtellerie de luxe et directrice de l'agence White Velvet, a l'avantage de pouvoir avoir une très grande visibilité sur ce qui se fait au niveau développement durable aussi bien en France qu'à l'étranger. Elle déplore le manque de volonté de la part des hôteliers. Certaines actions sont bien mises en place dans les hôtels mais ce ne sont que des « petits » détails qui laissent supposer un engagement durable mais qui en fait ne prouvent pas du tout un engagement sur le plus long terme. L'hôtellerie de luxe durable est pour elle possible dans l'essence même du fait que ces structures ont plus de moyens financiers pour instaurer des politiques dans ce sens. Malgré cela, il y a des freins, plus humains que matériels. En effet le frein principal vient du fait qu'en instaurant une

47 Voir Annexes, 1.1 Questionnaire numéro 1, page 2

48 Voir Annexes, 1.3 Interview de Monsieur Julien Donzel, page 10

49 Voir Annexes, 1.9 Interview Anne De Reinach Hirtzbach, page 27

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politique de développement durable, les effets positifs ne seront pas visibles de suite. Cela peut en décourager plus d'un qui préférera investir dans du « concret » et du visible instantanément. De plus beaucoup de clients pensent qu'ils ont suffisamment de moyens alors pourquoi économiser ? Ils ne se projettent pas dans le futur avec crainte sachant que le leur et celui de leurs enfants reste assuré. Il y a cette ambivalence du client qui a les moyens et qui pourrait vivre autrement et le client qui a les moyens et qui en profite jusqu'au bout sans se soucier de son environnement. La question de la volonté ressort toujours. Elle est accompagnée d'une implication déjà personnelle dans ce genre de question. Si la conviction est présente que ce soit aussi bien chez l'hôtelier, le client ou le fournisseur, alors les choses seront beaucoup plus simples à mettre en place et les investissements humains et financiers seront alors plus assimilables.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld