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Le droit de veto au conseil de sécurité des nations-unies entre gage juridique d'une paix internationale d'exclusion et blocage politique du règlement des conflits.

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par Xavier MUHUNGA KAFAND
Université catholique du Congo (UCC) - Licence en droit  2015
  

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SECTION 2. LE DROIT DE VETO ET LA FONCTION DE GARDE-FOU CONTRE L'ARBITRAIRE DES ETATS

Monopolisé par les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, le droit de veto permet à ces derniers de bloquer toute résolution ou décision, quelle que soit l'opinion majoritaire. Les cinq membres permanents exercent ce droit quand ils votent négativement, mais une abstention ou une absence n'est pas considérée comme un veto85(*).

En effet, à la lumière des statistiques à notre disposition, sur les trente deux vetos posés, entre 1994 et 2014, un seul aura pu, nettement et objectivement, décanter la situation visée dans le sens d'une pacification avérée. Il s'agit du veto que la Fédération de Russie posa, le 21 avril 2004 par le truchement de son représentant au Conseil de Sécurité des Nations Unies, contre le projet de résolution se rapportant à la fin de l'intervention des forces onusiennes organisées dans le cadre de l'opération « UNFICYP » à Chypre. L'usage dudit veto dans cette crise aura permis le maintien des opérations de la mission des casques bleus dans cet Etat insulaire d'Europe du Sud et la stabilisation de ses institutions tant il est vrai que le rôle de ces derniers dans la préservation de la sécurité du territoire chypriote contre le danger sécessionniste qui l'épiait avait été prépondérant.

Au demeurant, autant l'ancienne Société des Nations que l'Organisation des Nations Unies auront émergé dans le sillage du courant dit idéaliste qui dominait les Relations internationales naissantes au sortir de la Première Guerre mondiale. Après avoir mesuré et souffert des conséquences affreuses de la Guerre tant sur le plan socio-économique que sur celui humanitaire, la communauté des Etats s'attachait désormais à l'idéal de la paix mondiale qui fonde l'ordre et la stabilité des rapports internationaux sur la coopération, le respect des valeurs morales et des règles du droit (conventions et traités internationaux) et la considération de la souveraineté des Etats86(*). La finalité majeure recherchée par ce courant idéaliste, et même par l'établissement de la discipline scientifique des Relations internationales, est la paix internationale. Il s'agit pour ainsi dire d'atteindre, d'instaurer et de maintenir la paix dans le monde entier, à travers des relations de coopération enracinées dans une coexistence pacifique entre Etats. Mais de quelle paix est-il vraiment question ? Quel sens faudra-t-il lui accorder ? (paragraphe 1) Quelles en sont la teneur et l'incidence au regard des translations politiques verticales et horizontales qui dictent les relations internationales et dont l'impact sur le cours du droit international reste non négligeable? (paragraphe 2).

Paragraphe 1. La paix et la sécurité internationales en droit international entre mondialisation et particularisme, intégration et exclusion

Au soir de la Première Guerre mondiale87(*), une série de traités internationaux furent adoptés qui faisaient de l'idéal de paix mondiale la clé de voûte du système juridique international. Ainsi, le traité de Versailles du 28 juin 191988(*), le traité de Saint-Germain-en-Laye du 10 septembre 1919, le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, le traité de Trianon du 4 juin 1920 et le traité de Sèvres du 10 août 1920 eurent-ils pour conséquences majeures la formation de nouveaux Etats en Europe et au Moyen-Orient, les remaniements frontaliers, le changement de souveraineté dans divers territoires et la création de la Société des Nations89(*). Celle-ci trouva ses souches dans les 14 points de Woodrow WILSON, son initiateur, qui a proposé un ordre international fondé sur les principes de l'idéalisme90(*) au lendemain de la Première Guerre mondiale. L'idéalisme91(*) est une théorie explicative des relations internationales qui identifie la finalité de la politique étrangère au seul respect des valeurs morales et des droits de l'Homme dans le but de la paix. Il considère que pour éliminer la menace de guerre, il faut passer par une diplomatie ouverte, un libre-échange extensif et un désarmement général et que les conflits doivent être résolus par des procédures de règlement pacifique comme la négociation pour mettre l'humanité à l'abri des guerres atroces et préserver la paix internationale. Mais qu'est-ce vraiment la paix internationale ?

Deux idéologies vont nous aider à mieux comprendre l'acception de cette notion en droit international : l'approche dite globale et celle dite segmentale.

Pour la première approche, la paix internationale doit se mesurer et se manifester par l'absence de conflits armés ou confrontations militarisées sur le territoire de chacun des pays du monde. Autrement dit, c'est la sommation de paix nationales des Etats considérés isolément qui forme la paix internationale. A ce titre, la présence de la paix internationale présuppose le silence des armes dans tous les Etats, acteurs par excellence des relations internationales et sujets premiers du droit international. Dans cette logique de pensée, David MITRANY signifie qu'on ne pourrait parler de paix internationale aussi longtemps qu'un Etat, fût-il le seul, fait face à une guerre ou à un tumulte armé de quelque nature que ce soit. A cet égard, la chaîne de conflits armés qui ligote certains Etats aujourd'hui - la guerre en Syrie, les assauts terroristes islamistes de Boko Haram92(*) au Nigéria, la guerre contre le groupe Etat islamique93(*) en Irak, le conflit entre Israéliens et Palestiniens- constituerait à juste titre une véritable négation de toute considération de la paix internationale. Or, la communauté internationale mieux l'Organisation des Nations Unies considère que ces différentes situations ne constituent pas des facteurs menaçant la stabilité, la paix et la sécurité internationales mais qu'elles doivent être envisagées telles des crises internes qui doivent être réglées à l'interne. La non adoption par le Conseil de Sécurité d'une quelconque résolution chargée d'y mettre fin en est l'argument révélateur. Cette position de l'ONU se justifie en ce sens que s'il faille considérer la paix internationale comme l'absence totale de brouille dans tous les Etats, le Conseil de Sécurité se verrait contraint d'engager des interventions armées des casques bleus tous les jours dans toutes les régions du monde et il y n'aurait finalement plus de contingent onusien en réserve. Il s'agit ici d'une mondialisation de la paix qui incorpore dans son champ tous les Etats en tant que membres d'un même corps : la communauté internationale.

D'après cette école, la paix internationale est à la communauté internationale ce que la santé est au corps des êtres vivants. De cette analogie il ressort que de même que le corps, la communauté internationale ne pourrait connaître la paix aussi longtemps que ne serait-ce qu'un seul de ses membres - c'est-à-dire un Etat - vivrait une situation troublant l'ordre et la paix dans son territoire. On l'aura certes saisi, c'est donc une paix d'ouverture et d'intégration qui est promue par cette école.

Cependant, considérant la complexité du jeu de la géopolitique et de la géostratégie, de la défense de l'intérêt national et de l'accroissement de la puissance sur l'échiquier international qui dicte actuellement la politique étrangère des Etats et même leurs positions face aux différents conflits régionaux ou internationaux, il devient de plus en plus utopique de croire à une telle paix ou encore à l'absence générale, et à long terme, de tension, de conflit, de guerre. C'est dans cette optique que, se voulant plus réaliste, a émergé aujourd'hui une autre approche affiliée à l'école dite segmentale94(*).

La seconde approche, segmentale, défend la vision d'une paix s'inscrivant dans un élan de particularisation qui semble exclure de son bénéfice certains Etats. Pour cette doctrine, étant donné qu'il serait chimérique d'espérer une paix intégrant totalement tous les Etats du monde, la paix internationale devrait s'entendre d'une approche plus modérée et pragmatique. Il s'agit de considérer ladite paix non plus selon le critère de l'absence de tout conflit armé dans tous les Etats du monde comme le préconise l'école globale, mais plutôt en fonction de son effectivité dans la majorité des Etats, mieux d'une stabilité d'ensemble dans les différentes régions du monde telles que définies par l'ONU. Il s'agit d'une conception en vogue adoptée par les principaux acteurs des relations internationales et puissances de la communauté internationale. C'est aussi au nom de cette conception que le Conseil de Sécurité des Nations Unies estime aujourd'hui que la guerre en Syrie, en Libye et en Irak et même les actions terroristes du groupe Boko Haram au Nigéria, qui orchestre un nombre gigantesque de morts et d'importants dégâts collatéraux, ne constituent pas des menaces directes à la paix et la sécurité internationales suffisantes pour exiger l'adoption d'une résolution95(*) dans le sens de les régler dans le cadre onusien.

Cette conception segmentale a pour effet de défendre une paix internationale d'exclusion qui ferme les yeux à certaines crises et autres conflits armés qui peuvent déchirer un Etat donné dans la mesure où ils ne représentent pas un enjeu majeur pour les grandes puissances96(*) ni un danger à leur sécurité ou à leurs intérêts économico-politiques. Celles-ci n'hésitent pas à faire usage de leur veto contre les décisions du Conseil de Sécurité s'inscrivant dans le sens d'intervention militaire pour mettre fin aux conflits de ce genre qui éclatent dans les Etats ou régions du monde. Le recours au veto par les membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies ne préserverait ici en fait qu'une paix internationale imparfaite97(*) qui n'a de sens véritable qu'aux vues des hérauts de son option, en tirant seuls le bénéfice, l'Etat en conflit demeurant toujours en guerre. En effet, la mise en branle du droit de veto n'est en règle générale réalisée que parallèlement à un conflit armé en plein cours, circonscrit dans un périmètre donné98(*). Ainsi, la « paix » qui serait visée par l'exercice du veto aux tréfonds d'un tel contexte n'aurait qu'une épaisseur réduite et sa caractérisation « internationale » ne serait qu'imparfaite aussi longtemps que le veto ne déboucherait point sur l'éradication générale de la situation belliqueuse, aussi bien sur le territoire des Etats tiers que sur celui de l'Etat en conflit. Son mérite, du reste mineur et partiel, ne s'identifierait que par son effet préventif de la contagion des exactions, violations des droits humains et autres massacres drainés par ledit conflit qui, sommes toutes, ne serait pas du tout enrayé99(*). L'usage du veto ici est d'ailleurs motivé moins par l'élan de mettre fin au conflit que par la peur de sa propension et son esprit, fondé sur l'unanimité des voix des membres permanents, reste en contradiction avec le pari démocratique100(*) qui se trouve affirmé au coeur de la machine onusienne.

A la confluence des développements ci-haut articulés, il nous paraît judicieux de signifier une considération de taille sur la pertinence de ces deux modèles de conception de la paix internationale dans la dynamique contemporaine du garde-fou contre l'arbitraire des Etats sur la sphère internationale rattaché au droit de veto. A cet effet, prenant en compte la portée universelle de la paix conçue par le courant de l'approche dite « globale », nous pouvons affirmer avec Mario BETTATI que cette dernière est celle qui répond le mieux au défi du combat contre tout régime de droit et d'action qui, relevant d'une volonté unique, présente un caractère abusif et injuste. Cependant, la vérification d'une telle paix sur toute l'étendue de la planète s'apparente, remarque Charles de VISSCHER101(*), au domaine onirique.

Dans la même veine, le droit de veto, de par le prisme de sa teneur, de son contour et l'impact de son application fidèle au texte qui le crée, la Charte de l'ONU, se veut également porteur du même idéal de paix mondiale.

* 85 Néanmoins, il existe dans la lettre même de la Charte des garde-fous contre l'exercice arbitraire ou abusif du droit de veto telle l'astreinte faite à un membre du Conseil de Sécurité, fût-il permanent, à ne pas prendre part au vote lorsque celui-ci porte sur un différend auquel il est partie.

* 86 VOIGT, K., « Les perspectives du partenariat transatlantique pour l'Allemagne et les Etats-Unis et l'avenir du droit international », in Note du cerfa n° 7, IFRI, décembre 2003, p. 9.

* 87 Qui dura du juillet 1914 au 11 novembre 1918, soit 4ans, 3 mois et 2 semaines.

* 88 Elaboré au cours de la conférence de Paris, le traité de Versailles est un traité de paix signé le 28 juin 1919, dans la galerie des Glaces du château de Versailles et promulgué le 10 janvier 1920. Il annonça la création d'une Société des Nations et détermina les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne et de ses alliés. Celle-ci, qui n'était pas représentée au cours de la conférence, se vit privée de ses colonies et d'une partie de ses droits militaires, amputée de certains territoires et astreinte à de lourdes réparations économiques.

* 89 VOIGT, K., « Les perspectives du partenariat transatlantique pour l'Allemagne et les Etats-Unis et l'avenir du droit international », op.cit., p. 5.

* 90 Ses principaux auteurs et tenants furent Alfred ZIMMERN, David MITRANY, James SHOWTWELL, Gilbert MURRAY et Graham WALLAS.

* 91 Ce courant est dit « idéaliste » d'autant que, eu égard à la real politique internationale, il paraît simplement utopique de fonder la stabilité internationale sur la présomption juris tantum du respect du droit et des valeurs morales par des Etats dont les préceptes juridico-culturelles ne sont pas toujours convergentes et même un peu naïf de croire qu'il suffit qu'un Etat signe ou ratifie un traité international pour qu'il s'y soumette en toutes circonstances de son ordre. Et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale fut l'illustration de la défaillance de la Société des Nations dans sa mission de préserver la paix dans le monde et, partant, de l'anachronisme de la doctrine idéaliste. Aussi, la théorie réaliste prit-elle le dessus dorénavant.

* 92 Créé en 2002 par Mohamed YUSUF, Boko Haram est un groupe sunnite pour la prédication et le djihad. De sa dénomination abrégée en haoussa, Boko Haram peut être traduit par « l'éducation occidentale est un péché », le mot « Boko » étant une déformation de book, « livre » en anglais et « Haram » signifiant « interdit » ou « illicite ». L'éducation occidentale serait ainsi contraire aux prescrits du prophète d'Allah. C'est pourquoi les actions de Boko Haram s'en prennent principalement aux intérêts, aux ressortissants occidentaux et aux symboles de la civilisation occidentale au Nigéria, au Cameroun, au Niger et au Tchad. Classé comme organisation terroriste par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et parfois qualifié de secte, le groupe est un mouvement salafiste djihadiste du Nord du Nigéria ayant pour objectif d'appliquer la charia dans l'ensemble du pays et d'y instaurer un califat. Ayant fait allégeance à l'Etat islamique en 2015, le groupe, dirigé par Aboubacar SHEKAU, est aujourd'hui confronté à une coalition des forces camerounaises, nigériennes et tchadiennes aux côté de l'armée nigériane qui vise son éradication. Ses exactions ont occasionné plus de 15000 morts au Nord du Nigéria.

* 93 Désigné parfois par son acronyme arabe Daech ou Daesh, l'Etat islamique est une organisation armée salafiste djihadiste, d'obédience sunnite, fondée le 13 octobre 2006 par le Conseil consultatif des Moudjahidines en Irak sous l'empire idéologique du salafisme djihadiste, du panislamisme, de l'antichiisme et de l'antioccidentalisme. Dans l'ordre de ses objectifs figurent l'établissement d'un califat dans le monde musulman et l'instauration de la charia. Ses actions portent principalement sur la lutte armée, la guérilla, son mode opératoire demeure les attentat-suicides et les prises d'otages et ses sources de financement sont la vente de ciment, l'exploitation agricole, le pillage de banques, les rançons et les donations privées. Initialement lié à Al-Qaïda, il s'en est progressivement franchi, pour s'en séparer tout à fait en 2013. L'essor de cette organisation a été favorisé par les déstabilisations géopolitiques dues à la guerre irakienne puis celle syrienne. Elle y demeure d'ailleurs la force négative majeure. Et depuis août 2014, une coalition internationale de 22 pays intervient contre cette organisation.

* 94 BADIE, B., La pratique du droit international entre éthique et volonté de puissance, Paris, Fayard, 2002, pp. 43-49.

* 95 L'adoption d'une telle résolution demeure bloquée par le veto sino-russe au Conseil de Sécurité.

* 96 Principalement les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.

* 97 Que nous considérons telle une paix « d'exclusion ».

* 98 Lequel périmètre peut être situé dans le territoire d'un Etat ou se trouver à cheval sur l'espace de deux ou plusieurs Etats, auquel cas le conflit en présence revêtirait, au sens des Nations Unies, la qualification de « conflit international ».

* 99 Il serait à ce stade faux d'affirmer que l'usage du veto aura assuré la «  paix internationale »dans la mesure où l'Etat constituant le théâtre du conflit n'en sera pas moins délié, seuls les Etats tiers se verraient exemptés d'en subir l'extension, la paix internationale présumant la cessation du conflit, mieux l'absence de la guerre sur l'ensemble des territoires de tous les Etats.

* 100 Requérant la majorité simple, absolue ou qualifiée, selon le cas, non l'unanimité, dans la prise des décisions.

* 101 De VISSCHER, C., Théories et réalités, Paris, Vème édition, Pedone, 1970, pp. 26-30.

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