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Le droit de veto au conseil de sécurité des nations-unies entre gage juridique d'une paix internationale d'exclusion et blocage politique du règlement des conflits.

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par Xavier MUHUNGA KAFAND
Université catholique du Congo (UCC) - Licence en droit  2015
  

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Paragraphe 2. Le droit de veto : portée, contour et incidences

Au coeur de plusieurs débats sur son opportunité, son éventuelle extension à d'autres Etats, l'assouplissement de sa règle de l'unanimité des voix positives, bref sur la possibilité de son adaptation à la nouvelle cartographie géopolitique internationale et aux enjeux de l'heure, le droit de veto est, souligne Olivier de FROUVILLE102(*), un privilège dont la légitimité était pleinement justifiée au regard du contexte particulier et des priorités de l'époque de sa consécration. Aussi, poursuit-il, ce droit paraissait-il telle l'expression juridique du refus de tous les Etats d'alors de s'embourber de nouveau dans un conflit militaire aussi destructeur de leurs économies et meurtrière de leurs populations que le fut la Seconde Guerre mondiale. Ce droit se veut également, du moins en théorie et dans la lettre de l'article 27 de la Charte de l'ONU, une barrière contre les abus du droit, la loi du plus fort et le règne de l'arbitraire. A cet égard, le droit de veto s'est toujours voulu à la fois un moyen de stabilité de l'ordre international sur une base de coopération et de cohabitation pacifiques entre Etats et un garde-fou contre la menace de l'instrumentalisation du droit international par un Etat pour attaquer militairement un autre aux fins arbitraires d'accroître sa puissance dans le rapport des forces international. Il s'enracine dans une règle d'or : le conditionnement des décisions du Conseil de Sécurité portant sur des questions autres que des questions de procédure par l'unanimité des voix des cinq membres permanents dudit Conseil, ses titulaires naturels et immuables jusqu'ici. La fixation de cette condition qui spécifie le contenu du droit qui la porte réussit à emporter le quitus de toutes les grandes puissances à une époque où la Guerre froide imposait l'équilibre de la terreur doublé de la peur réciproque entre le bloc de l'Est et le bloc de l'Ouest et où les aspirations démocratiques étaient très éloignées de la table des relations internationales. La majeure préoccupation de ces dernières demeurait, alors, la course antagoniste, sur le champ de nouveaux Etats indépendants et de ceux en quête d'une aide de reconstruction après la ruine subséquente à la Guerre de 40-45, du prosélytisme du bloc soviétique (pour l'expansion de l'idéologie communiste) et de la conquête du bloc occidental (pour capter le plus d'adhérents à la vision du capitalisme et du libéralisme). L'objectif commun était de monter une pyramide ou mieux un outil de contrepoids en charge de permettre à chacune des puissances mondiales d'après-guerre de bloquer et neutraliser les tendances outrancières des autres103(*). Et c'est dans cette optique que s'est inscrite l'idée d'accorder un droit de veto aux cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Il apparait clairement que ce droit heurte un peu hypocritement la substance des principes totémiques du droit international et des droits des peuples telles l'égalité souveraine des Etats et la liberté des peuples en ce sens qu'il se traduit par un privilège exclusif des cinq membres permanents dans un ordre juridique international forgé sur des bases inégales. Son schéma se rapproche plus du modèle dictatorial104(*) que des repères démocratiques105(*) au coeur de toute la dynamique politique et juridique internationale aujourd'hui.

A ce titre, il suffit qu'un membre permanent, titulaire de ce droit, en fasse usage généralement lors du vote d'un projet de résolution pour que toutes les chances d'adoption de celui-ci soient réduites au néant. Dès lors, l'effet de l'exercice du droit de veto est, dans une large mesure, sa capacité d'annihiler certaines décisions du Conseil de Sécurité recherchant tout compte fait la fin des conflits armés et, donc, la paix et la sécurité mondiales au nom de la sauvegarde des intérêts économiques, géostratégiques et parfois mêmes idéologiques de ses utilisateurs. Ici le droit de veto devient un bouclier chargé d'avaliser les violations du droit international par les Etats membres permanents du Conseil de Sécurité et une arme de protectionnisme en faveur des alliés de ces derniers quand ils se trouvent compromis par une conduite irrespectueuse de leurs engagements internationaux et qu'ils encourent, de ce fait, des sanctions assorties par l'ordonnancement juridique international. Ce faisant, ce droit assure une double protection à la fois directe et indirecte.

La protection directe vise à préserver à tout prix les intérêts socio-politico-économiques de ses usagers dans le flux de la mondialisation du libre-échangisme économique qui pousse les Etats à la conquête de nouveaux débouchés commerciaux où la concurrence et la compétitivité se veulent la courroie de transmission des échanges et marchés publics internationaux. Lorsqu'en 2011 la Russie et la Chine menacèrent d'opposer de concert leur veto à la proposition américaine d'une intervention des forces internationales en Libye pour résoudre la guerre civile suicidaire qui ravageait ce pays dans la foulée du Printemps arabe -ayant aboutit à l'assassinat de Muammar al-KADHAFI et à l'effritement de 42 ans d'autocratie-, la préservation des parts des marchés publics raflés aux Occidentaux à la faveur des conflits incessants opposant ceux-ci au régime de Tripoli l'avait emporté sur le sort humanitaire des populations civiles ou le souci d'apporter la paix et la sécurité sur le territoire libyen et les Etats voisins. De même, en faisant de nouveau front commun, réveillant un peu la nostalgie de la solidarité communiste qui les caractérisait durant la Guerre froide, pour opposer leur veto, trois fois de suite, aux projets de condamnation de la répression en Syrie des protestations contre le régime106(*) bousculé par une rébellion hétérogène depuis quatre années déjà, la Russie et la Chine, on s'en doute, ont eu à préconiser les recettes de la théorie réaliste107(*) des Relations internationales.

En effet, le régime syrien de Bachar al-ASSAD étant l'un des principaux fournisseurs en pétrole et en gaz de ces deux puissances mondiales, ouvrir les portes à une action militaire onusienne qui entrainerait la chute du régime en place serait néfaste pour les économies russe et chinoise qui verraient principalement leurs secteurs de production qui dépendent des hydrocarbures entrer en récession. Ainsi, la Russie et la Chine seraient-elles contraintes d'importer le pétrole et le gaz d'ailleurs à un coût défavorable et avec des taux d'intérêt assez importants. C'est pourquoi, fermant les yeux aux transgressions massives des droits de l'homme et à la menace de rompre la sécurité internationale que porte le conflit syrien, elles ont brandi leur veto à ce projet d'intervention onusienne officiellement au nom du respect du principe juridique de « non ingérence dans les affaires internes » d'un Etat et parce qu'elles estiment qu'une résolution efficace dudit conflit ne saurait faire abstraction d'un dialogue inter-syrien. Pourtant, l'ombre de la prévalence des intérêts économiques sino-russes sur toutes les considérations révérencieuses du droit international a du mal à se faire discrète dans la ligne de mire d'une analyse pointue de la crise syrienne.

Par ailleurs, la protection indirecte assurée par l'utilisation du droit de veto investit cette dernière de la vocation de rayer du giron du Conseil de Sécurité onusien toute mesure de sanction ou de condamnation des actes d'un gouvernement « allié stratégique», aussi répréhensibles soient-ils. Ce protectionnisme sélectif, que Philippe GOLUB108(*) identifie d'épée juridique de complaisance au service de l'arbitraire du droit international et que Michel-Cyr DJIENA WEMBOU qualifie de dispositif à géométrie variable109(*), vend la perception d'un régime de traitement de deux poids deux mesures dans une société internationale où quelques bévues et violations délibérées du droit sont cautionnées pour certains membres mais pas pour d'autres. A ce sujet, les Etats-Unis d'Amérique paraissent les plus doués et les plus habiles. En effet, ils ont eu, entre 1994 et 2014, à opposer onze fois sur quatorze leur veto aux projets de résolution ou de condamnation à l'encontre de l'Etat hébreux pour la défense duquel ils seraient prêts à vendre chèrement leur peau. De plus, il est de tradition dans la politique extérieure américaine que les Etats-Unis ne peuvent nullement laisser passer, au Conseil de Sécurité, un projet de résolution ou toute autre décision sur le conflit israélo-palestinien jugés contre les intérêts d'Israël, et ce, peu importe le rang politique du locataire de la Maison Blanche, qu'il soit Républicain ou Démocrate. Et il en a toujours été ainsi. Les Américains justifient constamment cette attitude par la ferme volonté d'empêcher la réédition de la Shoah ainsi que par l'impératif d'ériger une barrière contre la montée de l'antisémitisme dans le monde arabe qui, en vertu de son rapprochement croissant avec le front russo-chinois en pleine concurrence de leadership mondial avec les Etats-Unis, pourrait bien tirer profit d'un glissement vers l'arbitraire international.

De gré ou de force, l'usage du droit de veto au Conseil de Sécurité de l'ONU a pour vocation de droit de veiller au maintien de la paix et la sécurité mondiales. Cet état de paix et de sécurité général passe inexorablement par la suppression de l'impunité sur les violations des règles de droit international par les Etats et de l'arbitraire international. Ce dernier, souvent enflé par le zèle de propension hégémonique et de conquête de plus de zones d'influence de grandes puissances, est à la base du déclenchement de plusieurs conflits armés à travers le monde, lesquels sont tantôt catalysés, tantôt financés, tantôt commandités, tantôt menés par les Etats forts du monde selon qu'ils peuvent servir leurs intérêts.

Ceci nous pousse à remarquer que cette mission de faire échec aux tentatives d'actions ou d'interventions armées arbitraires dont est investi le droit de veto est, dans plusieurs situations, tenue pour une disposition de papier qui n'a pas toujours une force contraignante dans la pratique. En effet, lorsque la coalition des forces américano-britanniques110(*) enclenche l'offensive militaire contre l'Irak111(*), le 20 mars 2003, après l'expiration d'un ultimatum de 48 heures lancé par George W. Bush à Saddam Hussein, c'est tout le droit international qui est piétiné112(*). Non seulement cette opération baptisée « Liberté de l'Irak » avait pour véritable but, et nul n'en doute aujourd'hui, d'obtenir coûte que coûte la chute de Saddam HUSSEIN accusé depuis longtemps par les Américains de parrainer le terrorisme islamiste international, au lendemain des attentats du 11 septembre 2011 et des bombardements par Al-Qaida des tours jumelles du Word Trade Center qui obligeait les Etats-Unis à une riposte dissuasive à la hauteur de leur grandeur, mais elle fut également menée sur fond d'un lourd mensonge. Celui-ci avait consisté d'abord à présenter l'Irak comme la quatrième puissance militaire mondiale d'alors, ensuite à prêter à Saddam HUSSEIN l'intention de préparer une attaque imminente contre les Etats-Unis et enfin à l'accuser de posséder des armes de destruction massive les plus sophistiquées du monde113(*).

Cette attitude témoigne bien du spectre de l'arbitraire qui plane toujours sur la vie internationale, à travers des actions non fondées et positions partisanes des Etats membres permanents du Conseil de Sécurité en grande partie, en dépit de sa proscription par l'esprit du droit de veto. Ce faisant, les Etats titulaires de ce droit se doivent de transcender leur penchant de défense exclusive des intérêts égoïstes qui emprisonne parfois leurs positions sur la scène internationale afin de redonner à la mission de garde-fou contre l'arbitraire international, mission dont la Charte de l'ONU dote le droit de veto, ses lettres de noblesse. Pourtant, la réalité des rapports interétatiques que régente le droit international a du mal à s'émanciper de la soif qu'a chaque Etat d'accroître sa puissance et d'affirmer sa suprématie idéologique sur les autres114(*). La mise en oeuvre de ces tendances passe souvent par l'instrumentalisation du droit, laquelle préconise une interprétation taillée sur mesure et relative des règles juridiques, pourtant obligatoires, et débouche sur le développement d'un interventionnisme néocapitaliste115(*).

* 102 De FROUVILLE, O., « Droit de veto : vers l'abolition d'un privilège », http//www.un.org/french, page consultée le 24 septembre 2014 à 14h35'.

* 103 MITTERAND, F., Réflexions sur la politique extérieure de la France, Paris, Fayard, 1986, pp. 216-220.

* 104 A vrai dire, l'un des effets factuels de ce droit est de servir à l'imposition du dictat et de la prédation des puissances mondiales qui le possèdent sur le cours de la vie internationale.

* 105 Reposant notamment sur la règle de la majorité (simple, absolue ou qualifiée selon le cas) qui est l'antithèse de l'unanimité posée par le droit de veto pour l'adoption des décisions qu'il vise.

* 106 Ces projets furent présentés au Conseil de sécurité par les Etats-Unis soutenus par la France et la Grande Bretagne, respectivement le 04 février, le 04 octobre 2011 et le 19 juillet 2012.

* 107 Développée par Hans MORGENTHAV en 1948, la théorie réaliste est l'un des courants qui organisent les relations internationales. Opposé au courant idéaliste qui fonde la paix et l'ordre internationaux sur la croyance, trop facile pour être toujours appliquée par les Etats aujourd'hui, au respect des règles de droit et des valeurs morales, le courant réaliste soutient que la stabilité internationale repose essentiellement sur l'équilibre des forces qui vise la défense de l'intérêt national et de la puissance étatique sur l'échiquier mondial.

* 108 GOLUB, P., « Les dynamiques du désordre mondial, tentation impériale », in Le Monde diplomatique, octobre 2002, pp. 8-9.

* 109 DJIENA WEMBOU, M.-C., Le droit international dans un monde en mutation, Paris, L'Harmattan, 2003, p. 61.

* 110 Il s'agit d'une opération menée à titre privé par les Américains et les Britanniques, sans l'aval des autres membres du Conseil de Sécurité qui annoncèrent à l'avance d'opposer leur veto à une telle initiative jugée non fondée et arbitraire.

* 111 Considéré par Georges W. BUSH comme faisant partie, avec l'Iran et la Corée du Nord, de « L'axe du mal ».

* 112 En effet, cette intervention aura délibérément fait fi des principes sacro-saints de non ingérence dans les affaires internes des Etats, d'égalité souveraine des Etats et de non recours à la force contre un autre Etat, conformément au Pacte Briand-Kellogg du 27 août 1928, sous réserve des mesures de sécurité collective circonscrites aux articles 39 à 42 de la Charte. Le pacte Briand-Kellogg est aussi appelé pacte de Paris, et plus officiellement pacte de renonciation générale à la guerre. Il renvoie au traité multilatéral signé à Paris le 27 août 1928 par quinze nations, puis ratifié par soixante-trois pays. Le pacte était patronné par le ministre des Affaires étrangères français Aristide Briand et par le secrétaire d'État américain Frank B. Kellogg.

* 113 NGUYEN ROUALT, F., « L'intervention armée en Irak et son occupation au regard du droit international », in RGDIP, 2003, p. 4.

* 114 NOVOSSELOFF, A., « L'ONU après la crise irakienne », in Politique étrangère, mars-avril 2003, pp. 5-8.

* 115 BERTRAND, M., « L'ONU et la sécurité à l'échelle planétaire », op.cit., p. 9.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery