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Le "de-risking", comment combattre ce phénomène ?


par Chedly Manouba
Institut supérieur de gestion de Tunis - Master professionnel en risk-management 2019
  

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CONCLUSION

A travers ce premier chapitre, nous avons exploré les principaux indicateurs et les difficultés du secteur bancaire tunisien. Nous avons, par la suite, présenté la banque qui a accueilli notre stage de fin d'études, la BIAT, à travers son historique et l'évolution de ses indicateurs de performance. Depuis notre arrivée, nous avons pu découvrir les directions de contrôle et plus particulièrement la direction de la conformité et LAB où nous avons effectué notre stage. Ceci nous a permis de détecter les difficultés rencontrées par cette direction entre la préservation des relations de correspondance bancaire, les recommandations imposées par la BCT et l'inscription de la Tunisie dans la liste noire des paradis fiscaux et des pays exposés au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme par le GAFI et l'Union Européenne.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

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CHAPITRE 2 : CONFORMITE ET LAB/FT

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

25

26

INTRODUCTION

Suite à la crise financière mondiale causée par le scandale des Subprimes en 2008, les autorités de contrôle et de supervision tel que le FMI, le GAFI, l'ONU, le comité de Bâle... ont conjugué leurs efforts pour renforcer la sécurité financière afin d'éviter toute autre crise qui peut affecter l'économie mondiale. C'est dans ce cadre que le GAFI a mis ses 40 recommandations afin de contrôler l'intégrité des établissements financiers de chaque pays membre.

Par ailleurs, les nombreux scandales financiers des dernières années, tels que les SwissLeaks4 ou les Panama Papers5, ont conduit l'U.E à mettre la pression sur les pays de juridictions fiscales non-coopératives en commençant par définir des critères de transparence, d'optimisation et d'équité fiscale auxquels ces derniers sont censés se conformer.

Dans ce cadre, et suite à des missions de surveillance rapprochée effectuée par le GAFI en Tunisie depuis 2016, le pays a été inscrit sur la liste noire des pays qui encouragent le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme en décembre 2017. Cette décision dont les conséquences économiques et financières sont graves pour la Tunisie a été précédée par plusieurs échanges entre l'Union Européenne et la Tunisie depuis septembre 2016.

En effet, depuis janvier 2017, le groupe Code de Conduite6 demande à la Tunisie de s'engager au sujet de sa politique fiscale et des réformes à entreprendre dans le domaine. Mais, les réponses des autorités tunisiennes n'ont pas été convaincantes et aucune mesure concrète n'a été prise. Ceci a conduit les autorités européennes à inclure la Tunisie dans leur liste noire publiée en février 2018.

Les principales critiques adressées à la Tunisie et causant cette décision portent sur :

- L'équité fiscale et les avantages liés aux entreprises totalement exportatrices.

- Le manque de transparence dans le secteur bancaire qui encourage le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Dans le cadre de ce mémoire de fin d'études, nous nous focalisons sur les critiques adressées au secteur bancaire tunisien et plus précisément la conformité et la lutte anti-blanchiment d'argent (LAB) au sein des banques tunisiennes. Nous nous intéressons, plus particulièrement,

4 SwissLeaks est l'affaire de la banque HSBC qui est soupçonnée de fraude fiscale, impliquant sa filiale suisse de banque privée, HSBC Private Bank (PB), pendant la période 2006-2007.

5 Les Panama Papers désignent la fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels issus du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, détaillant des informations sur plus de 214 000 sociétés offshore. Le cabinet a aidé ses clients à créer des sociétés « écran » pour usage d'évasion fiscale ou de blanchiment d'argent.

6 Un groupe "Code de conduite (fiscalité des entreprises)" a été créé dans par le Conseil Ecofin du 9 mars 1998 afin d'évaluer les mesures fiscales pouvant entrer dans le champ d'application du code de conduite. (Source : site du conseil de l'Union Européenne).

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

à la question du « De-risking », qui est de nos jours un sujet d'actualité et frappe de plus en plus les institutions financières non-réglementées. La réglementation internationale a poussé des banques à mettre fin à leurs relations avec des correspondants bancaires non réglementés, ou qui se situent dans un pays à haut risque ou à cause du faible rendement de leur activité avec le correspondant bancaire. Le fait de perdre des correspondants bancaires peut causer pour une banque des pertes importantes en matière de transfert des devises. Bloquer les opérations financières internationales, oblige la banque à opérer seulement sur le marché local, ce qui limite ses opportunités de croissance et de développement.

L'importance et la nouveauté du « De-risking » nous conduisent à étudier les différents aspects de la question. En effet, les banques tunisiennes se trouvent de plus en plus confrontées à ce problème de « De-risking ». Elles devraient, par conséquent, revoir leurs normes de conformité et mettre à jour leurs règlementations en termes de luttes contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme afin d'éviter les conséquences financières du « De-risking » de leurs correspondants étrangers.

Ainsi, dans ce deuxième chapitre nous passons en revue les questions de conformité, de lutte anti-blanchiment et de financement du terrorisme dans une première section. Ensuite, dans la deuxième section nous présentons ce nouveau phénomène de « De-risking », son mécanisme de fonctionnement, ses causes et son impact dans le monde, sur la région MENA et plus particulièrement sur la Tunisie.

SECTION 1 : CONFORMITE ET LUTTE ANTI-BLANCHIMENT ET FINANCEMENT DU TERRORISME (LAB/FT)

La conformité ou « compliance » en anglais, est utilisée pour désigner le respect des dispositions législatives et règlementaires, des dispositions normatives propres aux activités bancaires et financières, mais aussi des normes professionnelles et déontologiques7. Le directeur de la conformité, est le premier responsable du respect de la banque, des normes nationales et internationales, de la gestion du risque de non-conformité, du respect des embargos, de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Dans cette première section, nous allons présenter la conformité, ses enjeux, les risques de non-conformité ainsi que le cadre réglementaire international de la conformité.

7 Document N°103 du comité de Bâle publié le 27 octobre 2003 sur la fonction de compliance dans les banques

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

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1.1.Enjeux de la conformité

1.1.1. Définition du risque de non-conformité

Selon le comité de Bâle, « le risque de non-conformité est un risque de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financière, d'atteinte à la réputation, du fait de l'absence de respect des dispositions législatives et réglementaires, des normes et usages professionnels et déontologiques, propres aux activités de la banque »8.

1.1.2. Les risques encourus

Les établissements bancaires sont exposés à des risques dont les conséquences peuvent être lourdes à cause de la non-conformité. Parmi ces risques, nous pouvons citer :

1.1.2.1. Risque de sanction judiciaire

Les banques peuvent être sanctionnées du fait de la non application des règles de KYC (Know Your Customer) ou d'un manquement au devoir de diligence. Elles peuvent faire l'objet de poursuites si elles ne respectent pas les devoirs de diligence par exemple dans l'opération de profilage qui consiste à identifier les clients et connaitre leurs activités.9

1.1.2.2. Risque de pertes financières

D'autres types de risque de non-conformité peuvent avoir comme conséquences des pertes financières. A titre d'exemple, ne pas enregistrer les conversations des opérateurs de la salle des marchés lors d'une négociation des opérations de changes ou d'achat ou/et de vente peut être considéré comme un manquement au règlement général de l'autorité de marché et de la banque centrale et peut conduire au paiement d'amandes. En effet, ce manquement constitue un terrain favorable aux fraudes internes et/ou externes.10

La non-conformité aux règles et normes prudentielles a été la cause de pertes financières importantes dans le système bancaire international.

En effet, le graphique qui suit résume les treize importantes amendes imposées aux banques en raison de manquement à leur devoir de conseil ou non-respect des engagements pris.

5 Compliance and the compliance function in banks April 2005

9 Comité de Bâle sur le contrôle bancaire Devoir de diligence des banques au sujet de la clientèle Octobre 2001

10 Rapport annuel 2003 de la commission bancaire française

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

Figure n°11 : Les plus importantes amendes infligées aux banques pour non-conformité ou
fraude (Depuis 2012)

15 000

10 000

5 000

8 900

16 000

13 000

20 000

2 600 1 920 1 530 1 070 1 020 985 955 787 667 619

0

Montant (en millions de dollars)

Bank of America (Subprime) JP Morgan (Subprime)

BNP Paribas (Violation des sanctions) Credit Suisse (Aide à la fraude fiscale)

HSBC (Blanchiment d'argent) UBS (Manipulation du Libor)

Rabobank (Manipulation du Libor) JP Morgan (Erreur de trading/manque de contrôle)

Deutsche Bank (Entente illicite sur les teux d'intérêt) UBS (Subprime)

Crédit Agricole (Violation des sanctions) Standart chartered (Violation des sanctions)
ING (Violation des sanctions)

Source : AFP, Thomson Reuters, Americain Treasury, Department of Justice, SEC, FSA, Banques, la Tribune, RB.

Nous remarquons que le scandale le plus important était celui de la Bank of America à la même période de la crise des « Subprimes ». L'amende a pu atteindre les 16 000 millions de dollars, un chiffre énorme par rapport aux sanctions précédentes. Ceci montre que les autorités de contrôle sont devenues plus vigilantes après la crise mondiale de 2008 et ne laissent aucun dépassement des établissements financiers qui peut avoir des répercussions sur l'économie mondiale.

1.1.2.3. Risque de sanction administrative ou disciplinaire

Ce risque englobe toutes les sanctions infligées aux banques à la suite d'une mission d'inspection. Il s'agit des avertissements, blâmes, sanctions pécuniaires...

Prenons la BNP Paribas comme exemple, qui a été écopée en juin 2017 d'un blâme et d'une amende de 10 millions d'euros à cause de ses faibles moyens consacrés au traitement des déclarations d'opérations suspectes, les retards et le manque d'efficacité de ses dispositifs en la matière.

 

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1.1.2.4. Risque de réputation

C'est le risque de toucher à l'image de la banque à travers une publicité défavorable, justifiée ou non qui peut entrainer une perte de confiance de la clientèle et du marché en général. Les banques sont particulièrement vulnérables à ce type de risque, parce qu'elles peuvent être la cible d'activités illégales. Pour cela, elles doivent se protéger en pratiquant une vigilance adéquate à travers un programme KYC efficace.11

Vu les risques encourus et les répercussions éventuelles sur le système financier international, plusieurs organismes internationaux ont conjugué leurs efforts pour mettre en place un cadre règlementaire adéquat à la prévention du risque de non-conformité.

1.1.3. La gestion du risque de non-conformité dans les banques tunisiennes : état des lieux

Le rapport de la Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF) en avril 2017 stipule que le climat bancaire actuel est favorable à des opérations de blanchiment de capitaux. Selon une étude en mai 2017 effectuée par Ernest and Young sur la gestion des risques dans quinze banques tunisiennes les plus représentatives du secteur bancaire tunisien12 , 47% de ces établissements bancaires ne disposent pas d'un comité opérationnel dédié au suivi transversal des risques. 33% d'entre eux ne disposent pas de cartographie des risques. De même, ces banques ont une faible implication de la fonction de risque dans la prise de décision et une interaction limitée de cette fonction avec les entités de contrôle interne et de direction financière qui sont concernés par la gestion des risques. De plus, le nombre d'employés engagés par la plupart des banques au service de gestion des risques est trop faible, largement en dessous des pratiques internationales.

Par ailleurs, Deloitte13 aussi a fait récemment (en février 2018) une étude sur ce sujet. Cette étude a été consacrée précisément au risque de non-conformité dans les banques tunisiennes. Sur un échantillon de 30 institutions interviewées (23 banques et 7 sociétés de leasing) qui représentent 90% des 33 institutions financières tunisiennes, l'étude révèle que toutes ces institutions disposent d'une entité dédiée à la conformité.

90% des responsables Conformité des banques siègent à un comité de gouvernance. Mais seulement 22% d'entre eux, soit 7 responsables conformité dans 25 banques, siègent au comité

11 Deloitte, 2014

12 La STB, BH, BNA, Zitouna, BT, BIAT, AMEN, UIB, ABC, Attijeri, BTK, UBCI, Albaraka, ATB et TIB.

13 Est un des 4 plus importants cabinets d'audit et de conseil mondiaux.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

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de direction. Ceci prouve que les notions de conformité et de LAB ne sont pas parmi les priorités des banques qui considèrent que leurs places sont parmi les directions de contrôle.

En ce qui concerne les activités principales de la fonction conformité aux banques, 97% ont répondu que l'activité principale de cette fonction est la déclaration de soupçons.

De plus, 56% des banques et des sociétés de leasing interrogées, ne disposent pas d'une cartographie exhaustive des risques de non-conformité, alors que cette pratique est indispensable pour une évaluation exhaustive et évolutive du risque de non-conformité.

Concernant la période d'évaluation des risques de non-conformité, 57% des banques interrogées ont répondu annuellement, seulement 17% ont répondu trimestriellement et une banque n'évalue jamais ses risques de non-conformité.

1.1.4. Cadre réglementaire international

Le cadre réglementaire international de la conformité, est l'ensemble de règles et règlements, de lois et d'indications, rédigés par des organismes internationaux compétents. Les interventions de ces organismes se chevauchent et se complètent sur les questions de la non-conformité bancaire. Le graphique ci-dessous révèle les principaux organismes internationaux.

Le GAFI

Banque Mondiale Groupe Wolfsberg

US PATRIOT ACT Le Comité de Bâle

Les Nations Unies

1.1.4.1. Le GAFI

Créé au sommet du G7 à Paris en juillet 1989, le Groupe d'Action Financière (GAFI) ou Financial Action Task Force on Money Laundering (FATF), est un organisme intergouvernemental qui a pour objectif de concevoir et de promouvoir aussi bien à l'échèle

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

nationale qu'internationale, des stratégies de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Le Groupe des Actions Financières, a émis quarante recommandations divisées en quatre groupes comme le montre le tableau ci-dessous.

Dans l'exercice d'auto-évaluation, chaque pays membre doit fournir des renseignements sur sa situation en indiquant où il en est dans la mise en oeuvre des 40 recommandations, en répondant chaque année à un questionnaire.14

Tableau n°4 : Les 40 recommandations du GAFI

Groupe

Sujet

Recommandations

1

Généralités

1 à 3

2

Recommandations Liées aux
systèmes juridiques

4 à 7

3

Mesures à prendre par les
institutions financières

8 à 25

4

Coopération Internationale

26 à 40

Source : GAFI

MENAFATF : Il s'agit d'un mini GAFI pour le moyen Orient et l'Afrique du Nord. Créé à Bahreïn en novembre 2004 suite à la décision de quatorze gouvernements.

31

14 Source: GAFI

 

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Le MENAFATF compte aujourd'hui vingt pays à savoir :

Source : Site menafatf.org

1.1.4.2. Le comité de Bâle

Mis à jour en février 2016, le comité de Bâle a publié un document portant sur le contrôle bancaire avec des nouvelles recommandations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Après une large consultation, le comité de Bâle a adopté le 15 janvier 2014 le document « Sound management of risks related to money laundering and financing of terrorism. Ce document vient remplacer deux documents antérieurs du comité intitulés : « Customer due diligence of banks » et « consolidated KYC risk management ». Son objectif consiste à fusionner ces deux textes mais aussi à mettre à jour les obligations imposées par le GAFI. Cette nouvelle mise à jour insiste les banques à renforcer

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

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leurs mesures de vigilance à propos de la clientèle ainsi que prendre les mesures de sécurité concernant les relations de correspondance bancaire.

1.1.4.3.Wolfsberg Group

Le Wolfsberg Group, est une association qui regroupe treize banques internationales15. Elle vise à élaborer des cadres et des orientations pour la gestion des risques de criminalité financière en particulier les politiques de KYC et LAB-FT. Aujourd'hui, le groupe Wolfsberg publie ses questions fréquemment posées (FAQ en anglais) sur la gestion des risques pays dans le contexte de la conformité aux lois sur la criminalité financière. Le risque pays est largement utilisé comme un facteur dans l'évaluation des risques clients et a été abordé par le Groupe dans le cadre de l'approche basée sur le risque de gestion du blanchiment d'argent de 2006.16

1.1.4.4. USA PATRIOT ACT

Le Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism, est une loi votée par le congrès des Etats-Unis en octobre 2001. Cette loi permet aux Etats-Unis de définir sans limite toute personne soupçonnée de projet de terrorisme. Elle confère aussi aux services de sécurité l'accès à toute donnée informatique détenue par les particuliers et les entreprises sans autorisation préalable et sans informer les détenteurs des données. Pour se conformer aux mesures du « Patriot Act », les banques sont appelées à :

- Réaliser l'identification de leurs clients

- Pouvoir repérer des transactions ayant un caractère suspect17 1.1.4.5. Le FMI

Le Fonds Monétaire International (FMI), créé en juillet 1944 aux Etats-Unis, est une institution internationale regroupant 189 Etats membres, assure la stabilité du système monétaire international et la coopération monétaire internationale. Dans le cadre de la prévention contre les risques de non-conformité, de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, le FMI a fortement augmenté ses concours d'assistance technique aux pays membres pour leur

15 : Banco Santander, Bank of America, Bank of Tokyo-Mitsubishi, Barclays, Citigroup, Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, HSBC, J.P Morgan Chase, Société Générale, Standard Chartered Bank et UBS

16 Source: wolfsberg-principles.com

17 Source: ficen.gov (United states department of the treasury financial crimes enforcement network)

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

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permettre de renforcer leurs cadres financiers, réglementaires et de contrôle de lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme (LAB/FT).18

1.1.4.6.L'ONU

L'organisation des nations unies, est une organisation internationale, créée en 1945, compte 193 Etats membres. Sa principale mission est d'assurer le maintien de la paix et la sécurité internationale. Elle contribue également au respect de la conformité en infligeant des sanctions financières pour le non-respect des embargos et des recommandations internationales en matière de LAB/FT.

1.2. Le périmètre de la conformité 1.2.1. Le blanchiment d'argent

Le blanchiment d'argent peut se définir comme étant un moyen de faire entrer de l'argent provenant des activités illicites dans le circuit économique légal.19

1.2.1.1. Les étapes du blanchiment d'argent (source GAFI) Le schéma ci-dessous nous montre les 3 étapes du blanchiment de capitaux :

Faits d'introduire dans les circuits financiers les espèces collectées.

Faits d'utiliser les capitaux blanchis dans des investissements licites, mobiliers ou immobiliers.

1

Placement

2

Empilage

1

2

3

3

Faits de « brouiller » les pistes en multipliant les opérations bancaires ou financières en faisant intervenir plusieurs établissements, pays, personnes. Il s'agit d'éliminer la traçabilité de l'argent sale.

Intégration

Pour mieux expliquer le phénomène, nous présentons ce schéma qui met en évidence les trois étapes de blanchiment de capitaux :

18 Source : IMF

19 Source : GAFI

 

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en amont argent en dehors du circuit économique légal en aval

> > >

Infractions/activités illégales Argent "sale" Blanchiment d'argent Système bancaire

Commençons par la première étape qui est en amont. Au cours de cette étape, le blanchisseur collecte des fonds importants en espèce à partir d'activités illégales mais il demeure dans l'impossibilité de les utiliser légalement. Pour les faire entrer dans le circuit économique légale, il utilise, dans une deuxième étape, beaucoup de pistes à travers plusieurs pays et/ou des détenteurs fictifs pour faire disparaitre l'origine des fonds. Finalement, dans la troisième étape, après l'introduction des fonds dans le secteur légal en multipliant les pistes, le blanchisseur investit la somme blanchie dans des activités licites à savoir l'immobilier, l'achat des actions...20

1.2.2. Le financement du terrorisme

Les fonds investis aux actes de terrorisme, peuvent être de sources légales comme les dons, les profits des entreprises ou de sources illégales comme les actes de crimes, le commerce informel et le commerce des produits prohibés. Ceci laisse les organismes de contrôle dans la difficulté de détecter la source de ces fonds. Pour pallier à ces difficultés, les organismes de supervision internationaux et nationaux imposent des normes et multiplient les directives pour améliorer la vigilance des banques sur les sources de fonds collectés de leurs clients. Dans ce cadre, la BCT dans sa circulaire n°2013-15 du 7 novembre 2013 portant sur la mise en place des règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, a insisté sur l'obligation des banques de suivre les normes internationales et d'être très sévères envers les clients à haut risque, pour éviter toute entrée en relation avec des suspects terroristes.

1.2.3. Les mesures de vigilance KYC / KYCC

Pour toute entrée en relation avec un client, la banque doit obligatoirement faire un entretien portant sur les données d'identification, l'activité, les revenus, le patrimoine et l'objet social.

Une banque doit procéder à l'identification de la clientèle (KYC) lors de : - L'ouverture d'un compte / Location de coffres forts

20 Source : GAFI

 

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- Transactions occasionnelles d'un client

- Virements électroniques

- Doute sur la pertinence des données d'identification du client

Aussi la banque doit mettre en vigilance renforcée ou refuser de poursuivre la relation d'affaire lorsque :

- Les données d'identification du client sont insuffisantes - Le correspondant bancaire est une banque fictive21

- Les PPE : Accepter de gérer les fonds des PPE corrompues peut mettre la réputation de la banque en danger. Les fonds de ces PPE peuvent être d'origine de pots-de-vin, détournement de fonds, activités criminelles, corruption...

- Les clients ne résident pas en Tunisie : La banque ne connait pas l'origine de leurs fonds, leurs activités...

- La relation d'affaire n'implique pas la présence physique du client : Ouverture d'un compte à distance sans présenter les papiers nécessaires

De même une vigilance particulière est recommandée aux banques dans leurs relations avec :

- Des clients résidants dans un pays classé par le GAFI en tant que paradis fiscal

- Les ambassades : Certains gouvernements peuvent financer des actes terroristes à travers les comptes de leurs ambassades ouverts dans les banques

- Les associations / Les casinos : Généralement sont les moyens de blanchiment de capitaux

1.2.4. La Gouvernance

Parmi les missions du conseil d'administration est la surveillance de la gestion du risque de non-conformité au sein de la banque. Il doit instaurer une fonction de conformité et appliquer les procédures nécessaires de contrôle et de suivi du risque. Il envoie aussi des notes de rappel et de sensibilisation aux personnels concernés. Il est le responsable de la mise en place des

21 : désigne une banque qui a été constituée et agréée dans un pays où elle n'a pas de présence physique et qui n'est pas affiliée à un groupe financier réglementé soumis à une surveillance consolidée et effective (comité de Bâle, banques fictives et établissements d'enregistrement, janvier 2003)

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

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moyens ainsi que les ressources nécessaires permettant de s'aligner aux standards internationaux.

Les questions de conformité commencent à prendre de plus en plus d'importance dans la gouvernance et dans les choix organisationnels des grandes banques.

Deux exemples frappants sont ceux du groupe PNB Paribas et celui de la Société Générale. En juillet 2014, un mois après sa condamnation par la justice américaine à une amende de 8.9 milliards de dollars pour avoir contournée entre 2000 et 2010 les embargos imposés par les Etats-Unis à Cuba, l'Iran, Soudan et la Libye22, le groupe PNB Paribas a opéré un changement majeur de son système de contrôle interne à travers trois initiatives : la première est l'intégration verticale des fonctions conformité et juridique afin de garantir leur indépendance ; la création d'un « Comité Groupe de supervision et de contrôle » présidé par le directeur général et la création d'un « Comité Ethique Groupe » afin de piloter l'orientation et le suivi du code de conduite du groupe23.

Pour la Société Générale, en janvier 2015, le Comité d'audit, du contrôle interne et des risques a été divisé en deux comités : un comité d'audit et de contrôle interne, et un comité des risques.

1.2.5. L'approche par les risques

L'approche par les risques consiste à consacrer les ressources de la banque sur les priorités en termes de risques, autrement dit le plus grand risque entraine l'attention la plus élevée.

La mise en place de la cartographie des risques est faite annuellement par le responsable LAB/FT. Il présente ainsi ses anticipations en termes de risques, aussi ses solutions pour y faire face.

Afin d'élaborer la matrice des risques, Trois étapes sont essentielles, à savoir : - Etape1 : La définition des catégories de risques et les natures des clients - Etape2 : L'affectation de tous les clients dans les catégories de risques déjà élaborées - Etape3 : L'adaptation du programme de suivi aux catégories de risques

22 Source: The United States Department of justice ( https://www.justice.gov/opa/pr/bnp-paribas-sentenced-conspiring-violate-international-emergency-economic-powers-act-and)

23 Source: Groupe-BNP-Paribas

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

38

39

La définition des catégories de risques se fait à partir de la liste qui englobe tous les niveaux de risque : Extrême, Elevé, Moyen, Faible.

La nature du client peut être un simple déposant, un employé de société à risque, un ambassadeur, une personne médiatique, un PPE, un résident de pays non coopératifs...ect.

Après les avoir classé par type, le responsable LAB/FT affecte tous les clients selon leurs catégories de risques et commence à élaborer pour chaque niveau de risque un programme bien déterminé de suivi des comptes et de fréquence de filtrage (Suivi quotidien, hebdomadaire, trimestriel ou semestriel).

1.2.6. La formation du personnel en matière de conformité

Le personnel de la banque doit bénéficier d'une formation continue des règles édictées en matière de conformité, pour mieux anticiper les situations à risques, se poser les bonnes questions lorsqu'il y est confronté et avoir une idée claire sur les risques qu'il peut rencontrer dans différentes situations.

Malgré que la majorité des banques à l'échelle mondiale satisfont les recommandations du GAFI au niveau de la conformité et LAB/FT, un nouveau phénomène est apparu : le « De-Risking ».

Depuis des années, et pour lutter contre les nouvelles méthodes de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, les banques deviennent de plus en plus strictes dans leurs relations de correspondances bancaires et prennent beaucoup de précautions dans leurs activités avec les autres banques surtout celles qui appartiennent à des pays à haut risque. Mais dans certains cas, cela n'est pas suffisant et ces banques peuvent même mettre fin à leurs relations de correspondances bancaires. Ces relations sont pourtant essentielles pour les transferts de fonds vers l'étranger mais ces banques préfèrent interrompre leurs relations que de risquer des sanctions de la part des organismes internationaux de contrôle.

C'est ce que nous allons présenter dans la section qui suit.

SECTION 2 : LE « DE-RISKING »

La banque correspondante est la pierre angulaire du système de paiement global, conçue pour servir le règlement des transactions financières au-delà des frontières nationales. Elle permet aux entreprises et aux particuliers de déplacer de l'argent en toute sécurité à travers le monde et encourage le commerce mondial.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

Depuis la crise financière de 2008 des réglementations plus strictes et en particulier les sanctions réglementaires imposées pour les violations du blanchiment d'argent (AML) ont amené les banques occidentales à repenser leur stratégie globale. Les risques de faire des affaires dans de nombreux pays en voie de développement commencent à prendre le dessus sur les avantages financiers apportés par l'activité de correspondant bancaire. En conséquence, les banques américaines et européennes ont réduit leurs activités de correspondants bancaires dans les régions les plus risquées.24

Dans cette section, nous allons présenter en premier lieu le phénomène du « De-risking », sa définition, la relation de correspondance bancaire, les facteurs ayant induit ce phénomène et son impact sur l'économie mondiale en général et sur les activités de la banque en particulier. Ensuite, dans une deuxième partie, nous allons analyser le phénomène à l'échelle mondiale et dans le Moyen-Orient et le nord Afrique pour arriver finalement au cas de la Tunisie.

2.1. Présentation du phénomène Définition

Le « De-risking » se traduit par le fait qu'une institution financière décide de ne pas faire affaire dans un secteur, une région ou un pays parce qu'elle perçoit qu'il est trop risqué pour son évaluation des risques. Elle retire ses services des banques régionales, ce qui lui enlève l'accès au financement international. Cela peut se traduire par des difficultés que rencontre le commerce international.25

2.2. La relation de correspondance bancaire

Selon le Groupe d'Action Financière (GAFI), la relation de correspondance bancaire est définie comme suit : « L'expression correspondance bancaire désigne la prestation de services bancaires par une banque (la banque correspondante) à une autre banque (la banque cliente). f...] Les banques clientes ont accès à une vaste gamme de services, notamment la gestion de trésorerie (par exemple, des comptes rémunérés dans plusieurs devises), les virements électroniques internationaux, la compensation de chèques, les comptes de passage et les services de change. »

Ce schéma peut simplifier la situation :

24 Source: Accuity

25 Source: The World Bank Group

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

40

Figure n°12 : Le réseau de correspondants d'une banque

Source : comprendrelespaiements.com

Prenons l'exemple d'une banque américaine qui souhaite détenir et échanger des Euros, elle doit ouvrir un compte dans une banque européenne. Elle devient cliente de cette banque. Ainsi, la banque européenne est appelée « correspondant » en Europe de la banque américaine. Ceci donne naissance aux comptes appelés « nostro » et « vostro »

2.2.1. Les comptes Nostro et Vostro

Lorsqu'une banque « A » ouvre un compte auprès d'une banque « B », cette dernière ouvrira probablement aussi un compte auprès de la première. Ces comptes s'appellent « Nostro » et « Vostro »

Un compte « Vostro » est un compte bancaire d'un correspondant étranger ouvert auprès d'une banque locale. Le correspondant bancaire exécute alors les opérations de change ordonnées par l'établissement étranger en lui facturant des frais commerciaux suivant la taille des opérations.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

41

Un compte « Nostro » est un compte bancaire ouvert par une banque locale chez une banque étrangère. Cette dernière exécute les opérations en devise de la banque locale et lui comptabilise les frais nécessaires.26

Ce schéma résume bien la situation :

Figure n°13 : La relation de correspondance bilatérale

Source : comprendrelespaiements.com

2.2.2. Les comptes imbriqués

Les comptes imbriqués se sont des comptes qui se produisent lorsqu'une banque étrangère accède au système financier USD ou EURO en opérant à travers un compte correspondant américain ou européen appartenant à une autre banque étrangère.

Autrement dit, des banques étrangères auront l'accès à une devise Euro ou USD (les plus utilisées) à travers des comptes d'une autre banque étrangère auprès d'une banque européenne ou américaine. Cela permet aux banques étrangères d'avoir un accès anonyme au système bancaire américain ou européen.27

Ces deux schémas nous montrent la différence entre une transaction de correspondance bancaire traditionnelle et une autre via un compte imbriqué :

26 Source: IMF 2017

27 Source: FATF Guidance Correspondent Banking Services October 2016

 

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Figure n°14 : Transaction traditionnelle de correspondance bancaire

 
 

Banque A Banque B

 
 
 

Banque du donneur d'ordre Banque Correspondante

Banque D Banque C

Banque Correspondante Banque Correspondante

Donneur d'ordre

Bénéficiaire

42

Source : FMI

Figure n°15 : Transaction de correspondance bancaire via un compte imbriqué

Banque A Banque B

Banque X

Banque Correspondante

Banque Correspondante

Bénéficiaire

Banque détenant un compte imbriqué

Banque Correspondante Banque Correspondante

Banque C

Banque D

Donneur d'ordre

Source : FMI

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

43

2.2.3. Les facteurs ayant induit le De-risking

Le rôle principal de la règlementation est de protéger le système financier mondial, mais dans certains cas, la rigidité de la règlementation a un effet contraire et oblige des institutions financières à sortir du système financier réglementé. Dans ce qui suit, nous allons présenter les principaux facteurs qui ont causé le « De-risking » :

§ L'évaluation du risque a augmenté le coût de la conformité (coûts humains, techniques et financiers) pour les clients à risque élevé.28

§ La pression des régulateurs (en matière de réglementation internationale)

§ Les sanctions à l'égard de pays ou de banques individuellement

§ Les informations du « devoir de diligence » disponibles sont insuffisantes

§ Le manque de confiance dans la capacité des banques à gérer les risques

§ L'augmentation des sanctions pécuniaires et des pénalités

2.2.4. Les répercussions du phénomène de « De-risking »

Le « De-risking » croissant observé ces dernières années dans le système bancaire international admet plusieurs répercussions qui dépassent les frontières de la sphère financière. A titre d'exemple, une enquête menée par l'association des banquiers britanniques en 2015, a révélé une baisse moyenne de 7.5% des rapports bancaires par correspondance depuis 2011. Dans ce qui suit, nous allons présenter les impacts du « De-risking » sur l'économie mondiale en général.

Déplacement du risque BA/FT : Avec la fermeture des comptes de nombreuses grandes institutions financières, les clients ont été forcés de compter sur de plus petites banques et coopératives de crédit qui n'ont pas la capacité voulue pour traiter avec des clients à risque élevé. Les relations de dénouement des comptes peuvent également encourager les entités à passer dans des canaux moins réglementés, réduisant ainsi la transparence et limitant les capacités de surveillance. Ces systèmes souterrains de « banques parallèles », définis comme des transactions n'utilisant pas les systèmes financiers traditionnels. Les systèmes bancaires « fantômes » peuvent également entraîner une augmentation des coûts pour les clients, car ils

28 Source: IFC World Bank

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

44

deviennent la seule option de service financier disponible. De plus, ils fonctionnent sans surveillance et sont donc moins responsables devant les clients, laissant peu de recours aux clients si les services ne sont pas fournis.29

Exclusion financière accrue : Compte tenu des avantages de l'inclusion financière pour les communautés pauvres et marginalisées, l'impact de la réduction de l'accès aux services financiers sera significatif. Sur le plan macroéconomique, l'accès aux services financiers a réduit la pauvreté et les inégalités de revenu. La disponibilité des services financiers pour les ménages pauvres s'est traduite par de meilleurs résultats en matière de nutrition et de santé, des années de scolarisation accrues pour les enfants.30

Du point de vue de l'inclusion financière, la réduction des risques, donne le plus de tort aux pays en développement. La plupart des 2,5 milliards d'adultes non bancarisés du monde vivent dans des pays en développement, avec seulement 41% des adultes dans les économies en développement ayant un compte dans une institution financière formelle, contre 89% dans les économies développées31.

En outre, les banques ont historiquement exclu les ruraux pauvres, car leurs activités dans les zones rurales n'offrent pas suffisamment de marges bénéficiaires pour compenser les coûts de transaction élevés de l'ouverture de succursales dans des régions éloignées. 32

De plus, les communautés rurales, à faible revenu et minoritaires, telles que les femmes et les jeunes, sont touchées de manière disproportionnée par le manque d'accès au secteur financier formel. Parmi les personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté de 2 dollars par jour, les femmes sont 28% moins susceptibles que les hommes d'avoir un compte bancaire officiel. Dans les pays en développement, l'écart entre les hommes et les femmes est de six à neuf points de pourcentage, ce qui souligne les obstacles plus importants à l'inclusion financière.33

Les répercussions sur les droits des personnes : Dans le contexte des pays en développement, où les lois et les normes nationales peuvent entrer en conflit avec les normes des droits de l'homme internationalement acceptées, l'exclusion financière peut accroître le risque de violations des droits de l'homme.34 Dans la mesure où la réduction des risques réduit l'accès des

29 : FATF-GAFI.

30 : A. Ritchie, (2007)

31 : The Global Findex Database, banque mondiale , (2012)

32 : Barclays (2013)

33 : A. Demirguc-Kunt. and L. Klapper (2012)

34 : Rajeev H. Dehejia and R. Gatti, (2002)

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

45

populations vulnérables aux services financiers, elle peut aussi forcer les pauvres à choisir des stratégies d'adaptation alternatives qui mettent en danger les droits de l'homme. Une de ces stratégies est le passage au travail des enfants pour compléter le revenu des ménages et atténuer les chocs économiques. La littérature a montré, par exemple, que les taux de travail des enfants sont plus élevés dans les pays dont le système financier est sous-développé et l'accès au financement est limité.35

Préoccupations humanitaires : Le discours actuel sur l'impact des pratiques de réduction des risques s'est concentré en grande partie sur les questions humanitaires, en particulier celles liées aux interruptions des flux mondiaux de transferts de fonds. Les études de cas les plus notables viennent de Somalie, où plus de 40% de la population dépend des envois de fonds, qui représentent entre 25 et 45% du PIB total du pays36.

Toute réduction de ces flux aurait des répercussions claires et tangibles sur la population, notamment les communautés vulnérables qui reçoivent chaque année plus de 1,3 milliard de dollars de transferts de fonds mondiaux ; et un impact significatif sur l'économie du pays37.

Réduction du financement du commerce : La fermeture des comptes bancaires correspondants constitue une menace réelle pour le financement du commerce international, en particulier pour les pays en développement. Les relations bancaires correspondantes sont le tissu conjonctif reliant divers points du système financier mondial, offrant aux banques étrangères l'accès aux marchés financiers américains et européens et, plus important encore, aux devises étrangères. Ceci est important pour les marchés émergents, car la majorité des flux de capitaux transfrontaliers dans le monde, y compris les marchés des produits de base et le financement du commerce, sont réalisés en dollar américain. Le dollar américain est utilisé pour 44,6% de tous les paiements mondiaux, suivi de l'euro à 28% et de la livre sterling à près de 8%.38

Lorsque les institutions financières ferment les comptes correspondants des banques étrangères, par conséquent, elles coupent l'accès aux devises nécessaires pour financer le commerce international et l'investissement international.

35 : Rajeev H. Dehejia. R. H and R. Gatti. (2002)

36 : Adeso, (2013)

37 : Adeso, 2013

38 : article RI « yan top 5 payment swift» Janvier 2015

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

46

2.3. Analyse du phénomène

Dans ce qui suit, nous allons procéder à une analyse du « De-risking » dans le monde en général, puis nous allons nous focaliser sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et particulièrement la Tunisie.

Le « De-risking » dans le monde

Depuis la crise financière mondiale de 2008 et jusqu'à nos jours, les relations bancaires internationales entre correspondants ont diminué de près de 25%. Cela a laissé un vide sur le marché dans certaines régions que les institutions financières de l'Est, principalement les banques chinoises sont en train de combler. Les relations bancaires correspondantes opérées par les banques chinoises ont augmenté de 3,355% entre 2009 et 2016.39

Parallèlement, les entreprises des régions les plus touchées par le « De-risking » luttent pour accéder au système financier mondial afin de financer leurs opérations. Sans cet accès, les banques locales et les particuliers seront forcés d'utiliser d'autres canaux qui comprennent des sources de financement non réglementées et à des coûts plus élevés et de s'exposer au marché parallèle.40

La crise financière de 2008 a provoqué des ondes de choc à travers le secteur financier mondial. Dans les années qui ont suivi, la réglementation du secteur aux États-Unis et en Europe s'est resserrée. Les seuils de liquidité ont augmenté, les exigences de transparence ont augmenté et de manière plus significative et les sanctions imposées pour violation de la législation anti-blanchiment d'argent ont explosé. C'est pour cela que la gestion des risques est devenue la première priorité pour les banques occidentales.

En revenant sur les pénalités de LCB payées par les banques, nous remarquons qu'en 2014, ils ont pu atteindre un niveau record de 10 milliards de dollars.41 À ce niveau, la menace pour les banques de faire des affaires dans les pays à risque élevé l'emporte sur les avantages de fournir des services à leurs clients dans ces régions, même s'il existe de bonnes occasions d'affaires à saisir.

39 Source: Accuity

40 Source: Accuity

41 Source: Accuity

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

Figure n°16 : Total des pénalités LAB par année

$10,000,000,000 $1,000,000,000 $100,000,000 $10,000,000 $1,000,000

47

2002 2003 2004 2005 2006 2015

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Source: US Department of Treasury, Office of Foreign Assets Control

Nous remarquons que les plus grosses pénalités ont été imposées aux banques défaillantes durant les huit dernières années, c'est-à-dire après la crise financière de 2008. En effet, depuis cette crise, les organismes de contrôle internationaux ont imposé des réglementations prudentielles strictes aux institutions financières afin de mieux contrôler leurs activités et éviter tout dépassement qui peut mener à une nouvelle crise mondiale. En 2014, c'était le pique des sanctions (LAB) au monde, avec les cas JP Morgan et BNP Paribas, respectivement, pour la crise des Subprimes et la violation de sanctions entre 2002 et 2008.

Tableau n°5 : Amendes et autres sanctions pour la non-conformité en matière de LAB/FT

Banque (en billions de $) Date

HSBC

1.9

Décembre 2012

J.P. Morgan Chase

1.7

Janvier 2014

BNP Paribas

8.9

Juillet 2014

Commerzbank

1.5

Mars 2015

Sources : Auteur, compilé à partir de rapports de médias.

Par ailleurs, une analyse a été faite récemment (2016) par Accuity sur la correspondance bancaire aux Etats-Unis et à l'Union Européenne. Les deux graphiques qui suivent révèlent l'évolution du nombre total des banques et du nombre des banques correspondantes aux Etats-Unis, dans l'Union Européenne, en Afrique et en Chine durant la période allant de 2009 à 2016.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

48

Figure n°17 : La correspondance bancaire au Etats-Unis

Figure n°18 : La correspondance bancaire en Europe

La baisse de l'activité est concentrée sur les banques occidentales entre 2009 et 2016. Le nombre de sièges sociaux de banques situés aux États-Unis et dans l'Union européenne a diminué de

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

49

24%, passant de 23 240 à 17 631. Au cours de la même période, le nombre de fois où les banques américaines et européennes ont été utilisées comme correspondants a diminué de 30%.

Figure n°19 : La correspondance bancaire en Afrique

La tendance frappe les économies en développement. L'impact sur les économies émergentes peut être vu à travers une analyse des emplacements bancaires, des sièges sociaux et des relations de correspondant bancaire en Afrique. Alors que le nombre total de banques a augmenté sur le continent, le nombre de relations bancaires correspondantes a diminué.

Cela suggère que, bien qu'il y ait une demande croissante de services bancaires en Afrique, la capacité des entreprises à effectuer des transactions internationales a été restreinte. Les entreprises des régions les plus touchées ont du mal à accéder aux systèmes financiers mondiaux pour financer leurs opérations. Sans cet accès, les banques locales sont obligées d'utiliser d'autres sources de financement non réglementées et potentiellement plus coûteuses et s'exposent au marché parallèle.

Certains signes indiquent, toutefois, que la demande de services de correspondant bancaire dans les régions à haut risque est satisfaite par les banques de l'Est, en particulier la Chine.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

50

Figure n°20 : La correspondance bancaire en Chine

Le secteur bancaire chinois a connu une forte croissance depuis 2009. Le nombre de banques est passé de 421 à 983 et le nombre de succursales de 57 937 à 95 801. Au cours de la même période, le nombre de correspondants bancaires chinois a fortement augmenté, passant de 65 en 2009 à 2 246 correspondants en 2016. D'après le graphique, la majeure partie de l'augmentation a été enregistrée à partir de 2012.42

En ce qui concerne les principales devises internationales, la baisse de la correspondance bancaire a touché le dollar américain. Ce dernier a dominé comme la monnaie fonctionnelle pour la plupart des transactions de correspondants et est resté la devise de choix pendant que l'économie mondiale se remettait de la crise financière. Mais, d'après les nouveaux chiffres publiés par Accuity, les relations de correspondants bancaires en dollar américain sont en baisse de 15% depuis 2013. Les relations de correspondance en euros ont également diminué, de 23% depuis 2009.

Par contre, les relations de correspondants bancaires dans les RMB (Renminbis chinois) ont augmenté de 8% depuis 2013.

42 Source: Accuity

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

51

Le « De-risking » dans la région MENA

Le phénomène de « De-risking » commence à se faire sentir dans la région MENA. Selon une étude faite par le FMI en collaboration avec la banque mondiale et le Fonds Monétaire Arabe en 2016, 39% des 216 banques interrogées de 17 pays de la zone MENA ont remarqué que leurs relations de correspondance bancaire ont diminué de manière significative durant la période allant de 2012 à 2015.43 De plus, le nombre de comptes fermés par les banques correspondantes a grimpé et 63% des banques arabes ont subi des fermetures de comptes en 2015 contre 33% en 2012.44 Les banques américaines sont en tête avec 40% des comptes fermés, suivies de celles du Royaume-Unis avec 29% et de l'Allemagne avec 16%. Par conséquent et suite à l'arrêt de leurs relations de correspondance bancaire, 21% des banques arabes ont trouvé des difficultés pour compenser leurs relations perdues.

Les 216 banques participantes au questionnaire qui ont connu une baisse significative de leurs CBR ont signalé une tendance à la hausse des comptes Nostro clôturés entre 2012 et 2015. En 2012, 33% de ces banques ont indiqué qu'elles étaient sujettes à une cessation de comptes avec leurs correspondants, ce nombre a considérablement augmenté pour atteindre 63% en 2015, comme le montre la figure ci-dessous.

Figure n°21 : Résiliation des CBR (2012-2015)

Banques % des Banques

63.10

61.90

33.33

28

46.43

39

52

53

Source : Rapport 2016 AMF & FMI & Banque mondiale

43 Source: Withdrawal of Correspondent Banking Relationships (CBRs) in the Arab Region, IMF, AMF, WB, September 2016

44 Source: Withdrawal of Correspondent Banking Relationships (CBRs) in the Arab Region, IMF, AMF, WB, September 2016

 

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52

Figure n°22 : Tendance à la fin des CBR (2012-2015)

Banques % des Banques

28.57

2012 2013 2014 2015

4.76

4

9.52

8

21.43

18

24

Source : Rapport 2016 AMF & FMI & Banque mondiale

En plus de la perte croissante des comptes CBR, les banques qui ont subi une baisse de leurs CBR ont également signalé une tendance haussière du nombre de comptes soumis à des restrictions par des institutions financières étrangères (Exp : Suspension d'activité) entre 2012 et 2015.

A titre d'exemple, plusieurs banques ont procédé à un blocage momentané des comptes de leurs banques correspondantes pendant une période jusqu'à ce que la banque cliente régle sa situation en termes de réglementation internationale et puis elle reprendra son activité habituelle.

En effet, 5% des banques, seulement, ont connu des restrictions de comptes en 2012. Cette proportion est passée à 29% en 2015.

Les résultats du sondage indiquent que les pays des banques étrangères qui ont mis fin ou imposé des restrictions sur les banques de la région arabe, comprennent principalement les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la KSA, les EAU, la France, le Canada, l'Italie et la Suisse. Les banques américaines ont été les 20 premières banques qui ont réduit les relations commerciales avec les banques des pays arabes. Voir figure n°23 :

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

53

Figure n°23 : Juridictions de résiliation CBR et / ou restrictions

Nombre de banques (%)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

41

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

29

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

16

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

12

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

11

 

11

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

10

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

9

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

8

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

7

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Source : Rapport 2016 AMF & FMI & Banque mondiale

Les banques qui ont subi une baisse de leurs CBR ont indiqué que le principal facteur qui a poussé leurs correspondants à mettre fin à leurs relations d'affaires est la réduction du niveau global de risque supporté par les institutions financières étrangères autrement dit la baisse du niveau de risque que la banque correspondante est prête à accepter (41.7% des 216 banques interrogées). Le deuxième facteur provient des changements de la réglementation internationale qui est devenue de plus en plus stricte (31%). De plus, le recul de la rentabilité (29.8%) et les inquiétudes concernant les risques de blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (23.81%) font partie des facteurs affectant négativement les relations de correspondance bancaire avec les pays de la région MENA.

Sur 84 banques participantes (84 parmi les 216) qui ont enregistré une baisse de leurs taux de change, 19 banques ont noté que les virements internationaux en USD étaient sensiblement affectés, 10 banques ont indiqué un impact significatif sur les virements bancaires en euros et 12 virements bancaires dans d'autres devises. Voir figure n°24 :

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

Figure n°24 : Devises affectées

20

19 10

15

10

5

0

Nombre de banques

3 3 2 2 1 1

54

USD Euro GBP SAR JPY AUD CAD AED

Source : Rapport 2016 AMF & FMI & Banque mondiale

Les banques étrangères craignent de subir une lourde amende par les régulateurs américains. Ceci les a poussés à mettre fin à leurs relations avec les banques « risquées » et a compliqué la tâche aux banques locales qui sont désormais frappées par le « De-risking ».

Dans ce qui suit, nous allons reprendre la première évaluation du GAFI pour la Tunisie qui a été faite en mai 2016 et la réévaluation de décembre 2017 en nous concentrant sur les recommandations de la conformité bancaire et plus précisément celles du « De-risking ».

2.3.1. La situation de la Tunisie par rapport aux recommandations du GAFI

Suite à la première évaluation demandée par la Tunisie en février 2015 l'équipe d'évaluation du MENAFATF a réalisé un rapport qu'elle avait publié en Mai 2016 présentant l'évaluation des 40 recommandations imposées par le GAFI. Le tableau ci-dessous nous montre les cotes de conformité et d'efficacité technique des 40 recommandations.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

55

Tableau n°6 : Evaluation du MENAFATF des 40 recommandations (Aout 2016)

R1

R2

R3

R4

R5

R6

R7

R8

R9

R10

PC

PC

C

IC

C

PC

NC

IC

C

PC

R11

R12

R13

R14

R15

R16

R17

R18

R19

R20

C

PC

IC

IC

PC

NC

PC

PC

PC

C

R21

R22

R23

R24

R25

R26

R27

R28

R29

R30

C

PC

PC

PC

NC

NC

IC

PC

IC

C

R31

R32

R33

R34

R35

R36

R37

R38

R39

R40

PC

IC

PC

NC

IC

PC

C

PC

C

IC

Source : Rapport d'évaluation mai 2016 MENAFATF

R : Recommandation PC : Partiellement conforme LC : Largement conforme

NC : Non conforme C : Conforme

Tableau n°7 : Les 40 recommandations du GAFI

R1

Evaluation des risques et

application d'une approche fondée sur les risques

R21

Divulgation et confidentialité

R2

Coopération et coordination nationales

R22

Entreprises et professions non financières désignées - Devoir de vigilance relatif à la clientèle

R3

Infraction de blanchiment de capitaux

R23

Entreprises et professions non financières désignées - Autres mesures

R4

Confiscation et mesures provisoires

R24

Transparence et bénéficiaires effectifs des personnes morales

R5

Infraction de financement du terrorisme

R25

Transparence et bénéficiaires effectifs des constructions juridiques

R6

Sanctions financières ciblées liées au terrorisme et au financement du terrorisme

R26

Réglementation et contrôle des institutions financières

56

R7

Sanctions financières ciblées liées à la prolifération

R27

Pouvoirs des autorités de contrôle

R8

Organismes à but non lucratif

R28

Réglementation et contrôle des entreprises et professions non financières désignées

R9

Lois sur le secret professionnel des institutions financières

R29

Cellules de renseignements financiers

R10

Devoir de vigilance relatif à la clientèle

R30

Responsabilités des autorités de poursuite pénale et des autorités chargées des enquêtes

R11

Conservation des documents

R31

Pouvoirs des autorités de poursuite pénale et des autorités chargées des enquêtes

R12

Personnes politiquement exposées

R32

Passeurs de fonds

R13

Correspondance bancaire

R33

Statistiques

R14

Services de transfert de fonds ou de valeurs

R34

Lignes directrices et retour d'informations

R15

Nouvelles technologies

R35

Sanctions

R16

Virements électroniques

R36

Instruments internationaux

R17

Recours à des tiers

R37

Entraide judiciaire

R18

Contrôles internes, succursales et filiales à l'étranger

R38

Entraide judiciaire : gel et confiscation

R19

Pays présentant un risque plus élevé

R39

Extradition

R20

Déclaration des opérations suspectes

R40

Autres formes de coopération internationale

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

Source : Les recommandations du GAFI février 2018, mises à jour octobre 2016

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

57

58

D'après le tableau n°4 qui concerne l'évaluation du MENAFATF août 2016, nous remarquons que la Tunisie était largement conforme seulement à 9 recommandations, conforme à 9 autres, partiellement conforme à 17 recommandations et non conforme à 5.

Nous allons analyser les 5 recommandations pour lesquelles la Tunisie se trouve dans une situation de non-conformité.

La recommandation 7 oblige les pays membres à mettre en oeuvre des sanctions financières ciblées conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui lutte contre la prolifération des armes et de son financement. Ces résolutions obligent les pays à geler les comptes et les autres biens de toute personne ou entité déclarée par le conseil de sécurité comme ayant contribué à cette action. Néanmoins, la réglementation tunisienne ne prévoit pas un texte précis ou une loi qui oblige les banques à bloquer les comptes des entités de ce type même si la Tunisie souffre des opérations de terrorisme depuis 2011.

La recommandation 16 oblige les pays membres de s'assurer que toutes les institutions financières surveillent avec vigilance les virements électroniques entrants et sortants afin de détecter les opérations suspectes qui ne comportent pas les informations requises sur le donneur d'ordre et/ou le bénéficiaire ou qui sont en rapport avec des opérations de blanchiment d'argent ou de financement de terrorisme. Dans ce cas les banques doivent renforcer leur vigilance surtout sur les virements venant de l'étranger qui n'ont aucune information sur leurs origines.

La recommandation 25 exige des pays membres d'avoir un cadre légal applicable aux trusts45 mais la Tunisie ne dispose pas de ce cadre car ces constructions juridiques ne sont pas connues. Elle connait d'autres mécanismes juridiques dont l'effet peut dans certaines situations être similaire aux arrangements juridiques du type trust comme l'usufruit46. Les trusts n'étant pas explicitement interdits par les lois nationales, il est donc possible qu'ils puissent établir des relations d'affaires avec des institutions financières ou des EPNFD (Entreprises et professions non financières désignées) tunisiennes.

La recommandation 26 stipule que les institutions financières doivent suivre une approche basée sur les risques, alors que les institutions financières tunisiennes font seulement l'objet d'une réglementation stricte en matière d'enregistrement et d'obtention des agréments pour

45 : Groupement d'entreprises qui, quoique conservant leur autonomie juridique, sont contrôlées par une société mère. (Larousse)

46 : L'usufruit est le droit de se servir d'un bien (habiter une maison, utiliser du mobilier...) ou d'en percevoir les revenus (par exemple encaisser des loyers, des intérêts ou des dividendes), sans pour autant s'en dessaisir.

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

l'exercice de leur activité. Elles n'ont pas encore mis en place les outils nécessaires à l'exercice d'un contrôle basé sur une approche fondée sur les risques de blanchiment de capitaux et de financement de terrorisme. La fréquence du contrôle n'est pas formalisée en tenant compte des types et niveaux de risques de BC/FT identifiés.47

La recommandation 34 se résume dans le fait d'obliger les autorités et les personnes assujetties à échanger automatiquement les informations entre elles. Cependant, en Tunisie cette pratique reste très limitée en termes de périmètre, de mise à jour, de pertinence et d'adéquation vu qu'elle ne concerne que le secteur financier et n'est assurée que par la Commission Tunisienne des Analyses Financières (CTAF).

La recommandation 13 concerne les relations de correspondance bancaire transfrontalières et les autres relations similaires. Les institutions financières sont dans l'obligation de rassembler plus d'informations sur le correspondant afin de comprendre la nature de ses activités et d'évaluer sa réputation et sa qualité de contrôle en matière de LBC/FT. Elles sont, également, contraintes d'obtenir l'accord de la direction avant d'établir toute nouvelle relation de correspondance bancaire. De plus, il est strictement interdit aux institutions financières d'établir une relation d'affaire avec des banques fictives.

En ce qui concerne le cas de la Tunisie, le GAFI a mentionné que ce dispositif est largement conforme, ce qui prouve que la BCT a bien couvert les exigences de cette recommandation mais il reste souhaitable qu'elle apporte plus de précision en ce qui concerne les comptes de passages.48

Pour résumer, la conformité de la Tunisie aux recommandations du GAFI qui se dégage du rapport d'évaluation du MENAFT en 2016 semble insatisfaisante. Les autorités de contrôle considèrent que plus que la moitié des recommandations sont entre non conformes et partiellement conformes ; donc non validées. Par conséquent, la BCT s'est engagée à effectuer les réformes nécessaires. En 2017, une réévaluation a été demandée par les autorités tunisiennes pour les 40 recommandations.

Le tableau ci-dessous résume les résultats de la réévaluation effectué par le MENAFAT et publiée dans son rapport en décembre 2017.

47 Source : rapport d'évaluation GAFI 2016

48 Selon le GAFI, l'expression compte de passage désigne des comptes de correspondants, utilisés directement par des tiers pour réaliser des opérations pour leur propre compte (tel que ce terme est utilisé dans la note interprétative de la recommandation 13).

 

Le « De-Risking », Comment combattre ce phénomène ?

 

59

Tableau n°8 : Réévaluation du MENAFATF des 40 recommandations (Décembre 2017)

R1

R2

R3

R4

R5

R6

R7

R8

R9

R10

IC

PC

C

IC

IC

PC

NC

PC

C

IC

R11

R12

R13

R14

R15

R16

R17

R18

R19

R20

C

IC

IC

IC

IC

IC

IC

IC

IC

C

R21

R22

R23

R24

R25

R26

R27

R28

R29

R30

C

PC

PC

PC

PC

PC

IC

PC

IC

C

R31

R32

R33

R34

R35

R36

R37

R38

R39

R40

PC

IC

PC

PC

IC

IC

C

PC

C

IC

Source : Rapport d'évaluation Décembre 2017 MENAFATF

Ce tableau révèle une nette amélioration au niveau de la conformité de la réglementation tunisienne et des pratiques de supervision aux recommandations du GAFI. En effet, la Tunisie est largement conforme à dix-huit recommandations qui n'étaient que neuf en 2016, conforme à huit et partiellement conforme à treize recommandations. De même, elle demeure non conforme à seulement une recommandation qui est la 7ème49.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand