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Pragmatique, narrativité, illocutoire et délocutivité généralisées.

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par Jean Robert RAKOTOMALALA
Université de Toliara - Doctorat 2004
  

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9.2. LE PARI DE LA FORME

Dans le style épistémologique que nous tentons de mettre en évidence, nous constatons que CARNAP et HJELEMSLEV, s'opposent sans entrer en contradiction : disons que c'est l'envers et la face d'une seule et même chose. Si chez CARNAP, la radicalisation part de la signifiance pour atteindre la forme, au contraire, chez HJELMSLEV, c'est la radicalisation de la forme qui va lui permettre d'atteindre le sens.

Faisons donc le pari de la forme avec HJELEMSLEV. Certes, on doit à Ferdinand de SAUSSURE l'édification du structuralisme en linguistique à partir de la distinction nécessaire entre forme et substance qui se résume à ceci :

« La linguistique travaille donc sur le terrain limitrophe où les éléments de deux ordres se combinent : Cette combinaison produit une forme et non une substance » (SAUSSURE, 1982, p. 157)

Mais avant d'en arriver à cette conclusion voici ce que le linguiste genevois dit :

« Prise en elle-même, la pensée est une nébuleuse où rien n'est nécessairement délimité. Il n'y a pas d'idées préétablies et rien n'est distinct avant l'apparition de la langue.

En face de ce royaume flottant, les sons offriraient-ils par eux-mêmes des entités circonscrites d'avance ? La substance phonique n'est pas plus fixe ni plus rigide ; ce n'est pas un moule dont la pensée doive nécessairement épouser les formes, mais une matière plastique qui se divise à son tour en parties distinctes pour fournir les signifiants dont la pensée a besoin » (Ibid., p. 155).

Cette manière de voir entre en contradiction avec la notion de système dont se réclame le langage. Ainsi, chez Robert LAFONT l'autonomie linguistique qui exprime l'aspect systémique du langage efface la dialectique langue et pensée au profit d'une productivité du sens par l'activité linguistique quand il affirme que le praxème n'est pas un outil doué de sens mais un outil de production du sens. Le sens est interne au langage - plus exactement à la praxis linguistique - mais n'est pas quelque chose du dehors que le langage se saisit :

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« Pour autant que nous avancions à l'intérieur du langage, nous ne connaîtrions jamais que lui et n'atteindrons pas une réalité objective, devant laquelle il s'établit en même temps qu'il en pose l'existence. Nous demeurons pris au spectacle linguistique » (LAFONT, 1978, p. 15)

Une spectacularisation discursive qui nous a permis par le biais de l'algorithme narratif d'éliminer de la théorie de l'énonciation la notion de perlocutoire comme une conséquence de l'agir linguistique dans l'agir pratique. De manière similaire, Ernst CASSIRER parle de la contribution du langage dans la construction du monde des objets :

« Le langage n'entre pas dans un monde de perceptions objectives achevées, pour adjoindre seulement à des objets individuels donnés et clairement délimités les uns par rapport aux autres des « noms » qui seraient des signes purement extérieurs et arbitraires ; mais il est lui-même un médiateur dans la formation des objets ; il est, en un sens, le médiateur par excellence, l'instrument le plus précieux pour la conquête et pour la construction d'un vrai monde d'objets » (CASSIRER, 1969, pp. 44-45)

La thèse de la relativité linguistique développée par Édouard SAPIR et Benjamin Lee WHORF, connue également sous le nom de thèse de Sapir-Whorf, soutient également l'idée que le langage ne peut pas être une tautologie du réel. On peut multiplier les arguments qui vont dans ce sens mais nous pensons que ceux que nous avons produits ici sont amplement suffisants pour ce que nous avons à dire et à soutenir : c'est dans une activité individuée que le langage produit du sens et que ce sens n'est pas dans les objets.

Autrement dit, lorsqu'on parle de propriété isomorphe du langage et du monde des objets, on souligne leur plus petit dénominateur commun, à savoir, ils sont tous les deux des outils de production de sens. C'est ce qui nous permet de dire qu'une fois le monde converti en discours la catégorie du réel s'évanouit comme une question inutile. Un exemple immédiat peut rendre compte de cette dernière remarque.

Le diamant est une pierre précieuse faite de carbone pur. Selon une conception dictionnairique du langage, la partie à gauche de la copule « être », dans la phrase précédente est un terme d'entrée, et la partie à droite est l'analyse ou sens hors discours.

Insérer dans un discours le diamant produit du sens relatif à son analyse. La première grande moyenne de ce sens développe l'isotopie de la parure féminine, la deuxième grande moyenne est l'utilisation du diamant comme pierre industrielle. Prenons le premier cas. Le sens produit par le diamant dans un roman ou dans une peinture ou par un diamant réel est le même. Il est même possible d'identifier une dérivation illocutoire - que d'autres auraient appelé de perlocutoire - permanente dans les discours qui insère de cette manière le diamant : faire plaisir à une femme.

Nous en concluons ceci, dans le sens analytique de la perspective dictionnairique autorise l'identification du référent. Par contre le sens produit par la pratique individuée dans un discours est une sémiotique pure libérée du référent. C'est sur cette base que se situe le style épistémologique de HJELMSLEV que l'on peut comprendre comme un refus de

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considérer autre chose que le langage dans le langage. En effet, dans le rapport formalisme et sens, la radicalisation de la forme chez HJELMSLEV est un pari qui a pour horizon le sens.

Ainsi, pour ce linguiste danois, dans le langage il n'y a que du langage. La sémantique n'existe pas, il n'y a qu'un plan de l'expression et un plan de contenu reliés par la fonction sémiotique. C'est ainsi qu'il développe son raisonnement à partir de la notion absolument neutre de « grandeur » qu'implique toute fonction sémiotique. Il n'y a somme toute qu'un inventaire et tout se retrouve dans l'inventaire. Conformément à cette ligne de conduite que nous appelons le pari de la forme, voici sa réaction à l'idée de pensée nébuleuse de SAUSSURE que la langue structurerait :

« Mais cette expérience pédagogique, si heureusement formulée qu'elle soit, est en réalité dépourvue de sens, et SAUSSURE doit l'avoir pensé lui-même. Dans une science qui évite tout postulat non nécessaire, rien n'autorise à faire précéder la langue par la « substance du contenu » (pensée) ou par la « substance de l'expression » (chaîne phonique) ou l'inverse que ce soit dans un ordre temporel ou dans un ordre hiérarchique » (HJLEMSLEV, 1968-1971, p. 68)

Pour mieux comprendre la position théorique de HJELMSLEV, il nous faut circonscrire avec précision ce qu'il faut appeler sens. Pour ce faire, reprenons la distinction entre le sens référentiel du projet dictionnairique et le sens discursif qui prend naissance à partir d'une pratique individuée. Le sens qui concerne la fonction sémiotique est ce sens discursif. Par ailleurs pour illustrer la fonction sémiotique, HJELMSLEV ne part pas des mots mais d'une phrase déclinée en français « je ne sais pas », en danois « jeg véd det ikke » en anglais « I do not know », en finnois « en tiedä », en esquimau « naluvara », et dit que ce qui reste de commun à ces plusieurs versions est le « sens », (Cf. (HJLEMSLEV, 1968-1971, p. 75)).

Pour éviter toute confusion, nous devons parler à cet égard de programme de sens inscrit dans une forme linguistique. De cette manière, nous pouvons concilier le sens dictionnairique et le programme de sens et soutenir le principe d'isomorphisme entre les mots et les choses comme cela semble ressortir du passage suivant que nous préférons à une longue explication :

« Un langage qui relaie le geste déictique est là pour épouser le mouvement de naissance de l'activité sémiotique. Le sens surgit. C'est ce sens que nous lisons quand nous interprétons comme instrument la modification non accidentelle d'un silex : signe d'une activité qui opère dans l'absence de son objet » (LAFONT, 1978, p. 19)

Dans une autre acception du principe d'isomorphisme, celui-ci se place entre le plan du contenu et le plan de l'expression. En outre, si l'on admet qu'une pensée est une pensée de quelque chose, il y a une forte tendance à croire que le monde des objets est le référent du langage. Mais c'est une hypothèse que nous avons déjà rejeté car ce serait faire du langage une tautologie du réel. En tout cas, selon GREIMAS, le monde n'est pas un référent ultime (Cf. (GREIMAS, 1970, p. 52)). En effet, le sens est dans l'action que nous projetons sur le monde référentiel : le sens est signe d'une activité qui opère en l'absence de son objet.

C'est ainsi que nous lisons dans la forme di silex biface une activité que l'on peut mener par cette forme, c'est cela le pari de la forme : une radicalisation de la forme qui a pour horizon le sens. Maintenant, testons cette épistémologie du pari sur un mythe.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius