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Pragmatique, narrativité, illocutoire et délocutivité généralisées.

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par Jean Robert RAKOTOMALALA
Université de Toliara - Doctorat 2004
  

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9.3. LE MYTHE DE L' « AMPELAMANANISA »

L'objectif de cette analyse est de montrer comment le mythe opère une censure qui se présente en même temps comme une postulation de ce qu'il interdit. Autrement dit, il s'agit de confirmer que : « Le sens devient chaque fois substance d'une forme nouvelle et n'a d'autre existence possible que d'être substance d'une forme quelconque. » (HJLEMSLEV, 1968-1971, p. 70)

Prenons connaissance de ce mythe.

Laha teo ampelamananisa, Il était une fois une femme aux ouïes

nisy lahy lahilahy io Il y avait un homme

ty asa ?e fa i ty maminta avao Son métier, il ne fait que de la pêche

Zay ro ameloma ?e ty anane no ho ty valini ?e

Ie njaik'anjo ie nandeha namita anjiake

ane

C'est ainsi qu'il fait vivre ses enfants et sa femme

Un jour il était allé pêcher en mer

ine

Ka laha tane ie tinanja ?e ty raha vinta

Et quand il était là-bas, quelque chose avait accroché son fil

« Ka nao lahy hoy i, ino raha mitanjaka vinta toy mampahere aze io ?

Et il s'était dit : qu'est ce qui peut bien accrocher ce fil pour qu'il soit ainsi rigide ?

Tsy manao ty sananjo toy fa hafahafa Ça ne fait pas comme tous les jours,

mais c'est étrange

Eo moa nahoda iny tsereke, laha sinonto ?e vinta ine ka laha nisolea ka laha nisolea bakao tomponjano one iano...

L'homme était alors perplexe, quand il avait retiré le fil, ça avait résisté, résisté, puis le maître des eaux en sortit, ... la sirène

Le nanombo nahoda iny Alors, le monsieur s'est évanoui

123

Ka mamombo nahoda iha hoy raha iny fa tsy raha hamono anao zaho dra miseho aminao fa hamelo anao ka mitefa iha

Il ne faut pas s'évanouir lui disait la chose car je ne vais pas te tuer même si je t'apparais mais te faire vivre, donc assieds toi

La nitefa moa nahoda iny nifoha, nivelo njaike

Et le monsieur s'est assis, revenu à lui, vivant de nouveau

Hatao akory iha hoy nahoda iny hananeke io?

Hatao akore aho hoy fa tsika ho antana ?areo any fa ho mpivale

Que faire de toi, lui disait le monsieur, maintenant ?

Que faire de moi disait -elle mais nous allons vers ton village pour être époux et épouse

Ho mpivale ? Être époux et épouse ?

Ka laha mpivale ka hanao akore ? Si nous épousons qu'adviendra-t-il ?

Tsika ho mpivale fe ty raha faly ahy: tsy volany ty manao hoe « ampelamananisa » zay fa faly anay

Nous serons époux mais il m'est tabou de me dire « femme aux écailles », cela nous est tabou

« Eka » hoy nahoda iny « Oui » disait le monsieur

Eo moa iny le nandesi ?e nahoda iny an-tana atoy i e

Eo teraka iaby ty hoe « ao koa lahy Zatovo fa Zatovo ty anara?e nahoda io, manambale zao ampelamananisa zao kea ie ao

Bibiolo raha zao ie, olo ty anabo ?e, biby ty ambani?e fa manao fia io ka misy ohi?e ro misy isa ?e

Cela était et le Monsieur l'amenait ici dans le village

Et c'est de là que naissait la rumeur : « il est là Zatovo, parce c'est Zatovo le nom de ce monsieur, qui épousait une femme aux ouïes »

C'est un animal humain (monstre) parait-il, le buste est humain mais le bas fait poisson et a une queue et a des écailles

E hoy ty olo Eh disaient le gens

Eny, eny fa malaky fa tapasiry fa bevoky raha iny, le niteraka roa, ampela noho lehilahy

Lafa te hanjo roze mandeha ie andese ?e anjiaka ene aja rene baky najo kea moly an-tanà atoy, no izao avao ty asa ?e zisike be aja reny

Le temps passait, puis parce que c'est un conte, on fait vite : la sirène fut enceinte et accoucha de deux enfants : une fille et un garçon

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Quand ils ont envie de se baigner, elle amène ces enfants en mer et après s'être baignés ils rentrent au village, ils faisaient comme ça jusqu'à ce que les enfants furent grands.

Ela ty ela, mitsiko ty etoe mitsiko ty eroa, ka ty ampela manambaly an-tanà moa lahy afaka azy ty iny tsiko fa nahare tike ka meloka mivola an'i Zatovo hoe :

« Zaho lahy Zatovo tsy vitako ty tsikotsiko atao ahy sananjo fa zaho holy fa be anako retia ka laha roze marary angalao lomotse, laha siloke angalao taolam-pia hatabaka azy »

« tsy atao kolahy zao fa iha abe efa latsak'anaka amiko fa moremoretse aho ka enganao. »

Aia moa tsy mete ampelamananisa ine fa nandeha avao ie, ana ?e rene tsy nandese ? e fa ty vata ?e ro nandeha ka la miantsa antsa avao iea

Eny iha zatovo e ! Zaho fa hole zao

Laha marary ty anantsika

Tabaho taolam-pia a!

Laha siloke ty anantsika

Fahano lomotse

Nandeha i, nandeha i, ie kea fa amolo-jiake eo ie niantsa jaiky ie

Eny iha zatovo e ! Zaho fa hole zao

Laha marary ty anantsika

Tabaho taolam-pia a!

Laha siloke ty anantsika

Fahano lomotse

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Le temps passait, on médit par ici et par là, il s'agit justement de femmes mariées au village qui ne peuvent pas s'interdire de médire et celle-ci est au courant et dit ainsi à Zatovo :

« Moi, Zatovo, je ne supporte plus ces médisances sur moi tous les jours, alors je vais rentrer puisque mes enfants sont déjà grands et s'ils tombent malades cherche leur des algues, s'ils ne se portent pas bien amènent d'os de poisson et badigeonne les avec »

« il ne faut pas faire ainsi, surtout que tu m'as déjà donné des enfants, je m'ennuie un peu et tu me quittes.

Toujours est-il que la sirène n'a pas cédé et elle est partie, elle n'a pas emmené ses enfants mais c'est elle seule qui est partie en vocalisant comme -ci :

Tu es ici Zatavo mais moi, je rentre Si nos enfants tombent malades Badigeonne-les d'os de poisson S'ils ne se sentent pas bien Sers-les d'algues

Elle est partie, partie, et quand elle fut au bord de la mer, elle a vocalisé encore une fois

Tu es ici Zatavo mais moi, je rentre Si nos enfants tombent malades Badigeonne-les d'os de poisson S'ils ne se sentent pas bien Sers-les d'algues

La i Ampelamananisa anjiake eo la nijorobo ie la any ie anjiake any fa tsy hita amy zay

Quand elle fut dans l'eau, elle y plongea et on ne peut plus la voir.

Zay lahy ty tantara ?e ampelamananisa ie fotora?e ty niboahay vezo mba anjiake ato ka tsy zaho lahy ty mavande fa olo-be taloha.

Loha manenke tsy mahatapa-doha. Torahiko ny vy le mivimby

C'est cela l'histoire de la femme aux écailles source de notre population vezo de la mer. Ce n'est pas moi qui ai menti mais les anciens. Tête qui acquiesce ne se fait pas couper. Je jette la pierre sur le fer qui ferraille13.

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La première caractéristique qui saute aux yeux à la réception de ce récit mythique est sa nature fictionnelle, il existe des indices formels de cette nature, d'abord, il y a ce que Roman JAKOBSON (Cf. (1981, pp. 238-239)) appelle exorde des conteurs, ici, nous avons le célèbre « il était une fois ».

Cette marque formelle de la fiction est un paradoxe. Elle embraie le récit dans l'ordre de la fiction, c'est cela sa fonction. Mais quand on considère que cette marque se décline au mode indicatif, de mode grammatical embraie le récit dans la catégorie du réel. Ce mécanisme d'exorde est une forme - c'est une marque formelle - qui dote le récit d'une force illocutoire dérivée de l'affirmation que nous allons appeler avec Jean Marie SHAEFFER (1999) « suspension volontaire d'incrédulité ».

Ensuite, vers la fin du récit, nous avons une clausule spécifique au dialecte « tête qui acquiesce ne se fait pas couper. Je jette la pierre sur le fer qui ferraille ». En tant que formule, cette clausule accomplit la même force illocutoire dérivée.

Cet encadrement du récit, au début et à la fin absolus, par des formes dont l'énonciation produit la même force illocutoire devient à leur tour une forme qui permet d'expliquer le paradoxe de la suspension d'incrédulité. Disons d'emblée dans cette solution que les textes mythiques sont les premiers langages : on les retrouve partout et ils appartiennent à des temps immémoriaux. Comme tels, rien ne les précède ; ils sont une forme de lire le monde et produisent du sens en même temps qu'ils se construisent. Appelons cela la « prégnance de la forme ».

Ce qui veut dire exactement qu'il importe peu que les ancrages spatio-temporels du récit soit flous, qu'il met en scène des personnages qui n'ont aucun pendant à la réalité, qu'il comporte des trous dans l'enchaînement logique des événements, car sa fonction n'est pas de décrire le monde mais de lui donner un sens. C'est ainsi qu'il est une forme de lire le monde parce que c'est une forme qui produit du sens. Sous quelques réserves, cette prégnance de la forme correspond à la remarque suivante de Jean-Claude PARIENTE :

13 Notre traduction

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« C'est dans le cas de la fiction que tout se passe comme si on avait affaire à un autre réel. Mais la fiction se distingue de l'énoncé irréel précisément parce qu'elle ne s'annonce pas comme irréelle ; elle ne comporte pas de présomption d'irréalité, elle met au contraire tout en oeuvre pour se faire admettre comme réalité. (...) Il se situe ainsi de lui-même par rapport au réel ; il manifeste sa finalité qui n'est pas de décrire une autre réalité, mais se servir par un moyen détourné à l'analyse de la réalité » (PARIENTE, 1982, p. 43)

Le deuxième point qui fascine dans le récit mythique concerne le plan autorial. On ignore qui parle dans les récits mythiques. Dans le cas précis du mythe qui nous occupe, cet anonymat est encore un indice du caractère fictionnel du récit.

Cependant, ce trait caractéristique franchit un pas de plus dans le pari de la forme. En effet, on peut remarquer que les personnages du récit sont présentés par l'article indéfini. Il en est de même pour les cadres spatio-temporels. C'est par cohérence anaphorique que par la suite qu'ils sont repris par un défini. Pourtant la langue dispose du nom propre que ce soit en anthroponymie ou en toponymie pour donner un contour personnalisé. Même le nom propre « zatovo » appliqué à l'homme semble être annulé en tant que tel car c'est une reproduction d'un caractère commun propice à l'éclatement de l'amour et qui possède un pendant qui fait le point focal de cette analyse chez la femme. Or la fonction de l'indéfini est justement de pointer une forme en ce qu'elle n'est pas les autres. Par contre les définis sélectionnent des éléments parmi ses semblables. Il existe évidemment des nuances d'emploi à cette matrice fonctionnelle des déterminants du nom que nous déployons si rapidement.

Mais on peut être assuré que les articles indéfinis désignent une forme suivant une perspective de programme de sens. Ce qui nous permet de dire en hypothèse que le mythe est un pari de la forme et qu'il possède une dimension épistémologique indéniable parce que c'est un système de signification.

Mais ce mythe n'est pas seulement un pari de la forme dans sa manière de lire le monde il l'est aussi dans son contenu. Nous ne disconvenons pas qu'il y ait plusieurs manières de lire un mythe et c'est cette pluralité de lecture qui fut longtemps privilégiée par les analystes en dépit de l'existence indéniable d'un point focal qui génère la signification à partir d'une forme.

Cette forme de contenu est un jeu sur le signifiant, attestant au-delà du cadre théorique de son émergence le principe sémiotique, à savoir que c'est la radicalisation de la forme qui permet d'atteindre le sens dans les sciences de signification dont les textes mythiques ou les textes littéraires.

Pour atteindre ce point focal dans cette déambulation aléthique, il nous faut suivre pas à pas les indices qui jalonnent cette piste.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle