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Pragmatique, narrativité, illocutoire et délocutivité généralisées.

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par Jean Robert RAKOTOMALALA
Université de Toliara - Doctorat 2004
  

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9.4. L'ÉVANOUISSEMENT DE L'HOMME

On peut admettre que l'évanouissement est une conséquence d'un choc que l'organisme ne peut pas supporter, il peut s'agir d'un choc physique ou d'un choc émotionnel

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qui provoque une affluence d'adrénaline dans le coeur. Si cette approche est acceptée, on peut se demander pourquoi l'homme s'évanouissait.

Comme rien dans le texte ne permet de conclure à un choc physique, l'homme est donc victime d'un choc émotionnel. Plus précisément, c'est sa perception de la femme qui a provoqué son évanouissement. Ici encore, il y a un nouveau paradoxe. L'homme est présenté comme ayant femme et des enfants car il est dit que c'est de la pêche qu'il nourrit sa famille. Ce qui veut dire qu'on ne peut pas dire qu'il ne connaît pas la femme. Alors, il y a lieu de croire que ce qui le fait s'évanouir c'est la vision de la nudité féminine.

Nous en concluons que le texte, sans jamais le dire, nous montre que la nudité féminine possède un caractère sacré, et selon les analyses de Sigmund FREUD dans Totem et Tabou, le sacré a une double dimension : il est à la fois à craindre et à vénérer. (FREUD, Totem et Tabou, [1912]1993, p. 99 et passim) On peut maintenant mieux comprendre l'évanouissement de l'homme : c'est la crainte de la puissance du sacré. Mircea ELIADE aussi, dans Le Sacré et le Profane, (1956), nous confirme que le sacré possède un double aspect ambivalent : il est attirant et repoussant, il est bénéfique mais aussi dangereux.

Bref, si cette analyse est acceptée, nous pouvons dire que faire de la pragmatique textuelle, c'est lire dans le texte le mécanisme de production de sens qui se greffe sur l'histoire narrée. Ici, énoncer l'événement de l'évanouissement a pour valeur illocutoire l'attribution d'une qualité à la femme : la faire passer d'un statut de profane vers un statut de sacré.

Dans l'enchaînement logique du récit, cette sacralité est aussi montrée de manière indicielle par un autre trait confirmé ailleurs : l'étrangeté qui marque l'entrée dans un espace sacré. C'est ainsi que, pour prendre un exemple d'une littérature universelle, le Dieu d'Abraham s'est révélé à Moïse sous une forme très étrange : un buisson ardent mais qui ne se consume pas.

Si la vie profane se caractérise par l'ordinaire et le naturel, le sacré par opposition se dessine comme ce qui est extraordinaire : c'est l'étrangeté. Dans le récit, nous savons que l'homme est un pêcheur et c'est par ce moyen qu'il subvient à ses besoins et à ceux de sa famille. Il est donc un familier de la mer et de ses poissons.

Mais ce jour fatidique de la pêche en mer, il est confronté à l'extraordinaire : sa pêche lui avait ramené une femme poisson. C'est en quelque sorte une double étrangeté : au lieu de pêcher du poisson il attrape une femme nue, et en plus la femme nue possède des écailles.

Ainsi, s'il est permis de dire que l'étrange dérive de l'ordinaire comme paradigme, il se révèle avant tout comme une forme. Une forme dont l'étrangeté est inquiétante parce que l'on ne sait pas encore lui donner un sens. En linguistique, on parle de terme non marqué et de terme marqué quand on comprend ce dernier comme dérivé du premier. En ce qui nous concerne, c'est l'étrangeté qui est le terme dérivé.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas de dérivation que par adjonction d'un trait supplémentaire à la propriété commune. C'est ainsi que ce récit en tant que déploiement de forme noue en même

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temps le poisson et la femme-poisson - pour ainsi dire - et les pose comme différents. L'homme est un pêcheur et vit du poisson comme son ordinaire. Il doit également vivre de la femme mais pas comme son ordinaire puisque la femme se dévoile à lui dans son étrangeté et de cette manière ouvre à l'homme l'espace de sa sacralité.

L'étrangeté de la femme est indexée au moins sur deux plans. D'abord, elle vit dans l'eau comme les poissons sans être tout à fait un poisson, mais un dérivé de poisson. Autrement dit, ici encore, il y a un lien qui les noue et qui les différencie : leur destin commun est d'être pêché par l'homme et de le nourrir. Mais la consommation de poisson n'est pas la consommation de la femme si l'on peut s'exprimer ainsi.

Mais pour rendre compte de cette différence selon la perspective de cet exposé, nous allons faire une application stricte de l'épistémologie du pari. Rappelons brièvement que le problème de l'épistémologie moderne comme l'a souligné Ivan ALMEIDA se résume à ceci : dans les sciences de signification, on ne peut pas tout tenir et il faut choisir soit la forme ou soit le sens.

Redonnons-lui la parole pour indiquer dans quel sens exactement cette application stricte peut dévoiler le mécanisme de production du sens à travers la forme :

«Au contraire le principe du pari, que l'on peut attribuer implicitement au style de Hjelmslev consiste, quant à lui, dans la radicalisation dynamique du principe de renoncement : parier qu'une radicalisation de la rigueur formaliste peut mener à une visualisation du sens, parier qu'une radicalisation de l'immanence peut, par besoin interne, déboucher dans la complétude. En d'autres termes, que le sens est une prolongation de l'horizon du formalisme, et que la transcendance est une conséquence dynamique de l'immanence. » (ALMEIDA, 1997)

Cette radicalisation de la forme peut se comprendre dans son application au récit qui nous occupe comme une censure et postulation, ouvrons un dernier sous-titre qui reprend l'objectif qui se profile dans le titre de cet exposé.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote