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Pragmatique, narrativité, illocutoire et délocutivité généralisées.

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par Jean Robert RAKOTOMALALA
Université de Toliara - Doctorat 2004
  

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2. LE SIGNE EN PRAGMATIQUE

RÉSUMÉ

Une des difficultés majeures de la théorie des actes du langage est l'oubli de l'affirmation de Saussure selon laquelle, la langue est une forme et non une substance. Une affirmation que renforce la sémiotique de Hjelmslev qui distingue une forme et une substance du contenu. C'est donc sur la forme que s'appuie la théorie des actes du langage. C'est ce que nous essayons de montrer ici en affirmant que dans le langage, il n'y a que du langage.

Mots clés : illocutoire, constatif, substance, forme, accomplir

ABSTRACT

One of difficulties in theory act of language is the forgetting of Saussure's statement by way the langue is a form, not a substance. A statement reinforced in Hjelmslev's semiotics who distinguish a form and a substance in the content. So, the theory of language act is supported by the form. That is what we attempt to show by this statement: in the language there is nothing else than language.

Key words: illocutionary, constative, substance, form, perform

2.1. INTRODUCTION

Rappelons pour mémoire, qu'au début, la linguistique était une philologie; mais la faille de cette cherche tient au fait qu'elle est idéologiquement une généalogie qui cherche à rattacher la langue étudiée à une racine prestigieuse qui est généralement le grec - puisque c'est la langue de la philosophie - ou l'hébreux - langue d'une grande religion révélée. C'est ainsi qu'elle fut abandonnée au profit du structuralisme saussurien.

L'édifice saussurien est une avancée majeure, mais son inconvénient peut être résumé par l'exclusion du locuteur de la sphère de la linguistique de telle manière que le langage se présente comme une tautologie du réel comme si sa fonction essentielle était de suppléer la présence impossible des choses.

En parlant des actes du langage, le signe cesse d'être un simple système de renvois aux objets du monde. Le blocage de ce renvoi relève du caractère non falsifiable des actes de langage qui sont tout simplement - au plein du verbe « être » comme dans "Il était une fois" de l'exorde des contes - . Les énoncés falsifiables sont susceptibles d'être confrontés au monde référentiel et de la sorte sanctionnés de vrai ou de faux selon leur conformité aux choses.

Les énoncés falsifiables, appelés par AUSTIN de "constatifs" participent à une théorie du signe précise. Nous savons que la linguistique pré-saussurienne fut plutôt de la philologie; une sorte de quête de la langue originelle à partir de laquelle dérivent les langues actuellement connues. Autrement dit, l'édification saussurienne est l'avènement de la linguistique

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structuraliste dont nous retenons trois caractères principaux. Tout d'abord, la question de l'arbitraire du signe, ensuite la structure du signe et la question de la forme.

En ce qui concerne cette structure du signe, nous pouvons dire que l'édification saussurienne se situe au niveau dénotatif: c'est la combinaison du signifiant et du signifié qui constitue le signe, et le signe ainsi obtenu sert à désigner un objet du monde. Il est évident que SAUSSURE n'a jamais envisagé la notion de signe en fonction du monde imaginaire tel que le sphinx ou le minotaure, mais cela n'enlève en rien à la scientificité de son élaboration.

En effet, en tenant compte que le signifiant est la face matérielle du signe et le signifié la face conceptuelle du signe, SAUSSURE précise qu'avant l'apparition du langage ces deux faces ne sont qu'une masse amorphe. La masse du son indistinct pour le signifiant et la masse non moins indistincte de la pensée:

« Prise en elle-même, la pensée est comme une nébuleuse où rien n'est nécessairement délimité. Il n'y a pas d'idées préétablies, et rein n'est distinct avant l'apparition de la langue.

En face de ce royaume flottant, les sons offriraient-ils par eux-mêmes des entités circonscrites d'avance? Pas davantage. La substance phonique n'est pas plus fixe ni plus rigide; ce n'est pas un moule dont la pensée doive nécessairement épouser les formes, mais une matière plastique qui se divise à son tour en parties distinctes pour fournir les signifiants dont la pensée a besoin. » (SAUSSURE, 1982, p. 155)

Si la conclusion tirée de cette présentation de la constitution du signe est exacte; c'est-à-dire l'affirmation selon laquelle:

« La linguistique travaille sur le terrain limitrophe où les éléments de deux ordres [l'ordre du son et l'ordre de la pensée] se combinent; cette combinaison produit une forme et non une substance. » (Ibid. p. 157);

En revanche, cette question de masse qui préexiste au langage n'est pas soutenable.

Le premier argument qui peut militer contre cette préexistence est la facture trop réaliste de la présentation. Tout se passe comme si les idées étaient des entités réelles qu'il suffit de cueillir dans une forme sonore pour les rendre intelligibles. Par ailleurs, s'il suffit d'accueillir dans une forme sonore les entités des idées pour faire langue on ne s'expliquera pas la relativité linguistique. Parce qu'on ne saura pas comment expliquer pourquoi les Inuits ont plus d'une trentaine d'expressions pour désigner la neige et pourquoi les Français n'en ont qu'une.

En tout cas, ce réalisme ne peut pas expliquer pourquoi des idées de chose qui n'existe pas ont une forme linguistique si justement la masse amorphe des idées préexiste à la langue. En effet, cette conception de la linguistique est combattue par de nombreux auteurs car elle consiste à faire du langage une étiquette que l'on colle sur les objets. Si cela était vrai, il y aurait eu une correspondance de termes à termes entre les langues.

Chez CASSIRER par exemple, le langage est une contribution à la construction du monde des objets:

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« Le langage n'entre pas dans un monde de perceptions objectives achevées, pour adjoindre seulement à des objets individuels donnés et clairement délimités les uns par rapport aux autres des "noms" qui seraient des signes purement extérieurs; mais il est lui-même un médiateur dans la formation des objets; il est, en un sens, le médiateur par excellence, l'instrument le plus important et le plus précieux pour la conquête et la construction d'un vrai monde d'objets. » (CASSIRER, 1969, pp. 44-45)

Il est vrai que le monde extralinguistique est l'univers sur lequel le langage s'est levé, mais il n'est pas moins vrai que le langage est autonome et qu'une fois le monde converti en langage la catégorie du réel s'évanouit comme une question inutile. La thèse que nous soutenons ici est donc que dans le langage, il n'y a que du langage. C'est ce que nous dit avec son style propre LAFONT Robert:

« Pour autant que nous avancions à l'intérieur du langage, nous ne connaîtrions jamais que lui et n'atteindrons pas une réalité objective, devant laquelle il s'établit en même temps qu'il en pose l'existence. Nous demeurons pris au spectacle linguistique » (LAFONT, 1978, p. 15)

Cette fuite du réel dans la conception du signe linguistique ne doit pourtant pas être radicalisée au point d'accorder la prééminence au monde des idées par rapport au monde des objets comme c'est le cas dans la philosophie de PLATON; pour éviter cette radicalisation il suffit d'accepter qu'ils ont des propriétés isomorphes. Le passage suivant permet de rendre compte de cette isomorphie:

« [...], si l'on veut un moyen commode de distinguer les hommes du réel des hommes du possible, il suffit de penser à une somme d'argent donnée. Toutes les possibilités que contiennent, par exemple, mille marks, y sont évidemment contenues qu'on les possède ou non ; le fait que toi ou moi les possédions ne leur ajoute rien, pas plus qu'à une rose ou à une femme. » (DE MUSIL, 1982, pp. 18-19)

Le propre du possible est qu'il s'accommode de n'être pas du tout réalisé. Mais alors que reste-t-il de nos moyens pour nous rendre compte du possible? La réponse à cette question est tellement évidente qu'elle est presque occultée par cette évidence: il nous reste le langage pour parler du possible.

C'est ainsi que HJELMSLEV pour trancher entre la conception du signe comme renvoi à quelque chose d'autre et du signe comme autonomie refuse de parler de signe mais de fonction sémiotique qui unit deux grandeurs: l'expression et le contenu et conclut que:

« Le sens devient chaque fois substance d'une forme nouvelle et n'a d'autre existence possible que d'être la substance d'une forme quelconque. » (HJLEMSLEV, 1968-1971, p. 70)

Ce qui veut dire que la face conceptuelle du signe ne peut exister que dans la face matérielle et ne peut en aucune manière lui préexister. Prenons un exemple de nature quelque peu métaphorique pour illustrer cette relation de solidarité entre les éléments ou les fonctifs d'une sémiotique. Soit une masse d'argile. La masse d'argile ne peut contenir aucune idée ou aucune pensée. Cependant, si l'on donne forme à l'argile, cette forme contient nécessairement une idée ou une pensée comme en témoigne les statuettes d'argile ou toute

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sculpture dans d'autres matières. Robert LAFONT fait partie des linguistes qui sont sensibles à cette solidarité entre les termes d'une sémiotique quand il nous apprend que:

« L'hominisation de l'espèce commence lorsque l'individu se sert d'un objet pour en modifier un autre en vue d'une action que ce second assume: lorsque le chasseur modifie la forme d'un caillou pour en faire une arme contre un gibier éventuel. Éventuel: il faut bien, dans l'opération de fabrication d'un instrument, qu'un troisième objet soit absent et remplacé par son image. La "certitude sensible" nécessaire au travail est prise en charge par la représentation. Un langage qui relaie le geste déictique est là pour épouser le mouvement de naissance de l'activité sémiotique. Le sens surgit. C'est ce sens que nous lisons quand nous interprétons comme instrument la modification non accidentelle d'un silex: le signe d'une activité qui opère dans l'absence de son objet. » (LAFONT, 1978, p. 19)

D'après ce passage, nous en concluons que pour LAFONT, la modification non accidentelle d'un objet est le signe d'une activité sémiotique en l'absence d'une activité pratique: c'est ce qu'il faut admettre par inscription du sens dans une forme. Justement, c'est ce qui se trouve précisé chez HJELMSLEV:

« Nous constatons donc dans le contenu linguistique, dans son processus, une forme spécifique, la forme du contenu, qui est indépendante du sens avec lequel elle se trouve en rapport arbitraire et qu'elle transforme en substance de contenu » (HJLEMSLEV, 1968-1971, pp. 70-71)

Les démonstrations de HJELMSLEV pour l'applicabilité de cette substance et forme du contenu au niveau de l'expression sont nombreuses, notamment la comparaison entre deux prononciations différentes de la même chose entre deux langues différentes dans le cadre d'un emprunt, pour un exemple contextualisé, nous n'avons qu'à comparer la différence de forme entre [divai] et [dyv?]. Ce que les deux formes possèdent en commun est leur substance ou le sens de l'expression.

La langue malgache a un énorme avantage pour la mise en évidence de la forme et de la substance de l'expression puisqu'elle est formée de plusieurs dialectes qui justement marquent des différences de formes pour la même substance de l'expression. Ainsi, pour ne citer que cet exemple, nous avons [aumbi], [umbi], [umbe], [aumbe], [?aub] comme différentes formes de réalisation de l'expression du nom du zébu en malgache.

Si ce principe d'isomorphisme entre l'expression et le contenu est admis, nous allons maintenant nous focaliser sur la forme du contenu comme un pari pour la forme afin de mettre en évidence que si la pragmatique est une théorie de l'action, c'est parce qu'elle est avant tout une analyse de la forme du contenu.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe