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Pragmatique, narrativité, illocutoire et délocutivité généralisées.

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par Jean Robert RAKOTOMALALA
Université de Toliara - Doctorat 2004
  

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2.3. CARACTÉRISATION DES ACTES DU LANGAGE.

Analyse de la forme et rapport du locuteur au langage. Pour la pragmatique, il faut distinguer énoncé et énonciation de telle manière que si l'attention est focalisée sur l'énoncé, le signe a pour mission de renvoyer à la dénotation par l'intermédiaire de son signifié. C'est la conception moderne du signe qui date avec SAUSSURE. Par contre, si l'attention porte sur l'énonciation, le signe exhibe sa forme pour montrer l'acte de langage que cette forme permet justement d'accomplir.

2.3.1. LA FORME

On peut comprendre que la forme est ce qui détermine le sens d'une chose et que cette forme est une conséquence d'un travail qui n'a pas pour fin cette forme elle-même mais un autre travail qui peut être accompli par cette forme. Dès lors, le langage comme une mise en forme de contenu selon la sémiotique de HJELMSLEV indique ce qui peut être accompli par l'énonciation. De la sorte, nous pouvons comprendre que l'énonciation est cet acte linguistique qui permet de produire un énoncé et notre intention dans la production d'un énoncé est de modifier un rapport interlocutif.

Il est évident que dans cette production, en fonction des paramètres connus sur les acteurs de la communication, nous cherchons le meilleur moyen pour que la forme obtenue soit le plus efficace tout en permettant de respecter les conventions de politesse. En effet, c'est l'énonciation qui donne la forme de l'énoncé et comme le souligne DUCROT:

« Interpréter un énoncé, c'est y lire une description de son énonciation. Autrement dit, le sens d'un énoncé est une certaine image de son énonciation, image qui n'est pas l'objet d'un acte d'assertion, d'affirmation, mais qui est, selon l'expression des philosophes anglais du langage, « montrée » : l'énoncé est vu comme attestant que son énonciation a tel ou tel caractère (au sens où un geste expressif, une mimique, sont compris comme montrant, attestant que leur auteur éprouve telle ou telle émotion) ». (DUCROT, 1980, p. 30)

Cette remarque se situe dans la perspective d'une performativité généralisée, car dans un premier temps, le performatif est compris un acte langage défini par ce que signifie l'expression. C'est le cas des verbes comme "promettre" dont l'analyse pragmatique consiste à dire qu'en disant "je promets", je ne me décris pas en train de promettre au même titre que dire "je travaille" je suis en train de me décrire travaillant, mais seulement en train d'accomplir une promesse. Il s'ensuit que, d'une part, la performativité de "je promets" est présentée comme le type de la classe des verbes qui accomplissent ce dont ils signifient, et que d'autre

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part, "je travaille" est le type de la classe des verbes définis par la tradition structuraliste comme réalisant des énoncés constatifs.

Nous avons donc, d'une part des énoncés performatifs parce que compris non pas comme constatant un état de chose dans le monde extralinguistique, mais accomplissant ce qu'ils signifient; accomplissement autrement impossible que dans et par le langage. D'autre part, nous avons les énoncés constatifs dont la fonction est de représenter un état de chose.

Le passage cité à l'instant de DUCROT est un refus de cette distinction car il assure l'assomption du constatif au rang du performatif en signalant que le performativité ne fait pas nécessairement l'objet d'une mention; mais seulement montrée par la forme de l'énoncé, le matériau linguistique offert à notre observation.

On peut présenter schématiquement cet observable de la manière suivante. Nous savons que le verbe dire est la matrice du paradigme du schéma de la communication dans la mesure où il implique nécessairement trois groupes nominaux qui sont des actants selon la terminologie de Lucien TESNIÈRE ( [1959] 1982, p. 105 & passim) repris par GREIMAS ([1966] 1982) pour identifier le sujet, l'objet et l'objet second qui correspondent respectivement aux rôles de destinateur, d'objet et de destinataire.

Dès lors, le pseudo constatif "je travaille" devient l'objet d'une communication qui part d'un destinateur vers un destinataire, modifiant de la sorte un rapport interlocutif. Une modification que nous n'interpréterons pas dans le sens développé ci-contre par DUCROT:

« J'admets en effet, comme il est devenu banal de l'admettre, qu'on ne peut décrire le sens d'un énoncé sans spécifier qu'il sert à l'accomplissement de divers actes illocutoires, promesse, assertion, ordre, question, etc. Or reconnaître cela, c'est reconnaître que l'énoncé commente sa propre énonciation en la présentant comme créatrice de droits et de devoirs. Dire que c'est un ordre, c'est dire par exemple que son énonciation y est présentée comme possédant ce pouvoir exorbitant d'obliger quelqu'un à agir de telle ou telle façon ; dire que c'est une question, c'est dire que son énonciation est donnée comme capable par elle-même d'obliger quelqu'un à parler, et à choisir pour ce faire un des types de parole catalogués comme réponses." (DUCROT, 1980, p. 30)

Nous estimons plutôt que devoirs et obligations versent la théorie pragmatique dans l'extralinguistique au risque de diluer la différence entre acte de langage et action dans le monde. Pour éviter cet inconvénient, nous proposons que ce pseudo constatif soit analysé dans le cadre de la spectacularisation discursive que définit la structure actancielle comme un parcours du désir ou tout au moins un investissement du désir:

«Une première observation permet de retrouver et d'identifier, dans les deux inventaires de PROPP et de SOURIAU, les deux actants syntaxiques constitutifs de la catégorie "sujet" VS "objet". Il est frappant, il faut le noter dès maintenant, que la relation entre le sujet et l'objet, que nous avons eu tant de peine, sans y réussir complètement, à préciser, apparaisse ici avec un investissement identique dans les deux inventaires, celui du "désir". » (GREIMAS, [1966] 1982, p. 176)

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Ce qui veut dire très exactement que la motivation de toute énonciation est une opération discursive qui se définit comme passage d'un état de disjonction vers un état de conjonction d'objet selon la visée téléologique de la communication. C'est ainsi que la communication d'information modifie un rapport interlocutif. C'est-à-dire que le but pragmatique visé par "je travaille" est d'informer le destinataire d'un état de chose dont je crois qu'il est dépourvu.

De cette manière, la généralisation du performatif à tous les énoncés donne naissance à de nouveaux paradigmes: le performatif explicite et le performatif implicite. Ainsi notre exemple cesse d'être un simple constatif et peut se réécrire comme suit:

1. Je vous informe que je travaille

Cependant, il faut admettre que l'implicite est de nature foncièrement ambigüe, une ambiguïté qui doit être réduite par le contexte mais permettant au locuteur d'accomplir une préservation de la face en laissant au destinataire le choix de l'interprétation de l'acte de langage qui lui convient le mieux. En effet, dans la tradition pragmatique notre exemple reçoit plutôt la formulation (2):

2. J'affirme que je travaille

La différence entre (1) et (2) permet d'expliquer cette préservation de la face. En interprétant notre constatif initial en tant que (1), il se peut que je tente de bloquer une intention de mon interlocuteur de me demander de lui rendre service dans l'immédiat sans qu'il soit pertinent que mon énoncé s'affiche comme réalisant ce blocage. En l'interprétant en tant que (2), je tente peut être de dissuader mon interlocuteur d'un reproche concernant ma paresse.

Autrement dit, le signe sémiotique en pragmatique se dote comme le souligne RECANATI d'un double destin, il est à la fois transparent et opaque. Transparent, il s'efface devant l'objet signifié pour permettre à celui d'être présent symboliquement. Opaque, il exhibe sa forme pour montrer l'acte linguistique qu'il accomplit:

« La seule solution au paradoxe du signe consiste en l'assomption qu'outre la transparence et l'opacité, il y a un troisième état du signe, la transparence-cum-opacité. Le signe ni transparent, ni opaque, est à la fois transparent et opaque, il se réfléchit dans le même temps qu'il représente quelque chose d'autre que lui-même » (RECANATI, 1979, p. 21)

Ce statut du signe en pragmatique a contribué une modification terminologique. Comme il est rare que le préfixe performatif qui réalise la réflexion de l'énoncé sur lui-même est souvent absent, c'est le terme d'illocutoire qui est désormais chargé de rendre compte de la performativité dans les analyses comme nous avons pu le constater chez DUCROT qui commente l'implicite en ces termes:

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« [Or] on a fréquemment besoin, à la fois de dire certaines choses, et de pouvoir faire comme si on ne les avait pas dites, de les dire, mais de façon telle qu'on puisse en refuser la responsabilité" (DUCROT, 1972, p. 5)

La première raison invoquée est une forme de tabou linguistique qui risque de faire perdre la face à celui qui se hasarde à outrepasser cet interdit. Dans certaine situation, il n'est pas politiquement correct de se plaindre sous peine d'offenser les personnes dont le quotidien est justement ce dont vous vous plaignez. Par exemple être contraint de dormir à même le sol. Alors, il ne vous reste qu'à dire que "le sol est dur".

La seconde origine de l'implicite avancée par DUCROT est que tout ce qui est dit peut être contredit. Ainsi, il serait très maladroit de dire invite-moi au restaurant parce que j'en ai envie. Il suffit de tenter cette invitation en disant dans un contexte précis "j'ai faim". Pour conclure cet auteur notre cette belle formule:

« Le problème général de l'implicite,(...) est de savoir comment on peut dire quelque chose sans accepter pour autant la responsabilité de l'avoir dit, ce qui revient à bénéficier de l'efficacité de la parole et de l'innocence du silence » (Ibid. p. 12)

En définitive, le passage qui mène du performatif à l'illocutoire n'est pas très claire, on ne peut pas le concevoir comme une rupture épistémologique car l'emploi de cette dernière terminologie n'éclipse pas la première. Tout au moins on peut soupçonner dans sa présentation chez Alain REY un retour aux sources où le paradigme est constitué par "locutoire", "perlocutoire" et "illocutoire" et auquel cas l'illocutoire semble privilégier l'implicite. Cet auteur, qui est avant tout un lexicologue voit d'abord dans l'illocutionnary force le préfixe in- qui lui permet de dire dans une présentation de l'ouvrage fondateur d'AUSTIN:

« Élargissant sa remarque sur les énoncés et les verbes performatifs, Austin a ensuite tenté de définir une force propre au langage en acte, indépendante de son pouvoir systématique et virtuel à transmettre du sens. Cette force dénommée illocutionnary force, s'ajoute à l'acte d'expression et de transmission du sens (locutionary act); elle apparaît dans toute énonciation lorsqu'on la replace dans les conditions concrètes qui définissent les circonstances de la communication. Elle est in-locutionary, car elle se produit 'en énonçant', 'dans l'énonciation active'; elle se distingue par-là de perlocutionary qui qualifie les effets produits par l'énonciation' (et 'par l'énoncé agissant sur autrui'). » (REY, 1976, p. 181)

Cette pérégrination en territoire morphologique nous permet de retrouver que le signe en pragmatique assume effectivement le double destin d'être à la fois transparent et opaque pour intégrer la force illocutoire dans le cadre de la préservation de la face de manière à être une théorie de la modification du rapport interlocutif.

Travaux cités

ANSCOMBRE, J.-C. (1980). "Voulez-vous dériver avec moi?". Dans Rhétoriques, Communications (Vol. 16, pp. 61-123). Paris: Seuil.

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CASSIRER, E. (1969). "Le langage et la construction du monde des objets". Dans C. e. Alii, Essais sur le langage (pp. 37-68). Paris: Les Editions du Minuit.

DE MUSIL, R. (1982). L'homme sans qualités. Paris: Seuil.

DUCROT, O. (1972). Dire et ne pas dire, Principe de sémantique linguistique. Paris: Herman.

DUCROT, O. (1980). "Analyses pragmatiques". (Seuil, Éd.) Communications(32). GOFFMAN, E. ([1974] 1984). Les rites d'interaction. Paris: Editions du minuit. GREIMAS, A. J. ([1966] 1982). Sémantique structurale. Paris: Larousse.

GREIMAS, A. J. ([1966b]1981). "Eléments pour l'interprétation des récits mythiques". Dans R. BARTHES, & alii, Introduction à l'analysestructurale du récit (pp. 28-59). Paris: Seuil.

HJLEMSLEV, L. (1968-1971). Prolégomènes à une théorie du langage. Paris: éditions de Minuit.

LAFONT, R. (1978). Le travail et la langue. Paris: Flammarion.

MUSIL, R. (1982). L'homme sans qualités. Paris: Seuil.

PEIRCE, C. S. (1979). Ecrits sur le signe. (G. DELEDALLE, Trad.) Paris: Seuil.

RECANATI, F. (1979). La transparence et l'énonciation, Pour introduire à la pragmatique. Paris: Seuil.

REY, A. (1976). Théories du signe et du sens, 2. Paris: Klincksieck. SAUSSURE, d. F. (1982). Cours de Linguistique Générale. Paris: Payot.

SAVAN, D. (1980, Juin). "La sémeiotique de Charles S.Peirce". Au delà de la sémiolinguistique: la sémiotique de C.S. Peirce, pp. 9-23.

TESNIÈRE, L. ( [1959] 1982). Eléments de syntaxe structurale. Paris: Klincksieck. TODOROV, T. (1971-1978). Poétique de la prose. Paris: Seuil.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore