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Du fondement d'atteintes aux droits fondamentaux en droit positif congolais.

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par Nephtaly ABASSA BYENDA
Université Libre des Pays des Grands Lacs - Licence 2013
  

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Section.2. Des causes d'irresponsabilité de l'Etat congolais pour atteinte à l'exercice du droit d'investissement privé dans la ville de Goma

Cette décision de scellage de la société Kivu market, est lourde de conséquences. Elle valide une théorie que beaucoup pourtant vouaient à la disparition dans le mouvement de parachèvement de l'Etat de droit113. Elle ferme une porte par laquelle la soumission de la puissance publique au droit, et la sauvegarde des droits fondamentaux contre l'arbitraire de la raison d'Etat auraient pu s'introduire dans notre ordre juridique et en parachever l'édifice libéral. Mais ce qui surprend peut-être plus que la conclusion de la Cour elle-même, laquelle, finalement, n'est que très raisonnable étant donné le caractère peu opportun d'une intervention du juge dans une matière où la décision politique est si importante, c'est le

ère

108 R.CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l'Etat, tome I, Dalloz, Paris, 2004 (1 éd.,

Sirey, Paris, 1920), p. 524 : « L'intérêt de l'Etat exige donc qu'il y ait, dans la fonction dont est investie l'autorité administrative, un domaine de libre activité »

109 C. GOYARD, « Etat de droit et démocratie », in Droit administratif, Montchrestien, Paris, 1992, p. 303.

110 J.CHEVALLIER, L'Etat de droit , Montchrestien, Paris, 4° éd., 2003, p. 79.

111 P. TERNEYRE, « Le droit constitutionnel au juge », L.P.A., s.l, décembre 1991, p. 4 à 14.

112 L.FAVOREU, Du déni de justice en droit public français, LGDJ, Paris, 1964, p. 169.

113 R.ODENT, Contentieux administratif, Paris, 1978, p. 391 ; Voir aussi M.WALINE, Traité élémentaire de droit administratif, Sirey, Paris, 6° éd., 1951, p. 108 : « Il est incontestable que telle la peau de chagrin, la liste des actes de gouvernement se rétrécit grâce au libéralisme croissant de la jurisprudence » .

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raisonnement suivi par la Cour. Des doutes, en effet, surviennent lorsque l'on réexamine un à un les points de l'argumentation, de l'existence d'un droit défendable au titre de l'alinéa 9ème de l'article17 et 19 de la constitution (§.1), à celle de l'existence d'une véritable atteinte au profit des actes de gouvernement (§.2). Une autre voie, plus juridiquement acceptable, était, nous semble-t-il, ouverte aux juges pour respecter tout à la fois la rigueur de la logique juridique et la nécessaire marge de manoeuvre politique de la République Démocratique du Congo.

§.1. L'existence d'un droit juridiquement défendable au sens de l'article 19 de la Constitution

Selon le droit congolais, l'applicabilité de l'article 19 de la constitution n'est valable qu'en cas d'une certaine présomption de culpabilité. Mais il se pose un problème, en l'espèce le fait qu'il résulte de l'absence de précédent jurisprudentiel portant sur la même question (sanctionner une personne morale pour le fait d'une personne physique). La Société Kivu market dispose donc d'un droit au moins défendable reconnu par le droit interne, dont l'entente de sa cause par le juge, compte tenu du sa personnalité distincte de celle du Gérant. Cela reconnaît implicitement, la justiciabilité du droit d'investissement privé par la Société. Mais nécessairement restreint, dès lors que son exercice a péché contre l'ordre public et dont la réaction consiste dans les mesures de sécurité publique à titre conservatoire, tombent dans le panier des actes de gouvernement qui ne se distinguent pas, prima facie, des autres actes de la puissance publique et engagent, au moins de façon formellement soutenable, l'Etat (A). Ils ne relèvent pas d'une autre fonction juridique que celle normalement soumise au contrôle du juge (B).

A. Des actes formellement juridiques

A l'origine, le critère de reconnaissance d'un acte de gouvernement, était sa détermination par un objectif de nature politique114, condamnée de manière unanime par la doctrine115. Cette

114CE 1èr mai 1822, Lafitte, Rec., 1821-1825, p.202 ; CE 18 juin 1852, princes d'Orléans, Sirey, 1867, p.124.

115 Selon le Professeur Chapus, seul l'acte de gouvernement justifié par la théorie du mobile politique constituait un « monstre d'arbitraire » ; l'acte de gouvernement justifié par une vision renouvelée des fonctions de l'Etat n'est donc plus qu' « une victime, injustement chargée de péchés qui ne sont pas les siens » (CHAPUS, op. cit., p. 86). Et Pour O. Raymond, la théorie du mobile politique revenait à « ériger l'arbitraire politique en une cause d'irrecevabilité » (Contentieux administratif, op. cit., p. 394).

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théorie dite du mobile politique, a été abandonnée par le Conseil d'Etat116. D'autres fondements de l'acte de gouvernement, furent alors recherchés. En particulier, certains auteurs, affirmèrent que la nature même des actes de gouvernement les soustrayait à tout contrôle de la part d'un juge, qui plus est un juge issu de l'administration et dont la supervision, n'était tolérée que parce qu'elle restait limitée117.

Pourtant, rien d'autre que le caractère politique, ne distingue formellement un acte de gouvernement, d'un acte administratif ordinaire.

Tout d'abord, l'acte de gouvernement est un acte juridique, par opposition à un fait matériel. Il consiste en une manifestation de volonté destinée à produire des effets dans l'ordonnancement juridique. Il résulte toujours d'une décision prise par une autorité publique118. Le Professeur Chapus, tout en étant favorable à la théorie des actes de gouvernement, le reconnaît volontiers : l'acte de gouvernement est un « acte d'une autorité exécutive française119».

Comme tout acte juridique, ensuite, il produit des effets sur l'ordonnancement juridique. Il est créateur d'une norme, qu'il s'agisse de décider de la mise en oeuvre de l'article 69 de la constitution en son dernier alinéa concernant la garantie de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, de la souveraineté nationale par le chef de l'Etat120. En cela, l'acte de gouvernement est un acte décisoire, donc faisant grief121. Or « ce caractère décisoire est la condition posée par le juge administratif à la recevabilité du recours122».

.

Formellement, comme tout acte administratif, l'acte de gouvernement se manifeste soit dans un acte écrit explicite (par exemple, le décret de promulgation d'une loi123), soit dans une décision implicite (par exemple, le refus de saisir le Conseil constitutionnel d'une loi votée et non encore promulguée124). Mais pour ce qui est du scellage de la Société Kivu market, cela émane de l'initiative de l'A.N.R dont l'attachement relève de

116 CE 19 février 1875, prince Napoléon, Rec. p. 156 ; LONG, WEIL, BRAIBANT, DELVOLVÉ, GENEVOIS, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, Paris, 15°éd., 2005, p. 16 à 26.

117 M.HAURIOU, note sous CE 30 juin 1893, Gugel, Sirey 1895, II.42, et sa célèbre théorie de « la part du feu ».

118 Selon Pierre DELVOLVE, l'acte administratif se définit comme un acte juridique unilatéral émanant d'une autorité administrative et affectant l'ordonnancement juridique (P. DELVOLVE, L'acte administratif, coll. Droit public, Sirey, Paris, 1983).

119 CHAPUS, op. cit., p. 80.

120 Article 69 de la constitution congolaise du 18 Fevrier 2006

121 J.FBRISSON et A.ROUYÈRE, Droit administratif, coll. Pages d'amphi, Montchrestien, Paris, 2004, p. 157

122 Ibidem, p.156.

123 CE 3 novembre 1933, Desreumeaux, Rec. 993.

124 CE ord. 7 novembre 2001, Tabaka, Rec. 789.

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la Présidence de la République. Ce qui nous permet d'apprécier le R.I n° 1591 en acte de gouvernement étant donc un acte juridique, et au moins en apparence, un acte administratif. Il reste alors, à savoir si son contenu ne fait pas de lui un acte différent et par là-même soustrait légitimement au contrôle du juge125.

Des mesures restreignant l'exercice d'un droit fondamental sans intervention judiciaire peuvent-elles émaner des autorités autres qu'exécutives ?

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