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Du fondement d'atteintes aux droits fondamentaux en droit positif congolais.

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par Nephtaly ABASSA BYENDA
Université Libre des Pays des Grands Lacs - Licence 2013
  

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B. Des actes relevant de la compétence exécutive.

Parmi les justifications à la théorie de l'acte de gouvernement figure celle tirée de ce que les actes de gouvernement relèveraient d'une fonction de l'Etat différente de la fonction administrative dont le juge peut seule connaître. Ainsi, à côté de l'activité administrative de l'exécutif, il existerait une autre fonction, fonction gouvernementale, dont les actes échapperaient au juge administratif en vertu de ce que « le juge administratif n'est que le juge de l'administration et ne peut connaître d'actes ou d'activités extérieures à l'administration126».

C'est Laferrière qui, le premier, a donné de cette distinction une définition : selon lui, « Administrer, c'est assurer l'application journalière des lois, veiller aux rapports des citoyens avec l'administration et des diverses administrations entre elles. Gouverner, c'est pourvoir aux besoins de la société tout entière, veiller à l'observation de sa constitution, au fonctionnement des grands pouvoirs publics, aux rapports de l'Etat avec des puissances étrangères, à la sécurité intérieure et extérieure127». Rappelant la distinction des actes d'autorité et des actes de gestion, abandonnée depuis longtemps par la jurisprudence, le critérium de différenciation des actes de gouvernement et des actes d'administration, tel qu'énoncé, paraît bien difficile à mettre en oeuvre objectivement. La considération de la nature politique de l'acte et de ses motivations n'est pas très loin.

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Raymond Carré de Malberg, et à sa suite le Professeur René Capitant, ont adopté un critère différent. Pour Carré de Malberg, « la fonction administrative se caractérise et doit

125 Pour Paul Duez, « les actes de gouvernement soustraits à l'emprise du juge n'ont pas un contenu juridique différent des actes soumis au contrôle juridictionnel. L'acte qualifié acte de gouvernement ne répugne pas par sa nature juridique à ce contrôle » in P.DUEZ, Les actes de gouvernement, Dalloz, Paris, 2006, p. 23).

126 CHAPUS, op. cit., p. 86.

127 E.LAFERRIÈRE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, t. II, Berger-Levrault, Paris, 2° éd., 1896, p. 32, cité par CHALVIDAN, « Doctrine et acte de gouvernement », AJDA, 1982, p. 8.

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être définie par sa subordination à la loi».128 Ainsi, « toutes les fois que l'autorité administrative agit en vertu de pouvoirs légaux, il n'existe aucune raison, quelque larges et discrétionnaires que soient ces pouvoirs, de faire intervenir la notion d'acte de gouvernement129». Au contraire, lorsque les autorités exécutives agissent sur le fondement d'une habilitation directe de la Constitution, elles se trouvent placées dans le domaine de l'action gouvernementale et leurs actes échappent au contentieux strictement administratif130.

C'est une telle conception qu'a retenue la Cour de Cassation italienne dans l'affaire Markovic. Ainsi, dans sa décision du 8 février 2002, par laquelle elle constatait le défaut de juridiction du juge italien, elle énonçait que « le choix d'une ligne de conduite des hostilités fait partie des actes de gouvernement. Ce sont des actes qui constituent la manifestation d'une fonction politique, et leur attribution à un organe constitutionnel est prévue dans la Constitution : fonction qui de par sa nature est telle que l'on ne peut faire valoir, par rapport à celle-ci, une situation d'intérêt protégé, de sorte que les actes par lesquels elle se manifeste ont ou n'ont pas un contenu déterminé131».

Il existerait donc deux fonctions, l'une administrative, l'autre gouvernementale ou politique, dont seraient simultanément chargées les mêmes autorités agissant par la voie d'actes juridiques de forme identique. René Capitant, pourtant, rejettera cette thèse que Charles Eisenmann nomme « quadrialiste ». En effet, selon l'éminent auteur, une telle fonction gouvernementale, fonction d'orientation et de direction, devrait soit être répartie entre les trois fonctions classiques de l'Etat, législative, exécutive et juridictionnelle, car elle est applicable à ces trois types d'activités, soit, si elle est confiée à un seul de ces principaux organes constitutionnels, elle « aboutirait à mettre à la tête de l'Etat une sorte de dictature incompatible avec toute forme de séparation des pouvoirs132».

René Capitant considère dès lors que l'immunité juridictionnelle des actes de gouvernement se justifie par le fait, non pas qu'ils relèvent d'une fonction gouvernementale distincte de la fonction administrative, mais directement de la fonction législative elle-même. Ce sont les actes par lesquels l'exécutif prend part à la fonction d'édiction de la loi, qu'il s'agisse des actes relatifs aux rapports du gouvernement avec le Parlement, des actes diplomatiques ou du décret de grâce et de sécurité publique. Il s'agit là d'un acte qui relève des rapports entre organes constitutionnels, fortement lié à des préoccupations d'ordre

128 CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l'Etat, tome I, Dalloz, Paris, 2004, p. 523.

129 R.CAPITANT, De la nature des actes de gouvernement », Dalloz, Paris, 1964, p. 111

130 Ibid., p. 526.

131 Arrêt CEDH Markovic contre Italie, par. 18.

132 Ibid, p. 110.

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politique, mais qui ne s'inscrit à aucun moment dans un processus de législation à proprement parler. Ou encore, dans le domaine diplomatique, il est difficile de rattacher l'ensemble de ces actes à un traité : par exemple, le refus des autorités diplomatiques ou consulaires d'appuyer des réclamations présentées par des ressortissants français lésés auprès des gouvernements étrangers, qu'il y ait simple abstention ou diligence insuffisante, ne constitue pas un acte entrant dans le processus de conclusion d'une convention internationale. Rejetant la conception extensive de l'acte administratif adoptée par les détracteurs de l'acte de gouvernement133, René Capitant fait preuve, au contraire, d'une conception extensive de la notion de législation.

En outre, le rattachement des actes de gouvernement à la fonction législative, même si on l'acceptait, ne pourrait pas justifier l'immunité totale de juridiction dont ils bénéficient devant le juge administratif. En effet, qualifier un acte d'acte de gouvernement revient à le préserver de tout contentieux, qu'il s'agisse de l'examen de sa légalité comme de la reconnaissance de son caractère éventuellement dommageable au titre de la responsabilité de l'Etat.

Enfin, le Tribunal des Conflits a affirmé, dans une décision Vincent du 15 février 1890134 que l'acte de gouvernement ne saurait en aucun cas servir de couverture à une illégalité flagrante. Un acte de gouvernement n'est donc injustifiable qu'autant qu'il n'est pas manifestement illégal : c'est là porter un jugement sur le fond, proche du contrôle de l'erreur manifeste, en vue de rejeter au titre de l'irrecevabilité.

L'ensemble de ces éléments nous conduit à conclure que l'acte de gouvernement ne se présente point, sur le fond comme sur la forme, comme un acte différent des autres actes administratifs que contrôle le juge135. La seule différence tient au contexte politique qui entoure l'acte et justifie dans une certaine mesure la réserve du juge. Il existe donc bien un droit à défendre pour les requérants. Mais ce droit n'est pas ainsi absolu, bien que le prévoit l'article 19 de la Constitution congolaise. Des limitations restent possibles de la part de l'Etat.

133 « La doctrine professe de l'acte administratif une définition large, trop large, qui ne correspond ni à la réalité des choses, ni à la jurisprudence » (CAPITANT, préc., p. 106).

134 Rec. C.E., p. 183. Cité par AUVRET-FINCK, préc., p. 142-143 ; et par MIGNON, « L'amenuisement de l'emprise de la théorie des actes de gouvernement : progrès nécessaire du concept de légalité », Revue Administrative, 1951, p. 44.

135 L.FAVOREU, Du déni de justice en droit public français, op. cit., p. 170 s., spécialement. p. 232 s. : « Sous-section 2 : L'explication proposée : les actes dits de gouvernement, actes justiciables par nature, injustifiables par accident ». Aussi, du même auteur, « Pour en finir avec la « théorie » des actes de gouvernement », in Mélanges en l'honneur de Pierre Pactet, Dalloz, Paris, 2003, p. 611 : « On constate, en réalité, pour peu que l'on connaisse les systèmes de justice constitutionnelle des pays voisins, que la « nature » des actes considérés ne fait nullement obstacle à leur justiciabilité ».

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