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L' apport de l'arbitrage à  la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA


par BIKOI Jacques delor
Université de Yaoundé 2 - Master professionnel en Droit privé/option Droit, pratiques juridiques et judiciaires  2016
  

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REPUBLIC OF CAMEROON Peace-Work-Fatherland

RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix-Travail-Patrie

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MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

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MINISTRY OF HIGHER EDUCATION

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UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ II-

SOA

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THE UNIVERSITY OF YAOUNDÉ II-

SOA

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FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

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FACULTY OF LAW AND POLITICAL SCIENCES

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L'APPORT DE L'ARBITRAGE A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE OHADA

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Master professionnel en Droit, pratique juridique et judiciaire

Par
Jacques Delor BIKOI
Titulaire d'une licence en droit privé
Sous la direction du :
Dr. NCHANKOU NJINDAM
Chargé de Cours à l'Université de Yaoundé II

Année Académique : 2016-2017

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

AVERTISSEMENT

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page I

« L'Université n'entend ni approuver ni désapprouver les opinions particulières du candidat ».

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

DÉDICACE

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page II

A toi ma fille adorée,

Kimora Alexandra-pénélope BIKOI

Aucune dédicace ne saurait exprimer tout l'amour que j'ai pour toi ma petite lumière, te savoir heureuse et en santé me comble de bonheur.

Puisse Dieu dans son infinie bonté te garder, te bénir et t'accorder tout ce que ton coeur lui demandera.

REMERCIEMENTS

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page III

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Je tiens à exprimer mes remerciements les plus sincères à Monsieur le Docteur NCHANKOU NJINDAM, pour la confiance placée en ma personne en acceptant de diriger mes travaux. Sa rigueur, sa disponibilité et ses précieux conseils m'ont permis de réaliser cette contribution.

Je remercie également mes parents MBOMBOG BIKOI Dieudonné Félicien, YOMBA NKONDOCK Jeanne Marlyse et NDOBOTH Henry Samuel, pour m'avoir transmis autant de belles choses à toute épreuve. Que ce mémoire soit la partie visible de leurs labeurs invisibles, la preuve de leur foi en des valeurs positives reçues et véhiculées.

Qu'il me soit permis d'adresser un merci particulier à ma compagne, Annie Irène TETKA qui depuis plusieurs années n'a épargnée aucun effort pour me soutenir, m'encourager et me conseiller.

Qu'il me soit aussi permis de remercier mon frère ainé, BIKOI François d'Assise pour son indéfectible soutien et sa contribution à la finalisation de ces travaux.

Qu'il me soit enfin permis de remercier mes amis et camarades de promotion, YOUMBI LAKOUA Derrick, ETOUNDI ALEGA Hugues Aimé, DOUDAN ROTA Michelle Aurélie, MAGUE-DIHOUND'S Ben-Emery, Fahad AZARACK ALKHALIL, MBIANGANG NZEPANG Ludovic Joël, MBOUDY MBOCK Jean Marvin pour leurs précieuses observations qui ont sans doute permis d'améliorer la qualité de ce mémoire. Puissent-ils trouver en sa soutenance l'expression de ma profonde gratitude.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page IV

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET SIGLES

AEF : Afrique équatoriale française

Al. : Alinéa

AOF : Afrique orientale française

Arb. : Arbitrage

Art. : Article

A.U.A. : Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage

AUPSRVE : Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d'exécution

Bull. Civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation française

CACI : Cour d'arbitrage de Côte d'Ivoire

CAG : Cour d'arbitrage du GICAM

Cass. : Arrêt de la Cour de cassation française

C. civ. : Code civil

C.C.I : Chambre de commerce internationale

C.C.J.A. : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage

CE : Conseil d'État français

Cf. : Se référer ou se reporter

CIRDI : Centre international pour le règlement des litiges relatifs aux

investissements

Civ.1ère : Arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation française

Clunet : Journal de droit international privé

CNUDCI : Convention des Nations unies relative au droit du commerce

international

Coll. : Collection

D. : Recueil Dalloz

Dir. : Sous la direction

Ed. : Edition(s)

ERSUMA. : École régionale supérieure de la magistrature

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page V

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Gaz. Pal. : Gazette du palais

GICAM : Groupement inter patronal du Cameroun

Ibid. : Ibidem (le même ouvrage)

Idem. : De même

Infra : Ci-dessous

J.C.P. : Jurisclasseur périodique

J.D.I. : Journal du droit international

J. O. : Journal officiel

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

Mél. : Mélanges

NAUA : Nouvel Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage

NRA/ CCJA : Nouveau Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et

d'Arbitrage

: Numéro

OAPI : Organisation africaine de la propriété intellectuelle

Op. Cit. (Opere Citato) dans l'ouvrage cité

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

P. : Page

PP. : Pages

PME : Petites et moyennes entreprises

P.U.A. : Presses universitaires d'Afrique

PUAM. : Presse universitaire d'Aix-Marseille

PUF. : Presses universitaires de France

PUPPA : Presse universitaire de PAU et des pays du Ladou

Rec. : Recueil

R.A.C.C.J.A. : Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage

Rev. Arb. : Revue de l'arbitrage

RASJ : Revue africaine des sciences juridiques

Rev. Cam. Arb : Revue camerounaise d'arbitrage

RDUS : Revue de droit de l'Université Sherbrooke

R.D.A.I. : Revue de droit des affaires internationales

RRJ : Revue de recherche juridique

R.T.D. A : Revue trimestrielle de droit africain

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page VI

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

R.I.D.C. : Revue internationale de droit comparé

S. : Suivant

Supra : Ci-dessus

TPE : Très petites entreprises

UNIDROIT : Institut international pour l'unification du droit privé

V. : Voir

Vol. : Volume

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page VII

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

RÉSUME

De plus en plus, l'arbitrage occupe une place capitale dans la vie économique. Considéré comme étant un vecteur de sécurité, le législateur OHADA en a fait le mode par excellence de règlement des litiges d'ordre contractuel dans l'espace communautaire, cela dans le but non seulement de favoriser la sécurité juridique et judiciaire, mais aussi et surtout de gagner la confiance des investisseurs, afin de faire du continent africain un pôle de développement par l'investissement. Malheureusement, l'observation du contentieux économique en zone OHADA démontre que le système d'arbitrage communautaire est fortement mis en cause. Dans ce cadre, l'objectif de cette étude est d'évaluer la capacité de l'arbitrage OHADA à contribuer de manière suffisante à la sécurisation des activités économiques dans l'espace juridique intégré. Il ressort donc que si l'on ne peut valablement nier la vérité d'une certaine contribution, celle-ci reste perfectible et appelle par conséquent des reformes.

Mots-clés : arbitrage, sécurisation, activités économiques, OHADA.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page VIII

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

ABSTRACT

Arbitration is progressively occupying a pride of place in the economic life. Considered as a vehicle for security, the OHADA lawmaker posits it as the mode of excellence for the resolution of contract-related litigations within the communal zone; this, not only to enable judiciary and judicial security, but more to earn the confidence of investors, in order to make the African continent a stronghold for development and investments. Unfortunately, though, an analysis of the economic contention in the OHADA zone reveals that the communal arbitration system is highly to blame. The present study aims to evaluate OHADA arbitration capacity in contributing, efficiently, to the security of economic activities within the area legally integrated. It results that, if we want to negate the truth of such a contribution, this latter remains perfectible and therefore calls for amendments.

Keywords : arbitration, protection, economic activities, OHADA

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page IX

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

TITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE JURIDIQUE

INTEGRE 8

CHAPITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA

SÉCURITE JURIDIQUE 10

Section 1 : La consécration d'un droit supranational de l'arbitrage : une source de sécurité

juridique dans l'espace OHADA 12

Section 2 : L'originalité et le modernisme de l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité

juridique dans l'espace OHADA 23

CHAPITRE II : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A

LA SÉCURITÉ JUDICIAIRE 36

Section 1 : La célébration de l'autonomie de la volonté, une source de prévention des

incertitudes judiciaires nuisibles aux droits économiques des parties 37

Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux principes directeurs d'une bonne

justice, gage des procès justes et équitables 52

Section 3 : Le renfort du juge public, facteur d'efficacité de l'arbitrage OHADA 67

TITRE II : UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE JURIDIQUE

INTEGRE 75

CHAPITRE I : LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF 77

Section 1 : Les silences du législateur africain 77

Section 2 : Les incertitudes conceptuelles et la protection rigide de certains arbitres 86

CHAPITRE II : LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE 97

Section 1 : Les difficultés ante sententiam 97

Section 2 : Les difficultés post sententiam 106

CONCLUSION GÉNÉRALE 120

BIBLIOGRAPHIE 124

TABLE DES MATIÈRES 135

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page X

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

« Je vais t'entretenir de moindres aventures, Te tracer en ces vers de légère peinture ; Et si de t'agréer je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris »1. Jean DE LA FONTAINE

1 J. DE LA FONTAINE, Fables, Livre I, Prologue : « Dédicace à Monseigneur le Dauphin, Louis de France, fils de Louis XIV, également appelé le Grand Dauphin », 1668, édition du groupe « Ebooks libres et gratuits », p.10.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 1

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 2

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

À l'aube des années 1990, heure de la mondialisation de l'économie2, le besoin d'investissement commença à se faire ressentir dans les Etats africains. Ceux-ci pour la plupart mis sous programmes d'ajustement structurel dès 19803 par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, avaient à coeur le souci du développement et celui de l'essor de leurs différentes économies.

Face à ce grand besoin, se présentait le problème de l'insécurité juridique et judiciaire longtemps décrié par les opérateurs économiques. Selon le Docteur Gaston KENFACK DOUAJNI, l'une des raisons, voire la plus importante d'entre elles pour lesquelles l'Afrique est incapable de se développer tient à l'absence ou la rareté des investissements dans ce continent4. Or comme le soulignait le Professeur Roger MASSAMBA, il ne saurait avoir de développement durable sans sécurité juridique et judiciaire5. Dans le même esprit, Pierre MEYER affirmait qu'« Il est sans nul doute exact que la sécurité juridique est une condition nécessaire du développement économique. Aucune activité économique durable ne peut raisonnablement être entreprise si les `'règles de jeu» que constituent les règles de droit ne sont pas connues, précises, correctement appliquées et dotées d'une certaine stabilité »6.

L'insécurité résultait de la diversité et la vétusté des règles applicables aux activités économiques ; certains textes datant de la période coloniale d'une part. D'autre part cette insécurité se caractérisait par une insuffisance de moyen matériels et humains, par les lenteurs judiciaires, le coût élevé des procédures, la difficile exécution des décisions de justice, la formation insuffisante des magistrats en droit économique, qui plus est travaillant dans des conditions sociales déplorables, des procès iniques détruisant l'environnement des affaires7 ; maux qui inéluctablement sont facteurs de recrudescence de la corruption ; et constituent une entrave à la bonne marche des affaires, parce que discréditant les Etats concernés avec pour fatale conséquence l'éloignement des investisseurs tant nationaux qu'étrangers. À ce titre, à la question de savoir pourquoi les opérateurs économiques ne voulaient pas investir en Afrique, feu le juge KEBA M'BAYE rapportait que ceux-ci déclaraient : « Nous ne voulons pas investir parce que nous ne connaissons pas quel droit va régir notre patrimoine. Vous allez

2P-G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et théorie juridique », Revue de l'ERSUMA, numéro spécial-

Novembre/Décembre 2011, p.6.

3S. BELANGER, « L'ajustement structurel ou restructurer pour la croissance l'État », Université du Québec à

Montréal, Collection cahiers du GRETSE, N°8, Janvier 1992, p.1.

4G. KENFACK DOUAJNI, L'arbitrage OHADA, PUPPA, 2014, p. 24.

5R. MASSAMBA, « L'OHADA et le climat des investissements en Afrique », RTDA, n° 855, p.140.

6P. MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l'espace OHADA », RTDA, p.151.

7R. MASSAMBA, « L'OHADA et le climat des investissements en Afrique », op.cit., p.143.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 3

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

dans un pays, vous demandez quel est le droit qui vous permet de créer aujourd'hui une société anonyme, personne ne le sait. Il y a pire. Une fois que nous arrivons à détecter, dans certains pays, quel est le droit applicable pour la création de notre entreprise, pour sa viabilité et, au cas où surviendrait un jour un différend, pour la manière donc ce différend doit être réglé, nous avons toujours des surprises considérables. Le même droit n'est pas applicable d'un pays à un autre, d'un tribunal à un autre. On ne tient pas compte de la jurisprudence. Et, généralement, nous sommes toujours les victimes de cette situation, c'est ce qui explique notre hésitation à continuer à investir »8.

Il ressort donc que l'insécurité juridique et judiciaire était l'une des principales sources du sous-développement du continent africain. Aussi, en vue de corriger le tir, les Etats de l'Afrique subsaharienne ont décidé de penser, puis de mettre sur pied une institution au sein de laquelle on y trouverait un droit harmonisé, unique et applicable à tous les Etats la constituant, un droit qui deviendrait le droit commun des affaires au sein de l'institution, un droit neuf, moderne et adapté à l'évolution économique dans le monde dont, le destin sera de sécuriser amplement l'environnement des affaires en Afrique et à lever le doute sur les multiples avantages que présente le continent Africain, avec pour finalité absolue la promotion des investissements. C'est donc dans ce contexte que quatorze (14) Etats de l'Afrique au sud du Sahara9 ont, en date du 19 octobre 1993, signés à Port Louis (Ile Maurice) un traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique et ont confié l'exécution à l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)10. De ce Traité naitront non seulement des actes uniformes11, parmi lesquels l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, mais également une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage dont le rôle est de veiller à la bonne interprétation et à la bonne application desdits actes uniformes.

En effet, le législateur africain avait vu juste quant à la nécessité d'une réforme des systèmes judiciaires des Etats africains. C'est donc à l'aune de cette prise d'acte qu'il a vue en l'arbitrage une garantie juridique susceptible de sécuriser les investissements et d'inciter par

8KEBA M'BAYE, Interview accordée au journal parisien l'autre actualité africaine, à retrouver sur africa-libre.com, site consulté le 8 octobre 2019 à 14h09.

9Benin, Cameroun, Burkina Faso, centrafricaine, Comores, Congo, Côte d'ivoire, Gabon, guinée équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. Ce chiffre s'est accru avec l'entrée de trois autres Etats à savoir la Guinée, la RD Congo et enfin la Guinée Bissau.

10G. KENFACK DOUAJNI, « L'incidence du système OHADA sur le droit camerounais de l'arbitrage », Rev. Cam. Arb., n 01, Avril-Mai-Juin 1998, p.3.

11Cf. article 2 du Traite OHADA.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 4

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

ricochet les acteurs économiques à s'intéresser à l'espace OHADA12. À cet égard, l'article 1erdu traite OHADA énonce : « Le présent traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l'élaboration et l'adoption des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels ».

De cette disposition, on semble comprendre que le législateur africain avait effectué un pari sur l'arbitrage, en déclarant fermement son désir d'en faire un mode normal de règlement des litiges compte tenu des limites que présente le système judiciaire de chaque Etat partie. René BOURDIN écrivait à ce titre que : « tout se passe comme si les auteurs du traite OHADA entendaient demander à l'arbitrage une sorte d'intérim du judiciaire jusqu'à une reforme efficace de celui-ci (...) »13 . Ce qui traduit la position qu'occupe l'arbitrage dans le domaine des affaires. Roland AMOSSOU GUENOU écrivait que « dans la gamme des garanties susceptibles d'encourager les investisseurs étrangers, l'arbitrage constitue un élément essentiel »14. Bien avant lui, le Professeur René DAVID soutenait que de nos jours, l'arbitrage est le mode privilégié de règlement des différends relatifs aux investissements internationaux15. Quant au Professeur Dorothé COSSI SOSSA, il s'agit de l'institution la plus importante à ce jour pour le règlement des différends relatifs aux investissements internationaux pour les pays en développement en général et en particulier pour l'Afrique16, et pour Robert BRINER, c'« est la seule méthode réaliste de résolution des litiges commerciaux internationaux »17. En tout état de cause, l'arbitrage doit être considéré en matière d'investissement comme l'une des garanties les plus précieuses qui puisse être accordées à l'entrepreneur privé, disait jadis le Professeur Philippe KAHN18.

12G. KENFACK DOUAJNI, L'arbitrage OHADA, PUPPA, 2014.op.cit. p.17.

13R. BOURDIN, « L'OHADA : information à ce jour », document CCI, n 0420/450 du 30 Mars 2000, cité par G. KENFACK DOUAJNI, Ibid.

14 R. AMOUSSOU GUENOU, « Les investissements étrangers en Afrique », Rev. Cam. Arb., n°2, 1998, p.8.

15 R. DAVID, L'arbitrage dans le commerce international, Paris, Economica, 1981, p.5.

16 D. COSSI SOSSA, « La participation des Etats africains à l'arbitrage du centre international pour le règlement des litiges relatifs aux investissements (CIRDI) », Rev. Cam. Arb., numéro spécial (2), Fév. 2010, p.66.

17 R. BRINER, « L'avenir de l'arbitrage : Note introductive dans l'arbitrage : regard sur la prochaine décennie », supplément spécial, BULL. CCI, publication CCI n°612 F., pp.8-9.

18Ph. KAHN, « Problèmes juridiques de l'investissement dans les pays de l'ancienne Afrique Française », JDI, 1965, p.34.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 5

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

C'est dire que pour les pères fondateurs de l'OHADA, l'arbitrage devait être une porte ouverte vers la réalisation des perspectives de développement envisagé, cela au regard des garanties de sécurité qu'il est sensé présenter.

De prime abord, certaines clarifications s'imposent. Ainsi, le vocabulaire juridique de l'association Henri Capitant donne deux sens à la notion d'arbitrage. Premièrement, il s'agit d'une : « mission confiée à un tiers par des parties contractantes afin de déterminer un élément nécessaire à la formation du contrat : prix de vente, montant de loyer... »19. Deuxièmement, l'arbitrage est un : « Mode dit parfois amiable ou pacifique mais toujours juridictionnel de règlement d'un litige par une autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de juger, non d'une délégation permanente de l'état, ou d'une institution internationale, mais de la convention des parties lesquelles peuvent être de simples particuliers ou des états »20.

Si le premier sens ne saurait satisfaire le juriste privatiste, le second quant à lui parait intéressant, même si on peut émettre une réserve dans la mesure où nous pensons que l'arbitrage n'est pas un mode amiable ou pacifique de règlement des différends étant entendu, qu'il s'agit d'une procédure contentieuse qui aboutit fatalement à une sentence qui s'impose aux parties. Ce qui n'est pas le cas pour les modes amiables dont l'issue est incertain, les parties pouvant ne pas aboutir à un accord même lorsqu'elles ont recours à un médiateur ou un conciliateur qui, en aucun cas, ne peut le leur imposer.

Au plan normatif, il convient d'indiquer que bien qu'accordant de l'importance à l'arbitrage, ni le traité OHADA, ni le règlement d'arbitrage de la CCJA, ni l'ancien ou le nouvel acte uniforme sur l'arbitrage21 ne propose de définition à la notion d'arbitrage. Ainsi, au-delà du vocabulaire juridique, il faudra se référer à la doctrine afin d'obtenir ample éclairage. L'arbitrage est dès lors entendu tantôt comme une technique qui vise à faire donner à une question intéressant les rapports entre deux ou plusieurs personnes, par une ou plusieurs autres personnes appelées arbitres, lesquelles tiennent leur pouvoir d'une convention privée et statuant sur la base de cette dernière sans être investies de cette mission par l'État22, tantôt comme l'institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs

19G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, PUF (quadrige), 2007, p.69.

20 Ibid.

21Le 23 novembre 2017, le conseil des ministres de l'OHADA a adopté un nouvel acte uniforme relatif à l'arbitrage ainsi qu'un nouveau règlement d'arbitrage CCJA. Le premier entrera en vigueur le 23 février 2018 (art 36 AUA de 2017), et le second le 23 janvier 2018 (art 34 RACCJA de 2017).

22 R. DAVID, L'arbitrage dans le commerce international, op.cit., p.9.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 6

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci23, et tantôt comme un mode prive de règlement des litiges fondé sur la convention des parties, caractérisé par la soumission d'un litige à de simples particuliers choisis par les parties, directement ou indirectement24.

Dans tous les cas, il ressort de tout ce qui précède que l'arbitrage est un mode juridictionnel de règlement des litiges fondé sur la volonté des parties et alternatif à la justice étatique rendu par des personnes privées. Dans l'espace OHADA, il est régi par l'AUA qui s'applique à l'arbitrage traditionnel constitué des procédures arbitrales ad hoc et de celles se tenant devant les centres d'arbitrage infra étatiques. L'arbitrage y est également régi par le Traité OHADA et par le RA/ CCJA qui s'appliquent aux arbitrages se tenant sous l'égide de la Cour communautaire.

S'agissant du terme sécurisation, il vient du verbe sécuriser, qui signifie donner un sentiment de sécurité25 ; ce dernier venant du latin « securitas », de « securus » qui signifie sûr, au mieux sans soucis, sans inquiétude etc.26. Le dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit donne au mot sécurité trois (03) sens. Tout d'abord, la sécurité s'entend comme un état résultant de l'absence d'une impression de danger, la situation objective correspondant à l'absence réelle de danger27. Ensuite, elle s'entrevoit comme une organisation juridique et politique des conditions propres à engendrer cet état, cette situation28. Enfin, comme les mécanismes institutionnels susceptibles d'y conduire29.

La conjugaison de ces trois sens nous permet de comprendre la notion de sécurisation comme la mise en oeuvre des mécanismes juridiques et institutionnels susceptibles de conduire à la situation objective correspondant à l'absence de danger quant à l'existence et à l'application du droit.

23 Ch. JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, Paris, 1987, p.40.

24 DUTOIT, KNOEFFER, LALIVE, MERCIER, Répertoire de droit international prive suisse, T.1, p.241, L'arbitrage international, cité par P.G POUGOUE, J.M TCHAKOUA ET A. FENEON in L'arbitrage dans l'espace OHADA, PUA, 2000, p.8.

25Dictionnaire petit Larousse en couleur, Edition Larousse, 1972, p.847.

26 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit. p.853.

27Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ème édition corrigée et augmentée, LGDJ, p.544.

28 Ibid.

29 Ibid.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 7

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Enfin, par activité économique il faut entendre toute activité dont l'objet est la production, la distribution ou encore la prestation de service impliquant des échanges commerciaux.

En effet, il sied de préciser que l'adoption et la révision par le Conseil des Ministres de l'OHADA de l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage se sont réalisées en même temps que le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. Ce dernier fixe dans les détails les règles qui régissent l'arbitrage CCJA, dont les grandes lignes sont fixées par le titre IV du Traite OHADA. L'arbitrage OHADA repose donc sur un support dualiste, puisqu'il est régi à la fois par l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage et par le Règlement d'arbitrage de la CCJA. On peut donc remarquer la place particulière que les pères fondateurs de l'organisation ont accordée à l'arbitrage dans la construction d'un espace qui sécurise les activités économiques. Dans un tel contexte, la question qui se pose est de savoir : en l'état actuel du système d'arbitrage OHADA, peut-on valablement soutenir qu'il contribue à la sécurisation des activités économiques dans l'espace juridique intégré ?

Réfléchir sur l'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques suscite un double intérêt juridique et économique. Au plan juridique, cette recherche s'inscrit dans une logique d'amélioration du cadre législatif de l'arbitrage dans l'espace communautaire. Par conséquent, les résultats obtenus pourront éclairer d'une part le législateur en vue d'une éventuelle nouvelle réforme du droit de l'arbitrage OHADA30 et d'autre part la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, organe chargé de veiller à la bonne application des actes uniformes ainsi, qu'à leur parfaite interprétation, afin qu'elle puisse rendre des avis ou des jurisprudences de nature à garantir une meilleure protection des activités économiques dans l'espace OHADA.

Au plan économique, l'objectif de cette étude s'inscrit dans le cadre d'une meilleure promotion de l'arbitrage à travers des règles modernes et adaptées destinées à attirer les investisseurs et par ricochet à booster l'économie de chaque État de l'organisation. C'est donc dans une démarche exégétique, casuistique, en passant par la libre recherche scientifique que nous avons pu obtenir les résultats qui nous permettent de soutenir que bien qu'elle reste à parfaire (Titre II), on peut observer une certaine contribution de l'arbitrage OHADA à la sécurisation des activités économiques dans l'espace communautaire (Titre I).

30 Notre étude nous permettra d'examiner le nouvel acte uniforme, ainsi que le nouveau règlement d'arbitrage CCJA afin de voir quels sont les améliorations apportées au système d'arbitrage OHADA.

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA
A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS
L'ESPACE JURIDIQUE INTÉGRÉ

TITRE I

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 8

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Dans un monde où l'économie se globalise et où le commerce international progresse de façon constante, investir à l'étranger est une manière courante de traiter les affaires, de s'abriter des crises nationales, de diversifier ses placements ou d'abaisser ses couts de production31. Cependant, loin d'être la chasse gardée des opérateurs économiques étrangers, l'investissement est également l'affaire des nationaux qui désirent contribuer à la croissance économique de leurs Etats par la création d'entreprises chacun en fonction de sa bourse. Seulement, qu'elle soit réalisée au plan national ou à l'étranger, l'activité économique est en grande partie composée de prise de risque. C'est la raison pour laquelle les acteurs économiques sont constamment en quête des règles qui sont de nature à sécuriser leurs investissements. Ainsi, la sécurité apparait comme une condition sine qua non de l'investissement et par ricochet du développement. C'est dire que c'est le désire de sécurisation des activité économiques qui a conduit les initiateurs de l'OHADA à faire de l'arbitrage un instrument privilégié de règlement des différends d'ordre contractuel en vue de créer un environnement propice aux affaires32. L'arbitrage était donc bien plus que les autres matières harmonisées appelé à favoriser la sécurité juridique et judiciaire tant voulu par les pères fondateurs de l'OHADA. La lecture des textes fixant le cadre général de l'arbitrage dans l'espace communautaire à savoir le Traité OHADA, l'Acte uniforme relatif au Droit de l'arbitrage et le Règlement d'arbitrage CCJA nous permettra donc de démontrer que l'arbitrage de l'OHADA contribue dans une certaine mesure à la sécurisation des opérations économiques tant au plan juridique (Chapitre I) que judiciaire (Chapitre II).

31 A. E. RUSCA, « L'arbitrage : une stimulation à l'investissement », Rev. Cam. Arb, n°7 Octobre-Novembre-Décembre, 1999, p. 3.

32 R. AMOUSSOU-GUENOU, « L'Afrique, la mondialisation et l'arbitrage internationale », Rev. Cam. Arb, no3, Octobre-Novembre-Décembre, pp.3 et s. V. ég. G. K. DOUAJNI, « Les condition de création dans l'espace OHADA d'un environnement juridique favorable au développement », Revue juridique et politique, 1998, p.43 et s. Ab. DIALLO, Réflexion sur l'arbitrage dans l'espace OHADA, Thèse, Université de perpignan Via Domitia, 2016, p.25.

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UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURITE JURIDIQUE

CHAPITRE I

« Il est vrai que l'acte uniforme qui tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les dix-sept pays d'Afrique, réalise non pas une simple harmonisation du droit des affaires en général et du droit de l'arbitrage en particulier, mais une véritable unification radicale, résolument moderne et même progressiste du droit de l'arbitrage sur une partie importante du continent africain. D'abord, en ne faisant aucune distinction entre les arbitrages internes et internationaux, en donnant ainsi au premier un régime très libéral, celui de l'arbitrage international ; ensuite, en introduisant dans une grande partie du continent les standards internationaux les plus favorables à l'arbitrage, destinés à assurer à la fois la liberté des parties et la sécurité du règlement des litiges »33. C'est par cette assertion que le Professeur Philippe LEBOULANGER tentait de démontrer l'existence d'une contribution véritable de l'arbitrage OHADA à la sécurité juridique dans l'espace communautaire. Mais alors qu'est-ce la sécurité juridique ?

Le principe de sécurité juridique est devenu de nos jours une notion cardinale qui influe grandement l'ordre juridique de la plupart des Etats démocratiques au monde. Considéré comme le gage de la qualité des relations qui peuvent se nouer entre plusieurs acteurs, la sécurité juridique s'apparente à ce que les juristes qualifient de standard et serait même considéré comme consubstantiel au modèle de l'Etat de droit34. Constituant un facteur d'attractivité pour les investisseurs et d'amélioration de l'environnement des affaires, la sécurité juridique permet de gagner la confiance des agents économiques et de favoriser par ricochet les échanges35. Notion imprécise et rebelle à toute tentative de conceptualisation36, la sécurité juridique, concept variable, se révèle être une norme polymorphe et adaptable qui fédère les exigences propres à chaque système juridique et dont l'autonomie est

33 Ph. LEBOULANGER, « Rapport introductif » in L'arbitrage en matière commerciale et des investissements en Afrique, op.cit., p. 22.

34 A. LEVADE, « La sécurité juridique », in 4e convention des juristes de la méditerranée, Acte du colloque d'Alger, 9-10 décembre 2012, La semaine Juridique, Edition Générale, supplément au N° 27, 1erJuillet 2013, p.8.

35 J. P. FERRET, « La sécurité juridique », op.cit., pp.6-7.

36 Ab. KA, La sécurité juridique en droit administratif sénégalais, Mémoire DEA droit public, Université Gaston Berger de saint Louis, 2015, www.memoireonligne.com, consulté le 8 Aout 2019 à 23h00.

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problématique37. Elle n'est jamais définie de manière abstraite et ce n'est que par le recensement de ses expressions techniques, concrètes qu'on pourrait parvenir à cerner son contenu38 ; voilà pourquoi Abdou KA a pu écrire que « la sécurité juridique renferme en elle des éléments épars, ce qui lui donne parfois une dimension tentaculaire. Elle serait une notion fonctionnelle plutôt que conceptuelle. Un travail de systématisation sur la notion de sécurité juridique se révèlerait une entreprise vaine en ce qu'elle ne peut être appréhendée que par rapport à la fonction qu'elle remplit dans l'univers du droit, c'est-à-dire une fonction de sécurisation de l'ordre juridique »39. Toutefois, pour Gérard Cornu, l'idée de sécurité juridique évoque « toute garantie, tout système juridique de protection tendant, à assurer, sans surprise, la bonne exécution des obligations, à exclure ou au moins réduire, l'incertitude dans la réalisation du droit »40. Dans le même esprit, le Professeur Anne LEVADE soutient que le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, à même de connaitre ce qui est permis et ce qui est interdit par le droit applicable41. Thomas PIAZZON, pense qu'il s'agit de « l'idéal de fiabilité d'un droit accessible et compréhensible, qui permet aux sujets de droit de prévoir raisonnablement les conséquences juridiques de leurs actes ou comportements, et qui respecte les prévisions légitimes déjà bâties par les sujets de droit dont il favorise la réalisation »42. De la conjugaison de ces différentes conceptions, se dégage l'idée que l'insécurité juridique, versant négatif de la sécurité juridique, peut découler de la dégradation et des changements trop fréquent des lois, des incohérences et du défaut d'intelligibilité dont elles peuvent faire preuve, ce qui représente inévitablement un obstacle au développement. D'ailleurs, le Professeur Pierre MEYER écrivait à ce titre qu'« Il est sans nul doute exact que la sécurité juridique est une condition nécessaire du développement économique. Aucune activité économique durable ne peut raisonnablement être entreprise si les `'règles de jeu» que constituent les règles de droit ne sont pas connues, précises, correctement appliquées et dotées d'une certaine stabilité »43 .

37 M. NADEAU, « Perspective pour un principe de sécurité juridique en droit canadien : les pistes du droit européen », RDUS, 2009, p.511.

38 D. SOULAS DE RUSSEL, PH. RAIMBAULT, « Nature et racine du principe de sécurité juridique : une mise au point », RIDC, Vol 55, n° 1, 2003, pp.85-103.

39 Ab. KA, La sécurité juridique en droit administratif sénégalais, op.cit.

40 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 1990, p.750.

41 A. LEVADE citant le rapport du Conseil d'Etat français, sécurité juridique et complexité du droit, 2006, in « La sécurité juridique », op.cit., p.9.

42 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, LGDJ, 2009, spécial, n° 48.

43 P. MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l'espace OHADA », RTDA, n° 855, p.151.

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À cet aune, la sécurité juridique impliquerait donc plusieurs impératifs dont les principaux sont l'accessibilité, la prévisibilité et la stabilité des règles de droit. Vue sous cet angle, le droit de l'arbitrage assure-t-il la sécurité juridique des transactions économiques dans l'espace OHADA ? À cette question, une réponse affirmative peut s'imposer, si l'on prend en compte le fait que dans l'espace juridique intégré s'est érigé un droit supranational de l'arbitrage (Section 1), qui se veut à la fois original et moderne (Section 2).

Section 1 : La consécration d'un droit supranational de l'arbitrage : une
source de sécurité juridique dans l'espace OHADA

Comme précédemment indiqué, investir c'est risquer. Aussi la volonté de recourir à l'arbitrage est un moyen pour les opérateurs économiques de se rassurer par rapport aux risques qu'ils prennent dans leurs activités. Vue sous cette angle, l'arbitrage s'avère être « la seule méthode réaliste de résolution des litiges commerciaux internationaux »44. Gage supérieur de sécurisation des activités économiques, son caractère supranational dans l'espace OHADA garanti aux investisseurs désireux de s'évader de la justice étatique, son accessibilité (Paragraphe1), sa prévisibilité et sa stabilité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La supra nationalité comme facteur d'accessibilité à
l'arbitrage par les investisseurs dans l'espace OHADA

Participant de l'exigence de sécurité juridique, l'accessibilité trouve son fondement dans le fait que la règle de droit soit extérieure à la volonté individuelle de ses destinataires45. Il est donc important que les sujets de droit aient la possibilité d'en prendre connaissance. Pris dans ce sens, la supranationalité permet aux acteurs économiques d'accéder à l'arbitrage OHADA pour le règlement des litiges nés de leurs investissements. C'est dire que la supranationalité du droit de l'arbitrage OHADA permet de garantir à la fois son accessibilité substantielle (A) et matérielle (B).

44 R. BRINER, « L'avenir de l'arbitrage, note introductive dans l'arbitrage : regard sur la prochaine décennie », Supplément spécial, Bull. CCI, Publication CCI no 612F., pp.8-9.

45 J. L. AUBERT, Introduction au droit, PUF, 2007, p.15.

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A. L'accessibilité substantielle

Première facette de la notion d'accessibilité, l'accessibilité substantielle ou intellectuelle46des règles juridiques suppose la compréhension du sens de celles-ci. Elle exige du droit qu'il fasse preuve de lisibilité, de clarté et d'intelligibilité47.

Entendue comme étant la qualité d'un texte susceptible d'être lu promptement, facilement assimilable, et donc les éléments essentiels sont identifiables et retenus simplement48, la lisibilité suppose d'abord au plan physique que les textes soient formellement présentés de façon cohérente, afin qu'ils puissent aider à la compréhension de leurs sens. Ainsi, le choix des termes du titre, la numérotation des articles et des paragraphes, la composition des alinéas doivent être de nature à favoriser la compréhension facile des réglés de droit49. Au plan linguistique, la lisibilité suppose également la prise en compte de la langue et de son bon usage50.

S'agissant de la clarté, elle peut se définir comme le caractère de ce qui se comprend aisément. Elle suppose l'obligation pour celui qui fait la loi d'être suffisamment clair et précis afin que nul n'en ignore. Selon le Professeur André AKAM AKAM, « l'imprécision des termes, leur mauvais emploi ou encore l'imprécision des phrases, constituent des barrières à la compréhensibilité de la loi »51. L'obligation de clarté interdit donc de verser dans l'usage « des termes vagues, au contenu mal délimité »52, la loi devant être pareille à une chaussée bien pavée sur la quelle l'on puisse circuler avec assurance53.

Enfin l'intelligibilité signifie que la loi soit à la portée de tous et facile à comprendre, parce que rédiger en des termes simples, précis et clairs. Aussi, pour reprendre la Cour européenne des droits de l'homme « on ne peut considérer de loi qu'une norme énoncée avec suffisamment de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite en s'entourant au besoin de conseils éclairés, pour qu'il soit à même de prévoir (...) les conséquences de nature

46 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, coll. de thèse, Ed. Defrenois, Tome 35, 2009, p.18.

47 Op.cit., p.19.

48 G. KOUBI, « Lire et comprendre : quelle intelligibilité de la loi ? », in Le titre préliminaire du code civil, G. FAURE et G. KOUBI (Dir.), Économica, coll. Etude juridiques, 2003, pp.215 et s. spéc. p.227, Th. PIAZZON, La sécurité juridique, op.cit., p.19.

49 Ibid.

50 Voir G. NICOLAU, « Accessible droit ! », RRJ, 1998, pp.46-47.

51 A. AKAM AKAM, « Libres propos sur l'adage « nul n'est censé ignorer la loi », R.A.S.J., Yaoundé II, Vol .4, no1, 2007, p.51.

52 R. MERLE et A. VITU, Traité, Problèmes généraux de la science criminelle, droit pénal général, Paris, Cujas, 5eme éd., no 160.

53 M. HAURIOU, Précis de droit administratif et droit public, Dalloz, 12eme éd., 2002, p.238.

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à découler d'un acte déterminé »54. Toutes ces notions se rapportant à l'accessibilité substantielle ou intellectuelle peuvent être considérées comme se ramenant à une exigence générale de qualité du droit55. Dès lors, vue sous ce prisme, un retour dans l'histoire politique des Etats de l'Afrique subsaharienne dont la plupart sont parties aujourd'hui au traite OHADA, nous révèle que dans les anciennes colonies françaises, l'arbitrage était marqué par « le principe de spécialité législative »56. En application de ce principe, seule les textes promulgués en métropole et déclarés expressément applicables devaient recevoir application dans les territoires d'outre-mer57. La spécialité législative fut appliquée aux pays tels que le Benin, le Burkina Faso, le Cameroun58, la Centrafrique, le Congo, la Cote d'ivoire, le Gabon, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, et le Tchad59. La procédure civile, le droit commercial et le droit administratif constituent des exemples d'application de ce principe en matière d'arbitrage.

Pour ce qui est de la procédure civile, en vertu du décret du 15 mai 1889 relatif à la réorganisation du Sénégal, une importante partie du Code civil français de 1806 fut rendue applicable aux anciennes possessions françaises d'Afrique occidentale. Seulement, les dispositions relatives à l'arbitrage contenues dans le livre III manquaient à l'appel60.

En droit commercial, c'est suite aux décrets du 6 Aout 1907 et du 15 janvier 1910 que le Code du commerce de 1807 fut déclaré applicable dans certains territoires d'outre-mer, puis à l'ensemble de l'A.O. F et de l'A.E. F61. Plus tard, grâce au décret du 16 mars 1954, la loi du 31 décembre 1925 complétant les dispositions du Code de commerce et autorisant la clause compromissoire en matière commerciale fut déclarée applicable à ces anciens

54 C.E.D.H, 24 Avril 1990, Kruslin et Huvig c. France, J.C.P., 1990-II, 21.541, Note Jeandidier, D., 1990,01343, Note J. PRADEL, cite par F. EDIMO, « L'incrimination du terrorisme en droit Camerounais », Juridical tribune, Vol.6, ISSUE 1, June 2016, p.167.

55 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, op.cit., p.20.

56 R. AMOUSSOU-GUENOU, « Droit de l'arbitrage en Afrique avant l'OHADA », in l'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Ph. FOUCHARD (Dir.), Bruylant Bruxelles, 2000, p.27.

57 C. LUSSAN, Législation des sociétés dans les territoires d'outre-mer et dans les territoires associés (A.E. F-A.O. F-Madagascar-Togo-Cameroun), copyright by Claude LUSSAN, 1953.20, Adde, M. JEOL, La réforme de la justice en Afrique noire, Paris, éd. A. Pedone, 1963, R. AMOUSSOU-GUENOU, « Droit de l'arbitrage en Afrique avant l'OHADA », Ibid.

58 Le Cameroun était soumis à un statut particulier du fait qu'il fut placé après la seconde guerre mondiale sous mandat français et anglais.

59 R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

60L. IDOT, Rev. Arb., 1989.530, V. R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

61Encyclopédie juridique de l'Afrique noire, les nouvelles éditions Africaines, ISTRA, 1982, 10 Vol. Première partie, législation, V. R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

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territoires62. Toutefois, la clause compromissoire ne sera autorisée que dans les cas prévus à l'article 631 alinéa 1er du Code de commerce à savoir : aux contestations relatives aux engagements entre négociants, marchands et banquier, aux contestations entre associés pour raison d'une société de commerce et enfin aux contestations nées d'actes de commerces parfaits, quel que soit la personne et à l'égard de laquelle la compétence du tribunal de commerce est exclusive63.

En droit administratif où le recours à l'arbitrage pour la personne morale de droit public était proscrit en principe, la loi française du 17 avril 1906 autorisa exceptionnellement le recours à l'arbitrage pour régler les différends relatifs aux marchés de fourniture de travaux publics64 .

Il ressort donc qu'en dehors de l'article 631 alinéa 1er du code de commerce, le recours à l'arbitrage n'était prévu nul autre part. Le principe de spécialité législative comportait donc des limites, du fait de son application sélective, parcellaire et incomplète65. C'est d'ailleurs ce qui expliquait la disparité des règles d'un territoire a un autre, d'un ensemble colonie à d'autres ou encore entre la métropole et ses colonies66. Selon Roland AMOUSSOU-GUENOU « cette absence d'extension législative complète et uniforme aux anciennes colonies fut, après les années 1960, à l'origine de l'embarras des juges étatiques africains amenés à statuer en matière d'arbitrage »67. En effet, dès les années 1960, par le biais de la continuité législative, les Etats nouvellement indépendant héritèrent du système français.

La continuité s'était opérée activement dans certains Etats et passivement dans d'autres.

Les Etats ayant opté pour la continuité active avaient procédés à l'introduction plus ou moins complète, des dispositions relatives à l'arbitrage dans leur code procédure civile tels qu'elles étaient en France lors de leur accession à l'indépendance68 .

62 Décret no 54-325 du 16 mars 1954, Recueil annoté de textes de procédure civile et commerciale applicable en Afrique occidentale française, de G. J. BOUVENET, Paris, éd. De l'union française, 1954, V. R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

63 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., p.30.

64 A. BOCKEL, « Les contrats administratifs : données générales, le problème de l'arbitrage », Encyclopédie juridique de l'Afrique, spec. 265, voir R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

65 J. P. MOUSSERON, Le pouvoir et la justice en Afrique noire francophone et à Madagascar, Paris, Pedone, 1966, p. 23. V. ég. K. AMEGA, « Dix ans de droit en Afrique noir », RTDA, 1972, p.285.

66 D. ARBACHI, note sous Cour Suprême du Niger du 28 novembre, 1991, et Cour d'État du Niger du 13 octobre 1988, RTDA, 1994, no 814, p. 108.

67 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., p.32.

68 Cameroun (art. 576 a 601 du Code de procédure civile et commerciale du 16 décembre 1954), Gabon (Art.972 a 993 du Code de procédure civile gabonais du 2 février 1977), Tchad (Art. 370 a 383 de l'ordonnance du 28

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S'agissant des Etats ayant opté pour la continuité passive69, ceux-ci n'avaient pas recueillis le droit français de l'arbitrage tel qu'il se présentait au moment de leur accession à l'indépendance. Il y avait donc un vide juridique en la matière qui traduisait une anomalie dans les systèmes juridique de ces Etats, dans la mesure où, s'il existait un texte qui autorisait bien que restrictivement la clause compromissoire à savoir l'article 631 alinéa 1, on remarquait l'absence de règles procédurales permettant à l'arbitrage de fonctionner. Cette situation a été à l'origine d'une hésitation jurisprudentielle en Côte d'ivoire. En effet, par arrêt rendu le 17 mai 1985 dans l'affaire Talal Massi c / Omais70, La Cour d'appel d'Abidjan, saisie des incidents relatifs à l'exequatur d'une sentence arbitrale, avait conclu à la régularité de l'ordonnance contestée. Aussi déclara-t-elle qu'« il est clair que l'article 631 du Code de commerce autorise la clause compromissoire voulue et acceptée par les parties en cause, celles-ci ont même expressément renoncé à tout recours aux tribunaux pour connaître de leurs litiges éventuels (...). Les clauses compromissoires insérées dans les protocoles d'accord ne sont nullement contraires à l'ordre public ivoirien (...). Il s'ensuit que la sentence présentement attaquée est valable ». D'avis différent, Par un arrêt en date du 29 avril 1986, la Cour suprême cassa la décision de la Cour d'Appel Abidjan, motifs pris de ce que « Les parties peuvent insérer dans un acte qui les lie, une clause compromissoire visant à une procédure d'arbitrage, il n'en reste pas moins vrai que les conditions et les modalités de cet arbitrage doivent être prévues par le législateur. ». Par conséquent, bien que reconnaissant validité des clauses compromissoires, la Cour suprême estimait qu'à défaut de réglementation étatique en la matière, la sentence arbitrale ne pouvait être validée. Interprétation que la Cour d'Appel de Bouaké (Cour d'appel de renvoi), refusa de suivre au regard de son arrêt rendu en date du 25 novembre 1987 dans lequel elle déclarait que « la sentence arbitrale ne contenant rien de contraire à l'ordre public, c'est à tort que l'ordonnance accordant l'exequatur à ladite sentence a été rétractée ». Confrontée à une telle résistance des juges du fond, la Cour suprême dut se réunir en assemblée plénière pour adopter une position définitive. C'est ainsi

juillet 1967 portant promulgation d'un Code de procédure civile au Tchad), Togo (Art. 275 à 290 du Code de procédure civile togolais du 15 mars 1982), Congo (Art. 310 de la loi 51/83 du 21 Avril 1983 réglant la procédure civile, commercial et administrative), cf. P. MEYER, « Le droit de l'arbitrage », www.ohada.com, consulté le 11 Février 2018 à 21h07, p.1.

69 Le Code de procédure du Benin du 23 mars 1981 ne contenait aucune disposition sur l'arbitrage, le Burkina Faso n'a élaboré un code de procure qu'en 1999, le code de procédure Malien du 18 Aout 1961 ne contenait aucune disposition sur l'arbitrage, en Côte d'Ivoire, il n'existait pas de loi relative à l'arbitrage, c'est le droit français qui s'appliquait (cf. cour suprême de côte d'ivoire, 4 avril 1989, in Rev. Arb., 1989.530, note L. IDOT).

70 Sur l'affaire TALAL MASSI c/ OMAIS, V. Rev. Arb, 1989, p. 530. Voir également YOUGONE Frank Nicéphore, Arbitrage commercial international et développement : étude du cas des Etats de l'OHADA et du MERCOSUR, Thèse, Université MONTESQIEU-BORDEAU IV, 2013, pp. 64-65.

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que par un arrêt du 4 avril 1989, elle consacrait la licéité et la validité de la sentence arbitrale. En se fondant sur les motifs suivants : « Après avoir énuméré les contestations qui sont de la compétence des tribunaux de commerce, l'article 631 du Code de commerce dispose en son alinéa 2 que toutefois, les parties pourront au moment où elles contractent, convenir de soumettre à des arbitres les contestions ci-dessus énumérées lorsqu'elles viendront à se produire. Qu'il s'induit de ce texte que le principe du recours à l'arbitrage est admis en Côte d'Ivoire ; Que s'il est constant que le code de procédure civile, commerciale et administrative n'a ni prévu, ni organisé l'arbitrage, il est non moins constant que pour l'application dudit texte, les juridictions ivoiriennes ont recours soit aux principes généraux du droit , soit aux dispositions du livre III du code de procédure civile français à titre de raison écrite ; Qu'il s'ensuit que la Cour d'appel, en déclarant valables la clause compromissoire et la sentence qui en résulte n'a aucunement violé les textes au moyen ».

C'est donc face à toutes ces hésitations jurisprudentielles que le législateur ivoirien, s'inspirant des reformes opérées en France en 1981 a réagi en adoptant la loi n ° 93/671 du 3 août 1993 relative à l'arbitrage.

Dans les pays anglophones régis par l'« indirect rule », à contrario du système français, l'extension législative portait sur l'ensemble du droit processuel anglais tel qu'il était en vigueur en Angleterre à la date de son introduction dans les colonies. À l'opposé de la France, l'Angleterre avait étendu à toutes ses colonies l'ancienne `'arbitration act» de 188971.

Il ressort donc que l'extension sélective du droit français, l'absence de procédure permettant de mettre en oeuvre l'arbitrage dans certains États, le silence de certaines législations en matière d'arbitrage72, la référence à l'article 631 du code de commerce de 1807 qui était déjà dépassé et inadapté, le caractère désuet, éparpillé et incomplet de certaines législations sur l'arbitrage étaient source d'insécurité juridique pour les opérateurs économiques désireux d'investir en Afrique. Cette insécurité juridique se matérialisait par les incertitudes et les incohérences qui rendaient difficile l'accès à ce mode de règlement des différends, voire impossible, alors même qu'il est considéré en matière d'investissement comme la garantie la plus précieuse qui puisse être accordée à un investisseur73. Aussi, en ayant recours à la technique de l'harmonisation, les États de l'OHADA se sont dotés d'une

71 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., pp.36-37.

72 Notamment dans les Etats lusophones (Cap vert, guinée Equatorial, etc.)

73 Ph. KAHN, « Les problèmes juridiques de l'investissement dans les pays de l'ancienne Afrique française », JDI, 1965, P.340.

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législation supranationale en matière d'arbitrage. Cette supranationalisation a permis d'obtenir un droit unique de l'arbitrage74 dans les États parties, des règles de procédure75 lisibles, intelligibles et dotées d'une clarté non négligeable, eu égard de leurs rédactions en des termes simples et précis, les rendant facilement compréhensibles et donc substantiellement ou intellectuellement accessibles à tout acteur économique désireux de ne pas recourir à la justice étatique pour régler les différends nés de ses opérations.

Des lors, pour pasticher le conseil d'État français76, on peut soutenir que la supranationalité du droit de l'arbitrage OHADA permet aux investisseurs nationaux et étrangers d'être sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu en matière arbitrale.

B. L'accessibilité matérielle

Si le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient suffisamment lisibles, claires et intelligibles, il exige également que les destinataires desdites règles soient en mesure d'en connaitre le contenu. Voilà pourquoi Xavier SOUVIGNET écrivait que « sans un minimum d'accessibilité et d'intelligibilité de la règle de droit, il n'y a qu'arbitraire et chaos, c'est-à-dire le contraire même du droit »77. L'auteur faisant référence à l'accessibilité matérielle ou formelle, seconde facette de la notion d'accessibilité, cette dernière signifie positivement que les usagers du droit aient la possibilité d'accéder matériellement au corpus des règles juridiques78. Négativement, elle implique l'absence d'obstacle à l'accès matériel de la règle de droit et donc à « la faculté de ses destinataires de la débusquer »79.

Considéré de la sorte, le droit ne doit être ni mystique ni ésotérique. Il doit faire l'objet de publicité afin que ses destinataires puissent connaitre ce qu'il autorise et ce qu'il interdit. Ainsi, sans être une condition d'existence de la règle de droit, l'accessibilité formelle ou matérielle constitue une condition de son acceptabilité, au mieux de sa légitimité80. La règle de droit ne saurait donc être opposable à ses destinataires avant qu'ils n'aient la possibilité d'en prendre connaissance.

74 Il s'agit de l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage.

75 AUA et le règlement d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage.

76 Rapport du conseil d'État Français de 2006 sur la sécurité juridique.

77 X. SOUVIGNET, « L'accès au droit, principe du droit, principe de droit », Jurisdoctoria, no1, 2008, p.23.

78 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, op.cit., p.18.

79 N. MOLFESSIS, « La sécurité juridique et l'accès aux règles de droit », RTD civ. 2000, p.662.

80 E. CARTIER, « Accessibilité et communicabilité du droit », Jurisdoctoria, no1, 2008, pp. 169-175.

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En droit OHADA, l'accessibilité matérielle est au coeur de la réflexion juridique. Garanti par le principe de publicité des actes uniformes, l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et le règlement d'arbitrage de la CCJA ne sauraient déroger à la règle, aussi ne peuvent- ils être opposables aux États parties que pour autant qu'ils aient fait l'objet de mesures de publicité adéquates. À ce titre, les lois ne pouvant obliger sans être connues81, la procédure de publicité des Actes uniformes est réglementée par le traité OHADA qui prévoit que ceux-ci sont publiés au journal officiel de l'OHADA par le Secrétariat Permanent dans les soixante jours suivant leur adoption82. Cette publicité faite au plan communautaire est complétée au plan national par la publication des Actes uniformes au journal officiel des Etats parties ou par tout autre moyen approprié83

Relativement aux termes « tout moyens appropriés », l'organisation s'est dotée d'un journal officiel en sus celui existant dans chaque État partie, d'un site internet84, des codes annotés dans lesquels on trouve la toute la législation OHADA85, d'un répertoire de jurisprudence et enfin d'une revue86 ou l'on pourrait retrouver des articles de doctrines axés sur l'arbitrage de l'OHADA87. Tous ces moyens facilitent l'accessibilité matérielle du droit de l'arbitrage commun à l'ensemble des États de l'organisation. Dès lors, si on peut retenir que la supranationalité constitue un facteur d'accessibilité intellectuelle et matérielle du droit de l'arbitrage de l'OHADA, il reste de démontrer quelle en est également une source de prévisibilité et de stabilité.

Paragraphe 2 : La supranationalité comme source de prévisibilité et de
stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA

Dans l'optique de faciliter notre démonstration, nous commencerons par examiner la prévisibilité(A) et terminerons avec la stabilité(B) ; le tout à l'aune de la supranationalité de l'arbitrage OHADA.

81 J. E. M. PORTALIS, Discours préliminaire du premier projet de code civil, www.justice.gc.ca, Consulté le 9 Aout 2019 à 3h12.

82 Art.9 al.1.

83 Ibid. al. 2.

84www.Ohada.com

85 Il s'agit des codes commentés (vert et bleu).

86 La revue de l'ERSUMA.

87 Cf. A. POLO, « Présentation du site internet de l'OHADA », Rev. Cam. Arb, no 2, Juillet-Aout-Septembre 1998, p.20.

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A. La supranationalité comme source de prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA

Dans ses rapports avec le temps, la règle de droit doit permettre à ses destinataires, de prévoir les conséquences juridiques de leurs actions. Ces derniers doivent donc pouvoir compter sur leurs prévisions, lorsqu'ils actualisent leurs actions dans la durée88. Vu dans ce sens, la prévisibilité renferme les règles de non rétroactivité et de respect des situations acquises.

S'agissant de la non rétroactivité de la règle de droit, ce principe signifie que les lois n'ont d'effets que pour l'avenir et ne devrait donc pas régir les situations antérieures. Quant au respect des situations acquises, il s'agit d'une règle qui commande que le changement de la loi ou d'un droit ne doit pas constituer une menace pour les situations légitimement acquises. Le droit étant le jouet et l'instrument des passions, la remise en cause de ce qui a été fait et légalement fait constitue une des pires menaces qui puisse peser sur les rapports des hommes les uns envers les autres89. La sécurité juridique exige donc que ces règles soient respectées.

Dans l'espace OHADA, la supranationalité du droit de l'arbitrage constitue une source de prévisibilité de ce droit. En effet, l'article 35 AUA dispose « le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les États parties. Il n'est applicable qu'aux procédures arbitrales entrées après son entrée en vigueur »90. Ainsi, les usagers de l'arbitrage peuvent donc sans crainte effectuer leurs prévisions sur la base du texte en vigueur au moment de la réalisation de leurs transactions. Dans un Arrêt No 001/2002 du 10 janvier 2002, la CCJA a eu l'occasion de se prononcer sur la non rétroactivité de l'AUA et du respect des situations acquises en ces termes « attendu en l'espèce que l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage auquel se réfère la requérante a été adopté le 11 mars 1999 ; qu'il édicté en son article 35 que « le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les États parties. Celui-ci n'est applicable qu'aux instances nées après son entrée en vigueur » ; que l'alinéa 2 de l'article 36 du même acte uniforme précise qu'« il entrera en vigueur

88 Ab. KA, op.cit.

89 B. de JOUVENEL, Du pouvoir, Hachette littérature, coll. Pluriel, 1972, p.511.

90 Cette disposition est contenue dans le nouvel acte uniforme de 2017 et est identique à celle qui se trouvait dans celui de 1999.

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conformément aux dispositions de l'article 9 du traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique » ;

Attendu qu'au regard des dispositions susmentionnées, il apparait clairement que l'acte uniforme susvisé ne pouvait être applicable à l'instance du fait même de l'antériorité de celle-ci ; qu'en effet, la date prononcée de la sentence arbitrale le 19 mars 1999, ledit acte uniforme n'était pas encore entré en vigueur (...) qu'il échet en conséquence de se déclarer incompétent et de renvoyer la requérante à mieux se pourvoir »91. Nous pouvons donc soutenir que la supranationalité a favorisé la mise en place d'un régime de publicité qui garantit la prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA.

B. La supranationalité comme source de stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA

Comme les exigences d'accessibilité et de prévisibilité, la stabilité est une facette de la sécurité juridique. Elle est essentielle à un point ou le Conseil d'État français a pu dire que les lois jetables ne sauraient être respectables92. Le Doyen RIPPERT, l'un des plus fervent défenseurs des vertus de la stabilité du droit écrivait : « le droit qui prend sa valeur dans la continuité y prend également sa légitimité »93, ou encore qu'on ne devrait pas s'imaginer que le droit soit autre chose qu'ordre et continuité, ni que le monde puisse vivre le bonheur en l'absence de sécurité que confère le droit94. Cependant, plus qu'une insécurité véritable, l'instabilité du droit renvoie à un sentiment d'insécurité95. Il s'agit d'une insinuation dans l'esprit des usagers du droit, une suspicion de l'existence de l'insécurité pour leur situation personnelle. Le Doyen CARBONIER parlait de la création par l'instabilité du droit, d'une situation d'inquiétude et d'anxiété juridique chez ses destinataires, quand bien même leurs situations juridiques personnelles ne seraient pas en cause96.

91 CCJA, Arrêt No001/2002 du 10 janvier 2002, Affaire Compagnie des transports de MAN dite CMT/c Compagnie d'Assurance COLLINA S.A, Rev. Cam. Arb., n° 19, Octobre- Novembre- Décembre 2002, pp.10 et s.

92 CE, « De la sécurité juridique », in rapport public, 1991, p.31.

93 G. RIPPERT, Les forces créatrices du droit, LGDJ, 2ème éd., 1955, N°1, p.2.

94 G. RIPPERT, Le déclin du droit : étude sur la législation contemporaine, LGDJ, 1949, p.154.

95 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, Tome 35, op.cit., p.37.

96 J. CARBONIER, « La part du droit dans l'angoisse contemporaine », Encyclopédie française, Le monde en devenir, Tome XX, Paris, Larousse, 1959, pp.187 et s.

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Pour Thomas PIAZZON, « l'instabilité est l'absence de changement du contenu de la règle par celui qui a compétence pour la modifier »97. Selon cet auteur l'instabilité résulte de la modification des solutions apportées aux problèmes déjà connus et réglés par le droit positif. Ce qui impliquerait qu'au coeur même de la notion d'instabilité, se trouve l'idée de pathologie. Ainsi, loin de porter sur le changement entant que tel de l'état du droit positif, qui peut être modifié dès lors qu'il cesse de protéger les usagers, le véritable problème est lié à la multiplication des changements, étant donné que la règle de droit, qu'elle soit législative ou jurisprudentielle, trouve une bonne partie de sa valeur dans la stabilité98. René DEMOGUE, dans le même sens, soutenait qu'il n'y a rien qui s'oppose le plus au respect et à l'idée même du droit que l'instabilité législatives et juridique ; que de ce fait, le droit étant la charpente solide des sociétés humaines, des modifications ne doivent y être introduites qu'à bon escient et après des études approfondies et ample réflexion99.

Selon le Professeur Anne LEVADE, l'instabilité du droit renvoie à un aspect purement quantitatif, ce qui suppose l'inflation normative ou la multiplicité des normes100. Découlant de la prolifération des normes, l'inflation normatives est parfois source de désordre et peut s'avérer être la cause du défaut de clarté des règles, des incohérences, des contradictions, d'interprétation qui contrastent, en gros d'insécurité juridique.

Dans l'espace OHADA, soucieux de créer un environnement juridique et judiciaire favorable au développement, les États de l'OHADA ont renoncé à une partie de leur souveraineté au double plan législatif et judiciaire101. Par cette démarche, ces derniers ont confié au législateur communautaire le soin de légiférer sur l'ensemble des matières qui ressortissent du droit des affaires, ce qui a permis la création des règles de droit supranationales, parmi lesquelles celle relative à l'arbitrage. En effet, directement applicable et obligatoire dans les États parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure102, l'AUA est doté d'une force abrogatoire qui fait de lui le droit commun de l'arbitrage dans l'espace juridiquement intégré. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'article 35 alinéa 1er de ce texte qui dispose : « le présent acte uniforme tient lieu de loi

97 Voir Th. PIAZZON, op.cit., p.32.

98 Ibid.

99 Référence à Courcelles-Seneuil, in Les notions fondamentales du droit privé : Essai critique, éd. A. Rousseau, Paris, 1911, p. 110.

100 A. LEVADE, op.cit., p .9.

101 G. K. DOUAJNI, « L'abandon de souveraineté dans le traité OHADA », in Recueil Penant, N°830, Mai-Août 1999, p.1.

102 Cf. art 10 du Traité OHADA

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relative à l'arbitrage dans les États parties ». On assiste donc à la neutralisation du pouvoir normatif des États parties, qui se traduit par la prévention de toute tentative de changement ou de modification intempestives des règles applicables à l'arbitrage ou encore d'une éventuelle inflation normative en la matière dans l'espace OHADA. Vu sous cet angle, il sied de reconnaitre que la supranationalisation favorise la stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace juridiquement intégré. D'ailleurs, la toute première réforme de l'AUA de 1999 n'a eu lieu que récemment103.

In fine, il ressort des développements qui précèdent que la supranationalisation du droit de l'arbitrage dans l'espace communautaire a permis d'obtenir des règles accessibles, prévisibles et stables ; cela au bénéfice des investisseurs qui, désormais, ont la possibilité d'accéder substantiellement et matériellement aux règles applicables à l'arbitrage dans l'OHADA, d'effectuer leurs prévisions sur la base du droit en vigueur et de passer des opérations économiques, sans crainte des changements intempestifs des règles ou d'une éventuelle inflation normative en matière d'arbitrage. On peut donc soutenir que la consécration d'un droit supranational de l'arbitrage constitue une source de sécurité juridique des transactions économiques dans l'espace OHADA. Cette sécurité juridique est d'autant plus garantie par l'originalité et le modernisme de l'arbitrage communautaire.

Section 2 : L'originalité et le modernisme de l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité juridique dans l'espace OHADA

Dans son rapport relatif au projet d'harmonisation du droit des affaires, le juge KEBA M'BAYE pointait du doigt la vétusté des textes comme source d'insécurité juridique104. Comme nous l'avons indiqué105, le droit de l'arbitrage était marqué par cette réalité. Aussi dans le but d'en faire une meilleure garantie pour les opérateurs économiques, les États parties au traité OHADA se sont dotés d'un droit de l'arbitrage faisant preuve à la fois d'originalité (Paragraphe1) et de modernisme (Paragraphe 2), assurant de ce fait en leur sein une sécurité juridique certaine.

103 Les actes uniformes ne peuvent être modifiés que dans les conditions prévues par les articles 7 à 9 du Traité et à la demande de tout État partie. Celui relatif au droit de l'arbitrage datant du 11 mars 1999 a été modifié le 23 novembre 2017.

104 A. POLO, « L'OHADA : histoire, objectif, structure », in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, op.cit., 2010, p.10.

105 V. Supra, p.2.

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Paragraphe 1 : l'originalité du droit de l'arbitrage OHADA

L'originalité du droit de l'arbitrage OHADA tient de l'érection d'un principe de l'unité du régime juridique (A), que le législateur africain a tout de même voulu limiter (B), compte tenu des réalités du commerce international.

A. L'érection du principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage dans le droit OHADA

Il est établi que le régime juridique de l'arbitrage trouve souvent son fondement dans le caractère interne ou international du litige. En droit OHADA, le législateur communautaire a opté pour l'unité du régime juridique en disposant à l'article 1erAUA que « le présent acte uniforme a vocation à s'appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l'un des Etats parties ». De ce fait, contrairement à d'autres législations106, le législateur africain n'accorde aucune distinction entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international de droit privé107. Selon certains auteurs, « la distinction entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international est depuis longtemps menacée par deux phénomènes : les protagonistes veulent de plus en plus s'évader des lois étatiques, les règles spécifiques à l'arbitrage international exerçant une attraction sur l'arbitrage interne »108. Aussi, compte tenu du caractère internationaliste très poussé dont fait montre la loi uniforme qui a vocation à s'appliquer à l'ensemble des États parties, établir une nouvelle frontière entre cet espace et les autres pays du monde peut s'avérer inutile et dangereux109. C'est dire que l'unité du régime est porteuse de plusieurs avantages. En effet, elle permet d'épargner aux juristes la difficulté qu'il y a à définir et à établir le critère d'internationalité qui varie très souvent en fonction des pays. À ce titre, il sied de rappeler que l'internationalité est évoquée pour marquer la différence entre un arbitrage national ou interne et celui qui traverse les frontières nationales. Ainsi, deux critères utilisés séparément ou cumulativement, permettent de définir le concept d'internationalité : l'un juridique et l'autre économique. Juridiquement, la détermination de l'internationalité de l'arbitrage consiste à porter l'attention sur les parties (nationalité,

106 La France, la suisse, le Danemark, l'Irlande etc.

107 L'arbitrage international pris au sens strict désigne un arbitrage dont les parties sont des sujets de droit international. Il s'agit d'un arbitrage de droit public international. Cependant, l'arbitrage international désigné également l'arbitrage de droit international de droit privé donc qui découle d'une relation juridique privée. V. P. MEYER, « Le droit de l'arbitrage », op.cit., p.9.

108 P-G. POUGOUE et G. K. DOUAJNI, « Notion d'arbitrage », Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2012, p.1198.

109 A. BA, « Droit de l'arbitrage OHADA- session de formation des formateurs auxiliaires de justice (greffiers, huissiers de justice) », module 1 ; du 9 au 21 juillet 2001.

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domicile, siège social), sur les modalités du contrat à savoir le lieu de conclusion ou d'exécution voir même sur lieu de l'arbitrage. Économiquement, l'internationalité de l'arbitrage est fondée sur la nature du litige de telle sorte qu'il mette en cause les intérêts du commerce international. Tel est d'ailleurs la conception qui a été retenue par la jurisprudence française110. Certains pays ont plutôt opté en faveur du cumul des deux critères. C'est le cas notamment de la Guinée et de l'Algérie111.

Le système moniste permet également d'éviter la question délicate de la qualification du litige. Aussi devient-il inutile de rechercher les critères de distinction entre un fait national et un fait international, justifiant par conséquent le caractère de l'arbitrage112. C'est donc dire que l'approche unitaire a pour avantage de rompre avec l'utilité de la définition de l'internationalité de l'arbitrage et comme le relevait le Professeur FOUCHARD dans le rapport de synthèse sur l'arbitrage OHADA, lors d'une conférence tenue à Alexandrie : « C'est évident, il est plus simple, en soi de n'avoir qu'un seul corps de règles. Mais c'est surtout lors de leur mise en oeuvre (règles) que cet avantage est tangible, car le dualisme oblige à se prononcer sur un problème de qualification : l'arbitrage est-il interne ou international ? La difficulté est plus ou moins grande selon le critère retenu pour distinguer arbitrage interne et arbitrage international »113. Nous pensons donc que l'unité du régime juridique participe au renforcement de la sécurité juridique des activités économiques dans l'espace OHADA eu égard du fait qu'il, permet de faciliter la mise en oeuvre du droit communautaire de l'arbitrage.

B. L'exception au principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage dans le droit OHADA

S'il est certain qu'elle présente des avantages considérables, il demeure également vrai que l'unité de régime juridique entre arbitrage interne et international ne peut qu'être relative, l'assimilation complète des deux types d'arbitrage étant impossible. Selon MOUSSA Diakité « elle peut, sans nul doute, concerner la procédure arbitrale mais elle ne peut pas porter sur

110 V. D. MOUSSA, L'arbitrage institutionnel OHADA, instrument émergent de sécurisation juridique et judiciaire des activités économiques en Afrique, Thèse, Université Toulouse Capitole, 2016, p.62. V. ég. C.A de Paris, 17 ère ch. Civ. 17 janv. 2002, S.A Omenex c /Hugon, Rev. Arb., 2002, n°2, note J-B RACINE, pp.391 et s.

111 Cf. art 1183 du code guinéen des activités économiques et 458 bis du code de procédure civil algérien

112 Ab. DIALLO, Réflexion sur l'arbitrage dans l'espace OHADA, op.cit., p.32.

113 Ph. FOUCHARD, « Quand un arbitrage est-il international ? », conférence au comité Français de l'arbitrage, revue arbitrale 1970, p 75 ; P. FAUCHARD, « La notion d'arbitrage commercial international », J-ch. dr. intern., 1989, fasc.585-1, cité par Ab. DIALLO, Ibid.

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le droit applicable au fond du litige (...) »114. Dans le même esprit, Abdou DIALLO écrivait qu'« une bonne illustration de l'inopportunité d'une fusion totale des deux réglementations est fournie par le droit applicable au fond. Ce dernier peut sans nul doute concerner la procédure arbitrale mais dans le cas d'un litige interne n'ayant aucun élément d'extranéité, elle ne peut pas porter sur le droit applicable au fond du litige comme le prévoit l'article 15 alinéa 1 de l'acte uniforme »115. À notre sens, cette conception est juste, étant donné qu'en droit international privé, le problème du choix de la loi applicable au fond du litige ne se pose que dans une relation qui présente un élément d'extranéité ; ce qui n'est nullement le cas dans les relations purement internes. Aussi la question du droit que le tribunal arbitral devra appliquer pour la résolution d'un litige au fond ne se pose que pour l'arbitrage de droit international de droit privé116. C'est donc fort de cette réalité que le législateur Africain a voulu limiter le régime moniste à la procédure arbitrale. L'article 15 alinéa 1erAUA dispose : « le tribunal arbitral tranche le fond du litige conformément aux règles de droit choisies par les parties. À défaut de choix par les parties, le tribunal applique les règles de droit qu'il estime les plus appropriées en tenant compte, le cas échéant, des usages du commerce international »117. Selon messieurs Diakité MOUSSA118 et Abdou Diallo119, cette disposition prête à confusion étant entendu que pour eux, tel qu'elle est libellée, le choix du droit applicable par les parties ou par l'arbitre n'est pas limité au litige international. Aussi se demandent- ils, si les rédacteurs de l'Acte Uniforme ont voulu conférer une telle liberté pour les relations purement internes. Auquel cas cela serait absolument contraire au droit international privé qui pose comme condition d'application des règles de conflit, l'élément d'extranéité.

À notre avis, cette interrogation ne saurait être pertinente étant entendu qu'elle découle d'une interprétation littérale. L'article 15 al.1er ne devrait pas être interprété comme une extension législative, de la liberté de choisir le droit applicable au fond du litige, aux relations purement internes. Nous pensons que cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation téléologique qui reflète la véritable intention du législateur africain qui, n'est surtout pas de contrarier les règles du droit international privé, la question de la règle de conflit ne se posant

114 D. MOUSSA, op.cit., p.66.

115 Ab. DIALLO, op.cit., p. 34.

116 P. MEYER, op.cit., p.7.

117 Tel est le libellé du nouvel AUA de 2017.

118 D. MOUSSA, op.cit., p.66.

119 Ab. DIALLO, op.cit.

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pas en matière interne. Il s'agit plutôt, suivant l'esprit du législateur, d'une limite tacite au principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage OHADA. Vu sous ce prisme, la mise en oeuvre de l'article 15 al.1erne peut être effective que dans le cadre des litiges internationaux. Ainsi, c'est en vue d'arrimer l'AUA aux spécificités du commerce international que le législateur africain à limité le principe de l'unité du régime juridique.

En définitive, l'unité du régime juridique de l'arbitrage et son encadrement se présentent comme une originalité remarquable qui, compte tenu de l'objectif d'intégration économique et juridique régionale poursuivi par l'OHADA, permettent une unification maximale du droit des affaires, en supprimant tout risque de conflit de lois120. En cela, une telle originalité constitue un gage de sécurité juridique des transactions économiques, eu égard de ce qu'elle pose les jalons d'un arbitrage adapté à l'évolution mondiale du commerce. Cette adaptation est d'ailleurs renchérie par le modernisme indiscutable donc fait preuve le système d'arbitrage.

Paragraphe 2 : Le modernisme de l'arbitrage OHADA

Le monde des affaires a besoin d'un environnement stable et de règles juridiques capables de lui apporter de la sérénité et de la fluidité. Fort de cette réalité, les États de l'OHADA se sont dotés d'un droit de l'arbitrage moderne, le but étant de fournir des garanties suffisantes aux opérateurs économiques du commerce interne et international. Vecteur de sécurité juridique, ce modernisme est marqué d'une part, par l'extension de l'arbitrabilité subjective aux personnes morales de droit public (A) et par la prise en compte de la lex mercatoria dans l'arbitrage OHADA d'autre part (B).

A. L'extension de l'arbitrabilité subjective121aux personnes morales de

droit public

Les personnes morales de droit public à savoir l'État et ses démembrements que sont les collectivités territoriales décentralisés et les établissements publics administratifs, sont considérés comme des acteurs majeurs du monde des affaires. En vue d'assurer leurs missions de service public, elles sont très souvent amenées à conclure des conventions avec

120 V. Ph. FOUCHARD, « Le système d'arbitrage de l'OHADA: le démarrage », Petites affiches, 13 octobre 2004, n° 205, p. 52.

121 Le terme arbitrabilité est propre à l'arbitrage. Il revoit aux types de litiges qui peuvent être soumis à l'arbitrage ou à la catégorie des personnes susceptibles d'être partie à une procédure arbitrale. On parle donc dans le premier cas de l'arbitrabilité objective et dans le second de l'arbitrabilité subjective.

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des entreprises étrangères ou nationales. Conclus soit par elles même, soit par le biais de leurs sociétés commerciales qualifiées d'entreprises publiques ou d'établissements publics à caractère industriel et commerciale, ces contrats peuvent porter sur la réalisation des ouvrages d'intérêt général, tout comme ils peuvent être d'un caractère purement commercial. Il se pose donc le problème de l'accès à l'arbitrage par les personnes morales de droit public, eu égard au rapport de force qui existe entre ces derniers et les particuliers avec qui ils contractent. C'est donc l'occasion de rappeler qu'avant l'avènement de l'OHADA, le principe était la restriction de la faculté de compromettre à l'arbitrage international. Ainsi, il n'était en principe pas permis aux personnes morales de droit public de conclure une convention d'arbitrage dans le cadre d'un arbitrage interne. Cette restriction fut d'abord consacrée par le juge français et après par le droit international.

En France, c'est la jurisprudence Myrtoon Steamship122 , rendue par la Cour d'appel de Paris le 10 avril 1957 qui consacra les restrictions apportées en droit interne à l'arbitrabilité des litiges concernant des personnes de droit public. En l'espèce, la Cour avait jugé pour la première fois que « la prohibition faite à l'État de compromettre est limitée aux contrats d'ordre interne et sans application pour les conventions ayant un caractère international » et que « l'interdiction qui résultait des articles 83 et 1004 du Code de procédure civile n'est pas d'ordre international ». Plusieurs autres arrêts confirmatifs de cette solution seront rendus, parmi lesquels le plus célèbre, l'arrêt Galakis, du 2 mai 1966123. Dans cette affaire, la Cour de Cassation rejeta le pourvoi en cassation en estimant qu' « attendu que la prohibition dérivant des articles 83 et 1004 du Code de procédure civile ne soulève pas une question de capacité au sens de l'article 3 du Code civil ; que la Cour d'appel avait seulement à se prononcer sur le point de savoir si cette règle, édictée pour les contrats internes, devait s'appliquer également à un contrat international passé pour les besoins et dans des conditions conformes aux usages du commerce maritime ; que l'arrêt attaqué décide justement que la prohibition susvisée n'est pas applicable à un tel contrat et que par la suite, en déclarant valable la clause compromissoire souscrite ainsi par une personne morale de droit public, la Cour d'appel, abstraction faite de tous autres motifs qui peuvent être regardés comme surabondants, a légalement justifié sa décision »124.

122 V. JDI, 1958, p. 1002 avec une note de B. GOLDMAN. V. ég. F. Y. NICÉPHORE, op.cit., p. 103.

123 V. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op.cit., p. 401.

124 Arrêt Galakis Cass. Civ. 2 mai 1966, Grands arrêts, n° 44.

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Le droit administratif français interdit également le recours à l'arbitrage aux personnes publiques125. Dans un avis Eurodisney du 6 mars 1986, le Conseil d'État avait estimé que ce principe résulte des « principes généraux du droit public français, confirmés par les dispositions du premier alinéa de l'article 2060 du Code civil que sous réserve des dérogations découlant des dispositions expresses ou, le cas échéant, de conventions internationales incorporées dans un ordre juridique interne, les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d'un arbitre la solution des litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent à des rapports relevant de l'ordre juridique interne »126. Selon le Conseil d'État, ce principe est fondé sur la crainte que les intérêts des personnes publiques ne soient pas aussi bien protégés par les arbitres que par les juridictions étatiques et aussi d'empêcher qu'elles puissent apparaître comme se défilant de ces juridictions127.

En droit international, l'article II alinéa 1de la Convention européenne de Genève du 21 avril 1961 sur l'arbitrage commercial international énonce que «(...) les personnes morales qualifiées, par la loi qui leur est applicable, de `'personnes morales de droit public» ont la faculté de conclure valablement des conventions d'arbitrage ». De même, la Convention de Washington du 18 mars 1965 pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements entre États et ressortissants d'autres États qui a été ratifiée par de nombreux États qui constituent aujourd'hui l'OHADA, démontre que la plupart des États ne considèrent pas que les litiges pouvant les opposer à des investisseurs étrangers ne sont pas arbitrables128. Telle était l'état de la question dans les états francophones antérieurement à l'OHADA. Aussi, les innovations apportées par l'AUA peuvent être qualifiées d'inédites.

À ce titre, l'article 2 alinéa 2 AUA129 dispose : « les Etats et les collectivités publiques territoriales, les établissements publics et toute autre personne morale de droit public peuvent également être parties à un arbitrage, quelle que soit la nature juridique du contrat, sans

125 V. R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 13e édition, 2008, p. 268 et s., F.Y NICÉPHORE, Ibid.

126 V. l'avis Eurodisney du 6 mars 1986 du Conseil d'État, Section Travaux publics, avis n° 339710, in Études et Documents du Conseil d'État, n° 38, 1987, p. 178. V. aussi les conclusions du Conseil d'État dans l'arrêt Cie des chemins de fer du Nord du 17 mars 1893. Le conseiller d'État LAFFERIERE a écrit à propos de cette affaire qu'« il est de principe que l'État ne peut pas soumettre ses procès à des arbitrages, tant en raison des conséquences aléatoires de l'arbitrage, que des considérations d'ordre juridique qui veulent que l'État ne soit jugé que par des juridictions instituées par la loi ». F. Y. NICÉPHORE, op.cit., note de bas de page 388 ; p.104.

127 F.Y. NICEPHORE, op.cit. p.104.

128 Ibid.

129 Nouveau.

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pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un différend, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage ». De l'exégèse de cette disposition, il ressort que le droit OHADA de l'arbitrage, consacre sans restriction le recours à l'arbitrage par les personnes morales de droit public. Ces dernières peuvent compromettre tant dans un arbitrage purement interne que dans celui dont le litige présente un élément d'extranéité. À vrai dire, il faut reconnaitre que ce n'est pas l'extension de la faculté des personnes publiques de compromettre dans l'arbitrage interne qui est nouveau, car cette faculté existait déjà dans d'autres législations, sous réserve de certaines autorisations. C'est d'ailleurs le cas en France ou l'article 2060 du code civil dispose : « on peut compromettre (...) sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public. Toutefois, des catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre ». Dans le même esprit, le droit iranien soumet l'arbitrabilité des litiges intéressant les personnes publiques au formalisme de l'autorisation, aussi l'article 139 de la constitution iranienne du 15 novembre 1979 dispose que « Le règlement des litiges concernant les biens publics et Gouvernementaux ou le recours à l'arbitrage pour régler lesdits litiges est subordonné, dans chaque cas, à l'approbation du Conseil des ministres et doit être communiqué à l'Assemblée. Dans les cas où la partie adverse est un étranger, et dans les cas internes importants, il doit également être approuvé par l'Assemblée Consultative Islamique. La loi détermine les cas importants ». C'est donc dire que l'innovation réside dans l'absence d'autorisation préalable de compromettre qui caractérise le droit OHADA de l'arbitrage. Il s'agit donc d'une innovation remarquable qui permet de garantir la sécurité juridique aux investisseurs, les personnes morales de droit public ne pouvant plus opposer à leurs cocontractants leurs droits et prérogatives de puissance publique pour se dérober de la procédure arbitrale à laquelle elles auraient consenti. Nous partageons donc l'avis du Professeur Robert NEMEUDEU selon lequel l'article 2 AUA est une loi de police130. Ainsi, en acceptant de recourir à l'arbitrage, les personnes morales publiques acceptent par ricochet de se prêter aux règles de jeux prévues par l'AUA et plus précisément celles contenues dans ladite disposition. L'extension pure et simple de l'arbitrabilité des litiges intéressant les personnes morales de droit public, représente donc indéniablement un intérêt certain pour les personnes privées, amenées à contracter avec les

130 R. NEMEDEU, « La recherche du critère d'arbitrabilité des litiges concernant les personnes morales de droit public en droit OHADA », RASJ, Vol. 6 ? N°1, 2009 pp. 45 s.

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entités étatiques africaines des États parties à l'OHADA, étant entendu que, comme l'écrivait le Professeur TCHAKOUA, « échaudés par les abus de souveraineté de l'État, les investisseurs internationaux trouvent en l'arbitrage une garantie contre l'arbitraire »131 . Un tel choix du législateur africain participe au renforcement de la stabilité et de la prévisibilité des règles de droit en matière d'arbitrage dont ont besoin les investisseurs.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand