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La délinquance économique et financière à  l'heure du numérique en droit ivoirien


par Gaston Désiré Koffi
Université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo (Cote d'Ivoire) - Master 2017
  

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PARTIE 2 : LE CONTROLE DE LA DELINQUANCE ECONOMIQUE ET

FINANCIERE A L'HEURE DU NUMERIQUE .45

CHAPITRE 1 : LA CYBERDELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE,

ENCORE DIFFICILEMENT CONTROLABLE . 46
SECTION 1 : LA REPRESSION DE LA CYBERDELIQUANCE ECONOMIQUE ET

FINANCIERE ...46
SECTION 2: LES OBSTACLES A LA REPRESSION DE LA CYBERDELIQUANCE

ECONOMIQUE ETFINANCIERE .55

CHAPITRE 2 : UNE NECCESITE DE CONTROLE DE L'ACTUELLE

CYBERDELIQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE 65
SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES MOYENS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE

LA LUTTE CONTRE LA DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE .65

SECTION 2 : L'ADAPTATION DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA

CYBERDELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE 73

III

CONCLUSION GENERALE 81

- 1 -

INTRODUCTION

1. « Les crimes économiques et financiers constituent une menace grave à long terme pour le développement socio-économique pacifique et démocratique. » C'est ainsi que l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) traduisait, il y a maintenant quatorze (14) ans, l'impact de la délinquance économique et financière dans le monde1. Cette phrase sonne comme une alerte face au développement sans cesse croissant de la criminalité économique. Ainsi, L'OHADA, l'UEMOA/UEMOA et plus loin la Cote d'Ivoire ont respectivement un droit pénal des affaires et un droit pénal économique et financier. En effet, voulant ainsi assurer la sécurité des transactions, la liberté du commerce et de la concurrence pour une stabilité économique et financière de leurs espaces respectifs, elles ont soit secrété des incriminations pénales directement appliquées dans les Etats parties (c'est le cas de l'OHADA), soit proposé aux Etats membres des lois uniformes contenant des incriminations et des sanctions pénales que ces derniers doivent insérer dans leurs législations nationales par leurs parlements nationaux.

2. C'est pour réprimer des agissements délictueux dans les matières relevant de leurs compétences. L'avenement de l'internet accélère la delinquance économique et financière. La criminalité se développe aujourd'hui sur un terrain moins risqué et plus fertile que celui du monde réel car l'anonymat y est pratiquement assuré pour qui sait s'y prendre, et le dispositif policier, s'il n'est pas inexistant, est très insuffisant pour surveiller le milliard d'individus qui se retrouvent sur le Net. Pourtant cet espace virtuel est devenu aussi indispensable à l'économie des entreprises et aux relations entre le citoyen et son administration que le téléphone et le courrier papier.

3. Le monde devient instable et dangereux. Les échanges se mondialisent et ne connaissent, sur la toile, pas de frontières. Dans ce monde virtuel où tout est à craindre, les amis de nos amis peuvent être nos pires ennemis et les clients de nos partenaires peuvent être nos concurrents. La montée du terrorisme et une situation économique très

1 ONUDC, « Délinquance économique et financière : défis pour le développement durable », 11e Congrès de l'Organisation des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), Bangkok (Thaïlande), 18-25 avril 2005. Disponible également sur http://www.unodc.org et http://www.unis.vienna.org

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perturbée engendrent un impérieux besoin de sécurité. Connaître les menaces qui pèsent sur les systèmes d'information, comprendre les mesures de sécurité à mettre en place et déjà un premier pas est franchi vers un monde Internet plus sûr, un monde où l'économie et la culture pourront se développer harmonieusement, malgré les pièges et les coups de boutoirs des hackers qui foisonnent sur la toile. C'est tout le sens de la connaissance profonde de la délinquance économique et financière à l'heure du numérique pour une lutte et un contrôle dans l'état ivoirien. C'est l'objet donc de recherche de ce mémoire.

4. Dans l'ancien droit français, corruption et concussion étaient sévèrement sanctionnés et les financiers indélicats étaient sévèrement réprimés, surtout à l'égard des commerçants qui rognaient sur les poids et mesures.

En outre, il existait quelques incriminations nettement orientées vers la sphère des affaires telles que la loi de 1802 relative à l'établissement de bourse de commerce (articles 8 et 9)2, la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries (article 4), la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et les falsifications en matière de production et de service (article 9)3, la banqueroute (articles 402 à 404 du code pénal français), la tenue non autorisée des prêts sur gages ou nantissement (article 411 du code pénal français), les entraves apportées à la liberté des enchères (article 412 du code pénal français), la violation d'un secret de fabrique (article 418 du code pénal français).

A cette première liste il convient d'ajouter la répression de l'usure par la loi du 3 septembre 18074. Après la première moitié du XIXème siècle, intervint un texte fondamental en l'occurrence la loi du 24 juillet 1867 relatives aux règles de constitution et fonctionnement des sociétés par actions qui prévoyait en ses articles 13 à 15 des sanctions pénales.

5. Aujourd'hui, le phénomène de la délinquance économique et financière dépasse largement le cadre du modèle des délinquants en « col blanc » et, englobe la criminalité organisée. L'infiltration de l'économie légale par des flux d'argent d'origine criminelle impose de « sortir » des approches criminologiques et sociologiques pour faire appel à une approche juridique. Ainsi, pour le juriste, la délinquance économique et financière s'inscrit dans le champ pénal. Dès lors, l'expression « criminalité ou délinquance économique et financière »

2 Loi de 1802 (28 ventôse An IX.). Source : Extrait de base de données des textes Direction des Journaux Officiels, Paris, 15 mars 2001

3 Loi de 1802 (28 ventôse An IX.). Source : Extrait de base de données des textes Direction des Journaux Officiels, Paris, 15 mars 2001

4 J.O. du 5 août 1905.

6.

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Le mot « délinquance » est issu du latin « deliquentia » qui désigne la faute, le délit, le crime ou encore le péché. Des auteurs le définissent comme une « attaque contre les biens et agression verbale ou limitée contre les personnes5». Ils vont en réalité tenter de rapprocher « délinquance » et « déviance »6.

7. De plus, « la délinquance est l'ensemble des délits, infractions et crimes commis en un lieu ou durant une période donnée, quand on se place d'un point de vue statistique, social ou pénal. 7» Cette définition ne vient que renchérir la dernière qui semble ne pas prendre en compte la dimension pénale de la délinquance.

8. La notion de délinquance économique et financière est par nature obscure. On parle également de criminalité économique et financière pour faire apparaître la dimension de pouvoir sous-jacente à cette forme de criminalité.

9. Il semble exister autant de définitions que d'auteurs, autant d'approches que de disciplines qui tentent d'analyser le phénomène avec des outils différents selon que l'on est économiste, sociologue, criminologue, politologue ou juriste8. Ainsi, n'existe-t-il pas de définition uniforme de celle-ci. Elle englobe de très nombreuses infractions prévues par des lois spécifiques mais aussi par le Code pénal classique comme, par exemple, l'escroquerie, le faux ou l'abus de confiance9

10. Le terme « économie » quant à lui, vient des mots grecs : « oikos » (maison) et de « nomos » (loi). De son sens primitif « art d'administrer un bien », il va évoluer comme bon nombre de termes pour désigner « l'ensemble des actions d'une collectivité humaine en vue de produire des richesses. »10L'adjectif « économique » renvoie donc à toute activité humaine en relation avec la production des richesses par le biais des biens

5 Janine BREMOND et Alain GELEDAN, Dictionnaire des sciences économiques et sociales, Paris, Edition Belin, 2002, p. 158

6 En effet, ils présentent la déviance comme un « comportement qui entraine la réprobation d'un groupe du fait de violation des normes jugées importantes par un groupe social donné ». La triche par exemple.

7 selon le dictionnaire en ligne La Toupie,

8 C. Cutajar, (sous la dir.), « Rapport Moral sur l'Argent sans le Monde, 2011-2012. La lutte contre la

criminalité et les délits financiers ; Grands enjeux de la crise financière ». Par l'Association d'économie financière ; Caisse de Dépôts, Paris, p 27.

9 J.-P. Zanato, « L'élément intentionnel dans la délinquance économique et financière au regard des exigences classiques du droit pénal », in « La justice pénale face à la délinquance économique et financière », M.-A. FrisonRoche, (dir.), Dalloz 2001, p. 31 et s.

10 Alpha Encyclopédie, Paris, Grange Batelière, 1969, p. 2102

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et services. Le plus souvent, le terme est accompagné d'un autre adjectif : « financier », peut-être parce que, utilisé seul, le terme « économie » ne permet pas d'embrasser toute la problématique.

11. En réalité, l'économie n'inclut nullement pas la finance dans la mesure où cette dernière désigne « la science de la gestion de l'argent public ou privé »11. Dès lors, il ressort que l'économie vise la production tandis que la finance, la gestion de cette production ou de la richesse en découlant.

Ainsi, « l'infraction financière » est celle qui tend à protéger les « finances », c'est-à-dire les ressources pécuniaires, l'argent des victimes, celles -ci pouvant être privées (abus des biens sociaux et plus largement les infractions au droit des sociétés commerciales) ou publiques (infractions fiscales ou douanières). Tandis que l'« infraction économique » tend à protéger l'« économie », c'est-à-dire l'ensemble des structures relatives à la production, circulation, distribution, consommation des richesses dans un Etat donné, quand bien même, elle pouvait avoir des incidences pécuniaires. Donc, tout agissement délictueux mettant en cause lesdites structures est une infraction économique.

12. L'expression « délinquance économique et financière » précédé parfois de l'adjectif « grande », désigne le crime ou le délit commis en rapport avec la production et/ou la gestion des biens et services.

13. Même si aucun théoricien n'a pu imposer sa définition propre de l'expression, c'est dans les écrits de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDOC) que nous mettons la main sur une définition relativement complète. La criminalité économique et financière « désigne de manière générale toute forme de criminalité non violente qui a pour conséquence une perte financière »12.

Ce qui implique que toute action, commise aussi bien par un néophyte que par un homme en col blanc et qui induit une perte financière peut prendre le nom de délinquance économique et financière. L'internationalisation des échanges monétaires et commerciaux conduit de manière incontournable à un développement de la délinquance économique et financière transnationale.

11 Microsoft corporation, Dictionnaire électronique Encarta, Edition 2009

12 Microsoft corporation, Dictionnaire électronique Encarta, Edition 2009

14.

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Les infractions économiques et financières sont ainsi facilitées lorsque les transactions commerciales, économiques et financières se multiplient et se complexifient eu égard aux possibilités qu'offrent les technologies de l'information et de la communication. Les criminels « en col blanc » profitent des marchés communs établis par les organisations économiques régionales et sous régionales pour répandre leurs activités criminelles. Les flux financiers et les profits provenant d'elles sont généralement, par des procédés de blanchiment, réintroduits dans les circuits financiers légaux. Ainsi, le développement de la criminalité économique et financière, facilité par l'ouverture des frontières, revêt aujourd'hui une dimension planétaire, mettant ainsi en péril les démocraties13. C'est là, une des difficultés de la lutte contre cette forme de délinquance.

15. Le fléau ne date en effet pas d'aujourd'hui. Il date de l'Antiquité et a traversé toutes les grandes périodes de l'histoire humaine. On trouve par exemple le terme « corruption » dans les écrits de Platon, d'Aristote ou de Cicéron14. Mais, de nos jours, la délinquance économique et financière est plus que d'actualité avec l'avènement de l'Internet, une nouvelle forme de criminalité informatique, connue désormais sous le nom de « cybercriminalité » est en train de voir le jour et prend de plus en plus de l'ampleur. L'ordinateur est un outil fragile et difficilement contrôlable qui peut être assez aisément manipulé.

La fragilité de l'outil informatique conduit le législateur à tenter d'assurer la plus grande sécurité, afin d'éviter des fraudes qui prennent des formes diverses. En effet, l'utilisation de l'ordinateur peut donner lieu à des agissements malhonnêtes dont il importe de savoir s'ils peuvent recevoir une qualification pénale, il serait vain de faire l'inventaire de toutes les dispositions pénales applicables car la plupart des comportements déjà incriminés peuvent être commis par le biais de l'informatique : abus de confiance, escroquerie, détournement, contrefaçon, atteinte à la paix publique, obtention frauduleuse des données, transfert illégal des fonds.

16. Pour l'individu, les risques sont tout aussi importants et le concernent directement. En effet, chacun peut être accusé des malveillances qu'il n'a pas commises après qu'un délinquant lui ait volé son identité informatique afin de perpétrer des actes illicites à sa

13 Le Monde diplomatique, avril 2000, « Dans l'archipel de la criminalité financière », pp. 4 à 8, cité dans J. Borricand, « Les instruments internationaux de lutte contre le blanchiment d'argent. Bilan et perspectives », Problèmes Actuels de science criminelle de l'Institut de Sciences Pénales et de Criminologie d'Aix -en-Provence, 2001,p. 29 et s.

14 Voir Eric ALT et Irène LUC, La lutte contre la corruption, Paris, PUF, Col. Que sais-je, 1997, p. 3

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place. Toute personne peut être touchée par des dénonciations calomnieuses, des atteintes à sa vie privée, à la violation du secret professionnel. Des atteintes contre les mineurs sont aussi possibles par le biais de diffusion des messages pornographiques. L'internaute peut également être l'objet des crimes contre les biens, des infractions de presse, des transgressions au code la propriété intellectuelle, etc.

17. Pour la société, l'insécurité liée à l'Internet a un coût. Ses conséquences sont généralement similaires à celles du crime économique, notamment par l'altération des mécanismes de régulation économique (espionnage, vol d'informations ou des biens). Cela se traduit concrètement par la perte des marchés pour les entreprises victimes et donc, à terme, par la disparition de l'emploi. De plus, le coût de fonctionnement des administrations en charge des enquêtes et de la justice est à la charge de la société.

18. Le monde de l'Internet a ainsi perdu son ingénuité ; Internet n'est plus le réseau libre et ouvert tourné vers le partage du savoir dont certains de ses concepteurs avaient rêvé. Il est devenu un moyen d'expression de cette nouvelle forme de criminalité.

19. L'autorité administrative, pressentant les dangers que présentait ce nouvel outil a adopté la loi n° 2013-451 du 19 juin relative à la lutte contre la cybercriminalité car l'application des dispositions pénales à ces fraudes informatiques se heurte à une difficulté principale tenant à la preuve, étant donné que ces infractions sont très difficiles à découvrir et souvent la connaissance de ces agissements illicites relève du hasard.

20. Face à une criminalité nouvelle, quelles mesures répressives mettre en oeuvre afin d'éradiquer cette menace ? Néanmoins Le droit pénal est donc appelé à intervenir pour réguler la vie dans cette autoroute de l'information. C'est ici qu'il faut se demander si les dispositions pénales existantes permettent de réprimer la délinquance économique et financière via Internet.

La plupart de ces dispositions étant prises à une époque où l'informatique n'existait pas, doivent-elles être étendues à la cyberdélinquance ? Ce qui exige que pour que des agissements informatiques soient réputés infractionnels et efficacement réprimés, le législateur doit les avoir érigés préalablement en infraction. Or, l'Internet étant nouveau, complexe, en perpétuelle évolution, plusieurs de ses agissements ne pourront-ils pas rester impunis si le juge se limitait seulement à une interprétation stricte de la loi pénale, du reste vieille de plusieurs années par rapport à l'Internet ? De ce fait, la loi pénale pourra se retrouver surannée face à la cyberdélinquance économique et financière ?

21. Ainsi, bien loin de l'idée selon laquelle l'ensemble des activités liées à l'Internet se situerait en état d'apesanteur juridique, il n'est pas exagéré d'affirmer que l'Internet

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souffre, au contraire, d'un excès de législation applicable. Parce que l'Internet se situe au confluent de diverses techniques de communication qui permettent habituellement d'exercer des activités aussi diverses que la poste, la télévision, le commerce, la téléphonie, etc., il peut entrer dans le champ d'application de divers droits afférents à ces techniques de communication15.

22. Au regard des instruments internationaux et par rapport au droit ivoirien, il convient de se demander si le droit ivoirien réprime efficacement la cyberdelinquance économique et financière. Dans l'affirmative, comment s'y prend-il ? Dans la négative, que faire pour y parvenir en prenant appui sur les dispositions en vigueur ?

C'est en répondant à ces différentes interrogations que l'on parviendra à l'objectif assigné. La présente étude revêt un double intérêt qui est à la fois théorique et pratique.

23. Le concept du numérique est apparu pour marquer l'évolution fulgurante qu'ont connu les techniques de l'information avec l'avènement des autoroutes de l'information (notamment l'utilisation de l'internet) et l'explosion du multimédia. C'est l'interpénétration de plus en plus grande de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel qui est à l'origine des changements rapides sur les plans techniques, conceptuel et terminologique.

24. D'un point vue théorique, cette étude permettra aux juristes de mieux appréhender le numérique ainsi que la délinquance qui y est attachée ; cela afin d'élever davantage la réflexion autour des problèmes juridiques que pose ce domaine. De ce fait, le présent travail pourra constituer l'ébauche d'un droit pénal de l'Internet dans la mesure où, pour mieux faciliter la prévention et la répression des agissements informatiques réputés infractionnels, il importe de mieux connaître les bases et les voies que doit suivre cette répression.

25. D'un point de vue pratique, l'étude intéressera non seulement le législateur national qui pourra s'en inspirer en cas de besoin en vue de l'adaptation du droit pénal et de ses règles classiques qui, à première vue, paraissent surannés face aux défis engendrés par la cyberdelinquance, mais il intéressera aussi les praticiens du droit lorsqu'ils seront confrontés à des cas concrets de cette délinquance.

15 Sébastien Canevet : Fourniture d'accès à l'Internet et responsabilité pénale, www.canevet.com/doctrine/resp.fai.htm

26.

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Il intéressera aussi les praticiens de l'Internet qui trouveront dans ce travail les comportements permis et ceux interdits qu'ils devront éviter au risque d'encourir des sanctions pénales. Il intéressera enfin les victimes de tels agissements qui sauront par-là comment faire valoir leurs droits violés.

27. Notre démarche se trouve donc circonscrite. Elle consistera à mettre en lumière, dans un premier temps que cette délinquance économique et financière à l'heure du numérique est une nouvelle menace qui présente plusieurs visages (partie 1) et dans un second qu'il importe de contrôle cette délinquance économique et financière a l'heure du numérique (partie 2)

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PARTIE 1 : LA DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE A L'HEURE DU NUMERIQUE, UNE NOUVELLE MENACE CRIMINELLE A MULTIPLES VISAGES

28. La criminalité de façon générale s'est accrue de manière exponentielle depuis que le libéralisme s'est emparé du monde économique. Cette doctrine libérale s'est en effet reposée sur quatre piliers principaux que sont l'intérêt personnel, la concurrence, la liberté et la responsabilité16. S'il est vrai que la prolifération de la criminalité est due au libre-échange entre les populations, cela est encore plus vrai depuis que les secteurs économique et financier se sont vus obligés de s'ouvrir de bon gré ou pas aux nouvelles technologies17.

Il ne serait pas tout de même prudent d'affirmer que la croissance de délits économiques et financiers est exclusivement tributaire de ces deux facteurs. Néanmoins, ceux-ci seraient les plus délétères parmi tant d'autres. Et les facteurs deviennent aussi divers que leurs conséquences, occasionnant ainsi l'arrivée de toute une multitude de concepts en science criminologique : la criminalité de violence, la criminalité d'astuce, le crime des femmes, des jeunes, la corruption et bien entendu la délinquance économique et financière qui a d'énormes impacts sur l'économie mondiale.

29. Aujourd'hui nous observons une nouveauté dans cette délinquance économique et financière (chapitre 1). Créativité, inventivité et innovation : voilà qui caractérise la délinquance économique et financière de nos jours. Non seulement les délinquants disposent des mêmes connaissances économiques et comptables que leurs chasseurs, mais aussi et surtout, ils ont une forte capacité d'anticipation et de prévision. Jour et nuit, les délinquants mettent au point des méthodes et des techniques nouvelles qu'ils ne cessent de renouveler dès que celles-ci sont découvertes. Nouveauté qui elle-même présente plusieurs visages (chapitre 2).

16 Maurice Flamant, Histoire du libéralisme, Paris, PUF, Col. Que sais-je, 1992, pp. 75-77. Toutefois, Maurice reconnaît que les praticiens de cette théorie, notamment les capitalistes, sont très respectueux de trois premier principes. C'est uniquement au niveau du dernier principe (la responsabilité) qu'il note « du laxisme et de la permissivité ». Il termine par ceci : « outrances et déviances y trouvent hélas ! Un soutien quasi officiel ».

17 Bédiani BELEI, La criminalité transfrontalière, un nouveau défi sécuritaire en Afrique, Communication liminaire en prélude au Séminaire sur la criminalité transfrontalière, Lomé, Institut des Hautes Etudes des Relations Internationales et Stratégique (IHERIS), mai 2015, p. 2

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CHAPITRE I : UNE NOUVEAUTE DANS LA DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE : LA CYBERDELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE

30. Il y a lieu de faire observer que regrouper la délinquance économique et la délinquance financière peut apparaître trompeur, alors qu'il s'agit, en réalité, de deux domaines bien distincts dans lesquels les sanctions sont différentes. Ainsi, la délinquance économique est une délinquance non pas de masse mais qui touche l'ensemble des personnes morales.

31. Les difficultés économiques dans lesquelles se débattent tant d'entreprises font que leur fonctionnement peut les conduire à la délinquance. Elle concerne les infractions affectant l'activité économique, et donc les flux des biens et services. Alors que la délinquance financière a, elle, un domaine beaucoup plus restreint et peut apparaître comme une délinquance d'élite pour des agents économiques ayant accès à des instruments financiers particuliers. Ceci étant précisé, nous pouvons néanmoins affirmer que les infractions contre l'ordre économique et financier peuvent englober les activités criminelles traditionnelles ou classiques (section 1) et la délinquance économique et financière observée au XXIème siècle (section 2).

SECTION I : LA DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE CLASSIQUE

32. Les activités de délinquance économique et financière classique peuvent s'analyser selon une logique pyramidale reposant sur deux niveaux, le premier qualifié de délinquance économique et financière organisée en réseau (paragraphe 1),portant sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui sont les activités de délinquance traditionnelle doit et le second niveau qualifié de délinquance économique et financière organisée (paragraphe 2), portant atteinte aux droits douaniers et fiscaux, qui sont sanctionnées par les textes de code pénal ivoirien, même si au plan

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communautaire, l'UEMOA a procédé, conformément à son Traité18, à une harmonisation de certaines dispositions normatives en matière fiscale et douanière.

PARAGRAPHE 1 : le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : une délinquance organisée en réseaux

33. La délinquance économique et financière est un fléau qui court, non parce qu'elle est poursuivie, mais parce qu'elle a des jambes plus solides et plus habiles. Nous verrons d'une part le blanchiment de capitaux (A) et d'autre part le financement du terrorisme (B) qui demeure encore aujourd'hui les formes de criminalité les plus organisées en réseaux.

A- Le blanchiment de capitaux, une délinquance organisée en reseau

34. Le blanchiment de capitaux désigne le processus visant à injecter ou réinjecter dans l'économie légale les biens, produits ou profits provenant d'un crime ou d'un délit pour en masquer l'origine illégale. Il permet ainsi au criminel ou au délinquant de profiter de ces biens, produits ou fonds tout en protégeant leurs sources.

Les ventes illégales d'armes, la contrebande, le trafic de stupéfiants et les réseaux de prostitution, peuvent générer des montants énormes. L'escroquerie, les délits d'initiés, la corruption ou la fraude informatique permettent aussi à leurs auteurs de faire des bénéfices conséquents. Le blanchissement de capitaux permet ainsi aux auteurs de ces infractions, de légitimer les gains issus de leurs activités frauduleuses19.

35. D'un point de vue économique, le blanchiment peut être défini comme «un ensemble de techniques, de méthodes légales ou illégales, un modus operandi, à complexité plus ou moins variable suivant les besoins du blanchisseur, la nature et l'ampleur des fonds,

18 En effet le préambule du Traité de l'UEMOA prévoit l'intégration économique par l'ouverture sur les marchés mondiaux (union douanière) et l'article 4 prévoit l'harmonisation, dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, des législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité.

L'article 4 est complété par l'article 76 qui prévoit l'institution d'un Tarif Extérieur Commun (TEC).

19 V. « Le blanchiment de capitaux : qu'est-ce que c'est ? », GAFI à l'adresse www.ocde.org

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afin d'intégrer et dissimuler des fonds frauduleux dans l'économie légale »20 le blanchiment n'est pas un phénomène récent. En effet, un historien rapporte qu'il y a 3000 ans21, des marchands chinois souhaitant éluder l'impôt avaient organisé des mécanismes d'évasion fiscale (Infra) destinés à transformer leur argent en biens meubles qui pouvaient ensuite être éloignés du lieu d'imposition. « Les bases de la fraude fiscale (Infra) internationale mais aussi du blanchiment des capitaux venaient d'être jetées »22.

36. Aux USA, dans les années 1929-1930 correspondant à la crise économique et financière, AL CAPONE rachetait une chaîne de laveries à CHICAGO pour maquiller les revenus qu'il tirait de ses activités illicites23. Le blanchiment était alors rendu facile en raison de l'habitude des utilisateurs de payer en espèces, ce qui permettait au délinquant de surévaluer aisément les chiffres d'affaires en y injectant de l'argent sale. Si cette origine du « blanchissage» n'est certainement qu'une légende, il n'en demeure pas moins que «le terme de « blanchiment » décrit parfaitement le processus mis en oeuvre : on fait subir à une certaine somme d'argent illégal, donc « sale », un cycle de transactions visant à le rendre légal, c'est -à-dire à le « laver ». En d'autres termes, il s'agit d'obscurcir l'origine des fonds obtenus illégalement à travers une succession d'opérations financières, jusqu'au moment où ces fonds peuvent finalement

réapparaître sous formes de « revenus légitimes »24 .

37. Ce tour de passe-passe opérant la conversion « d'argent sale » en « argent propre » est généralement présenté en trois phases. Ces trois phases successives dont la sophistication est en constante évolution ont été aujourd'hui contestées par une partie de la doctrine, notamment Jean De MAILLARD qui explique en effet que ces trois phases ne se retrouvent pas lorsque les sommes à blanchir sont trop importantes et qu'elles restent alors cantonnées dans la sphère financière, où elles produisent des intérêts. Il propose ainsi d'abandonner la présentation classique pour distinguer trois

20 O. Jerez, « Le blanchiment de l'argent », 2ème éd. La Revue Banque (RB), 2003 Spéc., p. 25.

21 Sterling Seagrave, « The lord rime » in « How Not to be a Money Lauderer », Moris-Cotterill, Nigel, Silkscreen Publications, 1999, in GUILLOT (J-L.) (dir), A. Bac, E. Jouffin, D. Hotte, « Le Soupçon en questions. Pour une lutte efficace contre le blanchiment », éd. Revue Banque (RB), janv. 2008, p. 37.

22 A. Bolle, D. Hotte, E. Asselin, « La lutte contre blanchiment d'argent », éd. de la Performance, mai 2006

23 A cette époque, les pouvoirs publics des Etats-Unis avaient imposé un embargo sur le trafic de l'alcool. Ce qui avait créé un trafic clandestin intense général des profits colossaux aux bén éfices des trafiquants.

24 J. Robbinson, « Les blanchisseurs », éd. Presses de la cité, 1995, spec. p. 11..

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sortes de blanchiment : blanchiment élémentaire, le blanchiment élaboré, et le blanchiment sophistiqué qui est effectué sur les marchés financiers.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"