Quête bigmaniaque et légitimation politique locale des élites urbaines au Cameroun. Cas de l'arrondissement de Zoétélé.par Julio Herman Assomo Université de Yaoundé 2 - Master en Sciences politiques 2013 |
CONCLUSION PARTIELLELa démarche adoptée dans cette partie consistait à faire une économie des différentes trajectoires de déploiement du bigmanisme concurrentiel à travers la recherche du capital social par les élites urbaines et les grands hommes, entrepreneurs politiques en premier essor, ladite recherche du capital social mettant en branle les élites bureaucratiques d'une part, et les entrepreneurs économiques d'autre part. Ce capital social permettant à ces différents acteurs de se positionner en termes de recherche de légitimité politique tel que nous l'avons vu en second lieu ; une recherche de légitimité marquée par des concurrences politiques et des luttes factionnelles. Force est de constater qu'il existe en effet plusieurs niveaux de compétitions politico-bigmaniaques en période électorale, marquées par des affrontement houleux, tout comme en période non électorale où la concurrence est plus latente, marquée par des courses de la plupart des élites urbaines et les grands hommes vers l'accroissement de leur capital à travers des facteurs socioculturels et symboliques. DEUXIEME PARTIE :IMPACT SOCIOPOLITIQUE ET ECONOMIQUE DE LA RECHERCHE BIGMANIAQUE DANS L'ARRONDISSEMENT DE ZOETELEAnalyser la portée de la recherche bigmaniaque par les élites urbaines dans l'arrondissement de Zoétélé constituera l'essentiel de la présente partie de notre travail. Etant établi que les élites urbaines mobilisent plusieurs ressources pour s'imposer tant symboliquement que politiquement, ceci dans une dynamique concurrentielle quasi incessante, il apparait opportun de questionner l'impact de cet activisme chercheur de légitimité. Il s'agira d'une part d'évaluer La portée du jeu politique concurrentiel lié au bigmanisme, de mettre en lumière les retombées politiques de ce phénomène à plusieurs niveaux à Zoétélé (Chapitre 3). D'autre part, il sera question de faire une économie de l'impact véritable de la quête bigmaniaque dans l'arrondissement de Zoétélé, du point de vue socioéconomique (Chapitre 4) afin d'éprouver l'idée selon laquelle la population (dont l'électorat) ne serait qu'une « paysannerie capturée »,130(*) au profit des élites urbaines en quête de positionnement politico-hégémonique. CHAPITRE 3 :DE LA PORTEE POLITIQUE DE LA QUETE BIGMANIAQUE DANS L'ARRONDISSEMENT DE ZOETELESi « l'Afrique noire, c'est toujours l'échange : un univers où dons et contre dons, accumulation et redistribution constituent la colonne vertébrale des mécanismes de légitimation du pouvoir »,131(*) le constat selon lequel la stratégie « redistributive »apparait quasi infaillible est évident. Grâce à cette stratégie, de nombreuses élites accèdent à la consécration politique. Comme dans tous champ de compétition électorale132(*), les retombées sont diverses ; tant du point de vue individuel que collectif. Notre travail en ce chapitre consistera à effectuer une analyse des dites retombées et réussites politiques ou consécrations. Parler de retombées politique ici nécessitera une certaine classification. La consécration ou réussite politique ici se mesure à plusieurs niveaux. Le premier niveau de réussite est lié à la formation politique pour laquelle l'élite urbaine milite, c'est-à-dire une victoire de groupe, soit, celle du parti en l'occurrence (section 1). Le second niveau de réussite représente une victoire individuelle (fruit des différents efforts personnels, investissements privés, mise en exergue ou mobilisation du capital social et implications multiples pour le parti) ; il s'agit d'une part de la consécration d'une élite à un poste électif, et d'autre part du maintien à son poste ou de la promotion d'une élite dans la haute administration publique au sein de l'Etat (section 2). Nous mentionnerons un troisième niveau de réussite ayant une double nature dite individualo-groupale, consacrant en même temps le parti, les individus et la communauté, soit les factions (section 3). SECTION 1 : UN EFFET DE CONSOLIDATION DE LA DOMINATION PARTISANEQuestionner les retombées politiques de la quête bigmaniaque dans l'arrondissement de Zoétélé en ce qui concerne le parti le plus représenté ici, à savoir le RDPC passera par une double analyse basée sur le cas des élections présidentielles de 2004, et sur des cas d'élections locales mettant en exergue les dites retombées. Paragraphe 1 : De larges plébiscites comme portée politique de la quête bigmaniaque : le cas du RDPC aux élections présidentielles de 2004Les élections présidentielles de 2004 ont été une occasion de démonstration de la domination effective d'un parti grâce au bigmanisme à Zoétélé. En effet, la forte victoire du RDPC en l'occurrence a été le produit d'une grande implication des élites urbaines et des grands hommes, membres de ce parti auxdites élections. Arrivé en tête du scrutin présidentiel (soit 99,59%) devant les partis adverses. En ce qui concerne l'implication des élites urbaines dans les processus bigmaniaques ayant abouti à ce plébiscite, il s'agit de la somme des investissements desdites élites dans la localité au fil des années et au moment de la campagne électorale. En 2004 à Zoétélé, ces différentes réalisations ont été mobilisées par les élites pour montrer à la population tout ce qu'elle avait gagné grâce à leur champion133(*). Présentant à la moindre occasion, la longue litanie des avantages liés au soutien de ce champion-là à travers leurs voix. Les différents investissements, réalisations et dons sont à l'observation, comme un gage de victoire pour les partis politiques dans ce contexte, face à la population. Cette dernière serait plus ou moins « [une ressource politique], voire une force sociale non négligeable, qu'il faut contrôler et manipuler ».134(*) C'est dans cette perspective « que les élites urbaines entreprennent des relations de proximité avec les couches sociales à la base »135(*) puisqu'elles doivent obtenir « l'apathie des sujets à leursujétion ».136(*) Il appert de ce fait que les investissements dans la localité représentent un moyen non seulement d'accession à la légitimité, mais mieux encore, une assurance d'une certaine redevance de ladite localité. D'où les différentes mobilisations de leurs faits par élites urbaines en période électorale, dans l'arrondissement de Zoétélé. Par ailleurs, dans le cadre des élections présidentielles de 2004 au sein de l'espace politique de Zoétélé par exemple, la mobilisation des faits et réalisations par les élites urbaines, membres du RDPC consistait à gagner des voix pour leur candidat. La quête de victoire dans l'intérêt du parti primait alors sur la « quêtebigmaniaque » ordinaire consistant pour ces élites à se livrer concurrence les unes aux autres, bien que ladite concurrence demeurait latente. Certes, il s'agissait pour ces élites de se positionner à travers leur activisme lors de la campagne liée à cette échéance électorale, bien que s'activant pour une victoire dans laquelle elles ne siégeaient pas aux premières loges en termes d'intérêts. En effet, il s'agissait pour certaines de ces élites urbaines, de s'attirer les faveurs du champion de leur parti en cas de réélection, pour d'autres il s'agissait de se maintenir ou bien de préserver leurs positions, soit dans le gouvernement, soit dans la haute administration publique ou parapublique ; pour d'autres encore il s'agissait de revenir dans les bonnes grâces du Président, toute chose qui les sortirait d'une lointaine déchéance. A cet effet, « la nomination à un poste de responsabilité et surtout le maintien d'un responsable n'est plus l'expression de la récompense professionnelle, mais raisonnablement l'issue heureuse du dynamisme politique de ce dernier surtout à la faveur du parti au pouvoir ». 137(*) Cet état des choses se justifie davantage au regard de la réaction des différentes élites, membres du RDPC après une campagne présidentielle victorieuse ; il en est de même pour celles de l'arrondissement de Zoétélé, tel que le décrit si bien Jean Claude Fogno après la proclamation des résultats des présidentielles d'octobre 2011 : « quelques heures seulement après la proclamation des résultats par le président de la cour suprême, Alexis DipandaMouelle donnant Paul Biya vainqueur [...] les premières litanies de félicitations ont commencé à pleuvoir comme ce fut le cas avec les appels à candidature de Paul Biya à la veille de l'élection présidentielle. Les élites du Dja et Lobo II, réunies à Zoétélé sont parmi les premières sections RDPC à adresser le message de félicitations au candidat présenté comme « le choix du peuple ». Les [...] chefs traditionnels ainsi que Martin Belinga Eboutou, directeur du cabinet civil à la présidence de la République, Edgar Alain MebéNgo'o, Rémy ZéMeka, ancien ministre de la défense en quête de positionnement et Jean Jacques Ndoudoumou de l'agence de régulation des marchés publics espèrent une récompense pour leur performance de 9,535% contre 99,59 obtenus en 2004. Ce qui les place à la tête des meilleurs scores par département ».138(*) Ce « rituel d'adoubement » est en effet la démonstration de l'attente de « prébendes » liées aux efforts fournis en tant qu'élite urbaine militante dans terroir pour son candidat. D'où l'obsession pour ces élites de faire de l'électorat une entité acquise à leur parti. * 130MIMCHE H; NELEM B; NJOYA MAMA M. 2006.« Les Elites Urbaines et le développement local au Cameroun », GEO I NOVA, Revista do departamento de Geographia e planeamentoRegional, Lisboa, n° 12, pp. 107- 128. Op. Cit. * 131 DALOZ J-P. 1999 (dir.), Le (non-) renouvellement..., op.cit., p. 18. * 132 SINDJOUN L. 1997, « Elections et politique au Cameroun : concurrence déloyale, coalition de stabilité hégémonique et politique d'affection », RAEPS vol 2, n°1 pp 89-121. (Par champ de la compétition électorale, cet auteur désigne « le lieu où les relations de concurrence, de coalition et de transaction entre acteurs politiques en quête du droit de représenter et d'agir au nom des gouvernés soit sur le plan local » p 91). * 133Le Président Paul Biya, alors candidat à sa propre succession. * 134MIMCHE H ; NELEM B ; NJOYA MAMA M. 2006 ; « Les Elites Urbaines et le développement local... ». Op.cit. citant Denis Constant Martin. * 135 Ibid. * 136Ibid * 137MIMCHE H ; NELEM B ; NJOYA MAMA M. 2006 ; « Les Elites Urbaines et le développement local... ». Op.cit. * 138 FOGNO J.C. « Présidentielle-Après la victoire : Bal des vautours autour du gâteau national ». in Le quotidien L'Actu du 25 Octobre 2011. L'auteur insiste sur les comportements liés à « La répartition des postes en fonction de l'apport des uns et des autres pour la victoire de Paul Biya explique ces bousculades pour l'accès au cercle de la « mangeoire nationale » ». |
|