Quête bigmaniaque et légitimation politique locale des élites urbaines au Cameroun. Cas de l'arrondissement de Zoétélé.par Julio Herman Assomo Université de Yaoundé 2 - Master en Sciences politiques 2013 |
Paragraphe 2 : En période non électoraleLes périodes électorales se caractérisent par des effervescences particulières à Zoétélé. Il s'agit des différentes manifestations liées aux campagnes électorales et autres luttes de factions pour un rayonnement politique des différents acteurs. Cependant force est de constater que les concurrences politiques et lesdites luttes factionnelles continuent une fois les périodes électorales révolues, prenant une forme latente et se manifestant sous d'autres aspects tels que l'aspect socioculturel et symbolique, entre autres. Le transfert des concurrences politiques dans les sphères socioculturelles et symboliques se manifeste par une invasion des structures traditionnelles locales porteuses de valeurs. Les élites urbaines sont les plus engagées dans ces processus qui pour eux, représentent un autre enjeu de positionnement et de confortation positionnelle, de même que l'aspect symbolique qui les entoure. En effet, « Les dirigeants doivent justifier leur puissance et leurs privilèges, non seulement par l'abstraction du droit, mais surtout en éveillent des émotions, des passions politiques qui sous-entendent l'acceptation par les citoyens du pouvoir [...] De ce fait, les élites politiques et administratives émettent des discours, des symboles et des mythes par un processus plus ou moins ritualisé en vue d'assoir leur légitimité ».125(*)Cette assertion souligne la place du symbolisme dans la vie politique. Les aspects socioculturels et symboliques sont de ce fait incontournables, voire inhérents au domaine politique à Zoétélé. La ritualisation du pouvoir politique consolide, dans une certaine mesure, les acquis en termes de légitimité et de capital social et politique. Les aspects matériels et financiers comptent certes, mais la dimension symbolique consacre davantage en termes de légitimité et de capital social.« Le dépôt de roses rouges sur les tombes de quelques héros français [dont jean Moulin, Victor Schoelcher et Jean Jaurès] au panthéon par François Mitterrand après son élection n'est pas qu'un simple hommage anodin ; il s'agit bien là d'un acte dont la valeur symbolique est porteuse de sens ».126(*) Elsa Clairon souligne à ce propos qu' « il fallait une cérémonie très solennelle pour démontrer quele Président [nouvellement élu] de la gauche était prêt à tutoyer les plus grands héros de la République, que les socialistes étaient aptes à gouverner, qu'ils n'avaient pas peur du rituel, de la grandeur qui [...] accompagne l'exercice du pouvoir. »127(*) De cette lecture, il appert que la dimension symbolique du pouvoir est d'une importance primordiale, d'autant plus qu'elle contribue du processus de légitimation des dépositaires d'autorité et de pouvoir. C'est dans cette perspective que les élites en général se ruent sur des symboles et les positions porteuses de ces derniers. C'est ainsi que dans le contexte de l'arrondissement de Zoétélé, la plupart des élites urbaines occupent des fonctions de notabilités traditionnelles. Nombreux sont ceux qui s'improvisent dépositaires des traditions et connaissances ancestrales et se battent pour accéder à un quelconque titre de notabilité, quand bien même aucun membre de leur famille ni de leur lignage n'a jamais occupé de telles fonctions ; « en explorant les origines des uns et des autres ici, on constate ahuri qu'aucun de ces chefs n'est descendant d'un véritable chef. De qui sont-ils fils ou arrière petits-fils ? »128(*)En réalité, il s'agit là d'une autre course vers des positions permettant d'accroître plus facilement leur capital social au sein des populations locales ; capital social convertible en légitimité politique, ou encore consolidant la légitimité politique et le statut de dominant que confère la consécration politique. Pour ces élites urbaines, l'accession à des titres de noblesse représente aussi un lieu de rayonnement positionnel ; « plusieurs hautes personnalités de cette aire culturelle [région du sud] usent de leur position au pouvoir pour s'imposer comme chefs dans leurs régions d'origine, au mépris des dispositions légales »129(*). Une réalité demeure certaine, la quête des postes d'autorités traditionnelles par les élites urbaines s'inscrit d'abord dans la dynamique du positionnement politique, bien que pouvant se justifier dans un cas ou un autre par l'argument vocationnel. Véritable phénomène à la mode, la chefferie traditionnelle et les fonctions connexes procurent un avantage certain au regard de la course vers ces derniers par les élites urbaines ; notamment dans l'arrondissement de Zoétélé, preuve qu'elle est porteuse de profits symboliques et politiques. La capacité de drainer, de rassembler les foules autour du chef, de le mettre « au-dessus de la mêlée », de lui conférer de l'autorité et des prérogatives traditionnelles et coutumières en font un élément stratégique du point de vue politique ; une véritable passerelle vers les cimes de la vie politique locale. C'est ainsi que l'arrondissement de Zoétélé compte des chefs traditionnels dont entre autres leurs Majestés Martin BELINGA EBOUTOU chef du village Nkilzok, Jean Jacques NDOUDOUMOU chef du village Mvoutessi, le sénateur Calvin ZANG OYONO chef du village Nsimi. CONCLUSION Plusieurs éléments caractérisent la vie politique dans l'arrondissement de Zoétélé en termes de recherche de légitimité politique et de concurrence politique auxquelles sont liées des luttes factionnelles. La mobilisation du capital social et des ressources diverses par les élites urbaines et les grands hommes en quête de légitimité ici est un fait, tout comme les batailles houleuses, apogées des luttes factionnelles en périodes électorales. Enfin le transfert desdites concurrences vers des aspects symboliques en périodes non électorales se caractérisant par un souci de positionnement des élites urbaines et autres grands hommes à des postes de notabilité traditionnel. * 125 MIMCHE H ; NELEM B ; NJOYA MAMA M. 2006 ; « Les Elites Urbaines et le développement local au Cameroun », GEO I NOVA, Revista do departamento de Geographia e planeamentoRegional, Lisboa, n° 12, pp. 107- 128. Op. Cit. * 126 NJOYA Jean ; Cours de sociologie des organisations, Master 1, Avril 2012. * 127 Commentaires de Elsa Clairon sur la chaine Arte en ligne, émission « Karambolage » numéro 237 du 8 mai 2011 commémorant les 30 ans de l'investiture de François Mitterrand. Sites.arte.tv/karambolage/fr/larchive-linvestiture-de-francois-mitterrand-karambolage. visité le 10 mai 2016. * 128 ONDOA Cyr, « chefferies dans le grand sud Cameroun : le bal des imposteurs » paru dans le journal Emergence du 12-10-2012. Article consulté sur le site www.nkul-beti-camer.com/ekang-people-label.php visité le 10 mai 2016. * 129ONDOA Cyr, « chefferies dans le grand sud Cameroun : le bal des imposteurs » paru dans le journal Emergence du 12-10-2012. Op.cit.A propos des dispositions légales, voir le décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 modifié et complété par le décret n° 2013/332 du 13 septembre 2013 portant organisation des chefferies traditionnelles. Cet investigateur met la lumière sur le fait que d'après cette loi, les chefs traditionnels doivent être choisis au sein des familles appelées à exercer coutumièrement le commandement traditionnel. Il insiste davantage sur l'aspect héréditaire qui prime au moment de choisir un successeur à un quelconque trône. |
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