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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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Paragraphe 2 : L'indépendance organique incertaine de la Chambre
constitutionnelle

L'importance de la juridiction constitutionnelle dans la vie publique est incontestable. Juridiction la plus haute au sein de l'État, la Chambre constitutionnelle est chargée de vérifier que la loi respecte les droits et libertés garantis par la Constitution. Ainsi, le juge constitutionnel doit bénéficier d'une indépendance organique. Or, cette indépendance étant entendue de façon relative comme une prérogative acceptée par les pouvoirs publics. C'est justement à cet égard que l'indépendance du juge constitutionnel est véritablement mise en cause229. Cela s'observe à travers la nomination qui semble politisée (A) du simple fait que les autorités qui interviennent dans la désignation des juges sont des autorités politiques. Dans la nomination, le pouvoir politique a une forte propension de désigner, du moins en apparence, les personnalités sensibles à des obédiences politiques230. En plus, l'irrévocabilité de la juridiction constitutionnelle dans son ensemble comme dans ses composantes individuelles

228 STAUDER François-Albert, « Tchad : une nouvelle république sans État de droit ? », op. cit., p. 6

229 DIALLO Ibrahima, « La légitimité du juge constitutionnel africain », op. cit., p. 20.

230 BADARA FALL Alioune, « Le juge, les justiciables et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans le système politique en Afrique », op.cit, p. 34.

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qui est la garantie statutaire (B) ne serait opposable aux pouvoir publics, en l'occurrence les autorités de nomination231.

A - La nomination politique des membres de la chambre

Le Doyen ROUSSEAU souligne qu' « une institution, surtout lorsqu'elle se construit, dépend toujours pour une part, de la personnalité des hommes qui l'incarnent et la font vivre »232. Cette assertion révèle l'importance accordée à la politique de nomination par la classe politique qui reste encore à la recherche d'un mode idéal, non politisé de désignation.

Parler de la nomination des membres de la Chambre constitutionnelle revient à passer en revue la nomination des membres de la Cour Suprême. La nomination est politique du simple fait que les autorités qui interviennent dans la désignation sont des autorités politiques. Tout d'abord, la Cour est composée de quarante-et-trois (43) membres selon l'article 158 alinéa 1 de la Constitution. S'agissant des membres de la chambre constitutionnelle, il convient de noter qu'ils sont aux nombre de sept (7).

Au regard de l'alinéa 4 de l'article 158, les membres de la Chambre constitutionnelle sont désignés de la façon suivante : « sept (7) parmi les spécialistes du droit constitutionnel dont : quatre (4) par le Président de la République et trois (3) par le Président de l'Assemblée Nationale ». En effet, dans la nomination, le pouvoir politique a une forte propension et une fois nommé, l'autorité politique attend, dans une certaine mesure, du juge constitutionnel qu'il délibère dans le sens de ses options politiques233. Le cas échéant, le pouvoir politique peut aller jusqu'à remettre en cause la valeur de la décision de la haute juridiction et faire plier ce dernier à sa volonté. Cette pratique est plus récurrente dans nos sociétés politiques et plus précisément au Tchad. Même s'il n'y a pas, à notre connaissance, une décision de la juridiction constitutionnelle tchadienne pour en illustrer, il faut juste jeter un regard dans la pratique des États d'Afrique noire francophone pour se rendre à l'évidence. Il en est ainsi du juge burkinabé qui a dû rendre une seconde décision de conformité d'un accord de financement entre l'État burkinabé et la Banque Islamique de Développement, alors que dans une première décision, il avait estimé que la soumission dudit accord au principe de la Charia234 contrevenait au principe constitutionnel de la laïcité de l'État235. Incontestablement,

231 CHEVALLIER Jacques, « Le juge constitutionnel et l'effet Becket », in renouveau du droit constitutionnel, Mélange en l'honneur de FAVOREU Louis, Paris, Dalloz, 2007, pp. 83-89, cité par DIALLO Ibrahima, « La légitimité du juge constitutionnel africain », op. cit., p. 21.

232 ROUSSEAU Dominique, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, 8ème édition, Montchrestien, 2008, p. 37.

233 DIALLO Ibrahima, « La légitimité du juge constitutionnel africain », op. cit., p. 21.

234 La loi islamique.

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l'exigence formelle d'un juge constitutionnel « apolitique » échoue d'ailleurs et la politisation demeure une réalité. Or, le rôle de légitimation démocratique est reconnu au juge constitutionnel. Ce rôle de légitimation démocratique est source des crises profondes remettant ainsi en cause l'État de droit et la démocratie.

En fait, l'indépendance du juge constitutionnel dépend en pratique de l'environnement juridico-politique dans lequel il se déploie. En effet, si dans certains pays notamment les pays où le niveau de culture juridique et démocratique est élevé, la tâche du juge est relativement aisée, il en va différemment dans d'autres pays où les décisions audacieuses des juridictions constitutionnelles peuvent avoir pour conséquences la suppression pure et simple de ces juridictions236 ou la tentative des pouvoirs publics d'invalider ces décisions237. Alors, le Président de la République en procédant discrétionnairement à la nomination des conseillers constitutionnels va certainement, comme les français le disaient du Président de la Vème République française, exercer « une magistrature d'influence » en privilégiant ses amis politiques238. Cette prérogative est plus ou moins critiquable en comparaison avec d'autres institutions des pays souvent cités comme modèle de démocratie.

Pour une juridiction constitutionnelle véritablement indépendante, il est important de revoir le mode de nomination des juges constitutionnels. Il faudra rechercher un mode idéal239 qui fera écarter toute soupçon d'obédience politique dans la désignation des membres de la Chambre. Il s'agit pour la classe politique de s'assurer de la haute qualité morale des futurs membres et surtout le changement du système de nomination destiné à garantir leur totale indépendance et la dignité de leurs fonctions. Dans une démocratie juvénile, dotée de justice constitutionnelle, peu expérimentée et moins prouvée par le temps, avec la mission combien importante que la juridiction constitutionnelle est appelée à accomplir dans son travail de

235 Décision n°2003/CC/JB du 23 décembre 2003 aux fins de contrôle de conformité à la Constitution du 2 juin 1991 de l'accord de prêt conclu à Kuala Lumpur, le 17 octobre 2003 entre le Gouvernement du Burkina Faso et la Banque Islamique de Développement pour le financement partiel du projet de construction de la route Kaya-Dori.

236 C'est le cas de la dissolution, par le Président de la République, de la Cour Constitutionnelle nigérienne en 2009, pour avoir donné un avis contraire au projet présidentiel de révision et le déclarer contraire à la Constitution. Voir CC du Niger, avis n°2/CC du 25 mai 2009 et arrêt n°04/CC/ME du 12 juin 2009.

237 Communication du Conseil Constitutionnel du Burkina Faso à l'occasion du deuxième congrès de la conférence mondiale sur la justice constitutionnelle, organisée par la cour suprême fédérale du Brésil et la commission de Venise du conseil de l'Europe à Rio de Janeiro du 16-18 janvier 2011.

238 MAMADOU Gueye, Le Conseil Constitutionnel sénégalais et la vie politique, Thèse de doctorat, Université Cheikh Anta DIOP, 2011, p. 267.

239 L'idéal voulu pour une indépendance certaine peut être illustré par le mode de nomination des juges constitutionnels du Niger. Ces juges sont désignés suivant un procédé mixte qui allie la nomination et les élections, les organes politiques et les organes corporatifs (article 121 de la Constitution de 2010). C'est le même système à Madagascar (article 114 de la Constitution). On peut s'en féliciter de la nomination du Président de la Cour Constitutionnelle malienne par ses pairs (article 92 de la Constitution malienne).

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protection des droits fondamentaux, la désignation exclusive des membres par le Chef de l'État et le Président de l'AN est révélatrice d'un péril certain.

En dehors de la nomination politique des juges constitutionnels, il y a également leur statut qui est contestable quant à la garantie d'indépendance.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon