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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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SECTION 2 : LES MENACES PORTÉES A L'INDÉPENDANCE DES AUTRES JUGES DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

243 Article 159 de la Constitution : « les membres de la Cour Suprême sont inamovible pendant leur mandat ».

244 En France, aucun article de la loi organique sur le Conseil Constitutionnel ni le texte même de la Constitution ne prévoit, l'irrévocabilité, seule l'absence de désignation d'une autorité compétente pour révoquer un conseiller constitutionnel, permet de dire qu'ils sont révocables. Cette présomption en France n'a jamais été violée, parce que la France est une vieille démocratie où la culture des contres pouvoirs est admise même si la légitimité du CC a été parfois remise en cause. Voir MANANGOU, Les évolutions récentes du constitutionnalisme en RDC, Mémoire de master, Université de Cergy-Pontoise, 2009, p. 197.

245 Article 9 de la loi n°2004/005 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du CC au Cameroun dispose que : « les membres du Conseil Constitutionnel sont inamovibles ; leur mandat ne peut être ni révoqué, ni renouvelé »

246 KAMTO Maurice, « Les cours de justice des communautés et des organisations d'intégration africaines », AADI, vol. 6, 1998, p. 112.

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L'indépendance de la justice sous-tend l'État de droit et elle est indispensable au fonctionnement de la démocratie et au respect des droits de l'homme. Condition sine qua non dans l'État de droit, l'indépendance de la justice dépend d'une combinaison de plusieurs conditions, c'est-à-dire l'organisation et le fonctionnement de la justice, du statut, des attributions et des moyens des juges. Ces attributs permettraient aux juges, pièce centrale de l'appareil judiciaire, d'être à la fois le protecteur naturel des libertés individuelles contre les atteintes émanant notamment des pouvoirs publics. Cet appareil judiciaire est un acteur du processus de démocratisation par une correcte application du droit, en dehors de toute pression ou autres contraintes extérieurs247.

Bien que les textes proclament, dans une certaine mesure, l'indépendance de la justice, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. L'ineffectivité de l'indépendance des juges apparait grande dans un pays où les droits et libertés fondamentaux des citoyens sont bafoués au quotidien par les pouvoirs publics. Cette situation rend la justice inefficace, et les raisons de cette inefficacité sont multiples. Elles se résument cependant aux restrictions qui relèvent des règles statutaires (paragraphe 1) et des diverses menaces à l'impartialité des juges (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les restrictions relevant directement des règles statutaires

Les menaces qui pourraient porter atteinte à l'indépendance des juges sont celles qui proviendraient du statut qui organise sa carrière. Ce statut est organisé par la loi fondamentale qui est la Constitution. Ainsi, l'article 146 de la Constitution dispose que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ». Certes, il y a une formulation claire de l'indépendance de l'appareil judiciaire au Tchad, mais l'analyse de certaines dispositions de cette même Constitution corrobore l'idée selon laquelle le juge n'est pas totalement indépendant dans l'exercice de ses fonctions. Il apparait donc que les magistrats n'échappent à l'emprise directe ou indirecte des autorités. Le juge est sous le contrôle du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) présidé par le Chef de l'État. Il importe alors d'analyser le Conseil supérieur de la magistrature et l'indépendance des juges (A) et les restrictions au principe d'inamovibilité (B).

247 BADARA FALL Alioune, « Les menaces internes à l'indépendance de la justice », In les défis des droits fondamentaux, Dakar,2007, p. 5.

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A - Le Conseil Supérieur de la Magistrature et l'indépendance des juges

Dans plusieurs pays, il existe un Conseil Supérieur de la Magistrature qui vient assister le Président de la République garant de l'indépendance de la justice248. Le Tchad n'est pas en marge de ce principe. En effet, l'article 150 de la Constitution dispose que « le Président de la République est le garant de l'indépendance de la magistrature. Il veille à l'exécution des lois et des décisions de justice. Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature ». Ce Conseil n'a pas toujours fait l'objet des commentaires élogieux. Les magistrats ne cessent de dénoncer les dysfonctionnements, tant au sujet des nominations qu'au niveau des sanctions prises à leur encontre dans le cadre de la procédure disciplinaire.

C'est dans ce sens que le Syndicat des Magistrats du Tchad (SMT) a exprimé son mécontentement à travers un communiqué n°029/SMT/SG/19 de décembre 2019, dénonçant, les immixtions dans le cours normal de la justice. Selon le SMT, « ces ingérences se caractérisent par des interpellations intempestives des juges, les poursuites sélectives des magistrats devant le conseil de discipline, les détentions arbitraires et les libérations illégales dont les deux derniers cas249 relèvent purement et simplement de l'arbitraire et porte gravement atteinte au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant la loi ».

L'autre cas d'immixtion des autorités dans la justice est récent. Á travers un communiqué n°032/SMT/2020, le SMT a dénoncé le comportement du Gouverneur de la province de Wadi-Fira relatif aux immixtions et intimidations dans le cours normal de la justice. Selon le communiqué, le SMT estime que « les propos tenus par le Gouverneur frisent le ridicule et sont constitutifs des faits d'outrage à magistrat, d'empiètement sur les fonctions judiciaires, des menaces et exposent les magistrats à toutes formes d'insécurité »250.

Le constat fait dans le passé concernant l'emprise du CSM reste le même aujourd'hui et les magistrats semblent encore être sous le contrôle de cet organe, hérité du système français, qui fait beaucoup de critiques et de réticences. Le CSM est suspecté souvent de

248 C'est le cas au Bénin, au Burkina-Faso, au Cameroun, en Egypte, en France, au Gabon, en Guinée, à Madagascar, au Mali, au Niger et au Niger ou encore au Sénégal

249 Il s'agit d'un scandale qui s'est déroulé le 09 octobre 2019 au palais de justice de Ndjamena. Le journal en ligne www.tchadtribune.com aurait rapporté qu'en ce jour, un général de l'armée aurait été condamné sur siège pour avoir menacé une tenancière d'un hôtel de la place, chinoise de nationalité, au moyen d'une arme à feu et de guerre. Grâce à la caméra de surveillance, cette menace a été filmée et versée au dossier. Déféré au parquet, un mandat de dépôt a été décerné à son encontre. Curieusement, le dossier se retrouve en citation directe et le général a comparu libre ce jour 09 octobre. Et il a été condamné à deux ans de prison ferme. Aussitôt condamné, le général aurait été libéré sur instruction du Ministre de la justice.

250 Communiqué de presse du Bureau exécutif du Syndicat des Magistrats du Tchad suite aux correspondances n°002/MJCH/CS/CAA/TGI/PR-GUE/2020 et n°004/MJCH/CS/CAA/TGI/PR-GUE/2020 des chefs de juridiction de Guereda.

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connivence avec le pouvoir en place et ne dispose, le plus souvent, d'aucune crédibilité, aussi bien au sein de la magistrature elle-même qu'auprès de population, de plus en plus attentive aux décisions rendues par la justice de leur pays251. En plus, le CSM dont la mission essentielle et première est d'assurer le bon fonctionnement du service public de la justice et la garantie de l'indépendance des magistrats, est présidé par le Président de la République252.

En conséquence, le magistrat tchadien se trouve ainsi dans une situation de dépendance vis-à-vis de cette haute autorité. En présence du Président de la République et du Ministre de la justice en tant que vice-président253, le CSM semble gardé toute son influence sur le corps judiciaire. Il en est de même pour certains pays où cet organe a fait l'objet des réformes importantes destinées à atténuer la présence excessive des autorités de l'État dans ce Conseil. En effet, le Conseil de la Magistrature au Togo est désormais présidé par le Président de la Cour Suprême ; au Mali, c'est aussi le Président de la Cour suprême qui préside le Conseil lorsque la poursuite concerne un magistrat du siège, et par le Procureur général près la Cour Suprême s'il s'agit d'une incrimination dirigée contre un magistrat du parquet254.

Il faut dire que ces modifications sont mineures et ne semblent pas affecter de manière décisive l'influence directe ou indirecte du pouvoir politique sur le fonctionnement de la justice, l'indépendance ou la carrière des magistrats à travers le Conseil de la magistrature. Des réformes sont envisageables dans ce pays pour que le fonctionnement de cet organe fasse l'objet de modifications susceptibles d'introduire suffisamment de transparence dans la gestion de la carrière des magistrats.

L'indépendance des magistrats n'est pas affectée seulement par la prééminence du CSM mais aussi par la restriction au principe de l'inamovibilité.

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