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De la diversité culturelle, linguistique et migratoire à  l’établissement du locuteur en langue franà§aise. Cas d’adultes migrants à  Bruxelles.


par Stéphanie NASS
Université de Bourgogne - Master 2 Recherche didactique du franà§ais  2014
  

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1.2. Cadre épistémologique

Notre étude ayant de l'intérêt pour les rapports mentaux que maintiennent les énonciateurs migrants avec la langue française, nous nous proposons de répondre aux questions suivantes :

- (a) Quels signes linguistico-cognitifs marquent les périodes temporelles de la construction identitaire du locuteur non confirmé en langue française ?

- (b) Quel est le modus operandi qui crée l'installation du sujet parlant en idiome in posse ?

- (c) Quelles techniques didactiques privilégier dans le domaine des sciences du langage ?

Pour ce faire, nous avons mené notre étude sur un terrain précis avec l'objectif d'observer et de s'enquérir sur un groupement de personnes : les membres de l'association dans laquelle nous sommes bénévoles. En cela, nous nous prévalons d'une démarche ethnographique puisque notre tâche consistait à écouter attentivement des récits de vie qui dans leurs «dimensions référentielles » (Jeanneret, Pahud, 2013 : 16) transforment le récit en un positif identitaire « lui donnant de nouveaux contours » (Blanchet, Chardenet, 2011 : 460). Parce que nous voulons comprendre le mouvement langagier du sujet parlant « dans une perception du temps humain, et en construisant une identité » (de Robillard, 2011 : 21), nous avons opté pour l'étude et l'enregistrement des entretiens réalisés auprès des informateurs. De même, les comportements étant consubstantiels à l'instantanéité discursive, le groupe de discussion-poste d'étude dialogique entre la langue et les attitudes psychiques- nous a semblé une technique pertinente pour leurs observations (Chardenet, 2011 : 77). La façon dont nous avons rendu compte de cet « instant de conscience vive » 55 induit la transcription des narrations selon des items précis (cf. Annexes 15-19) qui relèvent de l'analyse linguistique et comportementale (a). Par ailleurs, nous aspirons à une vision croisée des actes de langue et des actes d'appropriation au travers des pratiques. En effet, afin de ne pas dériver vers un portrait uniformisant de la réflexivité en langue in fieri et conscient que la construction

55 Expression de Guillaume reprise par Soutet dans sa préface à l'ouvrage de Bajriæ (2013 : 9).

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identitaire reste indissociable de l'acte d'écrire (Molinié, 2011 : 144), nous avons choisi de recourir à l'assemblage des données provenant des groupes de discussion ainsi que celles collectées auprès des sources écrites produites par les informateurs eux-mêmes (b). D'un point de vue didactique, afin de prendre en compte le versant culturel de la situation, l'usage du journal de terrain ainsi que les échanges « naturels » avec les formateurs de l'ASBL nous ont paru pleinement complémentaires (c).

Certains ouvrages consultés nous ont confortée dans l'approche ethnologique que nous avons choisie. De fait, loin d'assouvir un simple appétit de notions en sciences du langage, notre travail s'ancre dans un examen à visée humaine (Société d'ethnographie, 1860 : 23) qui grâce aux apports de la linguistique théorique tend à donner pour certains les schèmes relationnels entre « le mental et le vécu » (Monod Becquelin, Vapnarsky 2001 :155), dans la compréhension d'un idiome in posse. Une telle position épistémologique nous amène vers une reconnaissance de la manière dont les discours et les interactions des nouveaux arrivants sont parlés en rapport avec leur profil langagier. Ce que Dabène nomme « la conscience ethnolinguistique » (1994 : 103). Au-delà de l'aspect sémantique de la narration, Huver et Springer (2011 : 244) présentent « la dimension ethnolinguistique » comme un élément constitutif des habiletés culturelles qui servent à s'approprier l'alternance intellective ainsi que la conduite verbale des langues. C'est pourquoi, nous sommes convaincue que les entretiens ainsi que les écrits biographiques d'adultes migrants, au répertoire multilingue, sont à même de nous dévoiler les transpositions cognitives qui déterminent les énoncés des locuteurs non confirmés.

Jusqu'ici nous n'avons pas franchement défini le concept de « transposition mentale », de « rapports mentaux » ou encore de « processus cognitifs ». Or, il est une idée-force sollicitée dans la compréhension des processus identitaires en langue in posse. Parmi la grande diversité des expériences auxquelles un sujet est exposé au fil de sa vie sociale, notamment, au fil des migrations, se trouvent les variables des langues. L'appropriation d'un idiome est un vécu unique qui se matérialise dans une contextualisation spécifique : une institution. Cette conjoncture implique des déterminants culturels, temporels et cognitifs qui façonnent les identités au coeur des discours. Digne héritière de la dichotomie structure acquise/structure

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apprise de Krashen (1981), la linguistique-didactique distingue l'immanent du transcendant des langues, le locuteur confirmé de l'énonciateur non confirmé. La langue in esse est le résultat de procédés intériorisés en situations naturelles. L'appropriation, quant à elle, relève d'un mécanisme réfléchi sur l'idiome potentiel et qui se contextualise géographiquement et temporellement. En cela, l'aporie réside plus dans la cognition que dans le cadre contextuel. Selon le linguiste américain, la principale action correspondant à la compréhension d'une langue est le « monitor », en d'autres termes la maîtrise, la régulation du discours. L'intention arrêtée d'effectuer des modifications sur les énoncés réalisés, en l'occurrence dans un échange en langue in fieri, nous renvoie vers des processus cognitifs conscients. C'est lorsqu'on utilise la régulation des variations dans les output- compris comme le résultat d'une production langagière- que l'on peut argumenter que tout individu revêt le statut de locuteur non confirmé. Cela dit, si l'on considère le mot « monitor » dans sa définition stricto sensu, il est évident que la théorie de Krashen ne peut s'apparenter à un mécanisme, cela concerne plutôt une approche psycho-sociologique. Il nous semble donc que les interfaces mentales sont des modérateurs qui permettent aux locuteurs adultes de conscientiser leurs erreurs à l'intérieur de leur production. En effet, qu'il soit acte ou état d'esprit, le fait de se tromper occupe une place prépondérante dans l'acceptabilité d'une langue. Qualifiée d'émancipation linguistique dans le cas du locuteur confirmé, l'erreur devient le symbole de l'insuffisance langagière du nouvel énonciateur (Bajriæ, 2013 : 144-152). Pourtant il est une voix parmi les linguistes qui se veut plus élémentaire (Frei, 1929 : 291-292) lorsqu'il s'agit de caractériser la langue française, le concept étant que cette dernière n'a aucune réalité. Frei déclare que ce qui fait véritablement sens, ce sont les idiomes français et leurs utilisations : la norme autant que la pratique habituelle d'un groupe. La considération de l'erreur restera donc à l'appréciation de chacun, en se rappelant néanmoins que, par la présente étude, nous l'inscrivons dans la dynamique de l'intellection. D'autre part, nous envisageons les relations cognitives comme des indicateurs de l'interculturalité des comportements linguistiques, notamment au travers des originalités du « vouloir-dire » des langues, c'est-à-dire des idées psychiques qui représentent les communautés langagières (Bajriæ, 2013 : 110-116). Enfin, comme nous l'avons noté précédemment, le dire d'un idiome catalyse la réciprocité entre des sujets parlant éventuels ainsi que l'intériorisation respective de leur subjectivité. À notre sens, cet angle définitoire a

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permis de dessiner notre première hypothèse concernant les éléments verbaux in fieri comme facteurs de processus de reconfiguration identitaire.

La deuxième hypothèse postulée se rapporte au concept pléomorphe et mouvant d'identité (Mucchielli, 2003 : 4). En la définissant tel un processus de sélection à la fois intime et socio-collectif, Vinsonneau (2012 : 26) expose le versant idiosyncrasique de cette notion. En effet, chaque individu possède une lecture du « sentiment d'être », la capacité que l'autre a à se détacher de soi pour reconnaître socialement quelqu'un d'autre (Mucchielli, 2003 : 71-72). La relation de contigüité constitue donc une entité intégrée dans le système identitaire qui se distingue en premier lieu par sa contextualisation, puis par les niveaux de valeurs accordés à la personne. Elle se caractérise par ailleurs dans son rapport à l'espace à travers le phénomène de la migration où l'assimilation positive s'avère encouragée par la légitimation de l'autre (Gohier, 2006 : 153). Il n'est donc pas question d'évoquer le concept sans en mettre en avant la nature « dynamique » (Vinsonneau, 2012 : 81). C'est ce que Baroni et Jeanneret (2009 : 78) signalent vis-à-vis de l'incomplétude et du renouvellement perpétuel de l'ego que les biographies trahissent. Selon les didacticiens, les récits de vie revendiquent d'abord la narration qui ensuite crée à nouveau le récit, impliquant la distance métaphorique comme une structure récurrente dans la démarche d'énonciation. En cela, le mécanisme identitaire ne peut se comprendre en l'absence de temporalité. Reste à considérer une troisième remarque relative à un versant dissolutif de l'identité : l'anomie. L'identité est ce qui permet à l'individu de se reconnaître, d'accéder à son soi intime et donc à sa liberté telle une médiation signifiante entre l'univers et l'homme. C'est l'espace- entendu comme la distance entre deux objets ou deux points- où toute personne se recompose et développe des stratégies conformément aux situations vécues. Compénétré par l'Histoire et la conjoncture sociale actuelle, le concept d'identité, dans sa définition moderne, serait dès lors, plus avant la référence ontologique qui nous détermine, un mérite et une vertu essentiels56. De ce fait, la « désertion » (Le Crest, 2013 : 60) de soi ne saurait être sans danger car elle confronte l'individu à des circonstances expérimentales anomiques. Comment atteindre, dans son unité, l'être en situation de migration prolongée, lorsque l'ordre environnant relève d'une

56 À ce sujet, Orsenna (2003 : 22-23) dans son roman Madame Bâ, évoque l'identité comme étant catégorisée et non prise dans sa globalité.

compréhension non confirmée ? Là réside toute la problématique qui convertit, par exemple, des exilés espagnol et portugais tels Alvaro, en anonyme ouvrier ou Piedade, en anonyme ibérique (Camilleri, 1990 : 155-160). L'individu est ré-inventé au gré des désignations sociales- « socionyme »- et ethniques- «ethnonyme »- (Bres, 1993 : 17) conduisant à une dépersonnalisation où tout un chacun est contraint de puiser dans sa « boîte à outil »57 (Camilleri, 1990 : 46) identitaire.

In fine et à la lumière de ces deux postulats, nous envisageons des propositions didactiques adaptées à condition donc, qu'elles valorisent et encouragent la création linguistique du locuteur non confirmé. Il s'agit de penser, grâce à notre « métaposition » (Blanchet, 2011 : 19) de chercheure néophyte, à la façon de concrétiser cet objectif sur le terrain afin d'obtenir une valeur ajoutée en termes d'appropriation du français.

Ces remarques justifient l'importance particulière que nous accordons aux signes et aux comportements linguistiques dans l'examen du corpus. La caractérisation antérieure des opérations mentales (le « monitor », l'erreur et le « vouloir-dire ») ainsi que l'articulation de trois des composantes de l'identité (l'ontologie, la dynamique et l'anomie), nous servira pour l'analyse des entretiens autobiographies des adultes migrants que nous dirigeons. Chaque élément s'avère être en mesure d'offrir un poste d'observation hautement intéressant. Notamment en ce qui concerne la compréhension de la langue française grâce aux témoignages des acteurs de l'ASBL.

Voyons à présent l'ensemble circonstanciel qui nous a semblé particulièrement fécond en vue de cette étude scientifique.

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57 Expression de Devereux (1972) reprise par Camilleri.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway