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Le malaise identitaire et sa quete dans l'enfant des deux mondes de Karima Berger : vers une représentation romanesque de l'hybride


par Amar MAHMOUDI
UMMTO - Master 2 2021
  

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3. Le cadre spatio-temporel :

L'hybride apparaît plus nettement encore dans la structuration interne du récit. En effet, l'ensemble des procédés paratopiques employés nous renseigneront davantage sur la disposition hétérogène du texte, suivant la logique de rupture (sauts temporels) ou de dédoublement (alternance spatiale). Ceux-ci participent tout simplement de l'effet de représentation ou de conditionnement de l'oeuvre vis-à-vis de son contexte d'apparition (Maingueneau), qui la donnent à lire comme étant une reproduction pure et simple des formes de l'ambigüité.

Dans un premier temps en effet, l'étude des passages descriptifs, érigés selon des modalités paratopiques revendiquées dans l'oeuvre, doivent conclure à la fragmentation de l'espace romanesque (dédoublement, diversité et interpénétration de lieux) ; dans un second temps, la prise en charge des séquences narratives nous permettra de dégager l'essentiel de la temporalité (la vitesse, le rythme et la fréquence) brouillée du texte. En somme, cette étude nous permettra d'énoncer clairement les enjeux poursuivis par l'auteure et de les appréhender selon les principes hybrides qui sous-tendent la composition de son texte.

3.1. Le dédoublement spatial :

L'espace romanesque représenté dans L'enfant des deux mondes est fort important dans la mesure où il excède la problématique idéologique de la période post-indépendance, et procède au décloisonnement des espaces. En effet, tantôt l'Ici est juste là, tantôt il est ailleurs. Il s'agit pour l'auteure de mettre en place une alternative à ces deux mondes qui sont désignés du doigt comme étant vivement antithétiques, et d'échapper ensuite à la politique ségrégationniste du régime en place : être présent en chacun de ces espaces, « hors de l'ennui, des murs263(*), du silence, de la claustration. » (K. Berger, 1998, p. 7.), telle est la raison d'être de ce livre. De ce fait, la multiplication des espaces au sein de notre corpus « brise cette fonction emblématique du territoire et conteste l'affirmation crispée d'une identité univoque... »264(*).

Il s'agit principalement des souvenirs de l'enfant. Le roman débute en Algérie, à la période coloniale, en même temps qu'il s'écrit en France, lieu d'exil. La narration ultérieure permet donc un moment le rapprochement de ces deux espaces tout en les confondant. Le passage d'un espace à l'autre est rendu aisé par l'enchâssement des séquences narratives et descriptives. L'ordre de narration emprunte la figure du sablier, c'est-à-dire qu'il résulte d'un va-et-vient (en allant du général au précis et du précis au général) entre ces deux espaces principaux que sont d'une part l'Algérie d'avant et celle d'après ; de l'autre, l'Algérie (indépendante) et la France (terre d'exil265(*)).

Ainsi, de cette Algérie natale, figure emblématique et ancestrale, l'enfant aura retenu le goût de sa nostalgie et de son rappel. Cet espace, divisé par l'auteure en deux axes symétriques (les premiers chapitres se situeraient [tous] en Algérie tandis que les derniers en France) correspond d'abord à l'Algérie, « Alger - Médéa » (p. 5.) ; « Tibhirine » (p. 13.) ; « Damiette » (p. 13.) ; « Borelli La Sapi » (p. 13.) ; « Duperré-Aïn Defla » (p. 30.) ; « Tipasa » (p. 48.) ; « Saint-Denis du Sig [...] l'Oranie » (p. 61.), etc., avant de parvenir en France, pour elle « l'autre France » (p. 111.), c'est-à-dire en fait la métropole : « France » (p. 111.) ; « Ici, en Auvergne » (p. 120.), « Clermont-Ferrand » (p. 112.) ; « Puy-de-Dôme » (p. 118.), etc. Le dédoublement est néanmoins le principe fondateur de ce livre. En une fraction de seconde, le récit peut se glisser d'un lieu à un autre et accumuler bon nombre de descriptions spatiales. C'est le cas, ci-après, de ces deux passages qui alternent entre deux espaces suffisamment lointains mais proches (ayant plusieurs dénominateurs communs), pour répondre aux besoins de la comparaison :


· Paris. Marché d'Aligre, un samedi de Ramadhan dans une boucherie musulmane... (K. Berger, 1998, p. 86.)


· Médéa, fief de la tribu, lieu de tous les rituels, des manies religieuses... (K. Berger, 1998, p. 87.)

Cette alternation des espaces accompagne sans doute l'état d'esprit de l'enfant, pour ne pas dire de l'auteure, et caractérise sa double personnalité. Comme elle ne peut véritablement s'en défaire ni de l'un ni de l'autre, ils sont tous deux présents dans la conscience de l'une et de l'autre. Il n'y a donc pas de réseau d'oppositions entre ces deux espaces, contrairement aux idéologies qui les représentent au sein des régimes postcoloniaux, mais des liens complémentaires qui insistent sur la continuité de l'un et de l'autre. Le roman en question, tout comme l'enfant d'ailleurs, invoque très souvent ces deux espaces en essayant de les contenir dans un jeu incessant de va-et-vient : « Aller, retour, Paris - Alger - Paris. » (idem, p. 122.). Pour le texte donc, l'identité hybride est celle qui « se dérobe à la fixité dans l'espace romanesque. »266(*).

* 263 Des « murs absurdes » sommes-nous tentés de dire, en référence à l'ouvrage déjà cité d'Albert CAMUS. Albert CAMUS, Le mythe de Sisyphe : Essai sur l'absurde, Paris, Gallimard, coll. « Les classiques des sciences sociales », 1942, 187 p. 

* 264 Charles BONN & Naget KHADDA, « introduction », in Charles BONN, Naget KHADDA, Abdallah MDARHRI-ALAOUI (Dir.), op. cit., p. 20.

* 265 Cet exil est déterminé par la double identité de son l'auteure. Il n'est donc pas (forcément) imposé par l'État, ou du moins indirectement, ce qui lui permet alors, dans ou en dehors de ses romans, de circuler d'un espace à l'autre.

* 266 Lydie MOUDILENO, Parades postcoloniales : la fabrication des identités dans le roman congolais, op. cit.,

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault