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Les agents immobiliers et le blanchiment des capitaux en afrique centrale


par Mariette POKAM MAKOUPPO TAJOUO
Université de Dschang - Master 2020
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

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L'un des effets pervers de la mondialisation aujourd'hui est l'ouverture des frontières1, qui permet la circulation facile du capital2 issu de diverses activités même celles menées dans l'illégalité. En effet, les différentes activités criminelles telles la prostitution, la contrebande, le trafic de drogues génèrent d'énormes profits. Ces sommes acquises illégalement sont légitimées par les délinquants grâce au blanchiment des capitaux. L'individu ou le groupe impliqué doit trouver un moyen pour justifier l'origine de ces fonds sans éveiller des soupçons sur l'activité criminelle qui en est l'origine. C'est la raison pour laquelle, les criminels s'emploient à masquer la provenance frauduleuse de ces fonds en recourant à des investissements nationaux et internationaux pour restituer aux instruments financiers illégalement acquis une respectabilité, leur donnant ainsi l'accès à des activités de tous ordres3.

Par essence, les faits de blanchiment se situent dans le sillage de la commission d'une infraction en amont. Ils consistent cumulativement en la justification mensongère de l'origine des biens, des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit profitable, mais aussi au placement, en la conversion et à la dissimulation des produits d'un crime ou d'un délit.

Selon les théoriciens, les opérations de blanchiment se font généralement en trois phases à savoir : le prélavage encore appelé placement4 qui consiste pour les criminels à fractionner l'argent illicite de façon à l'intégrer facilement dans le circuit financier normal ; le brassage ou dispersion5consistant pour le criminel à brouiller les pistes par les transactions financières complexes afin de légitimer la possession ; l'essorage encore appelé recyclage ou intégration c'est la phase où l'argent a déjà acquis l'honorabilité recherchée par le criminel, ainsi les investissements peuvent commencer. C'est généralement dans cette dernière phase qu'intervient l'acquisition des biens immobiliers. En fait, depuis belle lurette l'immobilier est considéré comme un secteur de prédilection des délinquants pour dissimuler ou transférer les revenus licites6. Ils préfèrent effectuer des placements dans des valeurs non ou peu soumises

1 Libre circulation de biens, des personnes et des services.

2 Capital : Fonds, somme d'argent destinés aux placements et investissements ; quantité considérable d'argent.

3 BERR (C. J.), « Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme », Répertoire de droit commercial, 2010, p. 4.

4 Le placement consiste par ailleurs à placer l'argent liquide sous un compte bancaire, en masquant son origine frauduleuse, c'est une phase vulnérable pour le criminel.

5 A été qualifié de dissimulation le fait de contracter un faux contrat pour l'achat d'un bien immobilier, les échéances du contrat de prêt étant prises en compte par l'argent blanchi V. Crim.10oct. 2007 n° 06-84.632, inédit.

6 Rapport de l'OCDE, du 20 février 2009, sur les risques de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux dans le secteur immobilier cité par GROSS (S.), Les intermédiaires de l'immobilier face au blanchiment et à la fraude

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aux aléas du marché. L'immobilier permet de blanchir de grosses sommes d'argent, car s'agissant d'investissement à forte rentabilité7. Le secteur immobilier sert ainsi de cadre à de nombreuses pratiques frauduleuses ou opérations financières illicites ; il reste un investissement de choix des fraudeurs.

Depuis plus d'une décennie, le phénomène du blanchiment des capitaux fait l'objet d'une mobilisation de la communauté internationale. Face aux conséquences désastreuses qu'entrainent les activités des organisations criminelles sur les économies nationales8 et transnationales9, la lutte contre le blanchiment de capitaux est apparue comme une nécessité pressante. La stratégie adoptée à cet égard a été globale en raison du caractère transnational de ces activités illicites, car toute stratégie qui se limiterait à la sphère nationale serait inéluctablement vouée à l'échec10. C'est ainsi que les États de la sous-région d'Afrique Centrale11 se sont engagés depuis le début des années 2000, en adoptant un cadre institutionnel et normatif anti-blanchiment à vocation à se hisser au niveau des standards européens et internationaux.

Ces États ont procédé12 à la création d'un Groupe d'Action contre le Blanchiment d'Argent en Afrique Centrale (GABAC) et par la suite ont adopté plusieurs Règlements13. Le plus récent est le Règlement N° 01/CEMAC/UMAC/CM du 11 Avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment de capitaux et financement du terrorisme et la Prolifération en Afrique Centrale. Ces Règlements adoptés dans le cadre de l'harmonisation des moyens de lutte contre la criminalité organisée s'imposent à une certaine catégorie d'acteurs

fiscale, mémoire de licence professionnel « Investigations judiciaires en matière de délinquance économique et financière », Université de Strasbourg, Ecole de Management Robert Schuman, Juin 2010.

7 GROSS (S.), Les intermédiaires de l'immobilier face au blanchiment et à la fraude fiscale, op. cit., p.12.

8 Le blanchiment est un choc pour l'économie d'un pays. Les effets sont particulièrement sensibles quand le secteur financier du pays concerné est assez modeste, comme en témoigne l'affaire Stanford dans laquelle une fraude organisée depuis les Etats-Unis a bouleversé une petite économie insulaire.

9 Il est indéniable que les activités criminelles, difficiles à mesurer, faussent les statistiques économiques disponibles et empêchent tout diagnostic précoce d'une crise en germe. L'argent sale présente un risque pour le fonctionnement efficient des marchés, car sa circulation se fait en dehors de toute logique économique.

10 NGUIFFEU TAJOUO (E. L), La lutte contre la criminalité financière en zone CEMAC, Etudes à la lumière du modèle européen, EUE 2011, p. 8.

11 La CEMAC est constituée de six Etats : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad.

12À travers l'Acte Additionnel n° 09/00/CEMAC-06/CCE du 14 décembre 2000.

13Le Règlement du 02 Octobre 2010 portant révision du Règlement n°01/CEMAC/UMAC/CM du 04 Avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en Afrique centrale.

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économiques tels les Entreprises et Professions Non Financières Désignées dont les agents immobiliers et les agents de location14 sont des espèces.

L'article 6 du Règlement de 2016 au titre des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, prescrit que les dispositions du Règlement, sont applicables à toute personne physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession, réalise, contrôle ou conseille des opérations entrainant des dépôts, des échanges, des placements, des conversions ou tous autres mouvements de capitaux. Ces personnes assujetties sont la BEAC, les institutions financières, les changeurs manuels, les agents immobiliers, y compris les agents de location15, les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les agents sportifs (...). Des dispositions de l'article 8 du Règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 Avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment et la prolifération en Afrique, le blanchiment des capitaux désigne la dissimulation ou le déguisement de la nature, de l'origine, de l'emplacement, la disposition du mouvement ou la portée des biens provenant d'un crime. La dissimulation de la nature des capitaux peut se faire via les investissements immobiliers, secteur dans lequel interviennent des agents facilitant les transactions.

Selon le Vocabulaire juridique publié sous la direction de GERARD CORNU16, l'agent immobilier, est un agent d'affaire qui intervient habituellement comme intermédiaire dans les opérations portant sur les biens immobiliers. Une autre définition est donnée par la loi camerounaise N°2001/020 du 18 Décembre 2001 portant organisation de la profession d'agent immobilier qui définit l'agent immobilier comme toute « personne physique ou morale qui accomplit des opérations immobilières17 et en fait sa profession habituelle ».

La définition prévue par la loi N° 006/2017 portant règlementation de la profession d'agent immobilier en République Gabonaise nous parait plus claire et contient toutes les attributions de l'agent. L'agent immobilier y est définit comme « toute personne physique ou morale qui accomplit, en vertu d'un mandat et moyennant une rémunération, des prestations

14 Assujettis prévus aux articles 6 et 7 du Règlement CEMAC de 2016.

15 Alinéa 7 de l'article 6 du Règlement CEMAC de 2016.

16 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 11e édition mise à jour, PUF, p.46.

17 Selon la loi camerounaise organisant la profession d'agent immobilier, les opérations immobilières prévu en son article 3 consistent en -l'achat, la vente, la location ou la sous-location en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ; - l'achat, la vente, la location ou la sous-location de fonds de commerce ; - la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de part de sociétés immobilières donnant vocation à l'attribution des locaux en jouissance ou en propriété, - la vente ou l'achat de parts sociales non négociables, lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ; - la gestion immobilière.

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de service à caractère commercial en matière d'intermédiation dans le domaine des transactions et de la gestion immobilières pour le compte ou au profit des tiers propriétaires »18. L'agent immobilier peut être un agent commercial, un mandataire, un travailleur en agence ou exerçant individuellement mais il agit pour le compte d'un tiers.

En ce qui concerne l'aptitude professionnelle, l'article 5 du décret camerounais de 2007 fait état du diplôme requis pour les agents immobiliers. Ainsi pour ce qui est de l'aptitude professionnelle des personnes morales, les lois des États de la CEMAC prévoient que, toutes celles qui remplissent des conditions d'exercice de la profession de commerçant doivent en outre employer des personnes physiques ayant l'aptitude professionnelle requise et remplissant les conditions d'exercice de la profession19. Ce qui revient à dire que les personnes qu'emploient les agences immobilières doivent avoir la même aptitude professionnelle que les agents immobiliers. Il serait même judicieux qu'elles soient des agents immobiliers.

L'agent immobilier est un agent d'affaire (agissant le plus souvent en qualité de courtier) dont l'activité habituelle et rémunérée est de gérer les affaires d'autrui et s'entremettre dans les transactions commerciales ou foncières qu'il s'agisse d'une location, vente ou échange d'habitation ou de locaux de tous genres. Aux yeux de la loi, il s'agit des professionnels représentant soit le propriétaire, soit le locataire ou l'acheteur lors de la négociation d'un acte portant sur un bien immobilier.

Il faut souligner avec les lois QUILLOT de 1970 et MERMAZ du 6 juillet 1989 en France que le marché de l'immobilier couvre en réalité non seulement le secteur locatif, mais aussi le secteur d'accession à la propriété20. Dit autrement, il existe une branche Transaction consistant en la vente et la location des biens immobiliers, et la branche de Gestion locative consistant en la gestion des biens ayant fait l'objet de location. Nous nous intéresserons à ces deux branches, car elles sont ouvertes aux opérations de blanchiment des capitaux.

L'activité d'agent immobilier qui se résume pour l'essentiel à la négociation pour le compte de ses clients des contrats de location ou de vente d'immeuble (faisant l'objet d'une juste rémunération) donne lieu à la conclusion d'une convention d'entremisse encore appelé

18 Cf. art 6 de la loi Gabonaise de 2017.

19 L'exercice de la profession d'agent au Cameroun est subordonné aux termes de l'article 6 de la loi de 2001 et son décret d'application de 2007, à l'inscription au Registre des agents immobiliers et la délivrance d'une carte professionnelle par le ministre en charge de l'habitat. Ces mêmes conditions et plus sont posées à l'article 9 de la loi Gabonaise n° 006/20167 du 09 août 2017.

20 BOMBA (D. T.) « Le statut juridique de l'agent immobilier au Cameroun » in « Droit et politique de l'immobilier en Afrique : exemple du Cameroun », Mélange en l'honneur du Pr André TIENTCHOU NJIAKO, PUA, p. 76.

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mandat par la loi21; ces agents immobiliers pouvant déléguer tout ou partie de leur mandat à des négociateurs en immobilier22, mandataires immobiliers23, ou à l'agent commercial en immobilier24 salariés ou juridiquement indépendants. Ces derniers sont tenus de faire remonter toutes les informations utiles à l'agent immobilier, ce dernier étant seul tenu des obligations en matière de lutte contre le blanchiment.

La législation communautaire anti-blanchiment inspirée des normes internationales, elles-mêmes inspirées des recommandations du GAFI25, part de l'idée que le blanchiment de capitaux est souvent favorisé par la coopération de certains professionnels, lesquels, sans pouvoir être accusés ouvertement de complicité, sont en revanche coupables de négligence, de laxisme caractérisé. Il convient donc de les associer à la détection, à la prévention, et le cas échéant, à la répression des agissements frauduleux auxquels ils ont été mêlés. C'est ainsi que le Règlement CEMAC a prévu des obligations anti-blanchiment à l'égard des agents immobiliers, sauf que ces obligations pour certaines s'opposent aux obligations prévues par les textes nationaux organisant la profession d'agent immobilier qui ignorent la réalité du blanchiment de capitaux car obsolètes et par conséquent n'astreignent pas les agents immobiliers à lutte contre ce phénomène. En effet, le Règlement pose le principe de l'intervention des agents immobiliers dans la lutte contre le blanchiment, pourtant l'organisation de la profession qui relève des États membres est subordonnée aux textes nationaux qui ne prennent pas en compte la lutte contre le blanchiment dans leurs dispositions. Se soulève ainsi la question de la cohérence et l'harmonie des textes. Les textes nationaux ignorent le phénomène de blanchiment qui a une assise dans le secteur immobilier, cette assise qui passe inéluctablement par les agents immobiliers. Par ailleurs, ces textes nationaux n'ayant pas pris en compte la réalité du blanchiment sont en déphasage avec le Règlement de 2016.

Face à ces difficultés et ces contradictions dans les règlementations, la solution la plus plausible pour une harmonisation des textes communautaires et nationaux est la solution

21 CALAIS-AULOY (J.), et STEINMETZ (F.), Droit de la consommation, 6ème éd., Dalloz,2003, n° 387, p. 421.

22 C'est un intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs des biens immobiliers, il met en rapport vendeurs et acheteurs des biens immobiliers. Le négociateur n'est pas un agent immobilier il est le mandataire de celui-ci.

23 Le mandataire immobilier est un professionnel qui agit sous le contrôle et l'appui d'un agent immobilier.

24 C'est toute personne physique qui s'enregistre au RCCM en tant qu'entrepreneur individuel ou autoentrepreneur et qui est lié à un agent immobilier ou une agence immobilière par un contrat d'intermédiation. Son rôle se résulte à la partie commerciale de l'opération c'est à dire prospecter et rentrer les biens en portefeuille. Son mandat se limite à l'offre d'achat.

25 GAFI : Groupe d'Action Financière International, il émet des recommandations, comme leurs noms l'indique n'ayant pas force obligatoire, mais obligatoire pour les États dans la politique de lutte de les appliquer.

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juridique qui consacre la primauté du droit communautaire sur les textes nationaux, et donc l'application immédiate du texte communautaire, ce qui revient à dire que les agents immobiliers dans l'exercice normale de leurs activités doivent lutter contre le blanchiment en dénonçant tout agissement de ses clients tombant sous le coup du Règlement de 2016.

Dans la lutte contre le blanchiment de capitaux, l'agent immobilier n'est pas un organe de poursuite, son intervention se limite principalement dans la phase de la prévention, puisque dans la phase de la répression il sera poursuivi soit en complicité soit même comme auteur principal du blanchiment. Il n'est non plus un acteur dans la répression car elle relève des autorités d'enquête et de poursuite. Les agents immobiliers n'intervenant que dans la phase de la prévention, on peut utilement s'interroger sur l'efficacité de leur intervention. Le problème que soulève le sujet soumis pour analyse est celui de l'efficacité du dispositif assujettissant les agents immobiliers à lutter contre le blanchiment de capitaux en Afrique Centrale.

En effet, tel que le Règlement est structuré et ses règles posées, lorsque ces règles sont mises en ensemble avec l'organisation juridique de la profession d'agent immobilier, peut-on espérer une contribution efficace des agents immobiliers dans la lutte contre le blanchiment des capitaux ? Autrement dit, les dispositions du Règlement CEMAC permettent-elles une lutte efficace contre le blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier ?

Pour conjuguer les contradictions textuelles afin de permettre une lutte efficace, le législateur communautaire peut aborder la lutte dans le secteur immobilier de manière particulière c'est-à-dire en tenant compte des réalités du secteur d'activité. Ainsi notre étude nous permettra de relever les difficultés observables dans les textes règlementant l'activité de l'agent immobilier qui ne permettent pas sur le pan de la lutte contre le blanchiment de se concilier ou d'être d'une utilité pour les dispositions de lutte contre le blanchiment. Aussi, elle se basera sur les standards européens en faisant recours aux recommandations du GAFI.

Pour apporter des solutions à la participation efficace des agents immobiliers à la lutte contre le blanchiment de capitaux, trois méthodes seront utilisées : D'abord la méthode juridique dans ses composantes qui sont l'exégèse, puisqu'il est de tradition, lorsqu'on s'intéresse à un phénomène juridique codifié, de dépouiller les textes s'y référant. On fera ainsi appel aux règlements, lois nationales et textes communautaires ; et la casuistique qui consiste en une analyse sur les cas de blanchiment dans le secteur immobilier. Ensuite, la méthode de droit comparé qui consistera à comprendre et mieux traiter le sujet par le recours aux autres systèmes normatifs en la matière. Enfin, la méthode de l'analyse économique qui fera relever

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la participation ou non des agences immobilières dans la lutte contre la criminalité organisée. Outre ces méthodes, la technique documentaire sera utilisée.

La lutte contre le blanchiment de capitaux par le truchement des agents immobiliers sera efficiente si par exemple un véritable cadre normatif est mis en place, en tenant compte de tous les facteurs sociaux, économiques, juridiques, et politiques d'exercice de la profession ; aussi le législateur communautaire doit prendre des mesures permettant aux États membres d'inclure dans leurs systèmes normatifs nationaux, des dispositions, allant dans ce sens surtout concernant le secteur d'activité visé. Aussi il peut assujettir les notaires, les courtiers à lutter contre le blanchiment, car leur rôle n'est pas de moindre dans les transactions portant sur les immeubles.

En outre, opacité, vétusté et inadaptabilité du cadre juridique de lutte contre le blanchiment qui caractérisent les textes nationaux organisant la profession et les dispositions communautaires en la matière, permettent dans l'étude de ce sujet à emprunter la méthode du GAFI. Les États de la CEMAC ont pensé à l'adoption des dispositions basées sur les risques26 sauf que cette approche que préconise les recommandations du GAFI27 n'est pas effectivement considérée.

Le Règlement CEMAC impose aux agents immobiliers d'alerter spontanément les autorités responsables de poursuite lorsqu'ils ont découvert des agissements susceptibles de tomber sous le coup de loi anti-blanchiment. Ainsi l'efficacité du Règlement peut s'apprécier par l'assujettissement des agents immobiliers à la prévention du blanchiment à travers les obligations de vigilance (PREMIÈRE PARTIE) et l'obligation de déclaration de soupçon (SECONDE PARTIE).

26 L'approche par les risques recommande de renforcer les obligations dans les situations de risques plus élevés, d'adopter une approche plus ciblée dans les domaines présentant des risques élevés et dans les domaines où la mise en oeuvre pourrait être renforcée ; et les dispositions communautaire anti-blanchiment à l'heure actuelle en plus d'être général prennent plus en compte les réalités du secteur bancaire.

27 GAFI groupe d'action financière internationale, Recommandations GAFI, février 2012, p. 8.

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PARTIE I : L'ASSUJETTISEMENT JUSTIFIÉ DES AGENTS
IMMOBILIERS AUX OBLIGATIONS DE VIGILANCE DE LUTTE
CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX

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L'assujettissement peut être entendu comme la contrainte, l'obligation de faire quelque chose. Ainsi les agents immobiliers sont contraints à travers les obligations mises à leurs charges à lutter contre le blanchiment d'argent. La lutte peut se définir comme le fait d'agir pour vaincre, pour éradiquer un phénomène considéré comme nuisance. Les agents immobiliers sont obligés de participer à lutter contre le blanchiment de capitaux qui est devenu une menace réelle pour l'économie mondiale28. Le blanchiment de capitaux constitue une atteinte à la sécurité des transactions dont les agissements visent la justification de l'origine mensongère des biens ou revenus de l'auteur d'un crime.

Si le recours aux experts d'un domaine permet une sécurité transactionnelle, il est ainsi conseillé avant de faire toute transaction immobilière de passer par les experts de l'immobilier ; c'est un moyen pratique mais surtout sécurisé pouvant aboutir à des prestations à la hauteur des attentes des demandeurs, et surtout une prise en charge professionnelle du bien immobilier. Ceci rejoint l'idée du Doyen CARBONNIER lorsqu'il affirmait : « La terre n'est pas un bien comme les autres (...) Son aliénation est moins libre, sa vente ne peut être affaire courante entre deux individus »29. Donc la présence d'un professionnel est importante pour juguler certaines difficultés. C'est ainsi que le législateur a estimé que le professionnel de l'immobilier pouvait lui aussi être associé à l'éradication du phénomène de blanchiment qui depuis peu converge vers son domaine d'activité et interpelle les autorités en charge de la lutte.

Ces professionnels, en plus des obligations qui sont les leurs dans l'exercice de leurs activités, ont aussi l'obligation de participer à faire face au blanchiment tel que prévu par le législateur communautaire. De ce fait, ils sont tenus des obligations préventives par la détection du blanchiment à travers la vigilance et la déclaration des opérations à laquelle la législation communautaire leurs a assujettis.

Le législateur communautaire a, depuis 200330 à travers le Règlement adopté, estimé que les agents immobiliers doivent contribuer à vaincre le phénomène de blanchiment qui est

28 D'après de récentes estimations de l'ONU, les produits d'activités criminelles blanchis chaque année représente entre 2 et 5% du PIB mondial.

29 CARBONNIER, Flexible droit, pour une sociologie du droit sans risque (le droit de propriété depuis 1914), LGDJ., 9e éd. 1998.

30 Il s'agit du Règlement n° 01/03/CEMAC/UMAC/CM/ portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique Centrale.

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comme un cancer pour l'économie et pour emboiter le pas à KONAN BANNY, « le blanchiment est pour le système financier ce que le SIDA est pour la société »31.

Les agents immobiliers acteurs de la prévention, leur rôle dans la lutte se concentre à prévenir la réalisation des opérations de blanchiment, ils doivent alors faire preuve de promptitude à déceler et éradiquer ce phénomène et ceci devra se faire à travers la vigilance qu'ils feront montre dans l'exercice de leurs métiers. En amont des mesures d'éradication du blanchiment, il existe des mesures pour le prévenir, c'est dès lors en cas d'échec de ces mesures préventives que seront mise en oeuvre les mesures curatives.

Afin de rendre la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur immobilier efficace le législateur CEMAC a astreint les agents immobiliers aux obligations préventives à savoir l'obligation de vigilance qui consiste en la recherche des informations sur l'identité des clients avec qui la relation d'affaire sera établie (chapitre1). Néanmoins la mise en oeuvre de cette obligation contient des imperfections qui appellent à des corrections (chapitre2).

31 KONAN BANNY (Ch.), Gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), propos tenu lors du sommet des gouverneurs des Banques Africaines tenu à Yaoundé les 29 et 30 Juillet 2004, in TCHUENKAM (B.), « Contre le blanchiment et pour l'intégration monétaire », paru dans le financier d'Afrique, n° 08, août/ sept 2004.

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CHAPITRE I : LA NÉCESSITÉ DE LA VIGILANCE Á L'ÉGARD DE
LA CLIENTÈLE

En matière de détection du blanchiment, les agents immobiliers sont astreints à la vigilance dans les opérations. La vigilance consiste à exécuter une tâche avec diligence, avec attention. Ainsi, les agents immobiliers sont tenus à l'obligation de diligence afin de détecter si dans une relation d'affaire il existe des indices pouvant laisser croire que l'opération consiste au blanchiment de capitaux.

La vigilance en matière de lutte contre le blanchiment, consiste pour l'agent immobilier à recueillir des informations sur le client avec lequel il établira la relation d'affaire ; et cette vigilance s'étend à la nature de la relation d'affaire qui s'établira ; par ailleurs le professionnel est tenu à cette vigilance même au cours de la relation, ainsi s'il existe des indices de blanchiment, l'agent immobilier selon les cas et sous certaines conditions pourra mettre un terme à la relation d'affaire en cours, et si celle si , n'avait pas été conclu, pourra simplement refuser la transaction.

Face à certain client, le professionnel doit renforcer les mesures de vigilance générales, cela l'est également face à certaines transactions présentant des indices de dissimulation d'un fait par exemple lorsque le bénéficiaire réel de l'opération n'est pas celui qui entame la relation. Il existe des dispositions pour gérer les situations des clients et des opérations présentant de risques. Par ailleurs, les professionnels sont tenus de conserver toutes les informations sur leurs clients ainsi que les informations concernant les transactions passées, ceci pour des éventuelles investigations ultérieures.

En matière de vigilance financière les agents immobiliers sont assujettis à une vigilance générale ou ordinaire (Section 1), commune sauf que cette vigilance s'intensifie en fonction de la nature de la relation d'affaire et du statut du client impliqué dans la relation d'affaire (Section 2).

Section 1 : Le contenu de l'obligation de vigilance générale

La vigilance générale consiste en une diligence commune que devra faire montre le professionnel de l'immobilier face à toutes relations d'affaire avec la clientèle. Le dispositif communautaire consacre au chapitre de la vigilance générale, l'obligation de connaissance de

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la clientèle à travers son identification par les pièces qu'il doit fournir et l'obligation de conservation des informations recueillies (Paragraphe 2).

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci