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Les agents immobiliers et le blanchiment des capitaux en afrique centrale


par Mariette POKAM MAKOUPPO TAJOUO
Université de Dschang - Master 2020
  

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B- Les failles du dispositif anti blanchiment dans l'immobilier en Afrique centrale

De nombreuses ONG et organisations de lutte contre la corruption, ont toujours dénoncé la construction des immeubles et autres résidences par certaines personnes dont les revenus connus annuellement, ne peuvent pas bâtir des buildings et des palaces qui remplacent progressivement la luxuriante forêt équatoriale d'Afrique Centrale61.

Le dispositif anti blanchiment en Afrique centrale comporte d'importantes failles qui permettent à des personnes d'acquérir des biens avec de l'argent d'origine illégale et notamment sur la non déclaration obligatoire des biens avant toute prise de fonctions officielles par les dirigeants et autres responsables. En outre, le champ d'application de la loi sur le blanchiment d'argent, est trop restreint. Il doit être étendu aux principaux acteurs du secteur immobilier. Il faut aussi améliorer impérativement la qualité et la transparence des données du registre foncier qui est lacunaire et opaque, et mettre aussi l'accent sur la lutte dans le secteur immobilier comme c'est le cas dans le secteur de la finance62.

En effet, le champ d'application de la loi anti-blanchiment sur le volet de la prévention ne donne pas aux agents immobiliers la possibilité d'identifier effectivement leurs clients. Le législateur est resté muet sur la gestion des opérations électroniques. Les dispositions du Règlement CEMAC liées à l'identification des clients par les agents immobiliers ne sont pas adaptées au cadre d'activité. En fait on pourrait croire une exclusion des agents immobiliers

59 RD bancaire et bourse 1995, p. 214, obs. Crédot et Gérard.

60 D'après les estimations de la banque centrale du Congo le taux de bancarisation en RDC est de 5,59%.

61 Blanchiment d'argent dans l'immobilier : le GABAC passe à l'action, disponible sur le site https://afrique-info.cm/blanchiment-dargent-dans-limmobilier-le-gabac-passe-a-laction, consulté le 20 juin.

62 Blanchiment d'argent dans l'immobilier : le GABAC passe à l'action, op. cit.

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de certaines dispositions ; ce qui dans la pratique pourrait mettre en mal la mise en oeuvre de cette obligation63.

Le dispositif communautaire ne prend en considération que les activités menées dans le formel, pourtant le secteur informel dans la CEMAC occupe aujourd'hui une place importante à côté des activités dite formelles. À raison de leurs caractères informels, les transactions y sont effectuées en monnaie fiduciaire et cette prédominance des transactions en liquide est un terrain propice au blanchiment de capitaux.

L'identification des personnes morales telle que prévu par le dispositif communautaire exige la production des statuts et des documents établissant qu'elles ont été légalement constituées et qu'elles ont une existence réelle au moment de l'identification. Le dispositif communautaire ignore la réalité des entreprises du secteur informel. En effet, le secteur de l'informel occupe un part importante de l'économie dans la sous-région64 et donc une part importante d'entreprise de la sous-région agit dans le secteur informel ; il s'agit des petites entreprises individuelles ou familiales dont l'identité et le patrimoine des propriétaires se confondent avec ceux de l'entreprise65 et qui fonctionnent dans l'illégalité.

Comment procéder à l'identification réelle de ces structures exerçant dans l'informel ? Le législateur n'en dit mot, ces acteurs du secteur informel manipulent souvent d'importante somme d'argent liquide et se présentent comme des terrains de prédilection pour le blanchiment d'argent.

Pour une lutte efficace dans la sous-région, il convient d'adopter une approche propre aux réalités de la communauté. L'approche prendra en compte les considérations plus importantes du secteur informel et des interfaces qu'il entretient avec l'économie réelle. Cette solution permettra le recadrage des priorités dans l'identification des facteurs de risques de blanchiment.

63 Le Règlement vise explicitement les agents immobiliers dans certaines dispositions, mais l'exclue aussi, pourtant il est disposé dès le préambule que le règlement est applicable à toutes les personnes assujettis aux articles 6 et 7.

64 Selon un rapport du FMI publié en 2017, le marché informel représente entre 20% et 65% du produit intérieur brut des pays d'Afrique subsaharienne ; le secteur informel compte pour 40% du PIB en moyenne pour les pays à faibles revenu, et pour 35% du PIB des pays à revenu intermédiaire. https://www.agenceecofin.com consulté le 26 juin 2020.

65 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes et standards européens et internationaux, Thèse de doctorat en droit privé et sciences criminelles, novembre 2016.

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Par ailleurs, comme le préconise un auteur66, dans le contexte actuel de la CEMAC, il est nécessaire de procéder à une « informalisation » accrue du dispositif anti-blanchiment c'est-à-dire que le dispositif communautaire doit prendre compte les activités menées dans l'informel car ces activités représentent entre 20 et 65% du PIB des pays d'Afrique subsaharienne67, cette solution nous semble bonne ceci parce que sa mise en oeuvre permettra de prendre en compte les spécificités de la région. C'est aussi ce que recommande le GAFI lorsqu'il préconise aux Etat le recours à ses recommandations uniquement dans le cas où la situation l'oblige. Le GAFI soutient que « les recommandations du GAFI constituent des normes internationales que les pays devraient mettre en oeuvre au moyen de mesures adaptées à leur situation particulière »68. Ceci peut justifier le choix du caractère de ces nomes, car « les recommandations » n'ont pas une valeur juridique contraignante, ne les applique que celui qui les estimes nécessaires.

On peut par ailleurs souligner l'écriture maladroite de certaines dispositions du règlement69. On croirait à la lecture de certains articles, que les obligations qui y sont contenues ne visent que les institutions financières, pourtant il n'en est pas le cas, toutes les personnes visées aux articles 6 et 7 en sont concernées. En effet, le Règlement du 02 octobre 2010 en son article 9, visait expressément les organismes financiers et toutes les autres assujettis.

Avec la menace du COVID-19, les opérations en espèce se sont multipliées. Certains membres du GAFI et d'ORTG ont fait état d'une augmentation générale du nombre de retrait d'espèces, ces billets de banque pouvant permettre de dissimuler des activités de BC/FT, car en période de ralentissement économique, les criminels peuvent chercher à investir dans l'immobilier ou dans des entreprises immobilières en difficultés pour générer des liquidités et dissimuler les produits illicites70. Le Règlement CEMAC a limitativement pris en compte la gestion des opérations en espèce.

Il est important de corriger ces failles, car les failles réglementaires offrent des garanties supplémentaires aux investisseurs qui ont trouvé, dans ce créneau, des techniques privilégiées

66 NGAPA (T.), Lutte contre le blanchiment d'argent dans la sous-région de l'Afrique Centrale CEMAC : Analyse à la lumière des normes t standards européens et internationaux, op. cit., p. 245.

67 Selon un classement du FMI disponible sur le site www.agenceecofin.com. Op. cit.

68 GAFI, normes internationale sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, recommandation de février 2012, p.7.

69 Cf. Art. 29 du Règlement CEMAC de 2016.

70 Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme lié au COVID-19, étude du GAFI, mai 2020, p.13.

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et discrètes pour blanchir d'importantes sommes d'argent issues principalement de la corruption d'agents publics.

Paragraphe 2 : La contribution des agents immobiliers à la
complexification de la vigilance

Certains aspects de la difficulté d'identification ou de la vigilance limitées relèvent du concours implicite ou parfois explicite des professionnels qui de par leurs comportements entrave la vigilance à laquelle ils sont soumis. Les agents immobiliers sont parfois eux même des obstacles à une vigilance efficace.

De par la faible culture des agents immobiliers, ceux-ci peuvent être utilisés comme prête-nom complexifiant ainsi l'identité du bénéficiaire effectif de l'opération (A), ou alors ils peuvent participer activement ou passivement aux opérations de blanchiment (B).

A- La complexification de l'identité des bénéficiaires effectifs de l'opération par l'utilisation de l'agent immobilier comme prête-nom

La convention de prête-nom est un contrat par lequel la mandataire effectue certaines opérations pour le compte du mandant, tout en laissant croire qu'il agit dans son intérêt propre et en assumant personnellement les charges du contrat71. En passant donc un tel contrat le criminel se voit couvert par le professionnel, et celui-ci participe aux opérations de blanchiment. L'agent immobilier offre des opportunités de garantie aux criminels ; étant le professionnel de l'immobilier, son concours offre des garanties d'opacité de la transaction. Il complexifie l'identité du bénéficiaire effectif.

Le bénéficiaire effectif est celui à qui le patrimoine final de la transaction revient, qui tire avantage72 d'une opération, c'est celui qui bénéficie définitivement de l'économie de la transaction. Dans la pratique, on observe souvent soit une personne d'une bonne réputation soit un démarcheur qui est présent comme étant le bénéficiaire des constructions qui sont faites. On observe aussi souvent, un agent immobilier qui suit de manière assidu les opérations au point où on ignore le véritable propriétaire de l'immeuble bâtit, il facilite le blanchiment en maintenant ainsi le criminel dans le noir, en empêchant l'identification même du criminel.

71CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 800. 72CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p.126.

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Étant le professionnel de l'immobilier sa présence dans une transaction, enlève tout soupçon, puisqu'il est censé maitriser la chose. C'est donc ainsi que beaucoup de criminels utilisent les agents immobiliers pour blanchir de l'argent. Car ceux-ci leur confèrent l'anonymat qu'ils recherchent.

On observe par ailleurs certains acteurs du secteur immobilier jouer des rôles important dans la complexification de l'identité. Il s'agit des quincailliers, qui sont d'ailleurs visés par le Règlement CEMAC en matière de lutte contre le blanchiment, qui peuvent être sollicité par les criminels pour la fourniture de matériaux, ce qui fait profiter aux criminels doublement l'anonymat. Le criminel ne pouvant lui-même aller dans les surfaces pour l'acquisition des matériaux de construction (étant d'ailleurs toujours dans une logique de ne pas se révéler au public), il peut contracter avec un quincaillier pour l'acquisition des matériaux. Avec sa qualité de commerçant cela n'éveille aucun doute. Il peut par ailleurs être utilisé comme le propriétaire fictif. On utilise ainsi l'agent immobilier comme prête-nom ce qui le rends complice actif ou passif aux opérations de blanchiment.

B- La complicité des agents immobiliers dans les opérations de blanchiment de capitaux

Le blanchiment des capitaux dans le secteur immobilier est une grosse opportunité pour les criminels, leurs logiques étant de ne pas apparaitre, mais de faire apparaitre de gens de façade ; l'agent immobilier en tant qu'intermédiaire, peut servir d'écrans à ces criminels ; et comme l'agent est dans un contexte de recherche de gains, parfois cette recherche de gain va prendre le dessus sur la connaissance même du marché, sur la mise en oeuvre des obligations qui pèsent sur lui.

La complicité des agents peut être active ou passive. Elle est active lorsque les agents immobiliers se prêtent aux jeux des blanchisseurs, lorsqu'ils agissent en toute connaissance de cause. Par exemple un criminel qui achète un immeuble à 2 million et passe le contrat avec l'agent en stipulant avoir acheté l'immeuble à 5 million, là il a blanchi trois millions ; et l'agent en passant cette opération a surement sa part dans cet argent blanchi ; Cette complicité est bien plus grave chez l'agent informel, car celui-ci se bat comme un commerçant, et lorsqu'il trouve une affaire dont il peut en tirer des avantage de 15 millions, pour lui c'est l'affaire du siècle, et là il est prêt à tout pour la réussite de l'affaire.

La complicité de l'agent peut être passive c'est-à-dire il aide le criminel, sans savoir que celui-ci est dans une logique de brouiller les pistes sur l'argent qu'il a acquis illégalement.

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La faible culture des agents immobiliers pourrait être une épine dans les pieds du dispositif anti-blanchiment. Un agent qui garde le silence et s'exerce à la furtivité, est un danger pour la lutte anti-blanchiment, car son ignorance ou son comportement peut servir les intérêts d'un criminel. Il est donc important, de mettre fin à ces pratiques.

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