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Les agents immobiliers et le blanchiment des capitaux en afrique centrale


par Mariette POKAM MAKOUPPO TAJOUO
Université de Dschang - Master 2020
  

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Paragraphe 2 : La réception de la déclaration de soupçon

La déclaration de soupçon transmis à l'ANIF répond à certaines conditions prévues par le Règlement CEMAC pour sa validité (A). Dès réception, l'ANIF a l'obligation de recueillir des informations nécessaires, pour l'analyser, la traiter et y donner une suite (B).

A- Les formalités de recevabilité de la déclaration

Les formalités pour la recevabilité de la déclaration sont posées à l'article 86 du Règlement de 2016. En 2003, la déclaration pouvait être verbale ou écrite, et même par téléphone à condition d'être confirmée par télécopie ou tout autre moyen écrit147. Il revenait à l'ANIF d'accuser réception de la déclaration148. Désormais les déclarations se font par écrit149. Les assujettis sont tenus de transmettre leurs déclarations par tous moyens laissant trace écrite tel qu'il ressort des dispositions de l`article 86 du Règlement de 2016. Il existe néanmoins la possibilité de faire les déclarations par téléphonie ou par moyen électronique mais celles-ci doivent être confirmées dans un délai de quarante-huit heures (48)150. Ces déclarations sont faites selon certaines modalités contenues à l'alinéa 2 de l'article précité151. La déclaration peut également être faite directement sur le site internet de l'ANIF152 ceci pour simplifier les procédures.

La déclaration doit préciser suivant les cas, les raisons pour lesquelles l'opération a été exécutée ou le délai dans lequel l'opération suspecte doit être exécutée153. Ceci pour informer l'ANIF, afin qu'elle mette en oeuvre la bonne procédure selon le cas.

B- Le traitement particulier réservé à la déclaration de soupçon

Dès la réception de la déclaration, l'ANIF doit accusée réception de la déclaration sauf si l'entité déclarante en avise autrement. Apres l'analyse de la déclaration, l'ANIF peut

147 Article 19 du Règlement de 2003.

148 L'article 20 donnait aussi la possibilité au déclarant de demander à l'ANIF de ne pas accuser réception de la déclaration.

149 Article 86 du Règlement de 2016.

150 Il y ressort de dispositions de l'article 86 précité.

151 Les déclarations précisent les raisons pour lesquelles l'opération a déjà été effectuée, ou le délai dans lequel l'opération suspecte doit être exécutée.

152 Comme c'est le cas en France, où la procédure a été simplifiée et la déclaration se fait sur le site internet de TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) : www.TRACFIN.bercy.gouv.fr.

153 Article 86 al.2 du Règlement de 2016.

solliciter de la personne déclarante des informations supplémentaires ou documents complémentaire devant servir à établir l'origine des fonds ou la destination des sommes en cause, ou même à identifier les bénéficiaires effectifs154.

Les prérogatives de l'ANIF dans l'analyse des déclarations, sont constituées par le pouvoir de faire opposition à l'exécution d'une opération ayant fait l'objet d'une déclaration de soupçon155 ; en effet le législateur communautaire, pense que si les circonstances l'exigent, l'ANIF peut, sur la base des informations graves concordantes et fiables en sa possession, faire opposition à l'exécution d'une opération ayant donné lieu à une déclaration de soupçon ceci avant le délai d'exécution mentionnée par le déclarant. L'opposition qui est notifiée au déclarant par écrit, ne fait obstacle à l'exécution de l'opération que dans un délai de quarante-huit (48) heures.

L'ANIF peut par ailleurs, saisir la juridiction compétente afin de voir ordonner le blocage provisoire des comptes, des fonds ou des titres concernés par la déclaration156.

S'il est établi au vu des informations recueillies, que les sommes suspectées sont susceptibles de provenir des activités des organisations criminelles ou d'un crime en générale, l'ANIF saisit le procureur de la République de la juridiction compétente et lui transmet un rapport sur les faits accompagnés de son avis et toutes pièces utiles. Le rapport envoyé ne doit contenir aucune information sur l'identité de l'auteur de la déclaration. Ceci est incompréhensible car l'article 87 du règlement permet aux déclarants de relever à l'autorité judiciaire ou aux officiers de police judicaires agissant sur délégation l'existence de la déclaration effectuée à la CRF ; la saisine des autorités judiciaires entraine le dessaisissement de l'ANIF sauf avis contraire du Procureur de la République157.

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154 Art. 72 du Règlement CEMAC de 2016.

155 Cf. art. 74 du Règlement CEMAC de 2016.

156 Cf. Art. 74 du Règlement de 2016 précité.

157 Cf. Art. 87 al. 5 du Règlement de 2016.

CONCLUSION CHAPITRE I

Le Règlement CEMAC a posé des bases pour une déclaration adéquate, et cela est appréciable car chaque professionnel ainsi que les agents immobiliers peuvent aisément faire leurs déclarations selon les modalités fixées. Le cadre ainsi posé par le législateur peut être amélioré au vu de la pratique dans d'autres systèmes et d l'évolution des technologies.

Bien que la notion d'opération suspecte n'ait pas été définie par le dispositif anti-blanchiment, le régime organisant sa déclaration aux autorités compétentes est bien encadré. De la détection à la procédure de déclaration. Les agents immobiliers sont tenus de déclarer à l'ANIF des sommes ou opérations dont ils suspectent ou ont des raisons de suspecter qu'elles proviennent ou s'effectuent dans le dessein du blanchiment. Pour les aider dans la détection de ces opérations, des critères d'alerte ont été proposés par TRACFIN en France mais peuvent être transposés dans notre contexte. Par ailleurs, dans le but d'encourager les professionnels de l'immobilier à plus de dénonciation, le législateur communautaire à penser faire primer l'obligation déclarative sur son devoir de discrétion, tout en l'exonérant d'une quelconque responsabilité au cas où après investigation il s'est avéré que l'opération n'avait rien de suspect et que cela ait déjà causé du tort à l'auteur.

Les modalités d'exécution de l'obligation ont été prévues. Ainsi l'agent doit, en présence d'une opération en fonction du risque de blanchiment de qu'elle présente, saisir l'ANIF par une déclaration158. À son tour, l'ANIF doit analyser et traiter la déclaration et s'il est nécessaire elle peut saisir le Procureur de la République pour mettre en mouvement l'action publique afin de traquer les criminels.

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158 Remplissant toute les conditions prévues pour sa recevabilité.

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CHAPITRE II : L'AMÉLIORATION URGENTE DE LA MISE EN
OEUVRE DE L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON DES
AGENTS IMMOBILIERS

Il est inéluctable que le législateur de la CEMAC a pensé associer les agents immobiliers à la lutte contre le blanchiment en les soumettant aux obligations préventives. Sauf que leurs mises en oeuvre rencontre quelques fois de difficultés pratiques. Il est important de juguler ces difficultés afin de rendre effective la participation des agents immobiliers.

En effet, le contexte socio-économique et culturel caractérisant la sous-région, met à mal la mise en oeuvre de la vigilance, néanmoins tout cela peut être corrigé si les États de la CEMAC collaborent en s'arrimant effectivement à la lutte prévue au niveau communautaire. Aussi, le dispositif communautaire anti-blanchiment étant lacunaire les agents immobiliers peuvent à leur niveau combler par leurs formations, à gérer les risques que présenteront les opérations, bien plus les États doivent participer à l'amélioration de ce cadre d'exercice des obligations.

Certaines situations rendant difficile le contrôle des agents immobiliers relèvent de la compétence des décideurs publics d'apporter des moyens pour y faire face. C'est ainsi en ce qui concerne les obstacles à la mise en oeuvre des obligations déclaratives. Il convient de revoir le cadre la mise en oeuvre de obligations déclaratives en matière de lutte contre le blanchiment en général et en matière de lutte dans le secteur immobilier en particulier.

Pour une déclaration de soupçon louable il y a urgence de revoir le cadre institutionnel, autrement dit, revoir les pouvoirs des organes en charge de recevoir ces déclarations, tout en leur donnant les moyens matériels et humains nécessaires pour un traitement des déclarations conformément à la législation en vigueur (Section1). Par ailleurs le renforcement des institutions doit se faire également en ce qui concerne les organes devant veiller à application des éventuelles sanctions prononcées contre tout agent fautif (Section 2).

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Section 1 : Le renforcement des institutions en charge de la réception des déclarations de soupçon de blanchiment dans le secteur immobilier

Les organismes régionaux jouent un rôle important en ce qu'ils cordonnent au niveau régional la lutte contre le blanchiment des capitaux. Ils reçoivent par ailleurs la mission d'évaluer les actions des États159 dans la mise en place du dispositif anti-blanchiment afin de dynamiser leurs actions. Il apparait donc nécessaire de consolider les pouvoir des organismes régionaux en charge de la lutte (Paragraphe1), et aussi d'affermir les pouvoirs des agences nationales d'investigation financière (Paragraphe2).

Paragraphe 1 : la consolidation des organismes en charge de la lutte contre
le blanchiment de capitaux

Il est important en matière de traitement des déclarations de soupçon, qu'il existe des organes facilitateurs de la transmission et de l'échange des informations, aussi qu'il ait une collaboration entre les organes internationaux régionaux et nationaux. A l'heure actuelle, il existe déjà un organisme en charge de la coordination de la lutte, il s'agit du Groupe d'Action contre le Blanchiment des Capitaux en Afrique Centrale (GABAC) dont l'action louable, peut être améliorée (A), ou alors renforcer par la création d'un organe à compétence spéciale en matière immobilier qui pourra agir tel la COBAC (B).

A- La coordination améliorable du GABAC dans la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l'immobilier en Afrique Centrale.

Les responsables politiques de la CEMAC, tel leurs homologues de l'Union Européenne, ont décidé sous l'impulsion des bailleurs de fonds, de créer un organisme régional de type GAFI (ORTG). C'est de cette volonté qu'est née le groupe d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique Centrale (GABAC)160 qui a vocation à devenir un ORTG, membre du GAFI161.

159 Il s'agit principalement du GABAC donc le siège est à Libreville au Gabon.

160 Le Secrétaire permanent du GABAC est Mr MBATA Gervais, il est nommé depuis 2017 à la session extraordinaire du 31 octobre 2017 à N'Djamena au Tchad il a prêté serment devant la CCJA le 18 Décembre 2017.

161 Les efforts fournir on conduit à l'admission du GABAC au rang de membre observateur du GAFI en Février 2012. En Octobre 2015 le GAFI a reconnu le GABAC comme ORTG et l'a admis comme membre associé, et a étendu la portée du réseau mondial du GAFI en Afrique centrale.

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Le GABAC est la structure de promotion de la mise en oeuvre coordonnée des normes, instruments et standards anti-blanchiment en Afrique Centrale162. A cet effet, il a reçu la mission de lutter contre le blanchiment des capitaux et les produits de crime, la mise en place harmonisée et concertée des mesures appropriées à cette lutte dans la CEMAC ; le GABAC a la charge d'assister les États membres dans leur politique anti-blanchiment, et l'évaluation des résultats de l'action et l'efficacité des mesures adoptées163.

Malgré certaines contraintes, le GABAC mène tant bien que mal sa mission de coordination stratégique. Il a ainsi créé un réseau technique d'expert à effectuer différents exercices de typologie et d'évaluation mutuelle, on peut par ailleurs noter que mène actuellement le GABAC sur les risques d'utilisation du secteur immobilier à des fins de blanchiment de capitaux.

Face au boom immobilier observable ces dernières années en Afrique Centrale, le GABAC a lancé au mois de Juin 2019 une étude164 pour avoir une idée claire sur les rapports entre les propriétaires immobiliers de la sous-région et les ressources investies. A cet effet, il a organisé un atelier sous Régional165 sur les vulnérabilités au blanchiment d'argent inhérentes au secteur de l'immobilier en Afrique Centrale.

Pour le moment le constat qui est fait, est celui de l'inadaptabilité de la règlementation anti-blanchiment au secteur immobilier, ces failles permettent à des criminels l'acquisition facile des biens immobiliers avec de l'argent d'origine illégale. Le Secrétaire permanent du GABAC, Mr Gervais MBATA, déclare à ce propos : « le dispositif anti blanchiment en Afrique centrale présente de graves lacunes dans le secteur immobilier. Actuellement, il est relativement facile d'acquérir un bien immobilier au moyen d'argent illégal. Nous dévons corriger ces failles. En effet, ces transactions criminelles portent atteinte au marché immobilier (inflation) et à l'ensemble de l'économie. De surcroît, elles mettent à mal le principe de l'Etat de droit et compromettent le développement économique des pays dont provient l'argent »166. Il soutient par ailleurs, qu'à l'instar des efforts consentis dans la

162 4e paragraphe du préambule de l'Acte Additionnel n° 09/00/CEMAC-086/CCE 02.

163 Art. 4 du Règlement n° 02/02/CEMAC du 14Avril 2002 portant organisation et fonctionnement du GABAC.

164 Cette étude est présidée par un représentant du Ministre des finances Camerounais, avec la participation du Directeur de l'ANIF, du Secrétaire permanent du GABAC et des experts intervenants sur toute la chaîne de production immobilière (banquier, notaire, inspecteurs des domaines, architectes, promoteurs immobiliers...).

165 Cet atelier s'est tenu du 26 au 28 juin à l'hôtel Sawa de Douala au Cameroun.

166 Propos disponible sur le site https://afrique-info.cm/blanchiment-dargent-dans-limmobilier-le-gabac-passe-a-laction consulté le 4 juin 2020.

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finance, tout doit être mis en oeuvre pour prévenir et sanctionner systématiquement le blanchiment d'argent dans le secteur immobilier.

Vu les conséquences néfastes que pourraient avoir le blanchiment dans le secteur immobilier, et les failles dans la législation communautaire et même nationale sur la réglementation de l'activité immobilière, le Secrétaire permanent du GABAC dans son propos, rassure qu'une correction doit être faite, afin de prémunir le secteur immobilier d'un dispositif permettant aux intervenants de ce domaine d'avoir un cadre idéal pour lutter contre le blanchiment. Cette solution peut sous un pan se matérialiser par la création dans le secteur immobilier d'un organisme en charge de contrôler l'activité tant au niveau communautaire que national.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld