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De la diversité culturelle, linguistique et migratoire à  l'établissement du locuteur en langue franà§aise. Cas d'adultes migrants à  Bruxelles.


par Stéphanie NASS
Université de Bourgogne - Master 2 Recherche didactique du franà§ais 2014
  

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1.1.2. Les représentations « médianes »

Toute appropriation d'un idiome non naturel se ramène à une remise en question cognitive. Même si les comportements n'en sont que des signes psycholinguistiques, ils n'en présentent pas moins les embryons de l' « Être » en français. Les catégories relatives aux représentations in fieri suggèrent une certaine suite d'idées précises :

- « Efforts/temps ». À cette première question de la deuxième partie du questionnaire, les neuf informateurs ont répondu à l'unisson : « tout à fait d'accord ». Les « efforts » tout comme le « temps » sont mesurables et fractionnables. Néanmoins les deux notions ne doivent pas être confondues. « L'effort » nécessite un prime actant tandis que le « temps » rituel, cyclique et nécessaire suit sa propre « espiral torcida » (Gonzàlez, 2011 : capítulo 9). La dichotomie contrôlable/incontrôlable rappelle à l'énonciateur sa lutte psychologique contre soi-même et ses représentations langagières ainsi que l'ascendant temporel de l'âge sur le phénomène de compréhension ;

- L' « emprise de l'âge » renvoie au concept de Bajriæ (2013 : 143) selon lequel l'énonciateur adulte est un sujet arrivé au terme de son anthropogénie, contrairement au sujet enfant. Avec cette remarque de deux individus « accomplis » migrants, on a là encore cette conception du temps qui, malgré l'âge du locuteur en formation, démontre le besoin d'une permanence- soit continuité et stabilité - au coeur de l'établissement en langue in posse. Âgés de 23 à 61 ans, les informateurs paraissent voir le temps comme un obstacle à leur condition actuelle ;

- «Maîtrise lecture-écriture-expression/Fautes de langue ». À en juger par ces réponses majoritaires aux questions 3 et 4 de la deuxième partie du formulaire, le choix des expressions fait écho à notre discours antérieur (Partie 2, §1.2.) sur l'erreur langagière, comme le symbole de l'insuffisance énonciative (Bajriæ, 2013 : 144-152). Le souhait commun du contrôle de la transmission vocale et de la représentation graphique en français, sous-tend la volonté de vaincre l'erreur en langue in fieri. Cette dernière est

très souvent vécue comme une dissimulation de l'idiome à comprendre, une imperfection, voire une contrevérité87 ;

- « Connaitre et comprendre la culture de l'autre ». La locution appartient à l'informateur AL, il est le seul à cocher cette case. Nous avons ici, croyons-nous, la schématisation de la découverte de l'autre par le biais de l'intelligence et de la bienveillance. Ceci se verra confirmé par l'entretien individuel et les échanges naturels où AL aboutit à des désirs d'expérimentation des caractères d'un groupe linguistique original ;

- « Aisance ou non (en français) due à l'appropriation d'un autre idiome ». Le manque d'agilité linguistique est signifié par les énoncés : « Parce que la langue est différente », « Parce que c'est pas la même phonétique ». A l'inverse, la commodité langagière revêt les formes phrastiques : « Parce que je l'ai connu/ je la connais », « Parce que ce sont presque pareilles », « Par exemple, je sais espagnol et le français il été plus facile », « Parce que ça ressemble ». Les cinq phrases ne livrent pas tout à fait les mêmes appréhensions, notamment à cause de la dénomination du sujet même si quel que soit le contexte, l'énonciateur se focalise sur l'objet langue. Ce point de vue est dû à l'usage des pronoms démonstratifs « ce » ou « ça » ainsi qu'à l'indépendance psycholinguistique du pronom personnel « je». Encore une fois, la charge en subjectivité est différenciée selon que l'on ait affaire à l'un ou à l'autre. Ce qui leur est commun, c'est le procès des verbes (« connaître »/ « savoir », « être », « ressembler ») qui dénote un état : une description de la condition actuelle du locuteur non confirmé. En d'autres termes, nous possédons alors une transposition directe de la vision du monde que l'idiome occasionne à l'énonciateur migrant. Nous la gloserons ainsi : dans la compréhension d'une langue nouvelle, aucun signe assimilé et exécuté ne se produit ex-nihilo. La thématique de la comparaison entre les idiomes in esse et/ou in fieri et ceux in posse signalée ici, renvoie à la souvenance linguistique c'est-à-dire à la mémoire du propre répertoire langagier en association avec l'appropriation en cours.

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87 Idée qui repose sur les échanges naturels avec E, J et F, durant les mois de mars à mai 2014.

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À l'examen des représentations in posse et in fieri issues des questionnaires exploratoires, nous considérons comme indéniable leur contribution à notre recherche. De fait, la construction du locuteur non confirmé s'expliquerait mal sans leur observation. En ce sens, les deux types d'imaginaires se distinguent de façon réciproque. D'un côté, par des variables dirigeant le comportement sociolinguistique et, plus communément le déséquilibre identitaire (in posse), d'un autre côté, par des attitudes psycholinguistiques qui recouvrent des réalités d'adaptation intellective (in fieri).

Qu'en est-il alors des perceptions in esse ? Le questionnaire nous en procure une première vision d'ensemble par le biais de la nomination de la langue naturelle, du sentiment d'exister en tel ou tel idiome ainsi que par le parcours motile de chacun. Toutefois, force est de constater que ces appréciations demeurent incomplètes dans la mesure où l'on ne peut dire quels facteurs déterminent le comportement ontologique du sujet parlant. Nous tenterons donc de le définir par le biais des groupes de discussion, grâce à une deuxième fonction de l'analyse thématique : la perspective comparative (Paillé, Mucchielli, 2012 : 232).

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius