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Habitat indigne. Le traitement technique et social de l'insalubrité et de ses conséquences sanitaires.


par Emeline TASSAN
Université des Sciences et Technologies Lille 1 - Master 2 Sciences et Technologies  2012
  

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4 - L'accompagnement des propriétaires : un travail technique

Concernant l'accompagnement du propriétaire, il existe deux démarches de suivis :

- Soit le logement, est frappé d'un arrêté et dans ce cas le propriétaire a l'obligation de réaliser les travaux prescrits afin de remédier à l'insalubrité et / ou péril du logement (volet coercitif Agence Régionale de la Santé ). Cela concerne 46% des logements engagés dans la MOUS sur le territoire de Lille Métropole.

- Soit, pour les autres situations, sans arrêté, il est convenu par une médiation préalable dont la durée est déterminée. L'objectif est de juger l'engagement du propriétaire vers un projet qualitatif pour son logement, avant de formaliser une procédure de police sanitaire dans les cas d'inaction. Ce choix concerne exclusivement des logements repris par des investisseurs ou des propriétaires occupants.

Les propriétaires bailleurs sont automatiquement soumis à une procédure de police dans le cas où la location du logement est avérée.

L'engagement dans une démarche de travaux est jalonné par quatre étapes importantes:

- Montage du dossier technique (Déclaration d'Urbanisme, devis...)

- Recherche de financements (demande de subvention, prêt...)

-Réalisation des travaux

-Solde du dossier (travaux d'insalubrité, levée d'insalubrité...)

Ces étapes ne sont cependant pas toujours faciles à mettre en place. On constate en effet que sur les 183 propriétaires accompagnées dans la MOUS entre 2011 et 2012, 2/3 sont engagés dans une démarche de travaux. 1/3 des propriétaires n'a pas encore basculé en phase active de suppression de l'insalubrité. Dans ces cas précis, il convient alors d'engager une médiation avec le propriétaire et un dialogue afin d'intervenir sur d'autres thématiques comme la santé pouvant bloquer la démarche de projet. Il peut alors également s'avérer nécessaire en cas de problématique financière d'envisager une revente du bien ou un glissement de bail.

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L'accompagnement mis en Suvre est donc nécessaire afin d'identifier le patrimoine du bailleur, ses possibilités d'hébergement (si présence d'un locataire) et sa stratégie. L'intervention visera au maximum le maintien des locataires dans les lieux avec hébergement et retour à domicile.

Des exemples de cas concrets sur Roubaix et Tourcoing engagés dans le cadre la MOUS LHI vont permettre de mettre en évidence différents cas de figure d'accompagnement des propriétaires.

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Etude de cas

Projet de sortie d'indignité

Rue des Arts, Roubaix

A Roubaix, rue des Arts, un propriétaire a acheté en 2010 un immeuble vacant en vue de sa location, il s'agit d'un T4 de 84 m2. L'immeuble est situé à proximité du métro, en plein centre-ville.

Suivi MOUS LHI

PACT

Le SCHS de la ville est intervenu au domicile dans le cadre de son partenariat avec la CAF pour évaluer la décence du logement avant sa mise en location. Un rapport du SCHS a mis en évidence un constat d'insalubrité. Le partenariat avec la MOUS LHI a été mis en place sans procédure ou échéance d'hébergement ou de relogement, puisque le logement a été acheté sans locataire et qu'il s'agit d'un nouveau propriétaire. Le constat d'insalubrité met en évidence de multiples travaux à réaliser. Ces travaux sont relativement classiques en matière de procédures d'insalubrité.

Le logement n'est pas raccordé au réseau d'assainissement public, le logement n'est pas suffisamment isolé au niveau thermique et phonique, l'ensemble des menuiseries, couverture et chéneaux sont en mauvais état et entraînent de nombreuses infiltrations,

l'escalier ne dispose pas de rampes d'accès. Les équipements sanitaires sont vétustes. L'électricité n'est pas aux normes et le logement ne dispose pas de moyen de chauffage.

Photos du constat d'insalubrité du logement

PACT

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La médiation avec le propriétaire a permis d'engager un réel projet de qualité pour la sortie d'indignité de son immeuble. La visite du logement s'est faite en 2010, les travaux ont commencé en 2011 avec les subventions ANAH et le constat de fin de travaux a été fait en 2012. Le montant des travaux est de 121 000 euros TTC. Les travaux furent subventionnés par l'ANAH à hauteur de 72 000 euros, ce qui fut particulièrement intéressant pour le propriétaire.

Photos de l'avancement des travaux

PACT

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Ces projets de sortie d'indignité ne sont cependant pas toujours faciles à mettre en place et le dialogue avec le propriétaire peut être complexe à engager, voire même inexistant. Il convient pour cela d'identifier différents « types » de propriétaires.

Le propriétaire de l'immeuble de la rue des Arts à Roubaix est un investisseur. Il achète de nombreux biens, qu'il réhabilite afin de les mettre en location. Il connaît bien la procédure engagée et les intérêts qu'il peut y trouver (réhabilitation avec subventions ANAH, défiscalisation et location à loyer maîtrisé pendant 9 ans). Il profite ainsi de l'accompagnement du PACT pour réhabiliter son patrimoine et créer de la mixité sociale.

Ce propriétaire connaît bien ce quartier, il y a toujours vécu et y possède plusieurs maisons qu'il loue. Il cherche d'ailleurs à l'améliorer, le dynamiser en jouant sur la couleur des façades et en recherchant de la mixité sociale...

Après 9 ans d'obligation de pratiquer un loyer maîtrisé très social dans le cadre des subventions ANAH, le propriétaire pourra soit revendre son bien, soit fixer un loyer libre.

La communication et la démarche de "faire" avec ces propriétaires investisseurs est particulièrement aisée. Ce n'est cependant pas le cas dans toutes les démarches. On retrouve en effet des propriétaires bailleurs qui rentabilisent à moindre coût. Ils sont alors qualifiés de bailleurs indélicats, voire de marchands de sommeil. Un volet coercitif avec le Service Communal d'Hygiène et de Santé et l'Agence Régional de la Santé est généralement nécessaire dans ce genre de situation.

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Rue Vauban, Croix

A Croix, rue Vauban, un propriétaire occupant possède deux maisons insalubres dans la même rue. Les maisons sont situées en centre-ville. Il dit vivre dans un des logements avec sa femme et son enfant et ne pas occuper l'autre. L'autre logement serait uniquement un lieu de stockage d'objets divers (il n'y a pas de syndrome de Diogène). L'agent social et la chargée d'opération suspecte toutefois qu'il occupe les deux logements.

Le propriétaire n'a pas les moyens financiers suffisants pour occuper et réhabiliter les deux logements. Il va donc vendre l'un des deux à un investisseur (réhabilitation pour mise en location).

Le propriétaire entame une démarche de réhabilitation du second logement afin d'y vivre avec sa conjointe et son enfant.

Le constat d'insalubrité préconise des travaux de réhabilitation importants pour sortir le logement de son indignité. Le propriétaire doit tout d'abord remédier à la mise aux normes et en sécurité de son logement par une installation électrique aux normes et reliée à la terre. Il doit installer un système de chauffage adéquat avec ventilation (le poêle à gaz utilisé avec absence de ventilation haute et basse représente un danger pour les occupants). Le logement ne dispose pas de sanitaires (WC extérieur au logement et pas de salle de bain) n'y d'eau chaude. Le propriétaire doit donc y remédier.

Les travaux concernent également l'ensemble des menuiseries vétustes, la couverture provoquant des infiltrations au sein du logement, la façade et l'assainissement. Il s'agit de travaux importants pour un ménage précaire.

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Photos du constat d'insalubrité

PACT

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Le dialogue est plus complexe avec ce propriétaire. Il s'agit d'un propriétaire occupant son logement. Il refuse les subventions ANAH qui le contraignent à recourir à des entreprises qu'ils jugent trop coûteuses. Il a donc recours au travail au noir. Il y a une véritable culture du "travail au black" à Roubaix. De nombreux propriétaires occupants ou bailleurs y ont recours. Ils font appellent à « des amis », de la famille, une connaissance pour refaire leur électricité, système de chauffage...

Ce sont bien souvent des ouvriers non compétents qui effectuent du " rafistolage " avec des matériaux cache-misère. L'électricité ou le chauffage, ainsi bricolés, ne sont souvent pas aux normes et peuvent représenter un danger pour les occupants du logement.

Les travaux n'étant pas satisfaisants, le dossier n'est toujours pas soldé.

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Rue du Général Chanzy, Roubaix

A Roubaix, rue du Général Chanzy (quartier Moulin), un couple de propriétaires occupants avec trois enfants occupent une maison familiale. Cette maison appartenait aux parents du propriétaire. C'est donc un héritage auquel le ménage est particulièrement attaché. Cependant, suite à une première visite des lieux en 2012 par le Service Communal d'Hygiène et de Santé, le logement a été reconnu en état d'insalubrité. Les photos montrent par ailleurs la présence de moisissures mais également de peintures écaillées. Le Service Communal d'Hygiène et de Santé a relevé la présence de plomb dans les peintures. Le logement représente donc un danger pour la santé des occupants notamment les trois enfants mineurs.

Photos du constat d'Insalubrité

PACT

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Le montant des travaux a été estimé à 82 000 euros couvert à hauteur de 55 400 euros par les subventions ANAH. Les 27 000 euros restants, seraient donc à la charge du propriétaire, or, c'est un ménage très précaire. Il ne dispose pas des ressources suffisantes pour accomplir ces travaux et ne souhaitent pas vendre la maison au vu de l'attachement familial qu'elle représente.

Dans ce cas présent, afin que la famille préserve son patrimoine, c'est le PACT qui va reprendre le bail de la maison et se substituer au propriétaire afin d'accomplir les travaux. Le PACT devient donc le nouveau propriétaire du logement pendant plusieurs années et le ménage occupant le logement paye un loyer mensuel afin de rembourser ses dettes et récupérer son bien. Dans le cas de la rue du Général Chanzy, le loyer mensuel est fixé à 334 euros par mois. La famille redeviendra propriétaire du bien au bout de 38 ans.

Ce compromis n'a pas été facile à mettre en place avec la famille puisqu'en effet pour de nombreux ménages, ce glissement de bail représente un réel échec. Ils ont le sentiment de perdre leur maison.

Cela peut, de plus, être contraignant puisqu'en cas de décès des parents, la maison ne revient pas aux enfants s'ils sont mineurs. D'autres locataires seront choisis par le PACT en attendant leur majorité. De plus, le PACT dispose d'un droit d'expulsion sur ces ménages puisqu'ils ne sont plus propriétaires mais locataires de leur logement.

Ce compromis peut donc effrayer de nombreux ménages. Un dialogue constructif et une confiance forte est nécessaire afin de mener à bien un projet de sortie d'indignité par ce

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type de procédure. L'opérateur et plus particulièrement l'agent social et le chargé de mission accompagnent la famille dans cette démarche.

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L'intervention sur les immeubles occupés par des propriétaires est relativement complexe. Peu de procédures d'insalubrité sont engagées, excepté pour des situations de péril ou à risque élevé. Il est en effet très rare que des propriétaires formulent une demande d'aide à la sortie d'insalubrité, ils vont être orientés suite à d'autres problématiques qui permettent de découvrir la situation d'insalubrité ou lorsqu'un signalement est fait par le voisinage ou une assistante sociale... Il s'agit en général de situations très complexes dans lesquelles on retrouve de véritables problématiques sociales, financières, juridiques et sanitaires. Ainsi, en avril 2012, des priorités d'intervention ont été définies afin d'améliorer l'accompagnement de ces ménages.

En fonction du diagnostic établi, l'intervention pourra soit concerner l'état du logement uniquement, soit l'état du logement et une autre problématique pouvant être traitée en parallèle, soit concerner l'état du logement et plusieurs autres thématiques, qu'il convient de traiter avant de pouvoir intervenir sur le bâti.

Chaque situation de sortie d'indignité est différente, il n'y a pas de « recette miracle » qui permettrait leur traitement. Le travail de l'équipe pluridisciplinaire est donc essentiel afin de s'adapter à ces situations et d'établir un dialogue et un lien de confiance avec la famille occupant les lieux et le propriétaire s'il est différent, afin de mener au mieux un projet viable. Claude Dujardin, directeur du Service Communal d'Hygiène et de Santé de Roubaix indique d'ailleurs dans « La France Invisible » : « L'insalubrité ce n'est pas qu'une histoire de briques, il y a de l'humain derrière ». Il est donc essentiel de prendre en compte cette dimension humaine et sociale dans chaque traitement d'indignité, parfois avant même le traitement du bâti lui-même.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe