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Habitat indigne. Le traitement technique et social de l'insalubrité et de ses conséquences sanitaires.


par Emeline TASSAN
Université des Sciences et Technologies Lille 1 - Master 2 Sciences et Technologies  2012
  

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Première Partie :

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De l'insalubrité et ses conséquences sanitaires...

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Chapitre 1 : L'évolution et les caractéristiques de l'insalubrité

1 / L'historique de la notion d'insalubrité

La lutte contre l'habitat insalubre est une préoccupation ancienne en France et constitue un débat important sur les conditions de vie des classes laborieuses tout au long du XIXème siècle. Ces préoccupations sont également partagées par d'autres pays en Europe qui connaissent les effets de la Révolution Industrielle.

Le courant hygiéniste

En France, les premiers objectifs de santé publique furent d'enrayer les épidémies touchant la population. Ce fut le cas avec les grandes épidémies de choléra de 1832, 1849 et 18651866. Ces épidémies firent des centaines de milliers de mort en France et plus particulièrement dans les grandes villes à population nombreuse et regroupée. La propagation de cette épidémie résidait dans l'absence d'eau potable, propre à la consommation. A Roubaix, ces épidémies furent particulièrement meurtrières notamment dans les courées. Ce type d'habitat, dont nous détaillerons les caractéristiques et l'évolution par la suite, n'a en effet pas échappé à ces vagues endémiques. Les maisons, pour la plupart, ne disposaient en effet pas de l'eau courante. Les habitants se fournissaient à un point d'eau collectif par l'intermédiaire d'une pompe et plus tardivement d'un robinet. L'eau non potable y était stockée dans un puit ou une citerne située en règle générale à l'entrée de la courée. C'était bien souvent cette pompe, alimentant des dizaines de personnes, qui était le lieu de contamination.

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Allégorie de la « pompe meurtrière », fin XIXème siècle
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

Suite à ces épidémies, des médecins se sont alors interrogés sur les conditions de vie des ouvriers et ont démontré que c'était en grande partie les conditions de logement qui étaient responsables de la mauvaise santé des familles qui y vivaient. Ce fut le cas par exemple en 1838 du Docteur Pierre Adolphe Piorry qui dans son ouvrage intitulé « Des habitations et de l'influence de leur disposition sur l'homme en santé et en maladie » montra l'importance d'établir des ordonnances de police pour sauver la santé du peuple ainsi que d'accorder des primes de l'Etat pour la construction de maisons ouvrières saines.

Ce sont les prémisses du « courant hygiéniste ». Courant ingénieux et novateur pour l'époque, puisque pour la première fois, la relation entre la santé et l'habitat est clairement établie. Les premières actions commencent à apparaître : on voit par exemple qu'entre 1845 et 1849, les frères De Melun, l'un avocat et l'autre député, fondèrent les « Annales de la Charité » et créèrent une « Société d'économie charitable » afin d'allier d'autres membres de la haute société à la cause ouvrière.

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Une intervention de l'Etat encore timide

L'intervention de l'Etat, malgré ces actions, demeure encore timide. Il faudra attendre la première loi de politique sociale en avril 1850 pour voir ce tabou en partie levé. Cette loi donne une première définition d'un logement insalubre. Il s'agit : « de logements qui se trouvent dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé des habitants ». Une fois encore, la relation entre santé et habitat est mise en avant. Cette notion a désormais un sens et une action politique. Ce projet de loi est vivement défendu par Victor Hugo dans un « Discours sur la misère », discours qu'il prononce contre son propre parti conservateur.

L'impact de cette loi est tout de même à nuancer. Ce texte de loi permet une intervention des communes sur les logements insalubres par le biais d'une décentralisation des pouvoirs au profit des Conseils Municipaux. Ils ont alors la possibilité de créer une « Commission des Taudis » afin de rechercher et d'indiquer les mesures indispensables d'assainissement des logements insalubres mis en location ou occupés par d'autres que le propriétaire, l'usufruitier et l'usager. Les travaux qui seront décidés par cette commission seront alors imposés au propriétaire sous peine d'amende. Des villes comme Roubaix ou Paris vont s'appuyer sur cette loi pour commencer à lutter contre l'habitat insalubre gangrenant sur leur territoire.

Mais on constate que l'application de cette loi est tout de même variablement suivie et appliquée par les municipalités puisqu'en effet de nombreux propriétaires ne sont autres que les membres siégeant dans ces Conseils Municipaux.

Suite à ces actions, d'autres lois vont être votées. Elles concernent en 1894, l'assainissement du département de la Seine en rendant obligatoire le tout à l'égout pour toutes les nouvelles constructions et permet la création des Habitations à Bon Marché (HBM).

Une autre loi en 1898 détermine un nouvel objectif de santé publique : l'eau. Chacun doit en effet pouvoir accès à une eau propre à la consommation et donc sans danger. Elle impose donc les premières mesures de salubrité et de sécurité en matière de traitement de l'eau de consommation.

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La loi relative à la protection de la santé publique

Une véritable innovation apparaît avec la promulgation, le 19 février 1902, de la loi relative à la protection de la santé publique. C'est la première vraie loi de santé publique Elle fut adoptée après dix ans de débat et prévoit:

- L'instauration d'un Conseil d'Hygiène Publique dans chaque département,

- La création d'un Bureau Municipal d'Hygiène dans chaque ville de plus de 20 000

habitants.

- La possibilité pour la Commission Sanitaire Municipale de prononcer l'interdiction

d'habiter pour les immeubles représentant un danger pour la santé publique et contraindre ainsi les propriétaires à réaliser des travaux « d'assainissement » de leur bien.

-La mise en place d'un permis de construire permettant un contrôle du maire sur l'aspect sanitaire des constructions.

- La création d'un Règlement Sanitaire Départemental pour la salubrité des maisons et la prévention des épidémies. Les RSD, plusieurs modernisés depuis, sont toujours une référence aujourd'hui dans la lutte contre l'habitat insalubre.

La loi du 9 avril 1903 rendra applicable à la ville de Paris et au département de la Seine les dispositions de la loi de 1902.

Cependant, l'activité de divers mouvements de pensée ou encore des congrès internationaux d'hygiène publique démontrent encore le manque d'efficacité pratique de cette loi.

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Les fondements du mouvement PACT

En 1924, la Ligue Nationale Contre les Taudis est créée afin de lutter notamment contre les quartiers de cabanes de fortune qui ceinturent Paris. Cette ligue est patronnée par le gouvernement et les autorités religieuses. Elle organise des manifestations multiples: conférences, bals de charité, ventes ou encore tombolas afin de récolter les fonds nécessaires. Elle crée également une société anonyme d'Habitations à Bon Marché " Le nouveau logis ". C'est le fondement du mouvement des PACT (Propagande et Action contre les Taudis) dont le premier naît à Lyon en 1942.

C'est Jean Pilla, alors étudiant à l'époque, aidé de quelques amis industriels lyonnais, qui sera à l'origine de la création du PACT. Cette association fonctionne au début de la même manière que les groupes de jeunes bénévoles. Leur philosophie est d'aider les ménages les plus précaires en luttant contre l'insalubrité dans lesquels ils vivent et accessoirement de venir en aide aux sans-abri. Ils sont animés par la conviction que le logement est un élément essentiel de la qualité de vie des personnes et qu'il permet aussi l'insertion sociale. Au début, par manque de moyen financier, l'association ne pouvait faire que des actions de petite envergure. L'idée du PACT de Lyon va s'exporter rapidement à travers toute la France avec comme premiers lieux d'ouverture du PACT : " Lille, Roubaix, Dijon, Marseille, Nantes, Bordeaux et Nancy ". Dès 1951, l'association se regroupe dans une fédération nationale. Elle va s'imposer comme bailleur social grâce à des logements dont elle sera propriétaire. Ils vont ainsi permettre aux personnes les plus fragiles d'être logées dans des loyers à faibles charges. Des agents sociaux interviendront pas la suite pour accompagner les familles qui en ont besoin. Le PACT s'institutionnalise et est reconnu par le gouvernement comme un partenaire à part entière.

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De nouvelles orientations face aux conséquences de la Seconde Guerre Mondiale

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les conditions de logement sont catastrophiques. Ainsi, de nouvelles orientations politiques sont prises dès septembre 1948. Ces grandes orientations permettent la création de l'allocation logement, le droit au maintien dans les lieux des locataires et la première réglementation des loyers du secteur privé. Le loyer sera désormais calculé sur la base de la "surface corrigée " : chaque élément de confort (lavabo, douche... ) correspond à des m2 supplémentaires servant à déterminer le montant du loyer. Pour compenser les contraintes financières des propriétaires, se crée un Fond National pour l'Amélioration de l'Habitat qui deviendra plus tard, l'Agence Nationale pour l'Amélioration de l'Habitat.

Le terrible hiver de 1954 est resté, encore aujourd'hui, dans les mémoires. L'Abbé Pierre lance un appel au secours en implorant l'Etat de venir en aide aux sans-abri et aux mal-logés. Un concours national est alors lancé pour réaliser des Logements Economiques de Première Nécessité. Ce sont des Cités d'Urgence qui vont être créées soit 12 000 logements construits sur 220 villes.

Le Code de santé publique sera modernisé en 1957 et la loi " Debré " de 1964 traitera plus particulièrement des bidonvilles. Les Règlements Sanitaires Départementaux, prévus depuis 1902, sont renforcés par un décret du 5 octobre 1953 qui institue le Règlement Sanitaire Départemental, obligatoire cette fois, et assure son application dans tous les départements avec une adaptation « à la marge » aux conditions spécifiques à chaque département, palliant ainsi la carence des règlements communaux.

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La résorption de l'habitat insalubre

A la suite de l'incendie d'un garni à Aubervilliers en janvier 1970, le Secrétaire d'Etat au logement, Robert -André Vivien, présente un projet de loi sur la résorption de l'habitat insalubre. La loi est adoptée le 10 juillet 1970, en déclaration d'urgence. La loi Vivien modifie le Code de santé publique, qui régissait jusque-là, le problème de l'insalubre « en dur » et intègre le dispositif de la loi Debré concernant l'expropriation. Ainsi, cette loi comporte des dispositions relatives à l'insalubrité :

- Elle permet un renforcement de la lutte ponctuelle contre l'insalubrité - Elle pénalise les marchands de sommeil

- Elle instaure une nouvelle définition de l'insalubrité en dur : le périmètre insalubre délimité par le préfet. Il comporte au moins 60% d'immeubles insalubres, mais englobe des locaux et immeubles salubres. Après avis du Conseil Départemental d'Hygiène, du maire et du Conseil municipal, le préfet déclare par un arrêté global l'insalubrité et l'interdiction d'habiter pour tout le périmètre.

Elle apporte également des dispositions relatives à l'expropriation :

- Elle permet de traiter l'urgence de certaines situations par une déclaration d'utilité publique accélérée.

- Le loi vise également à une prise de possession rapide des périmètres insalubres par les collectivités, qui pourront procéder aux destructions nécessaires, puis aux reconstructions éventuelles.

Ces actions de Résorption de l'Habitat Insalubre permettront la démolition d'îlots complets de bâtiments vétustes et la reconstruction à neuf d'îlots entiers. Ces opérations seront largement critiquées par la suite puisque non seulement elles entraînent une déstructuration urbaine mais également l'éviction des familles les plus pauvres. Leur relogement se fera pour la plupart dans les zones périphériques.

En 1976, le "Fond d'Aménagement Urbain " sera institué sur une logique de redécouverte et de revalorisation des quartiers anciens. La résorption de l'habitat insalubre sera également

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inscrite dans cette démarche. L'accent est cependant mis, tant pour des raisons architecturales qu'urbanistiques, que pour des raisons sociales, sur des travaux portant sur les bâtiments existants. La notion de remédiabilité l'emporte sur celle d'irrémédiabilité, fondement de la démolition. En 1979, un dispositif financier est mis en place pour faciliter les travaux de sortie d'insalubrité effectués par les propriétaires occupants et les propriétaires bailleurs. Une circulaire interministérielle le 14 janvier 1980 précise la portée de ces nouveaux outils.

Ces dispositifs juridiques et financiers perdurent jusqu'en 2000. Seules quelques opérations de RHI « pure » : par démolition de périmètre, seront encore menées dans certains départements.

Les conséquences de la Décentralisation

La loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, dite loi de « décentralisation », a été complétée par la loi du 22 juillet 1983 qui indique que les Bureaux Municipaux d'Hygiène, datant de la loi de 1902, deviennent des Service Communaux d'Hygiène et de Santé et que ceux exerçant effectivement des missions d'hygiène publique peuvent, par dérogation, continuer à exercer ces missions au nom de l'Etat moyennant une dotation financière.

Certaines villes seront donc dotées d'un Service Communal d'Hygiène et de Santé amène de traiter des dossiers d'insalubrité comme c'est le cas à Roubaix. Sur les autres territoires, ne disposant pas d'un SCHS, c'est la DDAS qui aura en charge les problèmes d'insalubrité.

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Le projet de loi Duflot

Mardi 17 septembre 2013, l'Assemblée Nationale a adopté en première lecture, par 312 voix contre 197, le projet de loi Duflot sur le logement. Cette loi instaure la garanti universelle et l'encadrement des loyers. Mais ce texte de loi comporte aussi de nombreuses autres dispositions, concernant entre autres les règles régissant les copropriétés ou la lutte contre l'habitat insalubre.

Le volet permettant de renforcer la lutte contre l'habitat indigne va être développé ici. Il comprend plusieurs actions:

- La mise en place d'un acteur unique en vue de simplifier la mise en Suvre de polices spéciales de l'habitat. Les Etablissement Publics de Coopération Intercommunal deviendront alors les acteurs uniques de la lutte contre l'habitat indigne en donnant à leurs présidents les prérogatives en matière de police spéciale du logement, détenues d'une part par les maires des communes membres et d'autre part par le préfet.

- Améliorer la lutte contre les marchands de sommeil, grâce, notamment, à l'instauration d'une astreinte administrative. L'action consistera à faire vérifier par le notaire, lors des transactions immobilières, que l'acheteur personne physique ou les dirigeants sociaux ou associés de la société civiles immobilières se portant acquéreur, ne sont pas déjà condamnés pour des faits de soumission d'une personne à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine ( sauf dans le cas où la personne concernée attestera que le logement est destiné à son occupation personnelle ).

- Une astreinte de 200 euros par jour de retard dans l'exécution des travaux permettra également de sanctionner les propriétaires défaillants aux prescriptions des arrêtés d'insalubrité. Ces propriétaires auront désormais à leur charge le coût des travaux mais également le coût de la maîtrise d'ouvrage. Ce dernier est en effet aujourd'hui pris en charge par la puissance publique.

- Le texte de loi permet également de modifier la procédure relative à l'octroi et au versement de l'allocation logement dans le cas des logements déclarés non décents afin

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d'inciter les bailleurs à effectuer les travaux de mise en conformité, tout en limitant l'impact sur le locataire.

Ainsi, si un logement fait l'objet d'un constat d'indécence, le droit à l'allocation logement est maintenu durant un délai d'un an pour le locataire, mais son versement est différé tant que le propriétaire n'a pas effectué les travaux de mise en conformité. Durant ce délai, le locataire ne s'acquitte que du loyer résiduel, sans que cela ne puisse fonder une action du bailleur à l'égard du locataire pour l'obtention de la résiliation de bail. Dès que les travaux sont réalisés, l'aide est reversée au bailleur. Si à l'issue de ce délai d'un an, les travaux ne sont toujours pas réalisés alors l'allocation logement est définitivement perdue.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King