WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Habitat indigne. Le traitement technique et social de l'insalubrité et de ses conséquences sanitaires.


par Emeline TASSAN
Université des Sciences et Technologies Lille 1 - Master 2 Sciences et Technologies  2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

40

3 / Des ménages fragiles touchés par l'insalubrité

La question de l'habitat indigne est difficile à traiter notamment parce que l'on regroupe sous le terme d'habitat indigne une diversité de situations. L'habitat indigne se caractérise par des situations diverses qui mêlent à la fois un type particulier de biens, une catégorie de ménages et des caractéristiques précises de dégradations qui affectent le logement. Cette présente partie portera sur les catégories de ménages touchées par ces conditions d'habitat en étudiant leurs caractéristiques économiques et sociales, les raisons de leurs replis sur le parc de logements indignes, " logements sociaux de fait ".

Les caractéristiques des ménages occupants des logements indignes

Les ménages occupants des logements insalubres ou indignes n'ont pas tous le même profil. En milieu rural, ce sont avant tout des propriétaires occupants, alors que dans les grandes agglomérations, il s'agit principalement de locataires. On constate néanmoins que ces ménages présentent des caractéristiques récurrentes et similaires.

En effet, les occupants du parc de logements indignes sont des ménages qui ont été conduits par leurs spécificités sociales et économiques à vivre dans ce parc très précaire. Une étude de la Direction Générale de l'Aménagement, du Logement et de la Nature montre en 2012 par exemple que les habitants de ce parc de logement sont des personnes isolées ou des familles qui, quelle que soit leur origine, ont des ressources très précaires. Ce sont des personnes bénéficiant de revenus sociaux, titulaires de pensions d'invalidité, de salariés pauvres, ou de personnes ayant des revenus irréguliers, voire très précaires (intérim, "petits -boulots"...). D'autres situations comme la monoparentalité, la situation administrative irrégulière ou encore la nationalité étrangère, l'analphabétisme, la "non connaissance" de la langue du pays d'accueil peuvent fragiliser ces ménages qui seront alors plus vulnérables et donc contraints de se rabattre sur le parc privé dégradé.

Des personnes étrangères ou d'origine étrangère, anciennement ou nouvellement installées peuvent rencontrer des difficultés d'intégration. Le parc de logement existant doit absorber ces nouveaux arrivants or aucune politique de logement n'est prévue pour les accueillir

41

dignement. Victimes d'exclusion, ils n'ont d'autres choix que de se rabattre sur le parc de logements indignes. Les Cahiers du mal logement de la fondation Abbé Pierre font le point sur ces situations : Il peut s'agir d'étrangers primo arrivants et donc en règle général de jeunes adultes isolés en couple ou en famille, avec ou sans titre de séjour. En situation de précarité extrême à leur arrivée, et éventuellement en situation irrégulière, ces ménages sont souvent une proie facile pour les "marchands sommeils" ou se replient vers les squats. A Marseille, par exemple, c'est une importante communauté comorienne ou des ressortissants des pays d'Europe de l'Est qui sont obligés de vivre dans ces conditions d'indignité. Il peut s'agir également de migrants vieillissants, en invalidité partielle ou totale, en difficulté ou en incapacité de retrouver du travail ou encore des femmes d'origine étrangère, divorcées ou séparées, qui se retrouvent seules ou isolées avec leurs enfants.

Dans d'autres cas, il peut s'agir de jeunes ou de familles en difficulté d'insertion et/ou en difficultés sociales et familiales plus ou moins lourdes. Il s'agit de jeunes couples avec des enfants en bas âge n'ayant qu'un seul salaire, des jeunes célibataires sans travail ou avec un emploi précaire. Sans emploi ou avec des premiers emplois précaires, peu qualifiés et peu rémunérés, ils parviennent difficilement à préserver la solvabilité suffisante pour accéder à un premier logement autonome. D'autres familles précaires se caractérisent par leurs fragilités sociales et/ou économiques, ils sont très éloignés de l'emploi, subsistent grâce aux minima sociaux, accumulent les problèmes de santé (handicaps, alcoolisme, fragilité psychologique...). Ces familles cumulent souvent des histoires familiales douloureuses (ruptures brutales, violences familiales, enfants placés...) et un parcours résidentiel chaotique (expulsion, hébergement chez un tiers...). Ces ménages aux conditions de vie précaires entrent alors dans un mécanisme d'exclusion, de part leurs situations économiques et sociales difficiles mais également par leurs conditions de logement indigne.

42

L'habitat indigne : un « troisième marché » du logement

L'accès à un logement indigne pour ces ménages est motivé par une situation d'urgence: à l'arrivée en France, dans une nouvelle région, à la suite d'une décohabitation forcée, en sortie de foyer d'hébergement, ils ont besoin d'avoir un toit rapidement... C'est donc en l'absence d'autre choix, parce que l'accès à d'autres parcs de logements leur est inaccessible qu'ils sont contraints de loger dans des logements indignes. Ils sont en effet victimes des blocages d'accès au parc privé classique ou au parc social.

Les exigences de solvabilité des bailleurs dans le parc privé écartent d'emblée les ménages qui ont trop de difficultés économiques ou sociales. Compte tenu du revenu médian français de 1650 euros en 2010, les loyers ne devraient pas dépasser 300-400 euros charges comprises afin d'éviter qu'ils ne soient trop élevés, ce qui dans les grandes agglomérations est très rare.

Le parc social est également peu accessible aux occupants des logements indignes et cela pour plusieurs raisons. On constate dans un premier temps qu'ils ne font pas toujours partie des populations prioritaires, soit parce que leurs revenus sont relativement élevés, soit parce qu'il s'agit d'individus isolés. Le parc HLM est en effet avant tout destiné aux familles. De plus, le parc de logements est aujourd'hui saturé, ils présentent des délais d'attente excessivement longs, en plus des critères de sélection exigeants. L'attente pour qu'un dossier de demande de logement dans le parc social aboutisse est important, certains postulants ignorent également que leur demande doit être renouvelée chaque année et voit donc leur dossier déclassé pour non renouvellement. Certains ménages peuvent également se retrouver démunis face aux démarches à effectuer pour obtenir un logement ou même pour remplir un document de demande de logement car ils ne maîtrisent pas ou mal la langue française et connaissant mal le système en place.

Les caractéristiques des ménages en dehors de leurs situations économiques et sociales peuvent également entraîner un retard dans le traitement de leurs dossiers. On voit par exemple qu'une composition familiale trop importante ou nécessitant une typologie de logement fortement demandée peut ralentir les procédures. Prenons l'exemple d'un couple avec deux enfants (une fille et un garçon), la famille doit être logée dans un T3 afin que le

43

couple et les enfants disposent de leurs propres chambres. Les normes des bailleurs proscrivant que fille et garçon partagent la même chambre. Or, on constate que les logements T3 sont fortement demandés et donc quasi inaccessibles.

Enfin, pour certaines personnes, le logement social reste un produit trop coûteux, et ce, même lorsqu'il s'agit d'une habitation construite avec un prêt locatif aidé d'insertion. Le système du logement social, qui a été dessiné dans les années soixante, en vue de l'accueil de ménages stables disposant d'un emploi au moins rémunéré au Smic ne correspond plus aux évolutions économiques et sociales actuelles.

L'habitat indigne répond donc à des besoins non satisfaits par le logement social et le parc privé classique. Didier Vanoni, directeur de la rédaction de la revue « Recherche sociale » le qualifie d'ailleurs de « troisième marché ». Il s'agit pour ces ménages d'une situation de repli dans laquelle il s'installe de manière durable.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius