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La saisie d'un compte bancaire se trouvant à  l'étranger.


par Paul Taglo Barré
Université de Ngaounderé ( Cameroun ) - Master recherche en Droit Privé Fondamental 2020
  

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PARAGRAPHE 2 : LA SAISISSABLITE DE LA CREANCE.

La créance faisant partie du patrimoine du débiteur est en principe saisissable(A) ; cependant la loi permet que certaines d'entre elles ne le soient pas, car liées au statut du débiteur, ou à leur nature(B).

A-LE PRINCIPE DE LA SAISISSABLITE DES CREANCES.

Le principe de saisissablité de l'ensemble des biens du débiteur est affirmé par plusieurs textes. Aux termes de l'article 2285 du code civil précité, «les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s'en distribue entre eux par contribution». L'article 2092 du même code renchérit pour sa part en disposant que : «Quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir».

Ces textes signifient qu'en principe tous les biens du débiteur peuvent être saisis. Cependant pour éviter que le débiteur ne soustraie certains de ses biens pour les faire échapper à la saisie, par exemple en les confiant à un tiers, l'acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution dispose en son article 50 que :«Les saisie peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur ,alors même qu'ils seraient détenus par des tiers, sauf s'ils ont été déclarés insaisissables par la loi de chaque Etat partie». Ce texte signifie que le débiteur ne peut en aucun cas faire échapper ses biens à ses créanciers ; et à contrario ces derniers ne peuvent saisir des biens détenus par des tiers qui n'appartiennent pas au débiteur.

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Ce principe établit peut cependant infléchir par moment, lorsque la saisie porte sur des biens déclarés insaisissables par la loi.

B-LES CREANCES INSAISISSABLES.

L`insaisissabilité peut avoir Son fondement dans le statut du débiteur, ou alors dans la nature de la créance.

Pour ce qui est du statut du débiteur, il faut distinguer avec M. SOH(M.) l'immunité de juridiction de l'immunité d'exécution .La première a pour but de soustraire certains biens de certaines personnes aux mesures d'exécutions de ses créanciers ;la seconde quant à elle a pour objet de dérober certains actes de certaines personnes au pouvoir de juridiction des tribunaux170.

Aux termes de l'article 30 de L'A.U.P.S.R.V.E, «L'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution». Il s'agit sur le plan externe des Etats étrangers, des agents diplomatiques étrangers, ainsi que des chefs d'Etats étrangers. Sur le plan interne, nous avons les personnes morales du droit public que sont l'Etat, les collectivités territoriales décentralisées et les établissements publics. Cette règle a été récemment affirmée par la convention des nations unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens171.Cette règle est liée à la souveraineté des Etats.

Notons cependant avec POUGOUE(P.G) et M.KOLLOKO (F.T.), que le caractère civil, commercial ou industriel de l'établissement public ne change en rien l'immunité dont bénéficie l'établissement en question et les sommes de ces personnes demeurent insaisissables172.

Dans une jurisprudence impliquant l'université de NGaoundéré, l'insaisissabilité dont il est question lui a été reconnue par le juge de la même ville, qui pour la circonstance l'a appelé «service public administratif». En l'espèce, il s'agissait une saisie a été pratiqué sur les comptes bancaires de l'institution. En la validant, le juge l'aurait privé des ressources

170 SOH (M.), insaisissabilité et immunité d'exécution dans la législation OHADA ou le passe-droit de ne pas payer ses dettes, juridis périodique n°05, juillet-aout-septembre2002, ohadata, p89 ; D-08-27,p3.

171 Cette convention a été adoptée le 02 décembre 2004 par l'assemblé plénière des nations unies puis ouverte à la signature des Etats parties du 17 janvier 2005 au 17 janvier 2007.

172 POUGOUE (P.G.) et KOLLOKO (F.T.), la saisie attribution des créances ohada, coll VADE-MECUM ; PUA 2005, p15.

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permettant son fonctionnement et par conséquent l'aurait empêché de mener à bien la mission de service public dont elle est investie173.

La jurisprudence étrangère a pour sa part eu à relativiser cette immunité d'exécution dont bénéficient les personnes morales de droit public. Elle a eu à décider que l'exécution forcée est possible contre un Etat lorsqu'il a manqué d'honorer ses engagements internationaux qui émanent d'une résolution de L'O.N.U174 notamment au titre de remboursement de sa dette extérieure175.Il en est de même lorsque l'Etat ou la personne morale de droit public a renoncé à son immunité d'exécution176.

Dans une autre décision, elle a pu restreindre la portée de l'immunité d'exécution des Etats ; en opérant une distinction entre les dettes contractées dans le cadre de leur souveraineté pour lesquelles l'exécution forcée demeure impossible et celles contractées dans le cadre d'une activité purement privée ; elle a eu à décider que : «Si l'immunité d'exécution dont jouit l'Etat étranger et ses départements ministériels est de principe, elle peut toutefois être exceptionnellement écartée ,notamment lorsque le bien saisi a été affecté à l'activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice, même si cette affectation n'a pas été prévue par une clause expresse du contrat, la juridiction saisie pouvant rechercher par tout moyen si cette affectation existe177».

Parmi les personnes qui bénéficient de l'immunité d'exécution, il y'a également la banque centrale178.En effet, non seulement il est impossible de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes qu'elle détient pour le compte des débiteurs, mais également on ne peut la condamner aux causes de la saisie car elle jouit de l'immunité d'exécution .Ceci traduit tout simplement le fait que la banque centrale prise comme débiteur saisi ou comme tiers saisi est protégée par l'immunité d'exécution179.Cependant il eut été souhaitable que le législateur doive lors des prochaines reformes, briser ou au mieux contourner cette forteresse inexpugnable d'immunité de saisie par des mécanismes particuliers ,car elle constitue parfois une entrave au recouvrement de certaines créances qui sont parfois dignes de protection.

173 Voir T.P.I de N'Gaoundéré, ordonnance de référé n°03 du 20/12/1999 ; Université de NGaoundéré c/NANG MINDANG, Hyppolyte, juris périodique n°44, p31 ; obs. FOMETEU. (J.).

174 Organisation des nations unies.

175 Cass, 1ere, ch., 15 juillet 1999 IR, p230.

176 Cass, 1ere, ch., 06 juillet 2000, JCP G, 2001 ; II, 10512 ; note KAPLAN et CUNIBERTI.

177 Cass civ, 1ere ch civ, 20 mars 1989, clunet 1990.1004 ; cass civ, 1ere, 14 mars 1984 ; JCP 1984, II.20205, note synvet.

178 Encore abrégée B.E.A.C, c'est la banque des Etats de l'Afrique centrale.

179 NASSER ABDELGANI SALEH, le compte bancaire et les procédures civiles d'exécution, op.cit.p69.

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Notons enfin qu'une procédure collective ouverte à l'encontre du débiteur peut empêcher toute mesure d'exécution ainsi que le dispose l'article 9(2) de l'A.U.P.C180 «la suspension concerne aussi bien les voies d'exécution que mesures conservatoires. Elle s'applique à tous les créanciers chirographaires et munis de privilèges généraux ou de suretés réelles spéciales telles que, notamment un privilège mobilier spécial, un gage, un nantissement, ou une hypothèque à l'exception des créanciers de salaires». Cela est dû au fait qu'elle rend indisponible les biens, à cause du caractère collectif et égalitaire de ces procédures entrainant par-là même le dessaisissement des biens du débiteur. En effet lorsque le débiteur se trouve dans un Etat de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, il est dessaisi de la gestion de ses biens et les poursuites individuelles dirigées contre lui sont suspendues ; ce dessaisissement a pour conséquence l'indisponibilité des biens meubles et immeubles du débiteur entre ses mains181.

A propos de l'immunité justifiée par la nature de la créance, l'on distingue le cas des créances insaisissables versées sur le compte bancaire182 ; et les gains et salaires d'un époux commun en bien versés sur le compte.

Les créances insaisissables n'ont pas été déterminées avec exactitude par le législateur ohada. L'article 51 de LA.U.P.S.R.V.E dispose : « Les droits et biens insaisissables sont définis par chaque Etat partie» .POUGOUE(P.G) et KOLLOKO (F.T.) pensent que l'acte uniforme est resté muet sur la question183.Il s'agit des comptes alimentés par les salaires, les pensions de retraite, les sommes payées à titre d'allocations familiales, de toute somme ayant un caractère alimentaire ou provenant des créances insaisissables184.Selon l'acte uniforme, «Les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables ».La mise à la disposition immédiate du débiteur des créances insaisissables est limitée au dernier versement185.

Terminons enfin par l'insaisissabilité des gains et salaires d'un époux commun en bien. Rappelons que cette insaisissabilité n'est que partielle dans la mesure où la procédure est orientée vers les revenus du débiteur et non vers ceux du conjoint qui n'est pas partie à

180 Acte uniforme portant procédures collectives d'apurement du passif.

181 MESSI ZOGO (F.R) ; l'exécution du titre exécutoire étranger, mémoire de master 2, université de N'Gaoundéré 2013/2014 ; p73.

182 Art 52 de L'A.U.P.S.R.V.E.

183 POUGOUE (P.G.) et KOLLOKO (F.T.), la saisie attribution des créances ohada, op.cit, p13.

184 TGI de Lyon, 15 mars 1989 ; cass civ 2eme, 28 mars 1994.

185 Art 53 de l'A.U.P.S.R.V.E.

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l'opération donnant lieu à la saisie186.D'ailleurs l'acte uniforme est même sans équivoque à ce sujet en disposant que :«lorsqu'un compte même joint alimenté par les gains et salaires d'un époux commun en bien ,fait l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une saisie conservatoire pour le paiement ou la garantie d'une créance née du chef du conjoint, il est laissé immédiatement à la disposition de l'époux commun en bien, une somme équivalant ,à son choix au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédent la saisie, ou au montant moyen annuel des gains et salaires versés au cours des douze derniers mois précédent la saisie».

Cependant l'on peut penser à la suite du professeur SIMLER que cette limitation de la saisie à une fraction au choix du conjoint n'est pas complète dans la mesure où une grande partie de ses revenus feront l'objet de saisie187. Il faudrait plutôt ramener le montant mis à la disposition du conjoint à l'équivalent de trois(3) mois de salaires188 ; car ce sont là toutes les économies de ce dernier qui sont ainsi mis à la disposition du créancier de son époux.

A notre sens, cette idée est digne d'inspirer le législateur ohada lors des prochaines reformes. L'on pourrait même être tenté de suggérer l'augmentation du montant de la somme laissée à la disposition du débiteur, notamment à travers la prise en compte de la somme laissée au choix du conjoint non saisi, qui devrait avoir pour fondement non pas le montant des gains et salaire versés au cours du seul mois ayant précédé la saisie, mais au cours de deux, trois mois voire plus...pourquoi pas une année ?189.

186 ZOUATCHAM (H.P.), la saisie des sommes d'argent entre les mains des banques, op.cit.p38.

187 NASSER ABDELGANI SALEH, le compte bancaire et les procédures civiles d'exécution, op.cit.p71.

188 SIMLER (PH.), «De quelques lacunes du dispositif législatif relativement à la saisissablité des revenus des époux en régime de communauté» droit et actualité, études offertes à BEGUIN.J.Ed lexisnexis, p689 et

suivants ; cité par ZOUATCHAM (H.P.), la saisie des sommes d'argent entre les mains des banques, mémoire de master, université de Yaoundé 2,2004/2005 ; p39.

189 Car il se peut que ce compte soit alimenté depuis de nombreuses années auparavant.

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