2. L'intégration d'un «
parler-twitter»
17Entretien téléphonique avec Nadine,
Députée, 25/08/2020
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Communiquer sur Twitter est une forme d'autopublication
(« processus de mise en forme d'un contenu sélectionné,
collecté, agrégé, synthétisé, en vue de sa
diffusion sans intermédiaire19 »). Il suppose chez
l'internaute un sentiment de compétence à s'exprimer sur tel
réseau et tel sujet, et nécessite d'adopter un certain formalisme
(les tweets sont limités à 140 caractères).
Le « parler-twitter » renvoie à toute une
série de constructions syntaxiques et grammaticales qui standardisent
l'élaboration d'un tweet. Ce langage standardisé et
aseptisé se retrouve sous plusieurs thématiques telles que :
- L'hommage à une personne décédée
- La célébration de fêtes nationales
- La promotion d'une organisation ou d'une collectivité
Des formules telles que :
Ou encore
Ces formulations solennelles revêtent une écriture
normalisée, transposable d'un élu à un autre, d'une
collectivité à une autre, dès lors que certaines
particularités sont modifiées.
19 GALLEZOT Gabriel et PÉLISSIER Nicolas, « Twitter,
un monde en tout petit », L'Harmattan, 2013, p. 23
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Les publics sur Twitter étant majoritairement des
journalistes et des individus préalablement intéressés par
la politique, le discours s'adapte en conséquence. Pierre-Jean Benghozi
y voit un « double mouvement de standardisation et de "customization",
analogue à celui qui fait passer du sur-mesure au
prêt-à-porter20 » .
Pour autant, mon parlementaire se défend d'utiliser un
langage en particulier et à la question « un parlementaire doit-il
apprendre à parler un certain langage (politique) pour communiquer ?
», il estime que « c'est justement l'erreur à ne pas faire
», tout en ajoutant une nouvelle fois que « le rôle du
politique, a fortiori dans sa communication, doit être de vulgariser son
action pour qu'elle soit à la portée de tous ».
Communiquer sur les médias sociaux est donc le fruit
d'une assimilation de règles et d'usages qui standardisent la
communication d'un parlementaire, tandis qu'il doit suivre une certaine
discipline malgré des désirs d'émancipation.
B. ENTRE MIMÉTISME ET DISSIDENCE
1. La discipline comme règle primaire
Communiquer sur les médias sociaux pour un
parlementaire nécessite de s'emparer de sujets d'actualité et
d'adopter une posture, un avis, une position bien particulière. Le choix
de ce positionnement ne se fait pas au hasard ni sans l'influence de
personnalités et du collectif auquel le parlementaire appartient.
J'ai pu observer une forme d'attentisme de mon parlementaire
avant de communiquer une prise de position sur certains sujets. Plus les sujets
sont cruciaux et divisent le collectif politique, plus la prudence était
de mise.
Ainsi des sujets « de société », tels
que la Procréation Médicalement Assistée (PMA), la
laïcité, la fin de vie, la question de l'Europe et sa place dans la
vie politique française, l'écologie ; il
20BENGHOZI Pierre-Jean, « De l'organisation
scientifique du travail à l'organisation scientifique du client :
l'orientation-client, focalisation de nouvelles pratiques managériales
», Réseaux, 91, 1998, p. 18
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s'agit là de sujets sur lesquels mon parlementaire
observait au préalable une forte « discipline de
parole21 » à l'égard des figures du parti
politique auquel il appartient. En plus de la hiérarchie nationale, la
pression de la structure locale se fait également ressentir quant au
positionnement sur les sujets de premier plan. Le parlementaire doit jongler
entre ces différents points de tension pour tenter d'exister «
numériquement » et progressivement construire sa propre
identité.
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