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Section2 : Problématique de l'assise juridique des
CLLa   problématique   majeure   posée   par   les
  conventions   locales   est principalement  leur assise  juridique.  En 
effet,  peut  on  permettre  dans un  Etat unitaire  même 
décentralisée  que  des  populations  puissent  prendre  des 
règles faisant  office  de  loi  dans  des  collectivités 
géographiques  données ?  C'est  tout le  sens  et  l'intérêt  de  la  controverse  sur
 le  caractère  légal  ou  illégal  des conventions 
locales.  Après  avoir  exposé  les  termes  de  la  controverse 
(par1), nous  tenterons  de  montrer  la  nécessité  pour  les 
pouvoirs  publics  de  trouver une   articulation   réussie   entre  
légitimité   et   légalité   (par2)   afin   de  
lever définitivement  le  flou  juridique  dans  lequel  se  retrouvent 
très  souvent  les dites conventions. 
Paragraphe1 : Les termes de la controverseLa   principale   problématique   posée   de  
manière   spécifique   par   les conventions  locales  est  la 
question  de  leur  légalité.  Sont  elles  un  compromis
juridique  ou  u  contournement  de  la  loi ?  Jusqu'à  quel 
degré  les  textes  en vigueur  au  Sénégal  accordent 
ils  la  possibilité  aux  acteurs  locaux  de  mettre en  place  des  dispositions  à  caractère 
réglementaire ?  Pour  décortiquer  cette
nébulosité juridique, il serait intéressant de poser les
termes de la controverse   à   travers   d'une   part   l'argumentaire  
de   ceux   qui   postulent   la 60 validité  des  conventions  locales  d'une  part,  et 
d'autre  par  les  négationnistes des  référents 
juridiques.  La  notion  fait  l'objet  de  «pédalages 
conceptuels»77 laborieux   car   chacun  
s'ingéniant   à   l'accorder   à   ses   propres   visions
  et objectifs. Pour   les  partisans  de la thèse d'une validité
  juridique    des conventions   locales,   l'ère   de   la  
décentralisation   ouvre   la   brèche   à   une
participation   des   populations   dans   le   processus   de  
développement   local particulièrement dans la gestion  des 
ressources naturelles  et environnementales.   Symbolisée   par   le  
principe   constitutionnel   de   la   libre administration des
collectivités locales78, les   conventions   entrent donc
logiquement dans cette prescription. Les  partisans  de  la  légalité  des 
conventions  locales  se  fondent  entre autre  texte  sur  le  code 
forestier79   qui  dispose  dans  l'article  R14  que : « pour
les  forêts  relevant  de  leur  compétence,  les 
collectivités  locales  élaborent  ou font  élaborer  des 
plans  d'aménagement.  »  Ainsi,  rien  ne  s'oppose  à
 ce  que  la collectivité  locale  confie  par  contrat  aux 
populations,  le  soin  d'élaborer  des plans d'aménagement et de
gestion des dites parcelles. La durée d'application est,  aux  termes 
de  l'article  R16  du  code  forestier comprise  entre  dix  et  vingt- cinq
ans. Ce plan doit, aux termes de l'article R11, comprendre le programme des 
coupes  à  exploiter  c'est-à-dire  (nature,  assiette, 
périodicité  et  quotité  en volume  ou  en  surface, 
ainsi  que  les  travaux  de  régénération),  le 
programme des  travaux  d'amélioration  sylvicole  (nature,  assiette, 
importance,  estimation et  époque  de  réalisation).  De  même,  au
 terme  des  articles  R  32  et  R  33  ;  les collectivités  locales 
peuvent  également  conclure  des  contrats  de  culture  avec un  tiers
 dans  les  forêts  relevant  de  sa  compétence.  Ces  tiers 
peuvent  être constitués  par  les  population  locale  de 
façon  individuelle  ou  collectivement  à travers   une  
association.   Cet   état   de   fait   est   juridiquement  
conforté   par l'article  3  alinéa  2  de  la  loi  96-06 
portant  code  des  collectivités  locales  qui dispose   que :   «
...   elles   associent   en   partenariat,   le   cas  
échéant,   à   la réalisation   des   projets   de 
 développement   économique,   éducatif,   social   et
culturel,  les  mouvements  associatifs  et  les  groupements
 à  caractère 77  Djiré Moussa « les conventions
locales au Mali : une grande nébuleuse juridique et un pragmatisme en
GRN » ; IIED 2004 ; page 5. 78  Article 102 de la constitution de janvier 2001. 79 Loi n° 98-03 du 8 janvier 1998 portant
Code forestier. 61 communautaire.» 
Les  populations  peuvent  donc  en  utilisant  ces  créneaux
juridiques mettre en place des conventions locales tout à fait
légales. Ces   arguments   parmi   tant   d'autres   brandis   par  
les   défenseurs   des conventions   locales   sont  
écartés   par   les   négationnistes.   Les   plus  
acerbes critiques   viennent   de   Dicko80      qui   souligne  
que   des   pratiques   erronées administrativement  se  font  dans  le 
processus  d'élaboration  des  conventions locales notamment la 
signature  des autorités  déconcentrées et
décentralisées.   L'auteur   fonde   cette   affirmation  
essentiellement   sur   deux arguments : d'abord, la convention locale 
étant un engagement entre groupes  sociaux  acceptant  de  se  soumettre
 selon  certaines  modalités  à  des règles   de  
conduite ;   la   collectivité   locale   n'étant   pas   partie 
 prenante   aux clauses,  rien ne justifie la signature de l'exécutif
local. Ensuite, il rappelle que la   tutelle   administrative   porte   non   pas   sur   les  
organisations   locales   mais plutôt  sur  les  organes  territoriaux ; 
en  d'autres  termes,  la  convention  locale ne   constitue   pas   un   acte   ressortissant   du   champ 
 des   actes   soumis   à l'approbation.  Les  plus  radicaux  des 
thésards  de l'illégalité  des  conventions locales  se 
fondent  sur  le  régime  général  des  obligations 
(article  47  du  COCC Sénégalais)  qui  énonce  quatre 
(4)  conditions  pour  la  validité  des  contrats :  la capacité
 juridique,  le  consentement,  un  objet  et  une  cause  licite.  Si  nous
prenons  une  seule  de  ces  conditions  par  exemple  la  capacité  de
 contracter  et en   suivant   la   logique   de   Dicko ;   nous   pouvons  
affirmer   l'illégalité   des conventions conclues par les
villages qui ne bénéficient pas d'une personnalité 
juridique.  Dans  ce  même  ordre  d'idée,  comment  expliquer  la
mise   en   place   de   normes   à   caractère  
réglementaire   par   des   organismes privés (sous convention)
? Ces critiques sont juridiquement fondées ; toutefois,
nous estimons que toutes   les   conventions   locales   ne   sont   pas  
illégales   dans   la   mesure   où certaines   sont  
expressément   prévues   par   les   textes   de   lois   (ex  : 
 plans d'occupation  des  sols).  Le  noeud  du  problème  se  trouve 
dans  le  respect  des règles   de   forme   et   de   fond   ainsi  
que   du   principe   de   légalité   (interne   et externe).  Si
 nous  nous  référons  aux  textes  de  la 
décentralisation,  le  code prévoit   l'ouverture   de   cadres  
de   concertation   (article   14   du   décret   1134 80  Dicko A. K « Les conventions locales
comme cadre de référence pour l'exercice des compétences
des acteurs de la décentralisation dans la GRN au Mali »,
Rapport d'étude, GTZ, Bamako, 2002 ; page 18. 62 portant   transfert   des   compétences)   afin   de  
planifier   et   d'harmoniser   les politiques   de   gestion   des  
ressources   naturelles   et   environnementales.   Les principes   de   base  
de   ce   décret   rappelle   dans   l'article   3   alinéa   4  
et   5 que : « les  collectivités  locales  veillent  à 
la  protection  et  à  la  gestion  des ressources naturelles et de
l'environnement. Elles suscitent la participation de tous  les  acteurs  dans 
le  strict  respect  des  principes,  des  orientations,  des options  
techniques   et   de   la   réglementation   en   vigueur.   Les  
collectivités locales   développent   une   approche  
intégrée   et   participative,   favorisent
l'interdisciplinarité,  et  exercent  leurs  compétences  sur  la
 base  de  plans  et schémas.» Remarquons néanmoins, 
qu'aucunement il n'est  fait référence à la
possibilité   pour   les   populations   locales   de   signer   des  
conventions   locales. Cependant,  seule  la  collectivité  locale  est 
habilitée  à  gérer  les  ressources naturelles en faisant
participer les utilisateurs de la ressource. Ce qui délimite
implicitement  la  procédure  d'élaboration  d'une  convention 
locale.  Pour  nous, la  convention  locale  peut  être 
élaborée  et  acceptée  par  les  populations  elles
mêmes ;   mais   elle   n'entre   dans   l'ordonnancement   juridique  
afin   d'être exécutoire  qu'après  avoir  fait  l'objet 
d'une  délibération  du  conseil  local  et l'approbation  du 
représentant  de  l'Etat.  C'est  la  procédure  qui  est  suivie
 par la   SAED   (POAS   de   Rosso   et   de   Gandon)   et   le  
PAGERNA   (Convention   de Mbadakhoune).  Dès  lors,  ce  document 
devient  un  acte  administratif  et  donc fait force de loi dans les limites
géographiques de la localité. Les  diverses  tendances  remettant  en  cause  la 
légalité  des  conventions locales  visent  à  les 
enfermer  dans  un  cadre  juridico  institutionnel  officiel. Cette 
démarche  met  la  loi  au  sommet  de  l'architecture  des  normes 
juridiques en  appréciant  les  conventions  à  partir  de 
pré-  requis  juridiques  qui  sont  des énoncés 
généraux,  non  contextualisés.  Une  approche  socio 
anthropologique nous  apprend  cependant  que  le  droit  est  un 
système  en  constante  interaction avec  les  autres  sous 
systèmes  sociaux81.  Cette  vision  se  fonde  sur 
l'idée  que le  droit  n'est  pas  uniquement  des  règles 
explicites,  codifiées  et  sanctionnées par l'Etat ; «
mais aussi des phénomènes concrets qui peuvent être saisis
par l'observation  directe82  »  Ils  prônent 
à  l'opposé  du  monolithisme  juridique  la prise  en  compte 
de  ce  pluralisme  juridique  qui  fait  la  spécificité  des 
sociétés 81  Op.cit Djire.Moussa. 82  Rouland N. « Anthropologie juridique
», Paris, Puf, 1998 ; 496 p. 63 africaines.  Et  dans  cette  optique,  la 
légitimité  des  conventions  locales  suffit  à leur  
donner   une   force   juridique   surtout   au   niveau   local   où  
les   règles traditionnelles  continuent  toujours  de 
réglementer  la  gestion  des  ressources naturelles.   Cependant,  
poussée   à   l'extrême,   cette   vision   anthropologique
risque  de  déboucher  vers  une  anarchie.  Car  l'individu  se  trouve
 pris  dans  un dualisme  de  régime  (légalité 
étatique  et  légitimité  traditionnelle)  et  serait
tenté  en  cas  de  nécessité,  de  faire  recours 
à  un  des  systèmes  de  normes  en fonction   de   ses  
valeurs   et   intérêts.   D'où   cette  
nécessité   d'harmoniser   le système  en  conciliant  la 
légalité,  la  légitimité  et  la  pratique  par 
un  rendez vous réussi83. |