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L'enfant apprenti au Bénin

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par Camille Raoul FASSINOU
Université d'Abomey Calavi (UAC Bénin) - DEA en droit de l'homme 2006
  

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PARAGRAPHE 2 : LE CONTRAT D'APPRENTISSAGE

Le contrat d'apprentissage définit dans l'article 64 de la loi 98-004 portant code de travail en République du Bénin, « est celui par lequel un chef d'établissement industriel, commercial ou agricole, un artisan ou un façonnier, s'oblige à donner ou à faire suivre une formation professionnelle méthodique et complète à une autre personne et par lequel celle-ci s'oblige en retour à se conformer aux instructions qu'elle recevra et à exécuter les ouvrages qui lui seront confiés dans le cadre de son apprentissage ».Il est écrit à peine de nullité.

Or, dans la pratique, ce contrat est de plus en plus oral (A), et même lorsqu'il est écrit, il est souvent frappé de nullité (B)

A°) Un contrat de plus en plus oral

Aux termes des dispositions de l'article 65 de la loi 98-004 portant code du travail en République du Bénin, le contrat d'apprentissage doit être constaté par écrit à peine de nullité. Il est rédigé dans la langue officielle en quatre exemplaires et soumis au visa des services compétents du ministère chargé du travail dans les conditions fixées par l'article 14 dudit code. Pour être valable, il requiert un certain nombre de conditions. Sa forme et son contenu ainsi que les obligations à la charge de chaque partie à défaut desquelles, le contrat d'apprentissage est non seulement frappé de nullité mais les auteurs d'infractions à ces dispositions encourent également des sanctions pénales. Le législateur le veut ainsi pour pouvoir assurer le respect des prescriptions légales protectrices des intérêts des enfants apprentis et d'en faciliter le contrôle pour les services compétents de la direction du travail.

Aujourd'hui, le contrat d'apprentissage est devenu de plus en plus oral. Ce qui facilite l'entrée des enfants de moins de 14 ans en apprentissage, et leur exploitation par les patrons d'ateliers. La procédure est rendue plus simple par les parents d'apprentis et les patrons d'ateliers pour des raisons évoquées ci-dessus. Les parents vont vers les patrons qui sont des connaissances ou des membres de leur famille pour exprimer leur volonté de placer leur enfant en apprentissage. Ils interpellent la conscience de ces patrons d'atelier qui se trouvent dans l'obligation de rendre service à un membre de sa famille ou à un ami. Cette pratique viole le contenu et la forme du contrat d'apprentissage. L'âge et la durée de l'apprentissage ne sont pas convenus donc pas respectés. Les formalités administratives longues et tracassantes sont ainsi évitées. Les parents et les patrons s'entendent pour contourner la loi au détriment des droits de l'enfant.

Ces contrats verbalement formés tombent dans l'illégalité. Malheureusement, ils sont les plus nombreux dans le secteur de l'apprentissage car la forme écrite du contrat est presque inexistante. C'est seulement dans le milieu urbain qu'on note une progression de la forme écrite27(*). Dans le milieu rural, ce contrat d'apprentissage écrit est presque inexistant. D'ailleurs, sur les 152 apprentis enquêtés, 144 sont entrés en apprentissage sans un contrat écrit.

Ainsi, on retrouve des maîtres de métier qui reçoivent des apprentis mineurs contrairement aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article 66 de la loi 98-004 portant code du travail au Bénin. Le contrat d'apprentissage rendu de plus en plus oral, ne permet plus d'examiner l'aptitude de l'enfant au métier en ce qui concerne sa santé. Des menaces graves et nuisibles planent donc sur la santé de cet enfant. L'exigence du certificat médical par l'article 68 de la loi 98-004 qui dispose en son point 3 : « un certificat médical délivré par le médecin inspecteur du travail ou un médecin agréé par le ministère chargé du travail après avis du ministère de la santé attestant que l'apprenti est physiquement apte à satisfaire aux obligations découlant du contrat » n'est pas respecté.

De plus, dans ces conditions, ce qui est appelé apprentissage, peut durer huit à dix ans voire plus selon le patron. La durée de la formation est courte pour les apprentis ayant au moins 14 ans et ayant reçu une instruction scolaire. Cette durée est plutôt longue pour les enfants de moins de 14 ans et la formation pour ces derniers s'apparente à une forme d'exploitation. D'ailleurs, comme l'a si bien souligné YVES MARGUERAT : « s'ils sont "libérés" à 17 ou 18 ans, quelle chance peuvent-ils avoir d'être embauchés avec un salaire, ou de pouvoir s'installer et trouver une clientèle, ils restent donc de la main d'oeuvre exploitable à volonté bien plus longtemps que les trois ans et trois mois coutumiers28(*) ».

Il n'est pas à ignorer que certains patrons établissent un contrat d'apprentissage, mais souvent, ces contrats ne respectent ni la forme ni le contenu requis et sont de ce fait nuls et de nul effet.

B°) La nullité des contrats écrits existants

Le contrat d'apprentissage est écrit et doit contenir, en particulier, les nom, prénoms, âge, domicile des père et mère de l'apprenti ou de son tuteur ou encore de personne autorisée par les parents ou par la juridiction compétente. Il contient également, l'indication de la profession qui sera enseignée à l'apprenti, la date et la durée du contrat, celle-ci fixée conformément aux usages de la profession ne pourra excéder quatre ans, et éventuellement l'indication des cours professionnels que le chef s'engage à faire suivre à l'apprenti soit dans l'établissement soit à l'extérieur de celui-ci et aussi les modalités de rémunération, de nourriture, de logement et autres conditions substantielles du contrat, l'écrit étant considéré comme un élément de preuve.

Les contrats d'apprentissage qui existent ne sont pas conformes aux lois et textes qui régissent l'établissement d'un tel contrat parce que non visés par l'inspecteur du travail ou non enregistrés au greffe du tribunal du lieu d'exécution du contrat d'apprentissage ou encore ne répondent pas aux dispositions de l'article 65 de la loi 98-004. Le non enregistrement ou la non soumission du contrat d'apprentissage à l'inspecteur du travail pour visa, se fait volontairement ou par ignorance. L'enregistrement est une condition de l'efficience du contrat d'apprentissage, ainsi, si le visa et l'enregistrement sont refusés, le contrat est nul de plein droit.

Les contrats d'apprentissage écrits et bien rédigés conformément à la législation sont rares. Seulement 05 patrons sur les 58 interrogés (soit 08,62 %), ont établi une fois un contrat d'apprentissage visé par l'inspecteur du travail et ce pour satisfaire certains intérêts propres ou sur exigence d'un parent d'apprenti qui en aurait besoin pour remplir une formalité administrative29(*).

En effet il ressort des enquêtes que ceux qui respectent ou demandent un contrat écrit sont soit les patrons qui ont subi une formation dans les lycées techniques ou écoles, soit des parents qui veulent exhiber ce contrat pour avoir droit aux allocations familiales de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. «  La forme écrite du contrat est presque inexistante dans la plupart des pays du sud30(*) » comme le Bénin. Ce n'est que dans les milieux urbains que l'on note une progression de la forme écrite. Ceci témoigne de l'illégalité dans laquelle baigne ce secteur de l'apprentissage dans l'artisanat et du secteur informel au Bénin.

La Cour de Cassation en France sous l'empire de la loi du 20 Mars 1928 avait décidé que « l'écrit n'était exigé qu'à titre de preuve31(*) ». L'écrit est alors indispensable dans un contrat tel celui de l'apprentissage et c'est l'inexistence du contrat qui favorise la violation des droits liés à la personne de l'enfant.

En somme, l'apprentissage au Bénin est un cadre de formation accessible à un grand nombre de déscolarisés ou de non scolarisés. C'est certes un filet de récupération et de sécurité essentiel pour l'avenir et l'insertion de nombreux jeunes dans le monde du travail, mais le non respect des règles de procédure à suivre pour l'entrée des enfants en apprentissage n'est pas sans répercussion sur la formation et la personne des enfants apprentis. Cette entrée en apprentissage qui devrait recevoir l'aval de l'inspecteur du travail après la réunion de certaines conditions obligatoires se réalise suite à une simple entente entre les patrons et les parents. L'inexistence de la répression et le non fonctionnement des organes de contrôle sont à l'origine de l'entrée facile des enfants en apprentissage.

L'indifférence qu'affichent les uns et les autres par rapport à la situation des enfants apprentis au Bénin est assez grave parce qu'elle met en jeu la vie et l'avenir des enfants apprentis.

* 27 BACHELARD (Paul) et ODUNLAMI (Amédée) : « Apprentissage et développement en Afrique noire : le levier de l'alternance », édition l'harmattan, Paris 1997, page 48.

* 28 MARGUERAT (Yves), « L'apprentissage au Togo », in « l'enfant exploité », page 263.

* 29 TINKPON (Flavien), « l'exploitation économique des enfants au Bénin », mémoire de DEA, UNB, page 23.

* 30 ODUNLAMI (A) et BACHELARD (P), « l'apprentissage et le développement en Afrique noire, le levier de l'alternance », page 48.

* 31 BRUN (A) et GALLAND (H) : « les rapports individuels de travail » Tome1, édition Sirey, paris 1978, page 460.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery