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L'enfant apprenti au Bénin

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par Camille Raoul FASSINOU
Université d'Abomey Calavi (UAC Bénin) - DEA en droit de l'homme 2006
  

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CHAPITRE 2 : UN SILENCE GRAVE

L'apprentissage d'un métier en vue de l'exercer est une pratique très ancienne dans le monde et particulièrement au Bénin. L'apprentissage joue un rôle important dans le développement socio-économique du pays. Il joue un rôle de formation, de production, de création d'emploi et de revenu, en un mot, il constitue un amortisseur de la crise économique.

Dans la démonstration précédente, nous avons montré la culpabilité du silence gardé par les parents, la communauté et les pouvoirs publics mais il nous semble que ce silence est assez grave pour plusieurs raisons. D'abord ces enfants témoignent de l'avenir de la nation et bien formés, ils constitueront des garanties pour la stabilité et le développement socio-économique du pays.

En suite, ce silence est aussi grave dans la mesure où le but visé par les parents en envoyant leurs enfants en apprentissage ne pourrait être atteint dans ces conditions car le système de formation est peu performant (Section 1) et ne permet pas à l'enfant apprenti à la fin de sa formation, d'être en phase avec le rythme de la modernisation. Enfin, au lieu d'une formation, on note une tendance à l'exploitation de ces enfants apprentis (Section 2) puisque certains patrons utilisent, usent et abusent de ces enfants sans pouvoir leur assurer une formation adéquate.

SECTION 1 : UN SYSTEME DE FORMATION

PEU PERFORMANT

La transmission du savoir manuel reste malgré son développement, largement marquée par les coutumes. Aussi, le manque d'intervention rigoureuse de la part des pouvoirs publics en vue de réglementer la pratique de l'apprentissage compromet-il la mondialisation de cette formation professionnelle au Bénin ? Or il s'avère nécessaire pour préparer la jeunesse à prendre efficacement la relève pour bâtir l'avenir, de lui assurer une bonne formation.

Au Bénin, la transmission de ces savoirs manuels aux jeunes enfants n'est pas une chose aisée. Elle connaît des insuffisances qui ne profitent ni à l'apprenti ni à la modernisation et l'évolution du métier. La performance de ce système de formation peut être mesuré par rapport au contenu de la formation (Paragraphe 1) et à la méthode de la formation (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LE CONTENU DE LA FORMATION

L'apprentissage est un système de formation qui se base sur la transmission d'un savoir-faire qui s'acquiert par la pratique du métier. C'est un système de formation qui de nos jours est en perpétuelle dégradation et qui se résume à un mimétisme. Dans ce système, la formation se déroule sans un programme déterminé. Le contenu de cette formation ne gênerait pas si ces résultats réels étaient acceptables et contribuaient à résoudre les déséquilibres qui existent entre les enfants apprentis des pays du nord et ceux des pays du sud.

Malheureusement, cette formation ne répond pas aux exigences de la modernisation et de la mondialisation. Elle suscite d'énormes interrogations ; son contenu constitue un problème important parce que limité (A) et dépassé (B).

A - Un contenu limité

L'apprentissage, intégrant formation et production, repose sur la transmission de connaissances antérieurement acquises par le patron et qui donneront la possibilité d'une promotion économique et sociale aux jeunes apprenants. Le contenu de cette formation n'est pas défini sur la base d'un programme précis comme il en est le cas dans les établissements scolaires. Les certificats de fin d'apprentissage sont délivrés sans un texte officiel préalable pour apprécier leurs connaissances. Contrairement à l'enseignement dans les lycées techniques où l'on associe la théorie à la pratique, le principe de l'apprentissage des métiers artisanaux et de rues est l'observation et l'initiation des gestes professionnels complétées par l'aptitude de l'apprenti à exécuter les instructions du maître.

En dépit de leurs conditions difficiles de vie dans les ateliers, les enfants apprentis reçoivent leur formation chez des patrons qui sont des analphabètes ou illettrés pour la plupart. Ils ont ainsi peu de possibilité d'initiative et d'imagination créatrice et sont seulement astreints à la pratique routinière reçue de leur maître ; du coup, le savoir acquis par les jeunes enfants après des années de souffrance dépende des connaissances, de la compétence du maître artisan et de sa détermination à bien former.

De plus, le matériel nécessaire pour la formation est insuffisant ou même inexistant dans les ateliers de formation. Il n'existe pas un programme de formation officiel et les patrons ne se donnent pas un programme fixe pour la formation. Ceci justifie le fait qu'à la fin de la formation certains apprentis ne trouvent pas du travail et sont incapables de vivre de leur métier. Le contenu de la formation dans les ateliers reste limité car le maître ne transmet qu'une partie de ce qu'il a reçu lui aussi de son patron.

L'immobilisme du contenu de la formation dans un monde en plein essor technique est à la base des échecs du système. « Ils n'ont pas d'autres occasions pour parfaire leurs connaissances oubliant que l'apprentissage se poursuit tout au long de la vie32(*) ». Cela justifie le niveau douteux de certains chefs d'atelier.

Par ailleurs, Certains patrons d'atelier développent une volonté manifeste de ne pas léguer tout le savoir-faire aux apprentis et livrent sur le marché du travail de nouveaux maîtres incompétents. Certains apprentis nous ont confié qu'ils sont obligés d'aller chez des collègues apprentis pour leur poser des questions pour mieux comprendre et assimiler un mécanisme. Pour d'autres, les patrons ne livrent jamais toute leur connaissance sans quoi l'apprenti une fois libéré ne chercherait plus à recourir à leur service.

Mais pour les patrons, ce n'est pas toujours volontaire car il y a des pannes ou des techniques qui sont rares ou spécifiques. L'apprenti peut ne pas avoir la chance d'accéder à la connaissance et la résolution de ces pannes si durant sa formation aucun client ne sollicite l'atelier pour ce service. D'une façon générale, seul les enfants apprentis sont des perdants et en sont victimes malgré eux. La maîtrise insuffisante des connaissances de base des patrons place les enfants apprentis dans les conditions difficiles pour l'acquisition des capacités techniques.

Il est aujourd'hui évident que la qualité de la formation reçue dans les ateliers est limitée voire insuffisante. Il existe des patrons qui prennent le soin et le temps d'expliquer les gestes à leurs apprentis, leurs faisant démonter et remonter autant de fois que nécessaire, tel ou tel mécanisme, jusqu'a ce que chacun l'ait totalement assimilé ; toute chose bien rare. Aussi semblerait-il que certains patrons, jaloux de leurs futurs concurrents que sont les apprentis, vont jusqu'à cacher soigneusement certaines techniques à leurs apprentis. « De toute façon le talent pédagogique n'est pas universel, et bien savoir un métier ne veut pas forcément dire savoir bien l'enseigner33(*) ».

L'apprentissage qui devrait fournir à l'enfant une formation bien élaborée et mieux l'outiller à faire face à la modernisation des secteurs d'activités, se trouve ainsi incapable de bien accomplir sa mission. Le fait est déplorable puisque, aujourd'hui, l'apprentissage, tel qu'il se déroule dans les ateliers ruraux et urbains déverse sur le marché de l'emploi plus de personnes peu recommandables qu'auparavant.

« Pour remédier à cette défaillance, la formation en alternance devient une nécessité. Elle s'entend comme une formation en deux volets à savoir un volet théorique et un volet pratique auquel, il faut accorder plus de temps que le premier. Les contenus de ces deux volets seront organisés de sorte qu'ils s'intègrent l'un et l'autre pour réaliser une formation professionnelle unique, complète et satisfaisante. Ils devront être complémentaires34(*) ».

Les autorités doivent donc veiller à ce que le contenu de la formation s'intègre dans la logique de la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications. Car les acteurs de la formation sont appelés à se professionnaliser plus encore pour que, le but de la formation qui est désormais d'être au service de la modernisation se réalise. Car, si la connaissance transmise, est limitée au départ, elle ne peut qu'accentuer les difficultés de la formation professionnelle ultérieure, notamment dans cette économie informelle dans la mesure où l'apprentissage artisanal s'avère un système largement endogène de transmission et d'acquisition des compétences techniques et professionnelles dispensées sur les tas.

Dans ce sens, le Ministère de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, conscient, de cette chute du contenu de la formation dans les ateliers est en train, heureusement, d'initier une série d'activités pouvant participer au renforcement du niveau et obliger les patrons à permettre aux apprentis de suivre une série d'initiations dans les lycées techniques. Le ministère pense même instituer un Diplôme d'Etat de la Qualification au Métier qui sera reconnu et qui amènera tous les apprentis en année de libération et candidats de passer l'examen35(*). Ce diplôme évitera aux apprentis les dépenses inutiles de libération. Le premier examen a eu lieu sur toute l'étendue du territoire national du 13 au 15 février 2006 et a connu la participation de 600 apprentis béninois.

Outre son contenu limité, le système d'apprentissage repose également sur un contenu dépassé.

B - Un contenu dépassé

Au Bénin comme dans la plupart des pays africains, l'artisanat n'arrive pas à se développer de façon à participer pleinement à la croissance économique, pour plusieurs raisons dont le manque de savoir-faire dû au non recyclage, au manque de perfectionnement des artisans et au contenu dépassé des formations dispensées. Le perfectionnement est indispensable pour assurer une formation pratique de qualité aux apprentis. Il est le seul moyen pour les artisans d'être en adéquation avec les nouvelles techniques de production et d'être plus compétitif sur le marché des biens et services. Les artisans béninois, faute de stage de perfectionnement n'ont pas la possibilité de renouvellement de leur production et fabriquent toujours les mêmes produits qui ne s'adaptent pas à la demande d'une clientèle en pleine évolution.

Le contenu de la formation faute, de perfectionnement et de recyclage des patrons n'est pas en adéquation avec le rythme de la modernisation. D'ailleurs, l'utilisation des outils archaïques ne permet pas à ce système de transcender le passé pour avancer au pas des progrès scientifiques induis par la modernisation. Le contenu dépassé de la formation la rend obsolète à cause des modernisations technologiques qui interviennent et participent à la perte d'emploi de plusieurs patrons qui n'ont aucune chance de se perfectionner.

Former les jeunes au rabais contribuerait à aggraver les problèmes liés au chômage car la sécurité du travail ne peut leur être garantie. Dans plusieurs des ateliers enquêtés, les artisans mal formés étaient obligés d'associer des activités secondaires pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Certains deviennent conducteurs de taxi moto, d'autres revendeurs ou gardiens de nuit. Tout ceci parce que le contenu de la formation suivie est en déphasage avec la modernisation.

Aujourd'hui, il convient que tous les acteurs du secteur de l'apprentissage comprennent que la formation à une finalité nouvelle qui vient s'ajouter aux fonctions traditionnelles. Cette finalité se précise et s'exprime de plus en plus clairement et il faut alors accompagner beaucoup plus étroitement et plus efficacement les changements en cours.

« En effet, dans les conditions actuelles, l'apprentissage sous sa forme la plus répandue au Bénin (forme traditionnelle) se révèle très déficient quant à la valeur professionnelle des formations dispensées et la qualité des produits offerts à la clientèle en raison des compétences professionnelles et pédagogiques insuffisantes des maîtres du faible taux d'encadrement des apprentis et de la formation sommaire voire irrationnelle reçue par les apprenants36(*) ». Dans un tel environnement, le recyclage et le perfectionnement de l'artisan est d'une importance capitale car « l'apprentissage doit être perçu comme le premier maillon d'une formation professionnelle continue et non comme le dernier stade d'une formation partielle et inachevée37(*) ».

Le perfectionnement et le recyclage des artisans béninois amélioreraient la qualité de la formation donnée aux apprentis et permettraient de mettre sur le marché de l'emploi des artisans aptes et bien outillés. Les autorités en charge de la formation professionnelle doivent comprendre que le Bénin a plus que jamais besoin pour la consolidation de son économie, des entreprises artisanales performantes et d'un système d'apprentissage qualifié pour recevoir nos jeunes en quête d'une qualification professionnelle et pour pouvoir convertir les compétences disponibles en forces de progrès38(*). La réussite de cet idéal nécessiterait l'amélioration des dispositifs de formation professionnelle pour développer les compétences et les comportements techniques grâce à des liens efficaces avec les programmes de formation. Mais malheureusement au Bénin, l'inconvénient majeur du système d'apprentissage réside dans le niveau d'alphabétisation des patrons, niveau qui n'est pas de nature à les stimuler dans le sens d'une amélioration de la qualité de leurs prestations.

Le service Apprentissage et Alphabétisation Fonctionnelle de la Direction de la Formation et de la Qualification Professionnelle du Ministère de l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle initie actuellement un programme qui permettrait de pallier un tant soit peu aux difficultés qui minent l'apprentissage dans le secteur informel béninois. Dans ce programme, la formation continue, le recyclage et le perfectionnement des maîtres artisans occupent une place privilégiée. Il envisage de renforcer l'apprentissage, en complétant la formation pratique par une formation théorique, tant à l'intention des apprentis que des maîtres artisans. Le SAAFO peut également penser à la création des centres d'enseignement ménagés et des écoles de métiers artisanaux qui pourraient être généralisées à tous les corps de métiers et serviraient à parfaire l'apprentissage des jeunes qui sont à 1 ou 2 ans de la fin de leur formation.

Ce système actuel de formation ne pèche pas seulement à cause de son contenu mais également par sa méthode.

* 32 MARGUERAT (Yves), « L'apprentissage au TOGO », in l'enfant exploité, page 363.

* 33 ATTIGOSSOU (Grégoire), « les problèmes des apprentis en République du Bénin », mémoire de maîtrise en sociologie, FLASH, juillet 1986, page21.

* 34 DJOSSOU (Kodjovi) et HOUNDODJADE (Célestin), « La protection de l'apprenti en droit positif béninois », mémoire de maîtrise es-sciences juridiques, FADESP, UAC, 2002-2003, page 45.

* 35 Journal Officiel de la République du Bénin, N° 8 du 15 avril 2005 page 356.

* 36 HOUESSOU (Myriam B. E.), « Instruments juridiques de la politique nationale de la formation professionnelle continue au Bénin », mémoire de maîtrise es-science juridique, 2004-2005, FADESP, UAC, page18.

* 37 SOISSON (Jean Pierre), de MARTEL (Jean François) et RAIMOND (Bruno) : « L'enjeu de la professionnelle », édition FAYARD, 1986, page 143.

* 38 ATTIN (Sourou), « Enquête sur le secteur informel au Bénin, in le secteur informel en Afrique face aux contraintes »,

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