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Le Forum de Trajan à Rome. Templum Divi Traiani. Etat de la question et tentative d'interprétation. I. Commentaires et analyse

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par Claire Richard
Université Catholique de Louvain (Belgique). Faculté de Philosophie et Lettres. Département d'Histoire de l'Art et d'Arché - Licence en Histoire de l'Art et Archéologie 2005
  

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IV. LES MARBRES COLORÉS

Au regard des découvertes archéologiques, le Maître concepteur du Forum Traiani n'a pas lésiné sur l'utilisation de marbres antiques222(*). Ces derniers par leur variété chromatique confèrent au complexe un caractère majestueux. Toutefois leur choix et leur disposition ne semblent être nullement le fruit du hasard. En effet, Trajan favorise leur emploi pour exprimer la puissance de l'Empire. Il exploite ainsi en abondance les ressources des territoires conquis, riches en matériaux prestigieux, pour asseoir la domination de Rome sur la Méditerranée jusqu'aux confins de l'Orient. Le but est toujours ici de consolider son pouvoir par une exaltation du luxe, ainsi que d'assurer la prospérité de Rome. Nous pouvons aussi constater que les marbres polychromes prennent part à la scénographie des lieux pour favoriser la participation du visiteur et le guider dans son cheminement.

Tout d'abord, nous allons nous arrêter un instant sur une brève présentation des marbres qui dominent le complexe. Grosso modo, nous comptabilisons cinq variantes marmoréennes majeures au sein du site : le giallo antico, le pavonazzetto, le granit gris, le cipolin et le marbre de Luna. S'y ajoutent des marbres en proportions moindres tels que le granit rose, le portasanta (Chios), l'africano (Téos), le porphyre (Égypte), la serpentine (Laconie), le marbre de Thassos, etc. Le giallo antico est un marbre jaune de Chemtou en Numidie (Tunisie). Le pavonazzetto est une brèche mauve de Sinnada en Phrygie (Asie Mineure). Le granit gris provient du Mons Claudianus dans le désert oriental égyptien. Le cipolin est de coloration vert clair, il provient de la cité eubéenne de Carysthos (Grèce). Enfin, le marbre blanc dit aussi de Carrare est excavé près de l'ancienne ville de Luni (Italie, entre la Ligurie et l'Étrurie).

Alors que des marbres colorés constituent les fûts des colonnes, les bases, les chapiteaux corinthiens et les entablements sont en marbre blanc. Cette pierre est également utilisée pour la Colonne Trajane et pour une partie de la statuaire. De même, il existe une antithèse entre les revêtements de sol internes et externes. En effet, la recherche de luxe dans l'élaboration des pavements des zones couvertes se note par l'emploi de l'opus sectile polychrome. Au contraire, ce sont de simples dalles de marbre blanc de Luni disposées selon une trame rectangulaire isodome qui occupent les trois espaces à ciel ouvert : le cortile des Bibliothèques, l'area forensis et le dénivellement de l'aula. Probablement, son recours est motivé par la présence en quantité majeure et à proximité immédiate de la pierre blanche ainsi que par son moindre coût223(*). Par contre, la galerie méridionale devait également arborer ce type de marqueterie. Or, il s'agit d'un espace couvert. Pour ma part, ceci reste inexpliqué puisque l'unité avec les autres pourtours de la place est brisée.

Tentons de dégager le rôle joué par ces marbres dans la fonctionnalité du Forum. Le plan ci-joint reprend de manière schématique l'emploi des différents coloris (fig. 148). Je ne m'en tiendrais exclusivement qu'aux revêtements de sol (modules relativement simples) et aux colonnades pour mettre de côté les pilastres et placages muraux qui restent difficilement identifiables. Certaines observations se révèlent pertinentes. En effet, le marbre jaune (giallo antico) se retrouve comme pavement du secteur septentrional, au sein de la Basilique, dans les portiques et les hémicycles. Il y est à chaque fois couplé avec le pavonazzetto. Cependant, les modules mis en place varient selon l'endroit où nous nous trouvons. Pour le dallage des portiques bordant le péristyle de la Colonne et les nefs latérales de la Basilique, la combinaison s'organise selon une trame « en escalier ». Des dalles rectangulaires sont disposées en léger décalage les unes des autres. Sur la longueur, les deux marbres colorés s'alternent. Or, nous nous trouvons précisément dans des espaces de transition qui sont aussi relativement exigus. Le carrelage vient dès lors se joindre à la planimétrie pour inviter le visiteur à se mouvoir et à rejoindre rapidement l'étape suivante. De même, le giallo antico est le marbre par excellence employé pour les marches qui entourent la place. Ceci semble indiquer que son utilisation est privilégiée pour des espaces à franchir. À l'opposé, la nef centrale de la Basilica et ses absides ainsi que les hémicycles de la place offrent apparemment la même alternance chromatique, mais selon un module différent. Les interstices formés par des dalles rectangulaires de pavonazzetto disposées en quadrillage sont comblés par des carrés de giallo antico. Ces derniers présentent en leur centre soit un carré de pavonazzetto soit un disque de pavonazzetto (hémicycles) ou d'africano (uniquement pour la Basilique)224(*). Ce type de carrelage se situe dans des espaces qui invitent à la discussion et donc à une relative immobilité du visiteur. De fait, les quaestiones se déroulent dans les tribunalia de l'édifice judiciaire. Aussi, les hémicycles doivent servir de lieu de rencontre et de dialogue. Un tel opus sectile pousse, par conséquent, le promeneur à s'attarder dans ces endroits. La dernière reconstitution proposée par M. VITTI place le même type de revêtement pour les portiques de la place225(*). Toutefois, les carrés de pavonazzetto sont, en ces endroits, vides. Comme l'indique leur dénomination de portiques, nous sommes dans des zones de circulation. Elles favorisent le mouvement du visiteur par leur longueur importante. Néanmoins, leur quinzaine de mètres de largeur justifierait le choix d'un module différent de celui du péristyle des Bibliothèques par exemple (portique large de 5 m seulement). La progression du public s'avère alors être moins rapide. De là, il peut observer la place tout comme les statues des summi viri. De plus, le jeu de couleurs est inversé comparé à celui des hémicycles, ce qui indique un changement spatial. Enfin, le pavement des salles jumelles propose une combinaison de fines bandes de giallo antico avec de larges dalles de granit gris. Comme je l'ai dit précédemment, les dalles plus imposantes pourraient être destinées à recevoir des tables réservées à la consultation des ouvrages.

En ce qui concerne maintenant les colonnades, nous pouvons penser que l'emploi du granit gris renvoie à un désir de prestige. En effet, nous connaissons ces difficultés d'extractions et aussi son usage, dans notre cas, dans des proportions colossales. Ce n'est donc pas un hasard s'il se retrouve en des points stratégiques du complexe. Il forme la colonnade du propylon avec une hauteur de 50 pieds. De l'extérieur, il donne ainsi une image grandiose du Forum. De plus, il compose les colonnes (certes de moindres dimensions) de la nef centrale de la Basilique. Dans ce même édifice, une triple colonnade de ce marbre ouvre l'accès au tribunalia. Il semble également que des colonnes de ce type soutiennent les baldaquins des hémicycles de la place. Leur emploi, dans ce contexte, serait destiné à faire ressortir la statue qui occupe la niche. Le granit del foro ne se retrouve donc pas dans des espaces « secondaires » tels que des nefs latérales par exemple. Tout au contraire, ce sont précisément des colonnes de giallo antico qui occupent apparemment ces espaces. En ces lieux, le visiteur n'est pas appelé à une immobilité : les nefs latérales de la Basilica (ce qui est d'ailleurs confirmé par le pavement), l'accès aux hémicycles ou à l'aula. Le marbre jaune est aussi utilisé pour les trois avant-corps de la Basilique. Cette roche tant pour son utilisation comme colonne que comme dallage occupe majoritairement des zones de moindre importance. Enfin, mis à part leur emploi dans les Bibliothèques, les colonnes de pavonazzetto bordent les espaces en plein air comme composantes du péristyle de la colonne, de la façade de la Basilique ou des portiques de la place.

Pour les colonnades et les pavements, le granit gris décore majoritairement la portion nord du complexe. Son usage se note pour le sol des Bibliothèques, la colonnade de la nef centrale de la Basilique et enfin pour l'entrée. Là, de proportion hors normes, il se conjugue au granit rose qui ne se retrouve précisément qu'à cet endroit. Il semble évident qu'un soin tout particulier devait être apporté à l'entrée pour convaincre notre visiteur d'y pénétrer. Pour leur part, l'emploi de giallo antico et de pavonazzetto prévaut pour le reste du site. Seule la limite méridionale fait exception à la règle. Nous y retrouvons notamment l'emploi du cipolin. Ce marbre en lui-même n'est pas préjudiciable puisqu'il se retrouve aussi pour les deux ordres supérieurs de la Basilique. Toutefois, il est présent massivement au sud. Il compose les segments obliques de la façade tripartite et les colonnes de l'aula, mais c'est aussi son usage comme dallage qui étonne. De plus, il est combiné au portasanta (marbre rougeâtre) qui ne se retrouve, quant à lui, qu'exclusivement ici226(*). Les fûts de cipolin de la devanture méridionale contrastent fortement avec les autres pourtours de la place en pavonazzetto principalement. La discordance chromatique doit être lié à la fonction particulière que le secteur devait remplir. L'analyse sur ce point dans le précédent chapitre a pu démontrer combien la structure est innovante et sans précédent. L'emploi des marbres vient une nouvelle fois le confirmer. Parallèlement, outre la disposition en angles obtus qui attire le visiteur, le changement brutal d'unité chromatique intensifie la projection du promeneur vers ces lieux.

En plus des bases et des chapiteaux, les entablements sont uniquement de marbre blanc. Sur le pourtour de l'area forensis, ils comprennent des statues de prisonniers Daces d'environ 2,5-3 m de haut227(*). Si leur tête et mains sont également de marbre de carrare, un jeu chromatique est recherché par le recours à des marbres différents pour le corps. Aux deux extrémités nord et sud de la place, ils seraient de marbre blanc, tandis qu'à l'est et à l'ouest, ils seraient disposés en deux ordres. Le premier alternerait les Daces de pavonazzetto et de marbre blanc. Enfin, sur le couronnement de l'attique, ils seraient exclusivement de pavonazzetto. Faut-il y voir une signification particulière ? La question reste sans réponse. De plus, nous détenons aujourd'hui d'autres effigies daces mais façonnées dans des pierres telles que le bigio morato, la serpentine (porphyre vert de Laconie)228(*), mais aussi le porphyre. Nous disposons de six exemplaires de cette roche rouge : deux sont aujourd'hui à Paris, trois à Florence et le dernier appartient à un privé229(*). Le porphyre provient du Mons Porphyrites en Égypte. Cette pierre est particulièrement luxueuse au su de son coût de production. Par conséquent, elle est utilisée pour représenter le pouvoir impérial230(*). Nous possédons également un passage de l'Histoire Auguste (Probus, II, 1) qui mentionne une porticus porphyretica (galerie de porphyre) dans le Forum de Trajan. Il devait, par conséquent, arborer ces statues. Nous serions tenter de les situer sur le probable propylon d'entrée au site du côté du Champ de Mars. Les statues viendraient alors compléter le caractère imposant et majestueux rendu par les colonnes de granit gris pour en accroître le prestige. Il semble, d'ailleurs, que l'une d'entre elles a été exhumée lors de la construction de Santa Maria di Loreto et proviendrait donc de ce secteur231(*). Le porphyre viendrait aussi appuyer l'alliance de couleurs particulières de ce coté (granit gris et rose). Toutefois, le contexte archéologique de ces Daces de polychromies variables et, par conséquent, leur situation originelle restent énigmatiques. Il ne nous est donc pas possible d'estimer leur rôle du point de vue fonctionnel.

Nous pouvons constater aisément que le choix de l'emplacement des marbres n'est pas aléatoire. L'architecte-ingénieur recherchait avant tout une harmonie visuelle dans l'unité chromatique. En effet, si pour les revêtements de sol dominent le giallo antico et le pavonazzetto, cette même combinaison est reprise également pour les colonnades. Une recherche d'équilibre des couleurs se note aussi au sud où des colonnes de cipolin s'allient à un pavement reprenant le même marbre. Par conséquent, les changements de coloris devaient avoir un impact sur le visiteur. Le jeu de couleurs utilisé dans le secteur méridional étonne particulièrement. Il est un fait certain que la polychromie marmoréenne devait également créer des reflets lumineux intenses. Les sectilia pavimenta et les colonnes impressionnaient par leur chatoiement. Le contraste des marbres permettait de jouer avec la luminosité naturelle qui ne pouvait qu'augmenter l'atmosphère triomphale et luxueuse des lieux.

-comparer les marbres qu'on utilise traditionnellement pour des propylées, voir Gros, voir entrée du Panthéon=granit gris et rouge

-contraste des marbres pour jouer avec la luminosité naturelle

-forum de Trajan = surtout giallo antico et pavonazzetto

-pour les niches et exèdres, le granit gris marque une volonté d'exalter les sculptures et ça aussi via les édicules

-contraste entre espaces interne et externe : opus sectile (décor et raisons pratiques contrastes chromatiques entre superficies ou marbre blanc (plus grande quantité et moins cher)

-pavonazzetto domine l'aula du colosse et le temple de mars ultor : donc peut-être une signification religieuse

-voir gros p. 2000 pour les marbres

-le Traianeum d'italica= construit par Hadrien pour trajan divinisé utilise différents types de marbres cf. TUFI, p. 59.

-cipollin à ondes cf. la rocca 1998, p. 209

-symbolique des couleurs

Rq : Glanum232(*) dernier quart du Ier siècle av. J.-Ch séparation de la zone cultuelle avec les deux temples géminés réservés au culte impérial en raison de la topographie du site, mais également d'une occupation antérieure d'un établissement grec. 90 °. Différence de niveaux, avant = une cité hellénistique

Cf. Cavalieri p. 89

* 222 MILELLA M., 2002, p. 125-127.

* 223 VITTI M., 2002, p. 139.

* 224 PACKER J. E., p. 181.

* 225 VITTI M., 2002, p. 138.

* 226 MILELLA M., 2002, p. 127.

* 227 UNGARO L., 2002, p. 129-133.

* 228 DE NUCCIO M., UNGARO L. (dir.), 2000, p. 339: un fragment de pied qui aurait appartenu à un Dace serait par ailleurs conservé aux Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles.

* 229 DE NUCCIO M., UNGARO L. (dir.), 2002, p. 333; GROS P., 2000, p. 247; UNGARO L., 2002, p. 132; ZANKER P., 1970, p. 512.

* 230 GROS P., 2000, p. 247; PENSABENE P., 1995, p. 299.

* 231 UNGARO L., 2002, p. 133.

* 232 BALTY J.-Ch., 1997, p. 326-330; GROS P., TORELLI M., 1992, p. 268-269.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille