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Le Forum de Trajan à Rome. Templum Divi Traiani. Etat de la question et tentative d'interprétation. I. Commentaires et analyse

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par Claire Richard
Université Catholique de Louvain (Belgique). Faculté de Philosophie et Lettres. Département d'Histoire de l'Art et d'Arché - Licence en Histoire de l'Art et Archéologie 2005
  

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V. -UN PIED ROMAIN =296 MM (296,2 OU 296, 4)CONCLUSION

Apollodore de Damas et ses successeurs ont contribué à la réalisation d'un Forum irréprochable sous bien des angles. Au cours de l'élaboration de ce travail, nous avons pu constater combien la planimétrie est recherchée. L'analyse de la fonctionnalité indique que celle-ci était clairement programmée dans le projet originel. Différents éléments facilitent et orientent le cheminement du visiteur. Si l'entrée principale devait déjà se détacher au loin du paysage par son luxe, la Victoire et la ligne de lecture en résumé de la frise de la Columna annoncent l'envers du décor. Le visiteur erre alors dans un espace qui se révèle à lui de manière surprenante par d'incessants changements volumétriques. Enfin, outre leur usage comme indices de richesse, les marbres polychromes semblent collaborer au bon fonctionnement de la circulation interne du Forum Traiani.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Au coeur du centre historique de la capitale italienne, le Forum Traiani capte l'attention des passants par la splendeur de ses vestiges et tout particulièrement par sa vertigineuse Columna Traiana. Cependant, un site archéologique d'une telle ampleur n'a pu être dégagé en un jour et chaque nouvelle investigation a donné lieu à d'autres interprétations et reconstitutions planimétriques. S'en remettant aux sources antiques ainsi qu'à l'existence de colonnes imposantes, les chercheurs gardaient l'espoir de découvrir sous les églises Santa Maria di Loreto et Santissimo Nome di Maria ainsi que sous le Palazzo Valentini un édifice cultuel colossal proportionnel à la grandeur du Forum et de son bâtisseur. Les fondations de ce temple répondant au nom de Templum Divi Traiani ne seront jamais déblayées. Cette énigme architecturale a suscité de nombreux débats. Toutefois, les attentes des archéologues se sont avérées vaines, mais les dernières révélations des ruines trajaniennes ne furent pas pour leur déplaire. En effet, l'importance des moyens mis en oeuvre pour le Grand Jubilé de l'an 2000 cède devant l'immensité des découvertes. Grâce à cette campagne de fouilles, le site s'est vu amputé des deux terminaisons proposées jusqu'alors pour se voir octroyé un schéma innovant et hors du commun. Par conséquent, les nouvelles données confèrent au groupe un caractère d'exception et font du Forum de Trajan un unicum. Retraçons désormais les grands axes majeurs que nous avons pu dégager au cours de notre enquête.

Si une nouvelle planimétrie s'offre à nous, elle s'accompagne également d'une réminiscence d'incertitudes. Bien qu'il soit globalement admis depuis 2000 que le site est dépourvu d'un temple canonique, la configuration topographique des lieux sous Trajan et Hadrien reste difficilement identifiable pour le secteur nord. Les édifices modernes entravent une recherche pointue et limitent les découvertes à quelques structures architecturales et décoratives. Toutes les suppositions sont dès lors possibles. Inversement, le dégagement d'infrastructures au sud assure aujourd'hui la fiabilité du nouveau plan. R. MENEGHINI, en charge du projet jubilaire, nous propose alors d'adjoindre au site un propylon d'entrée au nord en vis-à-vis du Campus Martius. Une aula portiquée et absidiée, prouvée archéologiquement, domine, quant à elle, la terminaison sud.

Dès lors, est-il encore possible aujourd'hui de décoder le plan d'un forum normatif tripartite pour le complexe trajanien ? S'il peut paraître difficile de répondre positivement d'un point de vue planimétrique, nous retrouvons néanmoins les composantes de base d'un complexe architectural dénommé « forum » : une place bordée de portiques et une basilique judiciaire. Elles sont donc ici intégrées, mais certes remaniées. Peut-être pouvons-nous amputer le complexe d'un temple colossal à l'instar de celui de Mars Ultor du Forum augustéen, il n'en demeure pas moins qu'il pourrait subsister une salle cultuelle au sud, un sacellum. L'attribution d'une fonction cultuelle à l'aula (nous y reviendrons dans un instant) impliquerait la présence du dernier élément constitutif des fora dits tripartites. Nous pourrions alors penser que l'option planimétrique toute particulière employée dans notre cas renvoie à un souhait de filiation - pas catégorique, mais surtout symbolique - avec les principia. De fait, la confrontation du Forum de Trajan avec le plan des quartiers généraux a souligné des similitudes troublantes que nous ne pouvons écarter. Tant l'attribution fonctionnelle des pièces que la thématique décorative qui gravite autour de la Victoria Dacica, mais encore la personnalité de Trajan et l'idéologie du pouvoir qu'il s'est voué à mettre en place renvoient à un impérialisme et à une forte militarisation. Pour l'édification de son Forum éponyme, Trajan fait aussi appel à Apollodore de Damas réputé pour ses qualités d'ingénieur militaire. Le dessein de l'empereur n'est autre que d'indiquer clairement l'ascendance de la Nation romaine jusqu'aux frontières de l'Empire. Véritable outil de propagande, il intègre au sein de l'urbs Romana un « forum bellum » qui prend des allures de principia marmorea. Certes, si ce rapprochement ne devait pas se manifester instantanément aux yeux du visiteur, il devait revêtir une valeur idéologique forte pour son dirigeant antoninien.

Cependant, il n'en reste pas moins certain qu'il existe incontestablement un Templum Divi Traiani lié au groupe puisque des sources antiques fiables le mentionnent comme tel. La preuve majeure nous est communiquée par une double épigraphe de dédicace signée d'Hadrien (121/122-127/128 apr. J.-C.) et issue des deux extrémités du site. L'édifice se retrouve aussi cité dans des textes littéraires qui sont naturellement postérieurs à l'époque de Trajan puisque toute construction en l'honneur de son divus est prohibée de son vivant. Par ailleurs, nous ne détenons aucune information contemporaine du règne de l'Optimus Princeps pouvant confirmer ou infirmer la présence d'un édifice cultuel dans le Forum sous son principat. Tout au contraire, les sources nous indiquent qu'un Templum devait assurément être associé au groupe, mais seulement à partir d'Hadrien. Enfin, l'analyse du terme « templum » nous a permis également de revoir nos préjugés et d'éviter de limiter notre recherche à la découverte d'un temple canonique (templum Italicum sine postico) au profit d'une enceinte à la physionomie variable consacrée par une procédure rituelle. Du reste, cette approche semble concorder avec les vestiges découverts tout récemment qui ont exclu toute probabilité de trouver l'imposant temple octostyle espéré depuis le XVIème siècle.

Après avoir fixé les fondements d'une bonne argumentation, nous nous sommes donc tournés vers l'analyse des deux limites du site nouvellement reconstituées à la recherche de notre objet d'étude. Au sud, l'entrecroisement des portiques trajanien et augustéen impose de conférer à l'aula le rôle de liaison entre les deux forums. Tel le vorhof de l'Asklepieion de Pergame, la structure devait servir d'entrée, uniquement secondaire, au groupe. Si cette fonction peut paraître évidente, l'agencement des structures, de même que l'union du cipolin au portasanta, constitue une innovation architecturale sans précédent dans un forum. Je n'ai pu établir aucun rapprochement précis si ce n'est avec une construction privée telle que l'atrium d'une domus. Une comparaison plus pertinente par la présence de statues impériales a aussi été soumise avec le chalcidicum de l'agora d'Éphèse. En effet, à ce propos, R. MENEGHINI nous indique que le point focal de l'aula est occupé par une niche. Une telle structure axiale concentre tous les regards et devait, par conséquent, jouer un rôle important. L'étude a permis notamment d'y voir peut-être une effigie de Iupiter, ce qui viendrait transformer cette portion du site en sacellum. Nous avons pu dégager l'impact de cette divinité dans l'idéologie impériale trajanienne (« théologie jovienne ») de même que des concordances iconographiques. Une autre possibilité serait de placer au centre de cette cavité une statue de la Victoire ou encore un trophée. Partant des propos de Dion Cassius et de la similarité avec ses voisins impériaux, nous pensons également pouvoir proposer que les butins ramenés de Dacie comblent l'environnement. Exposés dans les portiques, ces spolia belli viennent rappeler que le complexe a été payé ex manubiis. Il m'a paru très difficile d'émettre une interprétation du dénivellement central. La seule explication serait d'en faire un bassin. Mais, au jour d'aujourd'hui, très peu d'éléments vont dans ce sens (utilisation de cipolin et présence d'eau dans les autres Fora Imperialia). Finalement, mises à part ces incertitudes, nous avons pu établir que le Templum Divi Traiani peut difficilement être identifié avec la structure méridionale. Nous constatons, en effet, une incompatibilité chronologique tout d'abord, mais ensuite d'ordre stratégique. La limite sud date indubitablement du vivant de Trajan, ce qui impliquerait une reconversion des lieux en Templum sous Hadrien, or, les sources semblent lui attribuer l'ensemble de la construction. Dans ce sens, tant le plan de l'aula que les marbres colorés utilisés dans ce secteur ne concordent pas avec une telle interprétation.

La terminaison septentrionale s'est avérée d'autant plus complexe à analyser que la reconstitution planimétrique avancée par R. MENEGHINI n'est pas encore établie formellement. Toutefois, nous avons pu dégager des constatations intéressantes. Ce secteur est principalement dominé par des interrogations d'ordre chronologique. Hadrien semble être le continuateur du projet apollodorien et même celui qui a oeuvré majoritairement pour les constructions qui entourent la Colonne historiée. Placer l'entrée principale au nord du complexe a également pu être proposé sans trop de contraintes. R. MENEGHINI soumet l'hypothèse de transformer le Temple de Trajan divinisé en un édifice à cella barlongue inséré dans le propylon. Bien que la proposition de ce dernier semble peu s'accorder avec l'analyse du concept de « templum », j'adhère néanmoins au fait que nous devrions rechercher en ces lieux le Templum Divi Traiani. La combinaison d'une structure cultuelle avec la sépulture de l'empereur et lesdites Bibliothèques peut être confrontée notamment avec le complexe éphésien de Celsus. Sur la base de diverses comparaisons, nous sommes parvenus à noter que l'amalgame fonctions cultuelle et culturelle ne constitue pas une particularité dans le monde romain. Nous pourrions dès lors présumer que l'ensemble Bibliothèques-Colonne coclide-propylon s'assimile à un temenos précédé d'un pronaos d'entrée pour ne plus faire qu'un avec notre objet d'étude. Les sources semblent également aller dans le sens de cette hypothèse. À l'image du Templum Pacis de Vespasien, une seconde option pour résoudre notre question initiale serait de conférer à la totalité du Forum le titre de Templum Divi Traiani sous Hadrien. Ceci viendrait expliquer la localisation des deux inscriptions de dédicace. Bien que les sources littéraires rejoignent moins cette interprétation, il m'est impossible de faire pencher la balance vers l'une ou l'autre de ces attributions.

L'étude des deux effigies monétaires énigmatiques a permis d'hypothéquer toute liaison entre l'édifice octostyle et le complexe. La structure légendée FORVM TRAIAN(I) pourrait quant à elle se positionner au sud du groupe. De fait, des similitudes typologiques de même qu'une concordance chronologique ont pu être dégagées. Si cette attribution se trouvait confortée, il faudrait alors revoir l'élévation de la façade tripartite sise au sud ainsi que la statuaire qui occupe l'attique de ce secteur.

Enfin, mise à part notre question de départ, j'ai tenu à aborder brièvement la fonctionnalité engendrée par la nouvelle planimétrie des lieux. Au terme de cette analyse, j'ai pu constater combien le projet était mûrement réfléchi. En effet, aucun aspect ne paraît avoir été négligé. Nous sommes face à un ensemble architectural peu perméable et relativement fermé qui répond au concept de « bloc forum ». La circulation des visiteurs au sein du site est confrontée à d'incessantes révélations volumétriques. L'agencement des espaces architecturaux et des pavements, de même que la polychromie marmoréenne, viennent également guider le cheminement des usagers. Du dehors, la Victoire au bouclier de la Colonne Trajane annonce déjà l'atmosphère des lieux.

Au terme de cette enquête, nous pouvons établir sans conteste que le leitmotiv de la construction du Forum est une exaltation de la Victoria Dacica et par conséquent de la Virtus du dirigeant de l'Empire. Le parcours pédestre du visiteur est ponctué d'évocation du triomphe de l'empereur. Via un urbanisme d'apparat, on apporte au visiteur la garantie de la pérennité de l'Urbs. Il ne peut dès lors qu'acquiescer à la politique de gestion du pouvoir mise en place par son Imperator. Le point le plus problématique porte sur la configuration des lieux sous l'ère trajanienne. En effet, il paraît très difficile de fixer le plan originel établi par Apollodore de Damas. Cette défaillance entrave la lecture du message idéologie que Trajan voulait faire passer à ses concitoyens. Les remaniements de son successeur Hadrien en ont très certainement modifié les données lors de l'insertion du Templum Divi Traiani et Plotinae.

En dépit de toutes les incertitudes qui subsistent encore sur le dernier des Forums Impériaux, la conclusion essentielle qui se dégage de cette analyse est que le prestige des constructions nouvellement exhumées in situ en appelle à revoir radicalement notre conception de l'ensemble du Forum Traiani. En somme, quel compte-rendu pouvons-nous apporter à notre problématique? Nous sommes désormais à même de répondre à notre question initiale comme suit. Il me paraît possible de résoudre le problème de la localisation du Templum Divi Traiani  en s'appuyant sur quatre points essentiels. Tout d'abord, les sources datent le Temple de l'époque d'Hadrien. Ensuite, l'analyse du terme « templum » révèle que nous pouvons rejeter toute recherche acharnée d'un édifice colossal. Aussi, il émane de l'étude du secteur méridional que le Templum ne peut être fixé en ce lieu. Enfin, l'examen de la limite septentrionale privilégie une intervention massive d'Hadrien pour les structures environnant la Columna. Par conséquent, le Templum Divi Traiani pourrait bien rechercher son attribution en ce secteur. Ce serait alors le groupe qui fait dos à la Basilique qui remplirait cette fonction. Toutefois, une autre hypothèse envisageable serait de conférer à l'ensemble du groupe trajanien le rôle de Templum Divi Traiani.

J'espère que les résultats de mon enquête permettent d'apporter quelques éclaircissements sur cette problématique et que cet essai d'explication s'avère concluant. Il reste dorénavant à attendre les prochaines publications sur le sujet. Elles nous apporteront, je le souhaite, des données supplémentaires permettant d'accréditer l'une ou l'autre de ces interprétations.

Claire RICHARD

TABLES DES FIGURES

BIBLIOGRAPHIE

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera