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Chambre d'isolement : du point de vue des patients. Impact d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients après un séjour en chambre d'isolement dans une unité d'hospitalisation de psychiatrie adulte

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par Charlotte Mouillerac
Université Paris 8 - Master 1 psychologie clinique et psychopathologie 2007
  

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1.2 VÉCU DES PATIENTS

Pour rappel, l'hypothèse est la suivante :

· Hypothèse 1 : Comme l'ont montré les études existantes, les patients ont une représentation négative de leur séjour en CI. Cette hypothèse se décompose en quatre points :

v Hypothèse 1a : Les patients ont un ressenti négatif du séjour en CI.

v Hypothèse 1b : Les patients ne reconnaissent pas la CI comme un soin intensif.

v Hypothèse 1c : Les patients ne reconnaissent pas d'utilité à la CI.

v Hypothèse 1d : Les patients ne sont pas satisfaits des temps de parole en CI.

1.2.1 RESSENTIS

Les termes et propositions relevés évoquent des ressentis liés au séjour en CI : affects, sentiments, impressions, vécu subjectif...

Ne sont reprises que les réponses donnant lieu à des expressions de sentiments.

Ont été laissés de côté : les expressions trop ambiguës, les ressentis se rapportant à un épisode de contention. Au total, 137 propositions ont été relevées.

Le thème est principalement véhiculé par les questions 3 à 6 et 9 et 10 mais les patients évoquent aussi leurs sentiments en réponse à d'autres questions.

Le relevé de toutes ces propositions a permis d'opérer des regroupements en 11 catégories :

1) Apaisement, résignation

2) Tension interne

3) Mal-être

4) Ennui, perturbation du rapport au temps

5) Solitude

6) Angoisse, peur

7) Sensations d'enfermement

8) Punition

9) Colère

10) Sensations positives

11) Tristesse

1) Apaisement, résignation

9 patients sur 11 (82%) se disent apaisés par le dispositif (chiffre auquel on peut ajouter la patiente C qui dit avoir été toujours calme).

Le retour au calme est l'effet recherché en priorité, et le signe qu'il va être possible de retrouver une chambre ordinaire. Cette notion d'apaisement vient en effet pour tous en réponse à la question 5 (Comment étiez-vous à la fin ?). Pour le patient 5, il y a bien un début où l'on est « angoissé, agité » et une fin où l'on est « calme et détendu ».

La CI calme pour différentes raisons : « le vide devient rassurant (F)», on s'habitue, on fatigue, c'est « à cause des injections (1)»... On finit par être : « calmé à fond et ça suffit (A)».

Pour 4 patients, cet apaisement n'est qu'une forme de résignation. « On comprend que ça sert à rien (B)» (de taper sur la porte) ; « C'est la fatigue qui donne l'air apaisé (4)», « On n'a plus de forces, on s'épuise (E) ».

2) Tension interne

8 patients (73%) évoquent une tension interne qui se manifeste de diverses façons : agitation, stress, labilité de l'humeur, confusion des sentiments (« on pleure, on rigole, tous les sentiments (B)»)...

3 patients se demandent ce qu'ils font là : « on ne sait pas pourquoi on y va » (E). L'un d'eux se plaint de n'avoir pas eu d'explications (1).

Pour 2 autres, « ça travaille dans la tête » (3). « Pourquoi moi ? », se demande l'un d'eux (4).

Cette tension interne est manifeste, même lorsqu'elle n'est pas dite directement : un patient (5) se plaint qu'on lui ait retiré ses chaussures orthopédiques, ce qui lui a occasionné des douleurs aux pieds « à force de tourner autour du lit (5)».

Un autre raconte qu'il tapait sur la porte (B).

3) Mal-être

L'intitulé Mal-être a été choisi faute de trouver une meilleure expression : il regroupe les expressions d'un mal-être profond, lié à l'impression d'une violence subie, et d'une pénibilité importante.

8 patients (73%) expriment des ressentis de cet ordre. Les termes utilisés sont forts : « désastreux (1) », « cauchemar (F) », « sentiment de honte, d'être un animal (F) », « la misère (B) », « trou noir (E) », « l'enfer (4) ».

« C'est dur, très dur », dit le patient 4.

Pour le patient F, la CI symbolise l'échec : « l'impression qu'on restera toujours des gens faibles, qu'on n'avance pas et que ça se répète à l'hôpital : comme dehors, on n'est pas grand-chose. »

4) Ennui, perturbation du rapport au temps

8 patients sur 11 (73%) se plaignent du temps qui ne passe pas. La journée est rythmée par les repas, il n'y a d'ailleurs « rien d'autre à faire que manger (E) ». « On dort, y a que ça à faire (D) »... « C'est très routinier  (D) ».

Mais l'ennui a du bon. Il oblige à penser et à réfléchir. C'est ce que souligne le patient A quand il dit : « ennui mais imagination. On peut rester planté des heures à regarder le décor et à faire travailler l'imagination ». Pour ce patient, l'ennui est vécu avec tranquillité : « On dort. Il n'y a pas beaucoup de bruit. La clim fait du bruit mais ça fait une présence, on s'y fait.

Le moteur c'est une notion de temps pour moi. Un peu comme une montre. Ca berce. On voit la pendule, ça remonte le moral. »

Pour tuer l'ennui, on s'occupe l'esprit et le corps. « Ca fait repenser au passé, il faut bien s'occuper, sinon on devient fou. (B) ». La patiente C décrit ainsi ses journées d'isolement : « La journée, je fais ma gymnastique, je chante, je danse. Le déjeuner, la douche, les médicaments matin, midi et soir. (C) » La CI est l'occasion de se retourner sur son passé, de réfléchir à sa vie, à ce qui a conduit à l'hôpital...

4 patients parlent de désorientation temporelle ou spatiale : « on est surpris par l'heure qu'il est (A) ». On ne sait pas « si c'est le jour ou la nuit (10) ».

Certains éléments concrets de l'isolement sont mis en avant pour expliquer cette sensation : la lumière, toujours allumée, l'absence de vue sur l'extérieur (« on ne voit rien de la fenêtre (F)»), le fait de ne pas disposer de ses lunettes (D).

Tableau 1 - Ressenti / Nombre de sujets par catégorie de réponse

Ressentis

Nombre

de sujets

Moyenne

en %

Apaisement, résignation

9

81.81%

Tension interne

8

72.72%

Mal-être

8

72.72%

Ennui, perturbation du rapport au temps

8

72.72%

Solitude

7

63.63%

Angoisse, peur

6

54.54%

Sensations d'enfermement

6

54.54%

Punition

4

36.36%

Colère

4

36.36%

Sensations positives

3

27.27%

Tristesse

3

27.27%

Total

11

Figure 1 - Ressentis / Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse

5) Solitude

Dans le prolongement de cette expression d'ennui, 7 patients (64%) évoquent la solitude et le sentiment d'abandon qu'elle provoque.

Pour le patient F, « On perd le statut d'humain, comme un chien qu'on a enfermé en lui disant : je reviens te chercher. »

On tape dans la porte (B). On a peur d'être oublié : « On appelle, mais on n'est jamais entendu à cause de la double porte (F) ».

En conséquence, les visites des soignants sont attendues avec impatience et vécues comme un soulagement. C'est le cas pour 5 patients qui évoquent pour les uns les visites qui font « chaud au coeur (A) », pour d'autres « les infirmières très gentilles (5) ».

Le patient F parle notamment du « bruit des clés qui rassure » et fait une comparaison avec la prison, où il a fait plusieurs séjours : « C'est un bruit qui veut dire : « c'est bon, ils viennent ».

Pas comme en prison où c'est effrayant parce que ça peut vouloir dire qu'on va au tribunal par exemple. Là, c'est plus libérateur. » « En prison, on sait qu'il y a du monde ».

Pour ce patient, les multiples demandes (« comme les clopes ») qui peuvent être faites ne sont en réalité que des prétextes à voir du monde.

Pour lutter contre ce sentiment de solitude, deux patients (4 et F ) imaginent que l'on pourrait installer un poste de radio qui diffuserait de la musique classique. Ils l'imaginent encastré dans le mur, inaccessible et contrôlé par les soignants, mais cela ferait au moins « une voix humaine ».

6) Angoisse, peur

6 patients (54%) reconnaissent avoir été angoissés particulièrement au début. L'angoisse est en général un des déterminants qui a conduit à l'isolement. Il est donc difficile de faire la part entre cette angoisse et l'angoisse iatrogène, générée par la CI elle-même.

Un patient (E) mettra plusieurs semaines à accepter de participer à cette recherche, à nouveau assailli d'angoisse à l'idée d'en parler, comme si le seul fait d'évoquer la CI pouvait conduire à y retourner. « Ce que je ne supportais pas, dit-il, c'est quand je voyais plusieurs médecins, nombreux pour regarder, c'est plutôt effrayant, ça fait peur. »

3 patients parlent de peur : « Le premier instinct est de remettre tout de suite le pied dehors (F) ».

Un patient (1) dont c'est la première hospitalisation dit avoir eu « peur d'y rester longtemps » pour avoir entendu des histoires de patients à qui c'était arrivé.

7) Sensations d'enfermement

6 patients sur 11 (54%) parlent de sensations d'enfermement. La petitesse de la pièce et le fait d'y être enfermé à clé provoquent des sensations d'oppression pour 2 patients. Aucun ne dit littéralement qu'on y est comme en prison (même si le patient D dit se sentir « prisonnier ») mais cette notion sous-tend les propos : « quand on nous relâche on se sent libre (B) ». Deux patients (F et 5) qui ont fait des séjours en prison comparent les conditions de vie dans les deux lieux.

8) Punition

Seuls 4 patients (36%) parlent véritablement de punition, contrairement à ce que l'on aurait pu penser.

Un patient (3), répond littéralement à la question de départ de cette recherche : ce n'est « pas un soin, une punition ».

Le patient F précise : « Le terme de punir n'est pas adapté mais c'est ce qui est ressenti. On est condamné. On est dans les limbes. »

La notion d'injustice est présente : la patiente C l'exprime par ces mots : « c'est moi qui trinque ».

9) Colère

4 patients (36%) évoquent de la colère : contre la société (4), contre les médecins (1) ; contre le système et contre lui-même pour le patient 4 qui se reproche « de n'avoir pas su [se] contrôler »

10) Sensations positives

3 patients (27%) évoquent des sensations positives.

Il est important de rappeler que, pour l'un d'entre eux (A), les circonstances de MCI sont particulières. Il s'agit du seul patient qui ait été en accord avec la procédure, envisagée comme un temps où l'on prendrait « bien soin de lui ». Le temps d'isolement a par ailleurs été de courte durée (1 jour).

Pour un autre (F), ce qui est souligné est l'absence de stimulations extérieures, qui donne une impression de pureté apaisante.

La troisième (C) manifeste plutôt un déni des troubles (et particulièrement de l'agressivité) qui l'ont conduite à l'isolement.

11) Tristesse

De la tristesse est ressentie par 3 patients (27%). La CI les a « déprimé (1) », et « beaucoup affecté moralement (4) ». La patiente 2 parle de « tristesse d'être enfermée ».

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon