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La reforme de la justice et la protection des droits de l''homme en Mauritanie

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par Boubacar DIOP
Faculté des affaires internationales, Université du Havre - Master 2 Droit " Erasmus Mundus" 2007
  

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Chapitre 2 : Les facteurs garantissant l'indépendance de la justice

L'idéal d'une justice solide et fiable ne peut être atteint sans la mise en place d'organes qui encadrent le fonctionnement de celle-ci, des organes animée d'un vrai désir de promotion les droits humains.

Nous étudierons successivement ici les organes concourant à cette indépendance de la justice (section 1) puis les garanties en vue de promouvoir les droits de l'homme (section 2)

Section 1 : Les organes concourant à l'indépendance de la justice

La proclamation du principe de l'indépendance de la justice et l'aménagement des garanties statutaires des magistrats ne saurait aboutir à une justice neutre et indépendante sans le concours du Conseil Supérieur de la Magistrature (paragraphe 1), de la Cour Suprême (paragraphe 2) et de l'Inspection Générale de l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire (paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Le conseil supérieur de la magistrature (CSM)

La création d'un Conseil Supérieur de la Magistrature n'est sûrement pas une innovation du législateur de «l'ère démocratique»113(*). Déjà au lendemain de l'accession de la Mauritanie à la souveraineté internationale, les Pouvoirs Publics s'étaient préoccupés de mettre sur pied un organe devant garantir l'indépendance de la justice114(*). C'est, en effet, ce qui se dégage de la lecture de la constitution du 20 mai 1961. Son titre VI, consacré à l'autorité judiciaire, largement inspiré du titre VIII de la constitution française du 4 octobre de 1958, annonce la création d'un Conseil Supérieur de la Magistrature (C.S.M.). Il revenait donc au législateur de définir l'organisation et le fonctionnement de cette institution à travers la loi n° 63.014 du 18 janvier 1963115(*).Cette structure sera mise entre parenthèses par les différents textes constitutionnels adoptés sous le régime militaire qui n'en tiendront pas compte116(*). Il est évident que la nouvelle option politique induite par la constitution de 1991 et la période de transition qui s'en est suivie ne pouvaient laisser subsister cette situation. Ainsi, le retour aux principes édictés à la veille et pendant les premières années euphoriques de l'indépendance, et l'aspiration à la démocratie pluraliste incitaient largement à reconsidérer le rôle et la place de la justice au sein des institutions étatiques. Dès lors, la constitution du 20 juillet 1991 ne pouvait pas consacrer l'indépendance du pouvoir judiciaire sans redonner toute sa dimension au Conseil Supérieur de la Magistrature. Le législateur s'était donc résolu à satisfaire une telle ambition à travers la loi du 17 février 1994 ainsi que les modification apportées avec l'ordonnance n°016-2006. C'est dans ce cadre que nous nous emploierons à présenter cette structure (A) et apprécier son rôle (B).

A . Structure et fonctionnement

Le Conseil Supérieur de la Magistrature apparaît, aux termes de la loi, comme une composante du pouvoir judiciaire institué par la constitution du 20 juillet 1991 qui l'a remis au goût du jour après des années d'incertitude. Il est, avant tout, un organe de garantie de l'indépendance de la magistrature, comme le définit la loi du 17 février 1994 en son article 47: «Le Conseil Supérieur de la Magistrature assiste le Président de la République garant de l'indépendance de la magistrature». De par sa composition (1°), il s'apparente à un organe politique alors que son activité (2°) le rapproche d'une autorité judiciaire.

1° -La composition du CSM

L'article 48 du statut de la magistrature fixe la composition du CSM comme suit :le Président de la République, président; le Ministre de la Justice, vice-président; le président de la Cour suprême, membre; le vice-président le plus gradé de la Cour suprême, membre; le procureur général près la Cour suprême membre; l'inspecteur général de l'Administration Judiciaire et Pénitentiaire,trois magistrats élus par leurs pairs,membre, un représentant non parlementaire, professeur de droit ou avocat , de l'assemblée nationale nommé pour chaque année judiciaire par le président de l'assemblé nationale, membre. La désignation du premier se justifie parce qu'il assure et exerce institutionnellement la magistrature suprême. Le troisième l'est surtout en sa qualité de président de la plus haute juridiction nationale117(*) étant entendu qu'aux termes de la loi le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême et les autres juridictions nationales (art. 1er). Par contre, l'intrusion du Ministre de la Justice dans la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, au poste de vice-président, semble être incompatible avec les principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance du pouvoir judiciaire tels qu'ils résultent de la constitution du 20 juillet 1991. Sa présence laisse planer une lourde présomption de partialité et de dépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature à l'égard du pouvoir exécutif. Cette présomption est d'ailleurs renforcée par l'absence d'autonomie morale et financière du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui entraîne, ipso facto, son affaiblissement par rapport au pouvoir exécutif. On pourrait parler, en ce domaine, d'inconstitutionnalité de la loi du 17 février 1994 portant statut de la magistrature et du Conseil Supérieur de la Magistrature qui réunit en ses dispositions ce qui devrait, si l'on s'en tient à l'esprit de la Constitution, faire l'objet de deux lois. L'article 1er de la loi en question dispose que «la présente loi régit le corps de la magistrature en République Islamique de Mauritanie». Et, sans qu'il ne soit fait allusion au Conseil Supérieur de la Magistrature dans les dispositions générales du texte, on trouve, à l'intérieur de la loi un chapitre V (la loi en compte huit) réservé au Conseil Supérieur de la Magistrature, sur le fonctionnement duquel la loi demeure laconique. Pour être en adéquation avec la constitution, le législateur devrait, à notre avis, adopter la formule suivante: «la présente loi organique relative au statut de la magistrature détermine les droits et obligations des magistrats». Pour ce qui est de la loi portant la composition, le fonctionnement et les attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature, le législateur doit opter pour la formule suivante: « la présente loi détermine la composition, le fonctionnement et les attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature ». Quant à l'inconstitutionnalité de la nomination du Ministre de la Justice comme vice-président ou membre du Conseil Supérieur de la Magistrature, elle peut être judicieusement corrigée par l'attribution constitutionnelle de la vice-présidence au premier président de la Cour suprême. Ce qui contribuera à diminuer le déséquilibre entre les membres de l'exécutif et les magistrats membres de droit qui seront renforcés par leurs collègues élus.

Membres élus- Le Conseil Supérieur de la Magistrature comprend, en outre, trois magistrats élus par leurs pairs pour une période de deux ans. La loi du 17 février 1994 est restée silencieuse sur le mode d'élection des magistrats au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature qui est désormais effectué par l'administration118(*). Mais donner ainsi la possibilité à l'exécutif de déterminer ces règles, c'est lui autoriser toutes les ingérences. Il est plus opportun de confier la détermination des règles du scrutin à l'assemblée générale des magistrats de la Cour suprême. Par ailleurs, en l'absence de précisions sur la réélection de ces magistrats, il est permis de penser qu'ils peuvent être reconduits dans leurs fonctions par leurs pairs autant de fois qu'ils se brigueront et remporteront leurs suffrages.

Membres désignés - Le Conseil Supérieur de la Magistrature comprend enfin des membres désignés qui sont un représentant non parlementaire du Sénat, nommé, pour chaque année judiciaire, par le président du Sénat et un représentant non parlementaire de l'Assemblée Nationale nommé, pour chaque année judiciaire, par le président de l'Assemblée Nationale. La loi ne donne aucune précision sur les qualités et la reconduite de ces deux personnalités étrangères au corps de la magistrature et dont la présence au sein du CSM est, manifestement, une violation du principe de la séparation des pouvoirs.

- Statut des membres - La qualité de membre du Conseil Supérieur de la Magistrature ne confère ni un statut particulier protecteur, ni un avantage matériel quelconque comme ceux reconnus aux membres du Conseil Constitutionnel qui, selon la loi, bénéficient des avantages et une indemnité fixée par décret, pris en Conseil des Ministres, sur proposition du Conseil Constitutionnel. A l'instar des membres élus par leurs pairs, les membres désignés du Conseil Supérieur de la Magistrature se trouvent, en principe, dans une situation de grande indépendance à l'égard du pouvoir exécutif. Ils ont donc un statut qui leur permet, durant leur mandat de faire preuve d'indépendance tant dans le contrôle de la nomination des magistrats par le Président de la République que dans l'exercice du pouvoir disciplinaire à l'égard des magistrats119(*). Par conséquent, conscients de leur poids à l'égard du pouvoir politique, ils peuvent, en principe, faire preuve d'audace dans leurs démarches et leurs choix. Les membres du corps judiciaire sont majoritaires dans le CSM puisqu'ils sont au nombre de six auxquels il faut ajouter le secrétaire, désigné par le président qui est souvent un magistrat issu de l'administration centrale du ministère de la justice. Cependant, l'indépendance des membres du CSM n'est que difficilement concevable, car hormis les trois magistrats du siège élus et les personnalités désignées par le président du sénat et celui de l'assemblée nationale, les autres membres du CSM dépendent d'une façon ou d'une autre du président et du vice-président de celui-ci, ce qui ne manquera pas, inévitablement, de se répercuter sur l'activité du Conseil Supérieur de la Magistrature.

2°- L'activité du CSM

La loi confère au Président de la République le soin d'assurer le secrétariat du Conseil Supérieur de la Magistrature par le biais d'un fonctionnaire, dont elle ne dit pas clairement quelle pourrait être sa marge d'indépendance vis-à-vis du Ministre de la Justice, ou si ce n'est pas lui-même (le Ministre de la Justice). Le Ministre de la Justice propose au Président de la République l'ordre du jour de la session du Conseil Supérieur de la Magistrature que ce dernier adopte. Le Ministre de la Justice a donc la maîtrise de la préparation de tout ce qui sera débattu au cours des sessions du Conseil Supérieur de la Magistrature en sa qualité de vice-président du Conseil Supérieur de la Magistrature d'abord, ensuite par l'autorité qu'il exerce sur les membres "parquetiers" du Conseil Supérieur de la Magistrature et l'obéissance que ne manquent pas de lui manifester les deux membres désignés par les présidents des chambres du Parlement et enfin, par la détermination de l'ordre du jour des sessions du Conseil Supérieur de la Magistrature. Autant dire que si les membres du Conseil Supérieur de la Magistrature n'étaient pas de fortes personnalités, on arriverait inéluctablement à des sessions du Conseil Supérieur de la Magistrature qui ressembleraient fort étrangement aux congrès du parti unique avec "des applaudissements nourris et prolongés"120(*). Le secrétariat du Conseil Supérieur de la Magistrature s'occupe de la préparation des dossiers et rédige les procès-verbaux et les actes du Conseil. Le Conseil Supérieur de la Magistrature tient, en principe, une session ordinaires par an et une session extraordinaire si la situation l'exige. La session extraordinaire a lieu dans la deuxième quinzaine du mois de décembre et la session ordinaire se tient au mois juin de la même année. Ces sessions ne peuvent excéder trois jours.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature est un organe collégial de décisions. Pour délibérer valablement, il doit comprendre au moins six membres dont le président ou le cas échéant le vice-président (art. 49 al. 2 du statut). Les propositions et avis du Conseil Supérieur de la Magistrature sont formulés à la majorité des voix. En cas de partage, la voix du président est prépondérante121(*). Le Conseil Supérieur de la Magistrature peut, toutefois, se réunir en session extraordinaire sur convocation de son président ou à la demande des deux tiers de ses membres. L'ordre du jour est arrêté par le Président de la République, sur proposition du Ministre de la Justice. Le chef de l'Etat préside les séances du Conseil en sa qualité de président. En cas d'empêchement, les séances sont présidées par le Ministre de la Justice lorsque le Conseil statue sur la nomination des magistrats. Dans d'autres cas, c'est le Ministre de la Justice qui convoque et dirige les séances en sa qualité de vice-président. Le procès-verbal de chaque réunion est arrêté par le président du CSM et contresigné par le secrétaire qui est chargé de le conserver. Les membres du CSM sont tenus au secret des délibérations On s'aperçoit que la loi n'attribue au président de la Cour suprême aucune responsabilité dans la direction des activités du Conseil Supérieur de la Magistrature nonobstant sa qualité de président de la plus haute institution judiciaire. Cette éclipse se constate également quand on analyse le rôle du Conseil Supérieur de la Magistrature.

* 113 Cf. art. 89 alinéa 3 de la constitution du 20 juillet 1991.

* 114 G. LYON-CAEN : `'La justice dans la constitution française du 27 octobre 1946'', D. 1946, p. 5 et s ; Th. RICARD : `'Le conseil supérieur de la magistrature'', PUF 1994, Coll. Que sais-je ?, p. 3 et s.

* 115 JORIM du 16 février 1963.

* 116 Si le titre VI de la constitution du 20 mars 1961 ne sera pas expressément abrorgé, l'orientation dictatoriale qu'incarnait le Comité Militaire de salut National ne laissait aucune illusion quant à l'indépendance de la justice.

* 117 Cf. A. S . BOUBOUT : `'Propos sur la chambre...'' op. cit. p. 246 et s.

* 118 Décret n° 94.51 organisant les modalités d'élection des magistrats membres du Conseil Supérieur de la Magistrature.

* 119 Voir Juriscope : `'Magistrature d'Afrique : statut du Conseil Supérieur de la Magistrature et des corps des magistrats, l'indépendance des magistrats'', 1998, p. 444 et s.

* 120 W. MBILLAMPINDO : `'L'institution d'un Conseil Supérieur de la magistrature au Congo'', RJPIC 1986, p. 305 et s.

* 121 Le nombre de membres pour la délibération varie selon la composition du CSM : dans la loi de 1963, le nombre était de cinq ; dans la loi de 1968 et l'ordonnance de 1982, il est de six ; dans la loi de 1993, il est de sept. Voir A. BESSON : `'Le conseil supérieur de la magistrature'', D. 1960, p. 1 et s ; LIET-VEAU : `'Le conseil supérieur de la magistrature et la séparation des contentieux'', Rev. Ad. 1953, p. 265 et s ; Ch. BRECHON-MoOULENS :''L'impossible définition du conseil supérieur de la magistrature'', R.P.P. n° 3, 1973, p. 599 et s.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard