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La reforme de la justice et la protection des droits de l''homme en Mauritanie

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par Boubacar DIOP
Faculté des affaires internationales, Université du Havre - Master 2 Droit " Erasmus Mundus" 2007
  

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Paragraphe 4 : Les experts

Le corps des experts judiciaires est régi par les dispositions de la loi n°97-20 du 16 juillet 1997. L'importance de leur rôle est soulignée par l'article premier de ce texte qui les définit comme les techniciens, auxquels le juge peut recourir pour l'éclairer sur un ou plusieurs points précis. A ce titre l'expert influence considérablement le déroulement de la procédure judiciaire et son travail participe à l'émergence de la conviction qui conduit à la décision de justice.

La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 portant statut des experts judiciaires prend en compte l'ensemble des griefs articulés à l'encontre du fonctionnement de l'expertise judiciaire. Elle vise, selon l'exposé de ses motifs, d'une part «à soumettre l'inscription sur la liste des experts et l'entrée dans la profession d'expert agréé à des conditions strictes de diplôme et d'expérience» et, d'autre part, «à prévoir des modalités de fixation des honoraires permettant d'éviter que l'expertise n'accroisse, de manière exagérée, les coûts de fonctionnement de la justice ». Afin de reconstruire la profession sur des bases assainies, la nouvelle loi proclame la caducité des agréments postérieurs au 31 décembre 1975. La finalité de cette loi est, à terme, la mise sur pied d'une communauté d'experts compétents et impartiaux. Le résultat escompté de cette réforme ne pouvant être acquis dans l'immédiat l'on se limitera donc à apprécier les innovations de ce texte. Mais un problème préalable de méthodologie se pose : peut-on réaliser la réforme de l'expertise judiciaire par la voie d'un texte unique qui serait une sorte de code de l'expertise judiciaire ou doit-on se résoudre à aborder les divers aspects de la question en respectant leur répartition formelle dans les divers codes existants ? La première approche présenterait l'avantage de la systématicité. Mais elle n'est adoptée dans aucun pays236(*). De plus, certains aspects du problème de l'expertise s'inscrivent dans le cadre des mesures d'instruction susceptibles d'être ordonnées par le juge et dont le cadre naturel ne peut être qu'un code de procédure. Aussi, la nouvelle loi a-t-elle, dans une large mesure, tenu à composer avec les contraintes des divisions classiques du droit. Ce préalable réglé, on regroupera les apports de la nouvelle loi sous deux rubriques: la première est relative aux modalités d'agrément et de radiation (A), la seconde concerne l'exercice de la mission de l'expert (B).

A. Les modalités d'agrément et de radiation

La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 déclare la caducité des agréments postérieurs à 1975 (1°) et combine le procédé de liste dressée chaque année par la cour d'appel (2°) et celui de la création d'un Ordre National des Experts où l'expertise est conçue comme une véritable fonction (3°).

1° La caducité des agréments postérieurs à 1975

Toute modification qui ne fait pas table rase du passé en la matière ne pourrait avoir un effet positif. Sur ce point la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 a raté son objectif, car elle se contente de déclarer la caducité uniquement des agréments obtenus après le 31 décembre 1975. D'une part, elle entame la réorganisation du corps des experts sur des agréments dont rien n'atteste qu'ils ont été obtenus conformément aux conditions requises pour exercer cette fonction. D'autre part, elle se singularise par une injustice de taille en reconduisant les agréments antérieurs au 31 décembre 1975 qui correspondent à une période où il n'était pas nécessaire de justifier de compétence technique pour être expert, car le manque de cadres était, à cette époque, criant. La justice et le bon sens imposent que la caducité soit généralisée à tous les agréments antérieurs à la nouvelle loi. Mais la solution, qui a prévalu, semble avoir été dictée par le souci de préserver les intérêts de certains, étrangers au bon fonctionnement de la justice et dont la pesanteur se fait ressentir sur le rythme des réformes judiciaires. La loi prive donc d'effet juridique certains agréments déjà délivrés. Elle n'emprunte point la voie de la radiation, car celle-ci est soumise à des conditions très strictes qui en font une mesure exceptionnelle et suppose, dans tous les cas, l'instruction individuelle de chaque dossier et la preuve des manquements reprochés à chaque expert dans telle affaire citée. Elle pose que tous les agréments obtenus après le 31 décembre 1975 sont désormais caducs. Quant à sa forme, la réforme du statut des experts judiciaires implique, à notre avis, que le décret 64.148 soit modifié par une loi et non par un décret, car seule une loi peut remettre en cause des droits acquis (eu égard à leur importance), en l'occurrence des agréments obtenus par voie d'ordonnance judiciaire. Pour ce qui est de son contenu, la réforme fixe des critères précis de qualification à même de fermer la porte au laxisme qui a caractérisé, jusqu'ici, l'instruction de la demande d'agrément.

2° L'utilisation des listes dressées par la justice

La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 soumet, désormais l'exercice de l'expertise à l'inscription annuelle sur une liste établie par la cour d'appel de Nouakchott, toutes chambres réunies. Cette liste nationale, sur laquelle sont inscrits les experts agréés tant en matières civile qu'en matière pénale ne vaut que pour une année (art. 8 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Cependant l'inscription sur cette liste est soumise à des conditions qui sont destinées à assurer la moralité et la compétence des membres de la profession. D'abord, la bonne moralité est nettement mise en avant dans l'octroi de l'agrément. En effet, les postulants à la profession d'expert, qui ne doivent pas être des faillis, doivent être âgés de trente ans au moins, n'avoir pas été les auteurs de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs et n'avoir pas commis de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, de radiation, de révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation (art. al.1er de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Ensuite, l'expérience est érigée en principe, car les candidats à l'agrément doivent avoir exercé pendant au moins cinq ans, dans des conditions ayant pu leur conférer une qualification suffisante, une activité en rapport avec leur spécialité (art. al. 6 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997).Ces conditions ne sont pas pour autant suffisantes. Il faut également que les postulants fassent montre de maîtrise du domaine qu'ils revendiquent. C'est ainsi que la loi impose des diplômes qualifiés pour l'exercice de l'expertise immobilière, industrielle, automobile, maritime incendie, assurance et médicale (art. 10 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997).

La procédure d'inscription et de réinscription sur la liste des experts est également organisée par la nouvelle loi. En effet, chaque candidat doit envoyer une demande d'inscription sur la liste nationale des experts judiciaires avant le 1er septembre de chaque année au procureur général près la cour d'appel de Nouakchott. Cette demande doit contenir toutes les précisions utiles et notamment l'indication de la spécialité dans laquelle l'inscription est demandée, l'indication des titres ou diplômes exigés par l'article 10 et la justification de la qualification et de l'expérience prévue par l'article 9 (art. 11 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Le procureur général instruit la demande d'inscription et en saisie la cour d'appel. Cette dernière vérifie que le candidat remplit les conditions requises et se prononce, sur le rapport d'un de ses membres, après avoir entendu le procureur. La liste nationale des experts est alors communiquée par le procureur de la cour d'appel au Ministre de la Justice qui en assure la publication par arrêté.

La non inscription sur la liste nationale d'un candidat peut faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême qui doit statuer, en chambre de conseil, dans un délai de trente jours (art. 13 al. 1er de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Pareillement, l'inscription d'un candidat qui ne remplit pas les conditions requises peut aussi faire l'objet d'un recours devant cette cour introduit par le procureur général près la cour d'appel ou par tout organisme intéressé (art. 13 al. 2 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Enfin, chaque année, sans que les intéressés n'aient à renouveler leur demande initiale, la cour d'appel examine la situation de chaque expert précédemment inscrit pour s'assurer qu'il continue à remplir les conditions requises, respecte ses obligations et s'en acquitte avec ponctualité et décide de la réinscription dans les mêmes conditions et formes que l'inscription (art. 14 et 15 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997).

La radiation d'un expert inscrit peut être prononcée à tout moment par la cour d'appel, sur demande du procureur général près de ladite cour, après que l'intéressé ait été appelé à formuler des observations en cas d'incapacité légale, de faute professionnelle de refus par l'expert, sans motif légitime, de remplir sa mission ou de l'exécuter dans le délai prévu après mise en demeure. Cette décision de radiation doit être transmise par le procureur général près la cour d'appel de Nouakchott au Ministre de la Justice qui en assure la publicité nécessaire (art. 21 al. 2 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Cependant la cour d'appel devrait être aidée dans sa mission par l'Ordre National des Experts dont la création est prévue par la nouvelle loi.

3° L'ordre national des experts

La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 prévoit la création d'un ordre national des experts, constitué des experts (art. 23 al. 1er de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Celui-ci est régi par le décret n° 99.065 du 30 juin 1999 portant organisation et fonctionnement de l'Ordre National des Experts Agrées. Cependant ce texte, malgré sa clarté quant au fonctionnement de cette institution, a omis de régir les formalités constitutives à telle enseigne que les Pouvoirs Publics de tutelle n'ont pas su comment convoquer et organiser l'assemblée générale constitutive de l'Ordre. Pour ce faire, il a fallu adopter un nouveau décret237(*) pour combler ce vide juridique. Ce nouveau texte, d'une part permet au procureur général près la cour d'appel de convoquer l'assemblée générale constitutive de l'ordre national des experts et d'autre part, confère sa présidence à l'expert le plus âgé et sa vice-présidence au benjamin de la profession.

Les experts seront, désormais, désignés parmi les membres inscrits sur le tableau. Cette formule présente l'avantage de confier aux professionnels la mission d'instaurer la discipline en leur sein sous le contrôle de l'Etat et des tribunaux. Elle peut permettre la création d'une véritable profession. L'Ordre a pour objet d'assurer la défense, l'honneur, l'indépendance et les intérêts moraux et matériels de ses membres. Il établit le code des devoirs professionnels, la réglementation du stage, le règlement intérieur de l'ordre et propose au gouvernement un barème des honoraires (art. 24 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Il peut, également, présenter aux Pouvoirs Publics et aux autorités constituées, toute demande relative à la profession d'expert agrée et être saisi par ces pouvoirs et autorités de toutes les questions les concernant. Il contribue au perfectionnement professionnel de ses membres ainsi qu'à la préparation des candidats à la profession d'expert agrée. Enfin, il peut s'occuper de toutes les questions d'entraide et de solidarité professionnelle (art. 25 al. 3 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997). Cependant son efficacité dépendra du niveau et du sens de responsabilité de ceux qui auront à présider à ses destinées et qui devront, par conséquent, jouer un rôle essentiel dans l'exercice de la mission de l'expert.

B. L'exercice de la mission d'expert

Dans le cadre de l'exercice de la mission de l'expert238(*) la nouvelle loi se caractérise par son souci d'harmoniser ses procédures avec celles des codes de procédure et notamment le CPCCA qui a connu, récemment, une réforme, le but recherché par le législateur étant de fusionner et d'intégrer les dispositions relatives à l'expertise devant les juridictions. Le NCPCCA239(*) prévoit des mesures protectrices des parties lorsqu'une expertise est engagée. C'est ainsi, d'abord, que l'ordonnance de désignation de l'expert doit contenir toutes les justifications du recours à l'expertise, les parties, ayant été appelé à faire valoir leurs observations. En effet, outre la signification aux parties de l'expertise par lettre recommandée, ces dernières peuvent se faire assister d'un conseil technique aux opérations d'expertise. La protection des parties est également renforcée par le caractère réellement contradictoire de l'expertise qui devra permettre, désormais, à celles-ci de pouvoir formuler leurs observations sur les pièces produites par leurs contradicteurs et celles obtenues des tiers par l'expert et le rapport d'expertise doit indiquer les suites et les réponses que l'expert apporte à leurs dires et observations, sans omission. En contrepartie, les parties et les tiers devront avoir l'obligation de produire à l'expert tous les documents qu'ils détiennent relativement à l'affaire, objet de l'expertise. Ensuite, le NCPCCA prévoit expressément que l'expertise qui viole l'une de ces règles encourt la nullité et que le juge doit répondre à la demande des parties sur ce point. Enfin, il mentionne que l'expert peut comparaître à la demande des parties ou du Ministère Public.

La loi n° 97.020 du 16 juillet 1997 prévoit qu'un décret qui, vraisemblablement, sera pris, après avis de l'Ordre National des Experts, détermine un taux maximal et un taux minimal de vacation horaire à appliquer par le juge taxateur des honoraires sur justification par l'expert des prestations effectuées (art. 6 al. 2 de la loi n° 97.020 du 16 juillet 1997).Une marge d'appréciation semble être laissée au juge pour tenir compte de la complexité de certaines opérations d'expertise et de la qualité du travail réalisé. Mais, il est regrettable que la loi ne prévoit pas la possibilité d'un appel ouvert à l'expert et aux parties contre l'ordonnance de taxation ni du paiement d'une provision raisonnable pour l'expert nonobstant l'appel.

* 236 M. LAHZIRI : «Rapport introductif » R.M.D.E.D. n° 25, consacré aux professions juridiques libérales 23-24 novembre 1990 p. 7 et s.  

* 237 Dont le circuit administratif pour la numérotation et la publication est terminé.

* 238 J. BELIVEAU : `'Théorie et pratique de l'expertise judiciaire'', Bruxelles 1967, p. 122 et s ; C. DIEMER : `'Les experts et l'expertise judiciaire'', Litec 1970, p. 20 et s ; MALLARD, ROUSSEL et HERTZOG : `'Traité formulaire de l'expertise judiciaire'', 7ème éd. Librairies techniques 1955, p. 52 et s.

* 239 Le nouveau code de procédure civile commerciale et administrative

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard