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La reforme de la justice et la protection des droits de l''homme en Mauritanie

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par Boubacar DIOP
Faculté des affaires internationales, Université du Havre - Master 2 Droit " Erasmus Mundus" 2007
  

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Paragraphe 3 : Les huissiers

La réglementation sur le statut des huissiers n'a pas été modifiée depuis celle de la dernière en date à savoir celle du 15 juillet 2007.

Les huissiers de justice sont des officiers ministériels chargés des significations judiciaires et extrajudiciaires, de l'exécution forcée des actes publics (jugements et autres actes exécutoires) et du service intérieur des tribunaux. Pour mettre en évidence leur rôle dans le fonctionnement du service public de la justice en Mauritanie, il convient de faire état de l'évolution historique de leur statut (A) en présentant et en commentant la loi les régissant (B).

A. L'évolution historique de leur statut

Le premier texte organisant cette profession en Mauritanie fut le décret du 30 novembre 1931 qui s'appliquait dans toute l'Afrique Occidentale Française (A.O.F.).Ce décret chargeait les huissiers de justice de l'accomplissement de toutes les assignations, procès-verbaux de constat, notifications, significations judiciaires et extrajudiciaires ainsi que tous les actes ou exploits nécessaires à l'exécution forcée des actes publics et des ordonnances de justice, jugements et arrêts. Il leur octroyait, en outre, le monopole de l'authentification des ventes immobilières. Durant la période coloniale, le rôle d'huissier de justice se limitait à la justice de droit commun. Il leur était interdit notamment de procéder à des actes de leur ministère devant la justice de "droit local" ou d'intervenir auprès des juridictions de travail ou administratives sauf au niveau du stade de l'exécution230(*).

Les membres de cette profession se divisaient en trois catégories :

1°- Les huissiers titulaires de charge : ils sont nommés par le Haut Commissaire de l'AOF sur proposition du chef de services judiciaires pourvu qu'ils remplissent certaines conditions d'âge et de capacité. Ils bénéficiaient d'un monopole de l'exercice de cette profession dans leur ressort et recevaient du justiciable une rémunération sous forme d'émoluments. Leur discipline est assurée par le chef des services judiciaires pour les sections du premier degré et par le Haut Commissaire pour les sections du second degré.

2°- Les fonctionnaires huissiers: l'insuffisance considérable à l'époque en matière de ressources humaines qualifiées ne permettait pas de limiter cette profession aux seuls professionnels. En effet, pour pallier cette insuffisance, le législateur colonial avait créé, à côté des huissiers titulaires de charges, une deuxième catégorie de fonctionnaires empruntés à l'administration et, généralement à l'administration judiciaire, pour accomplir les tâches d'huissiers là où il n'y avait pas de titulaire de charges. Les huissiers de cette catégorie étaient soumis aux mêmes obligations que leurs collègues titulaires sauf qu'ils reversaient la moitié de leurs émoluments au Trésor public puisqu'ils bénéficiaient déjà d'un salaire payé par l'Etat.

3°- Les huissiers ad hoc : aux deux catégories précédentes, le décret ajoute une troisième qui regroupait les huissiers ad hoc. Il s'agit d'huissiers occasionnels désignés par le chef de la circonscription dans laquelle l'acte devait être accompli. Choisis parmi les agents de l'administration locale, ils n'étaient pas soumis à toutes les obligations d'huissier ni à leur régime disciplinaire. Ils ont le droit, toutefois, de recevoir en contrepartie de leur travail occasionnel, des émoluments. Cette mesure traduit le souci du colon d'adapter aux potentialités de la Mauritanie le statut d'un officier ministériel dont le rôle était jusqu'ici méconnu par la tradition. A son accession à la souveraineté internationale, la Mauritanie transposa, en les adoptant à ses nouvelles structures, les règles du droit antérieur.

Dans la période post coloniale sans qu'il y ait de modifications significatives pour la plupart des questions relatives aux statuts des huissiers de justice, la réforme attribue désormais les compétences du Haut Commissaire de l'A.O.F. au Ministre de la Justice qui exerce le contrôle sur le recrutement le fonctionnement et la discipline de ces officiers ministériels231(*). Cependant, si leur statut n'est pas bouleversé, les huissiers de justice voient leurs compétences s'accroître.

Le domaine de compétence des huissiers s'est vu, avec la nouvelle réforme, considérablement élargi. Alors que leur intervention était limitée aux juridictions de droit moderne, les huissiers pourront, désormais, remplir les actes de leur ministère devant les différentes juridictions de l'ordre judiciaire sans distinction. Cependant, ce système n'a pas beaucoup duré et l'institution a été rapidement remise en cause par la réforme du code de procédure, intervenue en 1963232(*). L'objectif de cette nouvelle réforme était de rendre la justice accessible à tous et d'atténuer considérablement le formalisme de la procédure hérité de la période coloniale. Cette simplification a eu comme corollaire la mise en place d'une procédure dirigée par le juge ; ce qui s'est traduit par des changements notoires dans le déroulement de la procédure. C'est ainsi que les notifications, les citations et les significations sont désormais effectuées soit par des greffiers ou agents des greffes, soit par voie postale ou administrative, tandis que les jugements, arrêts et ordonnances sont exécutés par des agents d'exécution désignés par le président de la juridiction concernée. De même le Code de Procédure Pénale laisse aux magistrats la possibilité de confier les notifications et significations aux simples agents d'exécution. Ainsi donc, les tâches d'huissier de justice ont été dévolues à d'autres personnes sans qu'un nouveau texte ne décide expressément du sort de ces officiers ministériels.

Cette situation a persisté jusqu'à l'adoption de la loi du 15 juillet 1997, malgré la progression extraordinaire du nombre des affaires soumises aux tribunaux, qui ne s'était pas accompagnée d'une augmentation corrélative du personnel judiciaire, provoquant ainsi des difficultés de fonctionnement du service public de la justice. Aujourd'hui que le pays s'engage dans une nouvelle phase de son histoire marquée par la libéralisation et les réformes institutionnelles, dont celle de la justice et notamment de ses auxiliaires, force est de constater que la réforme des statuts des huissiers et son adaptation aux nouvelles exigences du développement économique et social est de nature à contribuer au fonctionnement efficient de l'institution judiciaire. En cela, d'ailleurs le législateur ne fait que se conformer à une évolution inéluctable233(*). En effet, la Mauritanie est le dernier pays de la sous région à avoir libéralisé cette profession qui permettra la simplicité et la rapidité de la procédure de mise en oeuvre des offices d'huissier, la stimulation de la concurrence entre les huissiers par la perspective d'un profit légitime, c'est en fait l'esprit qui se dégage de la loi.

B. Présentation et commentaire de la loi portant statut des huissiers de justice

La loi n° 97.018 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers de justice comprend 48 articles répartis en 9 chapitres. Le premier, relatif aux "Dispositions générales" comprend 5 articles (art. 1er à 7 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers) qui traitent du caractère de cet officier ministériel de sa fonction, de ses attributs, de sa tutelle, de sa carte professionnelle, de son insigne et du serment qu'il doit prêter. Le chapitre II intitulé "Des charges d'huissier", composé de 2 articles (art. 6 et 7 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers), est consacré aux charges de l'huissier qui sont identiques à celles des modèles des pays riverains de la Mauritanie qui, cependant, conserve sa spécificité notamment au niveau du serment à connotation islamique poussée. Le chapitre III "De la nomination des huissiers" est composé de 5 articles (art. 8 à 12 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers). Son volume reflète son importance, car il traite des conditions de nomination notamment la nationalité, l'âge, l'aptitude intellectuelle, la moralité ainsi que les personnes qui en sont dispensées 234(*). Cependant, le corps de la loi fait la part belle au chapitre IV en lui réservant le tiers de ses articles (art. 13 à 26 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers) soit au total 14 articles traitant des obligations pécuniaires et déontologiques des huissiers, de leurs rapports avec leur clientèle et la justice ainsi que les amendes en cas de violation de ces dispositions. L'objectif des dispositions contenues dans ce chapitre est de faciliter la tâche des huissiers tout en assurant un maximum de sécurité à leurs clients. Le chapitre V "De la cessation des charges" se singularise par l'existence d'un seul article (art. 27 art. de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers) qui détermine les conditions de la cessation des fonctions des huissiers et la procédure qui y est subséquente. Le reste de la loi est consacré à la discipline, aux assistants des huissiers à leur association et aux dispositions transitoires. La discipline est régie par le chapitre VI "De la discipline" qui lui consacre 9 articles (art. 28 à 36 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers).Ces différentes dispositions traitent de l'autorité chargée des poursuites disciplinaires, des catégories de sanctions de la composition du conseil de discipline et de la procédure disciplinaire. Les assistants assermentés des huissiers ou clercs sont régis par le chapitre VII qui leur consacre 7 dispositions (art. 37 à 43 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers). Ces articles traitent des conditions de nomination de ces assistants d'huissiers, de leurs attributions et des conditions d'exercice de leurs fonctions. L'association des huissiers, prévue au chapitre VIII intitulé "De l'association des huissiers", est régie par une disposition unique (art. 44 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers) qui autorise ces derniers à s'organiser dans le cadre d'une association régie par la loi n° 64.098 du 9 juin 1964 et ses textes modificatifs.

La loi n° 97.018 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers de justice se propose, selon l'exposé de ses motifs, de concilier deux impératifs notamment la modernité et l'efficacité de la fonction d'huissier235(*). En effet, la Mauritanie, qui a choisi le recours aux investisseurs étrangers comme étant la voie la plus adéquate, pour réaliser son essor économique doit, en conséquence, garantir aux investisseurs la sécurité juridique nécessaire. Celle-ci ne pourra être réalisée que par la mise en place d'un appareil judiciaire efficace tant au niveau de la mise en état des dossiers qu'au niveau de la prise et de l'exécution des décisions judiciaires. Au niveau de ces différentes phases, une bonne administration de la justice suppose la création d'un corps d'auxiliaires de justice, doté de tous les moyens nécessaires pour apporter aux différentes juridictions l'assistance dont elles auront besoin, notamment en matière de notification des convocations et de l'exécution des décisions, etc. Or, ces différentes tâches qui sont restées pendant longtemps assurées par des fonctionnaires de l'administration judiciaire (les greffiers) ne pouvaient plus continuer de l'être et c'est en cela que la nouvelle loi se veut moderniste. Son souci d'efficacité, outre la création d'emplois, devrait se traduire par la constitution d'un corps spécialisé pour assurer ces tâches et contribuer ainsi à l'harmonisation de la législation mauritanienne avec celle des autres Etats. Ce qui ne manquera pas de rassurer les investisseurs étrangers.

A priori, cet objectif semble être atteint théoriquement dans la mesure ou la nouvelle loi réglemente, d'abord, la majorité des questions relatives à la fonction d'huissier. Ensuite, elle laisse une large marge de manoeuvre à l'usage du décret qui pourra permettre, toutes les fois que c'est nécessaire, d'ajuster la fonction d'huissier à l'évolution et aux nécessités du fonctionnement du service public de la justice. En pratique, cependant les huissiers rencontrent certaines difficultés à remplir leur mission notamment en ce qui concerne l'exécution des décisions judiciaires. En effet, selon le secrétaire général de l'Ordre National des Huissiers, ces difficultés sont dues au manque d'harmonisation de certains textes avec le statut des huissiers, notamment la loi n° 93.022 sur le recouvrement des créances bancaires qui est antérieure à l'adoption dudit statut, ce qui entraîne, par exemple, des difficultés d'exécution pour les aspects civils liés à une affaire pénale ; au non-respect des compétences exclusives des huissiers par certains greffiers qui continuent à exécuter les actes relevant des charges libérales d'huissier; l'absence de collaboration des autorités publiques pour l'exécution des décisions judiciaires contre les services publics et les institutions bancaires, ce qui accentue la demande de main-forte adressée au parquet général. Pour résoudre ces problèmes, le secrétaire général de l'Ordre National des Huissiers propose au Ministre de la Justice d'associer les huissiers à l'élaboration des projets de textes ayant trait à leur profession, d'adresser une lettre à la Banque Centrale de Mauritanie, autorité de tutelle des banques primaires, invitant celles-ci à s'en tenir aux dispositions légales en matière d'exécution des décisions judiciaires ; d'inviter les greffiers à ne plus s'immiscer dans les actes d'exécution dévolus aux huissiers ; de demander au parquet général près la Cour suprême d'inviter les officiers de police judiciaire à collaborer étroitement avec les huissiers dans le cadre de leur mission d'exécution ; d'octroyer aux huissiers un local au sein du palais de justice de Nouakchott qui servira de siège pour leur corporation et d'organiser des journées de réflexion et de sensibilisation sur la fonction d'huissier impliquant tous les acteurs publics et privés. Enfin, son élasticité et son souci de simplification se traduisent par la latitude offerte aux Pouvoirs Publics de réglementer certaines questions pratiques de la profession par simple arrêté.

Certaines de ses dispositions appellent cependant des explications. En effet, la qualité d'officier ministériel implique notamment que les procès verbaux que l'huissier rédige dans le cadre de l'exercice de ses fonctions (déterminées par l'art. 6 de la loi n° 97.18 du 15 juillet 1997 portant statut des huissiers) constituent des actes authentiques au sens de l'article 416 du NCPCCA. Au cours de l'exercice de leurs fonctions, les huissiers bénéficient de la protection dont jouit tout officier ministériel. Pour ce faire, ils ne peuvent céder leur office ni leur clientèle. Le nouveau texte attribue la tutelle des huissiers de justice au procureur général près la cour d'appel et soumet les huissiers au contrôle direct du procureur de la République de leur ressort. La loi exige que le candidat à cette profession soit titulaire d'une maîtrise en droit privé ou en charia ou d'un diplôme équivalent. Même si cette condition paraît, de prime abord, sélective elle nous semble justifiée. En effet, d'abord, l'exercice de cette profession touche souvent au droit de la propriété, et partant, les droits de l'homme, par conséquent, ceux qui veulent l'exercer doivent être outillés juridiquement pour ne pas empiéter sur les droits d'autrui, en outre, le niveau de formation des cadres du pays s'y prête parfaitement. Ensuite, la profession est ouverte par la loi à des personnes dispensées de l'exigence de diplôme de maîtrise. Enfin, dans la plupart des facultés de droit, notamment celle de Nouakchott, le droit judiciaire privé notamment les voies d'exécutions, qui constituent un élément essentiel dans l'exercice de la fonction d'huissier, ne sont enseignées qu'en quatrième année de droit privé. L'ensemble de ces considérations nous semble avoir présidé à la sélectivité de la fonction imposée par le législateur. Les autres dispositions de la loi semblent être dictées par un souci de simplicité pour les rendre intelligibles pour les justiciables et leur harmonisation avec la législation interne et le droit des Etats voisins. La même idée semble avoir guidé la rédaction de la loi n° 97.019 du 16 juillet 1997 portant statut des experts.

* 230 Cf. M. E. BEDDY: "Rapport provisoire sur le statut des huissiers" Ministère de la Justice, janvier 1997, p.1 et s.

* 231 Cette réforme s'inspire beaucoup de la loi soudanaise n° 101 du 18 août 1961.

* 232 Cf. M. JEOL: "La réforme de la justice en Mauritanie" op. cit. p. 193 et s.

* 233 P. ESTOUPE : `'La justice française, acteurs, fonctionnement et médias'', op. cit. p. 127 et s.

* 234 Seule la condition relative à l'aptitude scientifique appelle des observations particulières. Nous les commenterons ci-après.

* 235 H. CROZE : `'Le partage de responsabilité entre les autres auxiliaires de justice'', Justice 1997, p. 82 et s.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon