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Approche pluridisciplinaire de l'absentéisme maladie, de l'accidentéisme et de l'externalisation des coûts de santé au travail : Le cas d'une entreprise de la grande distribution en France : CASINO

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par Daniel SANCHIS
Université Paris I - DEA Politiques sociales et société 2006
  

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b) Une évolution de carrière de plus en plus marquée par l'incertitude de l'existence

A l'heure où les discours politiques sur la « flexisécurité » se multiplient, il n'est
pas inintéressant de rappeler l'évolution de ces 30 dernières années en matière
d'insécurité de l'emploi. Les travaux de RAMEAUX que nous avons cité,

39 Objet de vastes débats en sciences sociales ces dernières années, on trouve plusieurs définitions dont celle que privilégie le MEDEF : « Elle désigne une combinaison de connaissances, savoir-faire, expériences et comportements, s'exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de la mise en oeuvre en situation professionnelle à partir de laquelle elle est validable. C'est donc à l'entreprise de la repérer, de l'évaluer, de la valider et de la faire évoluer » (KERBAL, EYMERY, 2004, p.155).

40 « Sous le terme de qualification des travailleurs, nous proposons d'identifier le résultat combiné de la formation professionnelle et de l'expérience au travail, composante essentielle de la compétence d'une personne ou d'un collectif de travail. En effet, il est important de rappeler que la qualification a une dimension collective » (VERNIERES, 2003, cité par KERBAL, EYMERY, 2004, p.172.)

confirmant ceux du CERC et de l'IRES en 2005, et de l'HORTY en 2004, concluent à une augmentation qui n'est pas significative. Par contre le changement fondamental résiderait dans les formes de transition de l'emploi vers le non emploi, avec le passage d'une mobilité choisie (démission) à une mobilité imposée (chômage, précarité, licenciement).

Le contrat à durée déterminée ou l'intérim, en tant que nouvelles normes d'embauche et de régulation du marché de l'emploi, se traduisent à la fois, par une sélection renforcée en prolongeant la période d'essai légale dans les faits, et constituent une pression sur les salariés qui souhaitent obtenir un contrat CDI.

Par ailleurs, ce système favorise la rotation importante du personnel que nous avons pu observer, ce qui entraîne un ajustement permanent des effectifs en fonction de l'activité et surtout, des objectifs budgétaires des entreprises définis par les impératifs des marchés financiers.

Ce recours massif aux CDD devient un facteur de mobilité contrainte, dont l'un des effets pervers est de dissuader la mobilité choisie (démission) pour les salariés.

Il favorise le développement des horaires atypiques et le déclin des horaires collectifs qui ont historiquement structuré l'emploi dans le commerce.

Il contribue également à structurer des représentations d'insécurité sociale qui ne sont pas toujours fondées sur des éléments objectifs.

Fig. 54

Le sentiment de sécurité en emploi selon le type de contrat

Source : enquête ECHP, 1994-2001.

C'est ainsi qu'une étude du CERC de 1993, montrait qu'un salarié sur deux, dans le privé, redoutait la perte de son emploi dans les deux ans à venir. Cette vulnérabilité ressentie se révélait sans commune mesure avec la réalité41. Le rapport du CERC sur la sécurité de l'emploi (2005) montre que si le sentiment de sécurité s'est amélioré de 1994 à 2001, l'écart entre représentations et réalité sur ce point demeurent.

Cet aspect, nous semble, particulièrement important. En effet, les employeurs ont compris depuis longtemps les inconvénients d'une proportion d'emplois trop précarisés dans l'entreprise. Les évolutions que nous avons constatées chez Casino, l'illustrent parfaitement. Par contre, ce sont eux, qui tirent le principal bénéfice de ce sentiment d'insécurité lié au chômage et à la précarité. Il permet

41 Le pourcentage de licenciements en 1992 était de 4%.

de peser sur le climat social et d'alimenter un fatalisme peu propice à développer des luttes revendicatives sur les salaires, les conditions de travail, etc. Il est, paradoxalement, favorisé par le discours des organisations syndicales, dénonçant le phénomène, mais qui ne contribuent pas à éclairer la réalité objective des processus factuels dans les entreprises42.

Il faut comprendre l'insécurité sociale dans un sens plus large, c'est-à-dire qui résulte de plusieurs facteurs et de leur combinaison. Elle correspond à l'incertitude de l'existence, conséquence du paupérisme (au sens d'Engels, 1845). En effet, la sécurité ne peut se résumer à un palliatif au non travail. Il ne s'agit pas seulement de veiller à la sécurité des chômeurs, mais à la sécurité professionnelle, à celle du travail, de la santé et de l'existence en général.

Dans l'histoire de la construction de l'Etat social, la transformation de la notion d'assistance liée aux assurances privées en concept de sécurité sociale en passant par le stade des assurances sociales, est liée de façon étroite à la notion de plein emploi (Hatzfeld, 1971). On peut expliquer cette transformation, par le passage d'une société fondée sur la propriété qui procure la sécurité à partir de la garantie patrimoniale, à une société fondée sur le salariat qui constitue une propriété virtuelle et qui va créer les institutions nécessaires à la garantie de la sécurité.

Aujourd'hui, c'est bien la notion de flexibilité dans sa triple dimension temporelle, fonctionnelle et salariale qui fragilise cette propriété virtuelle, constituée par le contrat de travail, et qui change la donne de l'efficacité des institutions de protection sociale. Cette notion est justifiée par la valorisation du risque, érigée en nouvelle valeur fondamentale de notre société.

Cela mérite que l'on passe en revue quelques uns des aspects concrets que revêt cette flexibilité dans les différents obstacles qui se dressent tout au long des parcours professionnels, ou plus précisément, des trajectoires qui s'offrent aux salariés, et en particulier, aux jeunes :

· Les stages : C'est un passage pratiquement obligé pour les jeunes, dans le cadre de leur formation professionnelle ou (et) universitaire. Le concept est fondé sur le principe louable, d'une immersion dans l'entreprise, visant à donner aux stagiaires une connaissance pratique de l'entreprise et de leur futur métier. Malheureusement, l'importance et le poids du chômage des jeunes ont souvent transformé ces stages en périodes de travail, pas toujours en rapport avec leurs études et gratuit, acceptées par les intéressés, dans l'espoir d'une embauche à la fin.

La précarité de cet état ne peut que se traduire par une hésitation des intéressés face à la maladie à se soigner dans des conditions optimales qui contribue à structurer leurs craintes actuelles, dans leurs comportements futurs.

· Les contrats aidés : Nous avons vu l'influence de ce type de contrat dans l'évolution de la précarité. Ils contribuent également à ce qu'il est

42 Les moyens d'étude des confédérations syndicales sont relativement limités et consacrés pour l'essentiel à des travaux plus globaux sur les aspects macroéconomiques, par exemple, mais rarement sur les pratiques de gestion des entreprises ou sur les données issues des bilans sociaux et des bilans financiers. C'est ainsi, que le Centre d'Etudes Economiques et Sociales (CCES) de la CGT, réalise un travail remarquable d'analyse et de vulgarisation de la réalité économique au niveau français et international avec des moyens limités, mais ne dispose d'aucun moyen pour travailler sur les aspects statistiques des données sociales, économiques et financières disponibles sur les entreprises.

convenu de nommer pudiquement « la modération salariale » et à ce double titre favorisent une insécurité de l'existence.

· La création d'entreprise : C'est le symbole de la valeur risque, érigée en valeur suprême de la pensée libérale. A ce titre, il s'agit du moyen privilégié, et doté de toutes les attentions des pouvoirs publics, proposé, aux jeunes et aux licenciés pour créer leur emploi. 224.000 entreprises ont été créées en 2004, soit autant d'emplois précaires43.

· Le contrat de franchise : C'est la version modernisée des anciens contrats de gérance des Maisons à Succursales qui ont fait le succès de Casino à ses débuts et la version élaborée de la création d'entreprise. Il s'agit, typiquement d'une des formes d'organisation du travail qui transforme le salarié en employeur, tout en lui imposant des liens de subordination proches de ceux du statut salarié. C'est, d'ailleurs un modèle qui se développe fortement depuis quelques années en France, en particulier, dans le commerce et les services. En 2005 on compte un millier de réseaux de franchiseurs et près de 40.000 franchisés. Le principe, consiste à proposer un concept commercial « clés en main » (enseigne, aménagement de l'espace de travail, publicité, fournisseurs, produits ou services, prix, logiciels de gestion et de reporting, etc.) à un salarié (le franchisé), qui crée et finance son fonds de commerce et qui payera un droit d'entrée moyen de 12.200 € et une redevance au franchiseur, en échange des services rendus. Cette redevance est souvent importante (de 5 à 15% du CA) et place le franchisé dans une position où, responsable de son propre contrat de travail salarié et de ceux de ses éventuels employés, il ne peut garantir son revenus qu'en augmentant son temps de travail et en reportant sur ses propres employés (lorsqu'il en a) l'exploitation que lui-même subi.

· Le contrat de travail : Paradoxalement, l'emploi salarié continue de progresser en France. C'est essentiellement lié à la diminution du nombre de commerçants, artisans et agriculteurs. Ce sont, pour l'essentiel, les secteurs du grand commerce et des services qui ont crée le plus d'emploi dans les dernières années dont l'effet a été le plus souvent de substitution d'un emploi stable et qualifié par des emplois précaires a été important. Il faut rajouter à ces éléments, la dérégulation législative, conventionnelle (au sens des conventions collectives) et contractuelle du contrat de travail qui ont permis une forte flexibilisation de celui-ci avec des conséquences multiples et en particulier sur le plan salarial (resserrement de la hiérarchie des bas et moyens salaires, ralentissement des promotions, limitations des hausses de salaires, etc.).

L'analyse des données recueillies chez Casino, va nous permettre d'illustrer, chacun de ces éléments.

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43 La pérennité des entreprises nouvelles est à peine de 50% au bout de 5 ans (INSEE, SINE).

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L'évolution du commerce a toujours été déterminante dans celle des systèmes économiques et sociaux. La modernisation et le développement des techniques commerciales ont joué un rôle structurant dans l'évolution de la législation sociale des 50 dernières années, en particulier, en institutionnalisant une précarisation de l'emploi et un travail morcelé, fondés sur la déréglementation des contrats et du temps de travail.

Depuis l'avènement du libre service et des grandes surfaces, les profonds changements dans l'organisation du travail que le secteur a connus, ont joué un rôle précurseur dans l'évolution de la politique sociale du pays et, en particulier, sur les incitations à modifier le CDI en tant que norme contractuelle de l'emploi, pour multiplier les contrats atypiques. Il a, ainsi, bénéficié largement des aides publiques attachées à ce type de contrats et, plus particulièrement, des exonérations de cotisations sociales.

Ces transformations ont eu des conséquences durables en matière de conditions de travail et de santé liées à la multiplication des contraintes physiques, environnementales et organisationnelles auxquelles les salariés du commerce sont soumis. Les évolutions rapides de ces contraintes, mises en évidence par les enquêtes sur les conditions de travail, montrent une spécificité pour les employés de commerce, en matière de pénibilité du travail.

C'est à partir de ces résultats que nous allons aborder le cas empirique de CASINO afin d'illustrer ces mécanismes.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci