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les problèmes fonciers en zone de front pionnier agricole: cas de Dèrègouè dans la province de la Comoé

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par Sihé NEYA
Université de Ouagadougou - URF/SH - département de géographie - Maîtrise 2006
  

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4.3. LA DURABILITE DES DROITS D'USAGE SUR LA TERRE DANS LA ZONE DE DEREGOUE

Nous définissons la durabilité comme étant le temps durant lequel un exploitant a pu exploiter la parcelle qu'il lui a été cédé. C'est la durée d'un droit calculé à partir de la période d'acquisition d'une parcelle et la période de rupture d'une transaction foncière. Cette durabilité des droits d'usage sur la terre est fonction du type de modes d'accès à la terre.

Dans les modes d'accès à la terre à durée illimitée la longévité des droits de culture est relative. Car même si les droits d'usage sont dits permanents bon nombre ne sont pas « définitifs ». En effet, nos enquêtes ont révélé que la durabilité de certains droits d'usage sur la terre détenus par des migrants et des autochtones est de 20 à 30 ans. Par contre, du fait des retraits et réductions de terre ainsi que des déguerpissements, des droits détenus à majorité par des migrants n'ont pas atteint cette durée. Sur les 28 chefs d'exploitation agricole victimes d'annulation de droits d'usage sur la terre, 53% ont pu jouir de leurs droits sur une période comprise entre 0 et 5 ans, 28,6% sur une période allant de 5 à 10 ans et 18% entre 10 et 20 ans. Cet état de fait vient témoigner une fois de plus du caractère non-définitif des droits issus des contrats permanents que nous avons désignés sous l'appellation mode d'accès à la terre à durée illimitée.

Pour ce qui concerne les modes d'accès à la terre à durée limitée, la durée de validité des droits de culture est en général d'une campagne agricole. Mais, certains exploitants ont pu jouir de ces droits saisonniers pendant plus d'une saison de culture, car ayant été renouvelés. Ces contrats saisonniers sont rarement renouvelés plus de 5 fois.

Les problèmes d'accès à la terre et de leur mise en valeur sont des situations qui ne sont pas appréciées par les exploitants, ce qui affecte très souvent les pratiques agricoles, les rapports sociaux, etc.

4.4. LES INCIDENCES ENGENDREES PAR LES PROBLEMES FONCIERS

Les incidences engendrées par les problèmes fonciers sont perceptibles à travers : la disparition de la jachère, le nomadisme agricole, le poids du loyer en nature sur les ménages, les conflits fonciers et les migrations de départ.

4.4.1. Les incidences sur les pratiques agricoles 4.4.1.1. La disparition de la jachère

Tant que la terre est disponible et les demandes moins fortes, la convoitise des espaces cultivables dévient moindre; en conséquence, les champs en jachère peuvent rester sans susciter des polémiques. Ce constat part du fait que les terres mises en jachère stimulent de plus en plus des intentions de remise en cause des contrats fonciers du fait du manque de terre conjugué à la forte demande. Pour prévenir ces situations, les exploitants, en particulier les migrants, s'abstiennent de mettre leur terre en jachère.

Lorsqu'un exploitant laisse sa terre au repos, cela sous-entend qu'il a assez de parcelles en réserve et que les terres qu'il a ensemencées suffisent pour satisfaire ses besoins. Et comme d'autres exploitants en ont besoin, ces jachères sont reprises pour ensuite être réattribuées. « Si tu laisses ta parcelle au repos (allusion faite à la jachère) les propriétaires terriens disent que c'est parce que tu en as beaucoup que tu gardes d'autres au repos, et ils profitent te la retirer pour ensuite la céder à d'autres migrants. Souvent ce sont les migrants qui vont dire aux chefs que tu ne veux plus cultiver ton champ et qu'eux en ont besoin. Comme ces derniers proposent de l'argent, les dougoukolotigew, surtout les jeunes, n'hésitent pas à te la retirer pour ensuite la réattribuer à d'autres migrants ». C'est ce que nous a confie OA, un migrant mossi installé dans la zone en 1987. Au risque donc de perdre une parcelle parce qu'elle est mise en jachère, certains préfèrent la céder sous forme de prêt, métayage ou location pour en tirer profit. Cela entraîne l'exploitation continue des terres au détriment de la pratique de la jachère. Cette technique est en général remplacée par l'utilisation intensive des engrais lorsque le rendement baisse.

4.4.1.2. Le « nomadisme agricole » et le blocage des investissements pérennes

Le nomadisme agricole est la conséquence du manque de stabilité sur les parcelles exploitées. Il se traduit par la mobilité agraire qui renvoie aux mouvements des exploitations

agricoles dans l'espace. Par exemple, lorsque les contrats de courte durée d'un exploitant ne sont pas renouvelés, celui-ci est obligé de renégocier d'autres contrats fonciers pour pouvoir continuer son activité. Ce qui l'amène à ouvrir un nouveau champ à un notre endroit. Ce nomadisme agricole est aussi visible lorsque les paysans se voient interdire l'exploitation de leurs champs par les propriétaires terriens coutumiers ou par les autorités administratives. Après le déguerpissement qui a eu lieu dans à Dèrègouè, certains ont abandonné leur champ situé dans la zone pastorale pour en renégocier de nouveaux dans la zone agro-pastorale.

Le blocage des investissements pérennes est lié au refus de permettre à un exploitant de réaliser des investissements durables dans son champ et aux contrats de courte durée (1, 2, 3 ou 5 ans). Lorsqu'ils ne bénéficient pas d'autorisation pour planter, de moyens financiers pour s'octroyer ce droit ou parce qu'ils jouissent de droits temporaires, de nombreux migrants n'arrivent pas à pratiquer la culture arbustive sur les parcelles.

Les incidences ne sont pas perceptibles seulement au niveau des pratiques agricoles, car les problèmes fonciers affectent aussi la situation socio-économique des paysans.

4.4.2. Les incidences sur le plan socio-économique

La charge du prélèvement du loyer en nature sur la production des ménages et les conflits fonciers sont les principales incidences socio-économiques des problèmes d'accès à la terre à Dèrègouè.

4.4.2.1. L'impact du prélèvement du loyer en nature sur la production des ménages

Le prélèvement du loyer en nature sur la production des métayers est perçu comme une charge insupportable pour certains. Les exploitants qui cultivent des champs qu'ils estiment petites en superficies pour faire face aux besoins des membres de leurs ménages jugent que le prélèvement du loyer en céréales sur leur production constitue une charge économique. Pour eux, les récoltes ne suffisent pas aux besoins de subsistance de la famille et lorsque les chefs viennent à prélever cette redevance, cela aggrave davantage la situation. Mais ceux-ci n'ont d'autres choix que de s'acquitter de cette contrepartie périodique quitte à se voir retirer leur parcelle du moment où leur confrère migrant s'acquitte des leurs.

Si pour les métayers le loyer a un impact négatif sur leur production, ce n'est pas le cas pour les propriétaires terriens. Le loyer annuel représente une source de richesse pour ces propriétaires, car chaque année ce loyer est acheminé vers les marchés locaux et urbains pour être vendu ce qui leur procure des revenus. Selon certains migrants, c'est cette redevance

périodique qui a permis à des propriétaires de s'enrichir (construction de maison en ciment, achat de mobylette, radio, télévision, etc.).

4.4.2.2. Les conflits fonciers et leurs résolutions

Les conflits fonciers opposent d'une part les autochtones entre eux puis ceux-ci et les migrants, et d'autre part les éleveurs aux agriculteurs ainsi que l'Etat aux agriculteurs. Ces différends sont la conséquence des retraits de terres, des réductions de superficie, du non- respect des clauses des transactions, des dégâts d'animaux et du déguerpissement.

Bien qu'ils soient fréquents dans la zone, nous n'avons été témoin que de sept (7) conflits fonciers au cours de nos travaux de terrain: Trois (3) différends causés par les dégâts d'animaux, deux (2) relatifs à la révocation des droits d'usage sur la terre et un (1) lié au non- respect des limites de parcelles et un (1) autre lié à l'implication des jeunes dans la gestion foncière. Ainsi, nous avons pu identifier les conflits suivants:


· Les conflits fonciers entre autochtones

Ce sont des désaccords entre les membres d'un même lignage dans la gestion foncière. Certains jeunes se trouvent confrontés aux aînés parce qu'ils attribuent les terres aux migrants sans consulter les plus âgés. En revanche, les jeunes n'apprécient pas le fait que leurs aînés attribuent des terres aux migrants en contrepartie d'argents dont ils ne bénéficient guère. Ainsi, chaque jeune cherche à attribuer de façon personnelle la terre sans interférence d'un autre membre du lignage. Cette situation s'explique par deux raisons : d'abord les jeunes veulent se garantir des réserves pour l'avenir et veulent profiter de l'arrivée massive des migrants agricoles en leur attribuant des parcelles, le plus souvent par la « vente ».

Monsieur KS est le neveu d'un des chefs de terre de la zone d'étude, et du fait de l'âge très avancé de son oncle (le chef de terre, frère aîné de sa mère) il a eu le privilège d'être le cédeur des terres relevant du territoire coutumier de son oncle. Le fils légitime du chef de terre ne pouvait assumer cette tâche à cause de son jeune âge. Mais au fil des années, ce dernier s'impliquait dans l'attribution des terres aux migrants sans le consentement de son cousin KS. Celui-ci n'a pas apprécia pas cette attitude, et le fait de voir le fils du chef impliqué dans la gestion des palabres relatives au conflit n'est pas aussi vu d'un bon oeil. Aujourd'hui, un conflit latent existe entre les deux cousins du fait de l'émancipation du jeune cousin dans la gestion foncier. Pour certains témoins de ce litige latent « ce sont les fortunes (construction de maison en dur, achat de moto, train de vie de la bourgeoisie villageoise, etc.)

qu'obtient K.S à travers la gestion des terres qui ont incité le fils légitime du chef de terre à s'y impliquer de plus en plus ».

· Les conflits entre les autochtones et les migrants

Ils résultent de l'opposition manifestée vis à vis de certaines pratiques telles que les retraits de terre et les réductions de superficie ainsi qu'au non-respect des interdits imposés aux migrants (interdiction de planter, de céder la parcelle à une tierce personne sans accord des chefs de terre, respect des limites des terrains cédées, etc.). Ce sont des situations qui ont émergé à partir de l'année 2000, période marquant le début l'intensification des migrations dans notre zone d'étude.

· Les conflits entre les éleveurs et les agriculteurs

Ils sont récurrents dans la zone pastorale et déclenchent suite à des dégâts de champ par le bétail. Même si ladite zone revient de droit aux éleveurs, il ne faut cependant pas occulter le fait qu'elle est revendiquée par les agriculteurs qui n'approuvent pas les incursions de bétail des pasteurs dans leurs champs. Selon les éleveurs, c'est le manque de pistes pour conduire le troupeau vers les pâturages et les points d'eau suite à « l'envahissement » de la zone pastorale par les agriculteurs qui rendent récurrents les incursions de bétail dans les champs. Par contre, pour les paysans, la période de mobilité (période de récolte) des éleveurs n'est pas propice et les dégâts de champs par les animaux sont prémédités par les éleveurs peul, mais il est difficile de mettre un terme à cette situation puisque le site revient de droit aux éleveurs. L'inertie des agriculteurs face aux dégâts de champs par le bétail est confirmée par DS, éleveurs installé dans la zone pastorale de Dèrègouè il y'a 10ans : « Avant, lorsqu'il y 'a des incursions de bétail dans les champs situés dans la zone pastorale, les paysans en faisaient un problème et il y 'avait toujours des querelles. Mais depuis qu'ils ont été déguerpis pour la première fois, ils ne se plaignent plus lorsque des dégâts sont causés dans leurs champs par les troupeaux de bétails. ».


· Les conflits entre les agriculteurs et Etat

Le premier conflit a été perceptible à travers le déguerpissement foncier. Ce conflit s'est traduit en deux phases: le préavis de suspension des activités dans la zone pastorale qui fut désapprouvé par les agriculteurs et le déguerpissement sous la direction des forces de l'ordre. Si certains agriculteurs se sont réinstallés dans la zone après une demande adressée aux autorités administratives, d'autres par contre se sont réinstallés parait-il sous pression des hommes politiques.

La résolution des conflits à Dèrègouè impliquent plusieurs acteurs : les chefs de terre, le préfet, les RAV et souvent les agents techniques de l'agriculture ou de l'élevage. Les protagonistes exposent leurs problèmes en vue d'une résolution aux acteurs qui peuvent départager à leur faveur. C'est le cas de certains migrants qui préfèrent soumettre leurs problèmes au préfet lorsqu'ils n'ont pas été satisfaits au niveau du village. Au fait ce sont les conflits qui opposent les migrants aux propriétaires terriens qui sont le plus souvent exposés à l'autorité administrative. Par contre, lorsque les protagonistes sont tous des migrants, les faits sont soumis aux chefs de terre ou aux RAV qui leur départagent. Souvent, ces deux instances de régulation s'unissent pour trancher un litige. Dans ce cas de figure, l'autorité administrative est le dernier recours lorsque l'arbitrage n'a pas été satisfait à l'échelle locale.

Les différentes émanations de l'Etat et les services techniques s'impliquent dans les conflits qui opposent les exploitants agricoles aux éleveurs. Par exemple, pour résoudre la question des conflits entre éleveurs et agriculteur dans la zone pastorale, ils ont décidé du déguerpissement des agriculteurs. Les services techniques, notamment les ATC, sont aussi impliqués dans la résolution des litiges qui opposent les agriculteurs aux éleveurs et qui résultent des dégâts de champ de coton par le bétail. Leur rôle est, comme nous l'avons constaté à Hobaga, de faire le constat des dégâts et d'en évaluer le coût qui sera communiqué à l'éleveur dont appartenait le troupeau. Pour entrer en possession de son troupeau, celui-ci doit s'acquitter du coût des dégâts estimés par L'ATC.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire