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La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application

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par Caroline Levron
Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007
  

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2.3. L'absence de consensus face à la loi

2.3.1. Un problème initial : l'image controversée des logements sociaux

2.3.1.1. L'imaginaire des « cités HLM »

La dégradation des grands ensembles depuis les années 1960 a donné naissance à une image négative de ces HLM. En 2001, 70 % des Français interrogés voient ces habitations à loyer modéré comme des endroits « bruyants, sales et surpeuplés ». C'est en particulier contre ces préjugés que la loi SRU a du se battre afin de rentrer en vigueur.

L'architecture

Symbole de modernité dans les années 1950, les grands ensembles et leur architecture ont vite fait l'objet de critiques. Ces constructions massives et rapides ont privilégié des formes géométriques (barres et tours) sur des terrains larges et peu chers, d'où le choix des champs agricoles ou maraîchers. Ce phénomène ajouté aux modes de financement uniquement réservés au logement seul, explique l'absence d'infrastructures à proximité de ces immeubles HLM, qui deviennent de véritables « cités-dortoirs ». Face à cette monotonie architecturale de ces logements très peu intégrée au tissu urbain, les sociologues et artistes émettent leurs premières réserves. Regroupant souvent plus d'un millier d'appartements, les intellectuels parlent déjà de « cages à lapins ». En 1958, le philosophe Gaston Bachelard publie La Poétique de l'espace dans laquelle, il nomme les logements, les « boîtes superposées ». Peu après, les événements de Mai 68 continuent d'accentuer cette tendance. La critique marxiste dénonce un urbanisme jugé ségrégatif et le slogan « Le capitalisme ne loge pas les travailleurs, il les stocke » est désormais de vigueur.

Vus comme une solution temporaire afin de répondre à la crise et devant être abattus rapidement, le matériel utilisé pour la construction des grands ensembles n'était pas non plus de grande qualité. L'édification de masse incitait aux économies d'échelle, obtenues par l'utilisation de matériaux standardisés et produits en série, à une époque où l'industrie de fabrication en série bat son plein. Plus tard, les habitants réaliseront les problèmes d'espace des appartements, l'absence d'isolations phoniques ou thermiques, la dégradation rapide des façades à cause du béton utilisé ; les murs se fissurent ou ressemblent à du gruyère et les ravalements sont rares.

Les habitants

Dans les années 1950 et 1960, les grands ensembles représentaient un « modèle » de mixité sociale ; ils constituaient souvent un tremplin avant l'accès à la propriété privée pour certaines catégories socioprofessionnelles. On y dénombrait alors une moitié d'ouvriers qualifiés, le reste des logements se répartissant de façon quasiment équivalente entre les cadres moyens ou supérieurs, employés et professions libérales. Mais les années 1970 voient l'arrivée des populations plus précaires et les immigrés.

Dès les années 1980, des études sont menées sur les habitants de ces logements sociaux ; les variables observées à cette période restent constantes les années suivantes. Les employés et les ouvriers y sont fortement sur représentés quant au statut d'emploi précaire, il est plus important par rapport à la moyenne nationale (20 % en CDD, intérim, employés aidés et stage contre 13,9 % pour la moyenne nationale). L'échec scolaire étant particulièrement important, la proportion de non qualifiés est deux fois supérieurs à la moyenne nationale (33,1 % contre 18,7 %). Quant à la part des chômeurs dans la population active, elle représente 25,4 %, touchant les jeunes (39,5 % des 15-25 ans), les femmes (27,5 %) et les immigrés (35,3 %)54(*). Dans les sannées 1980, la catégorie des chômeurs âgées avait particulièrement augmenté à cause des licenciements économiques.

Les cités HLM concentrent alors les populations les plus pauvres ; dès la fin des années 1980, deux tiers ont un revenu inférieur au revenu médian. Enfin, près d'un tiers de la population est d'origine étrangère dont 80 % hors pays européen et près de la moitié d'origine maghrébine. La proximité entre ces deux populations (française en régression et immigrée sans perspective d'avenir) rend la cohabitation tendue et difficile. Quant aux familles monoparentales ou les ménages de six personnes et plus, ils sont aussi particulièrement représentés.

Au cours des années 1980, les habitations sociales ont regroupés les ménages de plus en plus modestes. A cette période, les premiers reproches de l'ensemble de la société apparaissent à leur encontre et forge l'image négative dont souffre encore aujourd'hui les logements sociaux : « leurs enfants sont livrés à eux-mêmes », « ils vivent à crédit », « ne paient pas leur loyer mais achètent une télévision couleur en s'endettant », « pondent un enfant par an pour vivre des allocations familiales » ou encore « font du bruit et traînent dehors jusqu'à pas d'heure ».

Entre ennui et violences

L'inactivité étant particulièrement forte dans les grands ensembles et les infrastructures rares, beaucoup cèdent à l'ennui et au désoeuvrement. Les expressions populaires parlent d'« ennui dans le béton » ou des jeunes qui « tiennent les murs » en référence au fait qu'ils restent appuyés contre ceux-ci une grande partie de la journée. Les habitants en viennent à détester leur propre cadre de vie ; les tags et graffitis servent d'exutoire pour exprimer leur mal-être, tout en confirmant la dégradation du cadre de vie et la mauvaise réputation des logements sociaux ; dans l'inconscient collectif, la banlieue est par excellence le lieu de marginalisation.

Ces sentiments de frustration refoulés finissent toujours par exploser dans des actes de violences. La sociologue Sophie Body-Gendrot, défini le terme de « violence urbaine » par « des actions faiblement organisées de "jeunes" agissant collectivement contre des biens et des personnes, en général liées aux institutions, sur des territoires disqualifiés ou défavorisés »55(*). Entre bagarres, racisme, organisation d'un trafic de drogue souterrain, problèmes de voisinage ou émeutes urbaines, ces événements violents contribuent à accroître le sentiment d'insécurité et de méfiance vis-à-vis des grands ensembles et surtout vis-à-vis des populations qui les habitent. Souvent les cités prennent des surnoms destinés à caractériser l'ambiance qui y règne et elles sont vues comme le lieu où il ne faut pas s'attarder. D'autant plus qu'à partir des années 1980, le

thème de la banlieue va devenir récurrent dans les médias et accroître leur mauvaise image.

* 54 Source : INSEE. Recensement 1999.

* 55 Sophie Body-Gendrot, « L'insécurité. Un enjeu majeur pour les villes ». Sciences humaines n° 89, décembre 1998.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery