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La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application

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par Caroline Levron
Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007
  

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2.3.2. Des clivages sociologiques et politiques persistants

2.3.2.1. La ghettoïsation par le haut60(*)

Mélanger les classes sociales afin de favoriser l'environnement dans lequel évoluent les groupes fragiles est un enjeu de la loi SRU. Mais pour parvenir à s'imposer, la loi doit lutter contre les stratégies de certaines classes.

Dans l'imaginaire collectif, la notion de « ghetto » fait référence aux quartiers pauvres situés à l'écart de la ville ; les banlieues françaises ou européennes et surtout les gated communities américains en sont les meilleurs exemples. Cependant, plusieurs enquêtes61(*) ont démontré que ce terme pouvait aussi s'appliquer aux classes supérieures. Les stratégies de l'ensemble des groupes visant à éviter le degré immédiatement inférieur de l'échelle sociale ont été mises en lumière ; les personnes favorisées mettent en oeuvre une ségrégation choisie alors que les plus modestes doivent subir la concentration selon leurs conditions identiques. Dans le premier cas, c'est la mise à l'écart et l'installation dans un environnement considéré stable et aisé qui est recherché (choix de l'école ou la composition ethnique et sociale du voisinage). Du coup, les classes favorisées vont en général s'installer dans les quartiers où elles sont déjà les mieux représentées. En conséquence, plus que la proximité des infrastructures, c'est cette concentration bourgeoise qui crée un effet de levier par les prix ; les logements habités par les plus aisés contribuent à y maintenir des tarifs élevés, condamnant ainsi les plus modestes à vivre ailleurs. Le Conseil d'Analyse Economique a d'ailleurs montré en 2001 que les inégalités de rémunérations ont tendance à s'accroître : les revenus des habitants des plus communes les plus riches augmentent tandis que ceux des habitants des communes les plus pauvres diminuent62(*).

Au milieu de ces deux groupes, les classes moyennes essaient de se maintenir au niveau des favorisés. Cependant, le net recul de la classe ouvrière et la hausse significative des cadres sont à l'origine d'une nouvelle organisation du territoire. Les seconds s'accaparent des pans entiers de l'espace urbain (centre-ville et autres zones les plus proches des équipements) reléguant ainsi les classes moyennes à la périphérie. Alors que celles-ci souhaitent se maintenir avec les groupes fortunés, la frontière avec les plus modestes se réduit, d'où le réflexe de l'« entre-soi ». Afin de ne pas se mélanger avec les moins fortunés, les classes moyennes s'installent aussi dans les endroits où elles sont déjà présentes ; les villes-étau entre riches et pauvres se créent.

A noter que la création de « ghetto de riches » passe beaucoup plus inaperçue aux yeux de la société que la concentration des classes pauvres. Les quartiers précaires regroupent énormément les populations immigrées et sans diplôme ; la nationalité ou la couleur de peau sont des aspects encore plus stigmatisant que les revenus. D'ailleurs, un enfant d'immigrés ou de chômeur a quatre fois plus de proportion de vivre dans un quartier où ces groupes sont déjà sur-représentés qu'un enfant de parents nés en France ou ayant un emploi. Les classes modestes se retrouvent prises dans un cercle vicieux : elles n'ont pas les revenus nécessaires pour acheter un logement mais en même temps subissent les discriminations raciales ou « territoriales » sur plusieurs aspects dont le travail. Les employeurs ont une certaines réticence à embaucher les habitants des grands ensembles : « Je n'ai pas une tête qui fait peur mais quand vous habitez le Val-Fourré, l'étiquette, elle est sur votre dos et sur votre front. Depuis qu'un copain a déménagé, il arrive à trouver un boulot. Il n'y a plus marqué "Mantes-la-Jolie" sur sa carte d'identité »63(*).

Au final, la ségrégation n'est pas tellement une situation d'inertie mais le résultat d'un processus stratégique. Elle correspondrait encore plus au résultat d'une fuite des classes aisées par rapport aux classes moyennes que la séparation subie des pauvres par rapport au reste de la société. Pour Eric Maurin64(*), loin d'être un modèle de mixité sociale, les Habitation à Loyer Modéré le sont pourtant un peu plus que les ghettos de riches. En effet, les gestionnaires de HLM essaient de trouver un équilibre ethnique et social au sein de leur parc, donnant ainsi des résultats différents que si le choix du lieu de résidence revenait aux familles seules. Ainsi la loi SRU a dû lutter contre cet aspect des familles prenant en compte l'influence des autres sur elles mais ne considérant pas leur influence sur les autres.

* 60 Voir Annexes. Tableau La ghettoïsation par le haut, page 114.

* 61 Voir en particulier l'enquête de PINÇON Michel et PINÇON-CHARLOT Monique, Dans les beaux quartiers. Paris : Seuil, 1989 ou encore celle de LE WITA Béatrix, Ni vue ni connue. Paris : Edition de la Maison des Sciences de l'Homme, 1998. Ces enquêtes s'intéressent au regroupement et aux coutumes des classes bourgeoises. Dans son ouvrage Le Ghetto français, Eric MAURIN illustre le même constat quant à l'« entre-soi » des classes aisées.

* 62 Conseil d'Analyse Economique, Rapport Revenu et territoire, 2001.

* 63 ELIAS Abdellah et MAMOUDOU Ozean, « Un autre handicap : celui d'être étiqueté Val-Fourré ». Le Monde, mardi 4 juin 2002.

* 64 MAURIN Eric, Le Ghetto français. Enquête sur le séparatisme social. Paris : Seuil, collection « La République des idées », 2004.

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