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La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application

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par Caroline Levron
Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007
  

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2.3.3. Réserves et refus face à la loi : les arguments

Dès son évocation, certains élus ont fait part de leur contestation vis-à-vis de la loi SRU. De leur côté, les chercheurs ont montré leur scepticisme, la notion de « mixité sociale » restant assez confuse et manquant de fondements scientifiques ; petit tour d'horizon des arguments en défaveur de cette législation.

2.3.3.1. L'« entre-soi » : un principe nécessairement négatif ?

Ne souhaitant pas forcément cohabiter avec les autres groupes sociaux, le choix résidentiel répond à la logique de l'« entre-soi ». Ce désir est à l'image des grands ensembles des années 1950-1960, qui, dans un premier temps, sans être le modèle de mixité sociale, s'en approchaient. Néanmoins, la cohabitation s'est très vite révélée comme éphémère, les catégories sociales différentes aspirant chacun à des trajectoires distinctes avec des valeurs hétérogènes. Pour nombre d'habitants, leur passage dans les grands ensembles était vu comme une situation bien temporaire et ce dès leur installation.

De ce constat, tout le monde s'accorde sur le point que le regroupement des plus modestes dans des quartiers défavorisés revient donc plus à une situation subie, étant donné qu'elle est le fruit des stratégies des classes aisées et moyennes. Cependant, certains nuancent le degré de subordination et s'interrogent sur le regroupement comme aspect négatif, dans une société française qui prône l'égalité et où la citoyenneté est érigée comme principe fondamental au dépend des particularismes communautaires. C'est le cas du sociologue Philippe Estèbe. Pour ce dernier, ces mêmes quartiers défavorisés n'ont jamais exprimé clairement la volonté que des politiques soient élaborées en leur faveur ; aucune demande sociale n'a été faite savoir par le biais de mouvements sociaux ou d'expression politique organisée71(*). Par cet argument, il rebondit sur un point de vue déjà exprimé par Jean-Claude Toubon en 199272(*). Le sociologue estimait que la mixité sociale n'était pas un enjeu construit par la société vivant au coeur des quartiers visés par ces politiques ; du coup, la vision était souvent biaisée par les représentations que les habitants se font eux-mêmes de leur espace. Ainsi, les classes modestes, comme à l'image des classes les plus favorisées, ne verrait pas toujours comme une contrainte le fait de partager des caractéristiques communes avec l'entourage vivant dans le même quartier. La décision d'habiter un certain quartier n'est pas toujours un choix par défaut. Le regroupement social, qu'il soit plus ou moins subi, ne serait donc pas forcément vu comme une ségrégation. Dans les années 1930, les fameux travaux de l'Ecole de Chicago avaient déjà montré l'importance du rôle des regroupements d'immigrés dans leur processus d'assimilation.

Quant à certains travaux, ils avaient mis en avant le rapport à la mixité sociale dans ces quartiers assez défavorisés. Si les conditions de ressources sont proches, la moindre différence sociale (statut par rapport à l'emploi) ou culturelle (origines des individus) peut être vue comme un signe de mixité ; cette perception est souvent due aux critères utilisés par les statistiques et les médias afin de qualifier les habitants de ces territoires.

Au contraire, des études menées sur la cohabitation remettent en cause le lien proximité et intégration. Le rapprochement spatial entre les individus issus de classes différentes ne réduirait pas nécessairement la distance sociale entre eux. Les cultures différentes, les trajectoires et ambitions divergentes pourraient inversement provoquer de nouvelles tensions et accentuer la distance symbolique entre les groupes73(*). Ce constat serait peut-être encore plus visible dans les villes « huppées » où les chances de voir s'établir des liens entre les catégories favorisées et défavorisées est plus problématique. L'effet de ségrégation persisterait simplement à une échelle plus petite.

Selon ce point de vue, les chercheurs préconisent plutôt des politiques à l'image de celles menées dans les années 1980. Au lieu de chercher à disperser contre leur volonté les individus sur le territoire, le regroupement social ne doit-il pas être tout simplement accepté ? Toutes ces théories renvoyant alors à l'état de ségrégation comme état naturel de la ville, les politiques cherchant à améliorer le cadre de vie et les services seraient plus adaptées dans ces circonstances.

* 71 ESTEBE Philippe, « L'habitant ou le cher disparu. Disparition, apparition et résurgences de l'habitant comme figure de la participation politique en France ». Les Cahiers de la sécurité n°49, 2002.

* 72 TOUBON Jean-Claude, « Du droit au logement à la recherche de la diversité ». Homme et migrations n°151-152, février/mars 1992.

* 73 PINÇON Michel, « Habitat et mode de vie, la cohabitation des groupes sociaux dans un ensemble HLM ». Revue française de sociologie, octobre/décembre 1981.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery