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La Loi SRU : une loi en péril ? Controverses et difficultés d'application

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par Caroline Levron
Université Paris X-Nanterre - Science sociale, sociologie-économie 2007
  

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2.3.3.3. Ne pas atténuer les discriminations

Cet argument a surtout été mis en avant par les mouvements luttant contre les discriminations ethniques. En effet, les textes de la loi SRU n'ont donné aucune définition précise concernant les critères de mixité sociale. Implicitement, ces critères sont reconnus comme étant associés à la catégorie sociale et aux revenus ; mais les populations immigrées étant particulièrement concentrées dans les grands ensembles, l'origine ethnique des individus est sous-entendue. Or, selon le principe républicain toute référence aux origines est condamnée par loi. En 2001, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés a d'ailleurs rappelé qu'un bailleur n'a pas le droit de recueillir des informations concernant le pays d'origine de la personne candidate à un logement social. Donc en même temps que l'origine est contenue dans le principe de mixité sociale, les dispositions nécessaires ne peuvent être mise en oeuvre.

2.3.3.4. Ternir l'image des villes

La loi étant élaborée dans la sphère politique, c'est certainement l'argument qui a été le plus mis en avant car il faisait référence au clivage gauche-droite ; la gauche étant traditionnellement associée aux politiques sociales dans le logement et la droite à la propriété privée. A ce moment, les prises de positions sur fond de couleurs politiques n'avaient pas manqué d'être précisées. Pour Eric Raoult député-maire UMP du Raincy (Seine Saint-Denis) et ancien ministre délégué à la Ville dans le gouvernement Juppé, ce texte ressemblait « plutôt à un tract électoral qui aurait pour but de faire passer à des maires de gauche l'idée que les maires de droite sont égoïstes »76(*). D'autres avaient qualifié le projet de « loi stalinienne ».

Quant à l'image des logements sociaux dans l'imaginaire collectif, elle a eu un rôle à jouer lors des débats. Architecturalement, les habitations sociales sont automatiquement associés aux barres et aux tours, tels qu'ils ont été construits des années 1950 aux années 1970. Malgré l'un des aspects de la loi SRU visant à disséminer ces logements sociaux dans le tissu urbain, par le biais de petites structures, l'idée de « cages à lapins » et des « boîtes superposées » y restait associée.

En effet, les maires qui se sont plus opposés à cette loi, étaient ceux dont les quotas de logements sociaux étaient les plus bas, et donc le retard à rattraper parmi les plus conséquents. Si avant la loi SRU, ces communes construisaient des logements sociaux, c'était par petites unités qu'ils parvenaient à intégrer dans le tissu urbain (aménagement d'immeubles, d'hôtels particuliers...). Mais la nécessité de construire beaucoup en un temps limité a amené ces élus à penser que les habitations sociales devraient être édifiées sous la forme des grands ensembles. Ainsi Gilles Carrez, maire UMP du Perreux-sur-Marne précisait que « ses électeurs voient leur ville comme une citadelle assiégée entourée des tours des grands ensembles du Bois l'Abbé, de Fontenay-sous-Bois ou de Montreuil »77(*). Et Philippe Daillier sénateur UMP estimait que la loi en augmentant toujours le nombre de logements sociaux allait encore défigurer la Seine Saint-Denis. La loi SRU recréerait des problèmes dans les communes, comme le pensait Estelle Debaecker, maire de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) de 1995 à 2001.

A ces arguments, Eric Raoult indiquait que cette loi entraînerait des coûts pharamineux. Accueillir une population supplémentaire de quelques milliers de personnes suppose l'aménagement d'infrastructures supplémentaires comme des écoles, des crèches, des commerces ou de nouveaux transports.

A l'image de ces maires qui se sont clairement déclarés en défaveur de la loi SRU, ce sont surtout les maires de droite, en particulier à la tête de villes « huppées », qui avait fait connaître leur opposition à cette loi. Les problèmes nés de la politiques des grands ensembles étaient invoqués ; néanmoins, ils ne manquaient pas non plus de souligner que leurs villes inspiraient aussi le rêve et un sentiment de tranquillité, car elles étaient peu pourvues en logements sociaux. Eric Raoult avait ainsi spécifié que les habitants de sa ville recherchait une qualité de vie que les autres villes de Seine Saint-Denis ne pouvait pas leur offrir. Avant les débats à l'Assemblée Nationale, une pétition avait d'ailleurs été signée par l'ensemble des habitants de la ville qui, selon les termes du maire, avaient peur de voir arriver des gens de l'extérieur et en particulier des familles immigrées, avec tous les stéréotypes que cela suppose.

En plus, l'arrivée de logements sociaux sur le territoire pourrait avoir des effets dépréciatifs sur la valeur de l'immobilier, en réduisant le montant du patrimoine des habitants et cassant en partie les « ghettos de riches ». Or lorsque la législation n'imposait pas la construction, les préférences locales des mairies et les organismes HLM, faisant la chasse aux mauvais payeurs, ne manquaient pas d'opérer une sélection à l'entrée pour des raisons d'images et de clientélisme. Par exemple, la mairie de Neuilly-sur-Seine précise toujours sur son site Internet d'envoyer les dossiers en priorité dans la ville voisine de Levallois-Perret avant de faire appel à eux.

Le mot de la fin pour Jacques Myard, le député-maire UMP de Maisons-Laffitte (Yvelines) qui résumait la pensée de la fronde anti-SRU en déclarant que « les habitants de Sartrouville viennent se promener chez moi et travaillent dur pour y résider un jour. A quoi rêvent-ils si je construis des tours ? »78(*).

* 76 Cité dans DURIEZ Isabelle, « "Ce texte est un tract, pas une loi". Par Eric Rouault, maire de Rancy ». L'Humanité, mercredi 8 mars 2000.

* 77 Cité dans « Pauvres petites villes riches ». Marianne, semaine du mardi 13 mars 2001 au lundi 19 mars 2001.

* 78 Cité dans « Pauvres petites villes riches ». Marianne, semaine du mardi 13 mars 2001 au lundi 19 mars 2001.

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